• il y a 7 mois
"Il y a une frange indépendantiste radicalisée qui a continué de considérer qu'il y avait des gens plus légitimes que d'autres en Nouvelle-Calédonie", déplore Nicolas Metzdorf, député Renaissance de la Nouvelle-Calédonie. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-15-mai-2024-6808424

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00:00 Sonia Devilleur, votre invitée ce matin est députée Renaissance et rapporteur du projet de loi constitutionnel
00:07 réformant le corps électoral calédonien.
00:09 Bonjour Nicolas Metzdorf.
00:11 Bonjour.
00:11 Vous vous êtes couché à 3h du matin après une soirée tempétueuse à l'Assemblée nationale.
00:18 On va parler évidemment de cette loi qui a littéralement embrasé la Nouvelle-Calédonie.
00:23 Un mot d'abord sur ce qui s'est passé à 17 000 km de Paris.
00:28 Qu'est-ce que vous vous attendiez à une telle violence ?
00:32 La Calédonie a toujours été un territoire très violent, très armé, très politisé.
00:39 La question qui se pose aujourd'hui date des trois référendums.
00:43 C'est-à-dire est-ce qu'on respecte la volonté des Calédoniens d'avoir choisi la France
00:48 ou est-ce qu'on met plutôt en avant la revendication indépendantiste quoi qu'il en coûte ?
00:53 Et donc les Calédoniens qui étaient exclus du corps électoral depuis 25 ans,
00:59 je rappelle qu'il y a 13 000 Calédoniens qui sont nés en Nouvelle-Calédonie qui ne peuvent pas voter,
01:03 attendaient de pouvoir re-voter dans leur pays.
01:06 Et donc on a mis à l'Assemblée nationale une loi qui instaurait le droit
01:11 pour ceux qui sont présents depuis au moins 10 ans en Nouvelle-Calédonie de voter aux élections locales.
01:16 On va y venir évidemment, on va y venir, mais un mort par balle.
01:20 C'est le fantôme des années 80, des émeutes avant les accords de Matignon qui revient ?
01:28 Personne ne souhaite et n'a souhaité la mort de qui que ce soit en Nouvelle-Calédonie.
01:32 La perte d'un Calédonien c'est toujours quelque chose de tragique.
01:37 J'en veux beaucoup à l'hystérisation des débats du côté de la branche la plus radicale des indépendantistes
01:44 qui depuis 30 ans ne respectent pas la parole des accords de Noméa qui étaient des accords de paix,
01:52 de vivre ensemble et de destin commun.
01:55 Il y a une frange indépendantiste radicalisée qui a continué de considérer
01:59 qu'il y avait des gens plus légitimes que d'autres en Nouvelle-Calédonie.
02:02 Donc c'est leur faute à eux ?
02:03 Non, je ne crois pas.
02:04 Si ça a dégénéré comme ça sur le territoire calédonien ?
02:07 Aujourd'hui je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est la faute de quelqu'un ou de quelqu'un d'autre.
02:12 Je dis juste qu'on est dans une situation en Nouvelle-Calédonie où on n'a pas tranché la question
02:18 de savoir si on considérait que tous les Calédoniens naissaient libres et égaux en droit
02:22 ou si on considérait que parce qu'il y avait une colonisation il y a 200 ans,
02:25 il y avait des gens plus légitimes que des autres.
02:28 Alors forcément ceux qui sont issus de ce qu'on appelle le peuple premier considèrent
02:32 qu'ils sont plus légitimes que les autres.
02:34 Et ceux qui sont arrivés par les aléas de la vie en Nouvelle-Calédonie
02:37 considèrent que c'est aussi leur terre et qu'ils doivent être traités de manière égale.
02:40 Mais vous entendez quand même les descendants du peuple autochtone,
02:44 vous entendez les canaques avoir peur d'être dilués, avoir peur d'être invisibilisés,
02:49 avoir peur d'être écrasés ?
02:51 Si on n'avait pas entendu les canaques et notamment les indépendantistes,
02:55 on n'aurait pas signé les accords de Matignon, on n'aurait pas signé les accords de Nouméa.
02:58 Je rappelle que la Nouvelle-Calédonie c'est le territoire le plus autonome de la République.
03:01 Mais on vous accuse aujourd'hui de les détricoter, on vous accuse aujourd'hui de passer en force,
03:06 on vous accuse aujourd'hui de piétiner les méthodes qui ont été celles de l'État depuis très longtemps,
03:11 à savoir celles du compromis.
03:13 Non, parce que les 10 ans de présence qui ont été votés hier soir à l'Assemblée nationale,
03:18 c'était l'équilibre même des accords de Nouméa qui avaient fixé 10 ans de présence sur le territoire.
03:23 Et c'est une réforme unilatérale de Jacques Chirac en 2007
03:26 qui a exclu finalement des milliers de Calédoniens du droit de vote,
03:29 à la demande des indépendantistes d'ailleurs, sans que nous, nous soyons d'accord avec ça.
03:33 Ça fait 3 ans qu'on a fini de voter au 3ème référendum,
03:38 ça fait 3 ans que nous les non-indépendantistes nous tendons la main à chaque fois pour dialoguer avec les indépendantistes.
03:43 On vous appelle les loyalistes.
03:44 Les loyalistes, oui, les non-indépendantistes, ceux qui veulent rester français en tout cas.
03:47 Ça fait 3 ans que nous tendons la main aux indépendantistes.
03:50 Pendant un an et demi ils ont refusé de nous parler, ils ont voulu parler qu'avec l'État.
03:55 Ensuite, comme ça n'a pas marché avec l'État pour obtenir l'indépendance,
03:57 ils ont voulu parler qu'avec nous et plus avec l'État.
04:00 On voit qu'ils ont été dans un jusqueboutisme pour la revendication indépendantiste,
04:06 malgré les résultats des 3 référendums.
04:08 Et c'était pour nous très difficile de dire à notre population
04:12 que malgré le fait qu'ils aient voté 3 fois pour rester français,
04:16 il fallait quand même arriver à une forme d'indépendance.
04:18 Donc c'était pas possible pour nous d'accepter les revendications indépendantistes, vous vous en doutez bien.
04:23 Mais justement l'État, qui est l'État ?
04:25 Parce que vous entendez tout de même les critiques sur le manque d'impartialité de l'État.
04:30 La nomination de Sonia Bakkes, qui est comme vous loyaliste,
04:34 personnalité très clivante en Nouvelle-Calédonie, le choix de faire vous rapporteur de cette loi,
04:41 de ce projet de loi de réforme de la Constitution.
04:44 Vous êtes tous les deux anti-indépendantistes, vous ne cessez de le dire.
04:47 Donc est-ce que l'État français est resté impartial ?
04:51 On n'est pas anti-indépendantistes, on est contre l'indépendance.
04:54 On n'est pas contre les indépendantistes, c'est pas la même chose.
04:57 L'impartialité de l'État, je vais vous prendre l'exemple du football.
05:01 L'arbitre est impartial.
05:03 Et donc il traite les deux équipes de la même manière.
05:06 Mais il y a une équipe qui gagne 3-0, qui gagne 3 référendums.
05:09 Est-ce qu'à la fin du match, l'arbitre est impartial en reconnaissant la victoire d'une équipe ?
05:14 L'État a simplement reconnu que les non-indépendantistes avaient gagné
05:17 et que la Nouvelle-Calédonie voulait rester française.
05:19 Ce troisième référendum dont Yael Ghos parlait,
05:22 ce troisième référendum que une partie de la population avait réclamé qu'il soit repoussé,
05:27 ce troisième référendum qui a été massivement boycotté,
05:30 pour vous, il compte ? Tout autant que les autres ?
05:33 Il faut rappeler l'histoire dans son entièreté.
05:37 Pour rester français, ou envisager de rester français, il fallait voter 3 fois non.
05:41 Un seul référendum qui aurait donné le oui-gagnant
05:44 aurait permis l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
05:46 Donc on voit que dès le début, il y avait une volonté affichée de l'État,
05:50 de finalement, à l'époque, dans les années 90,
05:53 de donner l'indépendance à la Nouvelle-Calédonie.
05:55 Parce que s'il y avait le oui une fois, c'était l'indépendance,
05:58 et s'il y avait le non trois fois, c'était les partenaires se réuniront
06:01 pour examiner la situation ainsi créée. Voilà la phrase de l'accord de Noël.
06:04 Donc on voit qu'on a été mis tout de suite, nous, en difficulté dès le début.
06:08 Donc une fois qu'on a gagné trois fois,
06:10 le troisième référendum a été fait à la demande des indépendantistes.
06:14 Comment voulez-vous que l'on considère que nos votes par trois fois ont été illégitimes ?
06:19 Même si les indépendantistes ont décidé finalement de ne pas participer au troisième.
06:23 Vous ne pouvez pas nous dire que nos votes sont illégitimes par trois fois.
06:26 Trois fois les Calédoniens se sont mobilisés en quatre ans.
06:28 Nicolas Metzdor, vous venez d'auditionner trois anciens premiers ministres à l'Assemblée Nationale.
06:33 Édouard Philippe, Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault.
06:35 Les trois ont été catégoriques.
06:37 Le dossier néo-calédonien doit être géré par Matignon,
06:42 et pas par le ministre de l'Intérieur et pas par Gérald Darmanin, comme c'est le cas actuellement.
06:47 Vous en pensez quoi ?
06:49 Ça c'est de la politique nationale.
06:51 C'est nul.
06:53 Vous êtes représentant du peuple, vous êtes élu à l'Assemblée Nationale.
06:59 Ça ne me paraît pas complètement nul quand même.
07:01 J'ai un territoire en pleine guerre civile, si vous voulez.
07:03 Donc moi, le débat entre Gabriel Attal et Gérald Darmanin, ce n'est pas mon problème.
07:07 Un accord en Nouvelle-Calédonie ne dépendra pas de si c'est Gérald Darmanin ou si c'est Gabriel Attal.
07:12 Un accord en Nouvelle-Calédonie dépendra de la bonne volonté de chacune des parties de se mettre d'accord.
07:16 Que ce soit Gabriel Attal, Gérald Darmanin ou ma grand-mère.
07:18 Vous pensez que les deux parties, à l'appel d'Emmanuel Macron, peuvent se mettre d'accord ?
07:23 Oui. Nous, de toute façon, on a toujours été pour le dialogue.
07:27 Et je vois que le FNKS, suite aux nombreuses exactions en Nouvelle-Calédonie, a accepté la main tendue d'Emmanuel Macron.
07:33 Je viens de voir un communiqué du FNKS qui dit qu'ils viendraient sur Paris, en tout cas qu'ils accepteraient de dialoguer avec Emmanuel Macron,
07:40 en tout cas avec l'État de manière générale, et les non-indépendantistes. Et ça, c'est une bonne nouvelle.
07:44 C'est ça. Donc ils viendraient à Paris, la discussion aurait lieu à Paris,
07:47 et il y a éventuellement possibilité de trouver un accord avant que le Congrès soit convoqué, avant que cette loi soit validée ?
07:54 Trouver un accord, c'est toujours mieux en Nouvelle-Calédonie. C'est toujours mieux.
07:58 Je rappelle que d'ailleurs, cette loi qui est passée à l'Assemblée nationale dégelait le corps électoral à 10 ans de présence en Nouvelle-Calédonie.
08:04 Mais surtout, il y avait un article 2 qui disait que si un accord trouvé entre Calédoniens avait lieu 10 jours avant les futures élections,
08:11 cet accord viendrait remplacer le projet de loi en cours.
08:14 Donc on voit qu'on a toujours privilégié, dans la démarche du gouvernement et même nous, Calédoniens, les accords politiques,
08:18 parce qu'on sait que c'est mieux pour la Nouvelle-Calédonie, et on le démonte encore aujourd'hui.
08:22 Un dernier mot. Comme vous dites, j'arrive d'un territoire en pleine guerre civile.
08:26 Vous passez 3 semaines à Paris à l'Assemblée nationale, 3 semaines sur votre territoire.
08:30 Vos parents, Nicolas Metzdorf, ont reçu des menaces.
08:33 La famille de Sonia Bakkes, qui est la présidente de l'Assemblée de la province du Sud et ancienne secrétaire d'Etat à la Citoyenneté, a été visée.
08:40 Le domicile de sa famille a été incendié.
08:46 Sur BFM TV, elle dit "Mon père n'a pas été attaqué parce qu'il est mon père, il a été attaqué parce qu'il était blanc".
08:52 Oui. Je suis très mal à l'aise de parler de nos familles, parce qu'actuellement, toutes les familles calédoniennes souffrent.
08:59 Je ne voudrais pas parler des familles des responsables politiques uniquement, c'est très difficile pour tout le monde actuellement.
09:05 Oui, il y a des Calédoniens qui sont attaqués parce qu'ils ont une couleur de peau particulière,
09:11 parce que justement, on a entretenu le fait qu'il y avait des gens plus légitimes que d'autres.
09:15 J'entendais dans votre introduction tout à l'heure qu'il y a un fait colonial qu'il faut conserver, qu'il faut avoir en tête.
09:21 Il faut bien se dire que ce sont des messages qui sont entendus par les indépendantistes,
09:25 comme "Vous avez plus de légitimité que les autres".
09:27 Il faut toujours traiter ça de manière très prudente, parce que quand ceux qui se considèrent plus légitimes n'obtiennent pas ce qu'ils veulent,
09:35 finalement, ils exercent une forme de violence. Il faut faire attention à ça.
09:39 Merci Nicolas Melsdorf.
09:41 Merci Sonia De Villers.

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