• il y a 7 mois
Testud, le défilé des 30 ans Part 1
Chaque année depuis 30 ans, le Lycée des Métiers de la Mode Adrien Testud du Chambon Feugerolles créé un défilé unique en son genre. 220 modèles uniques, créés et portés par les élèves qui traversent diverses préoccupations éloignées du prêt à porter mais en phase avec les recherches de grands créateurs : art et mode, mode et architecture, mode et écologie. Mondrian, la Cité du Design et des canettes (sans champagne) vont traverser la première partie de ces 30 ans. Réalisation Chantale Joassard

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Transcription
00:00 Bonjour, bonsoir, bienvenue pour la 30e édition du défilé de la mode Adrien Tessu en deux
00:07 volets.
00:08 Le premier, ce sera pour comprendre les arcades d'un défilé annuel, des modèles créés
00:13 et portés par des élèves.
00:15 Et nous passerons en revue les 12 tableaux de cette édition 2024.
00:19 Des tableaux qui prennent le biais de la création, supportent sans broncher les influences de
00:24 grands stylistes.
00:25 Tessu qui est le seul lycée de la mode digérien et qui, malgré sa petite taille, à peine
00:30 plus de 200 élèves, reste l'épicentre d'une création qui n'a pas à rougir auprès d'autres
00:36 établissements nationaux.
00:37 Alors chaque année on assiste à un défilé très stylé mais qui n'est pas une marque
00:41 de fabrique ni un style.
00:43 Un défilé qui aime se laisser influencer par des matières inhabituelles, des coupes
00:47 têtues ou pleines d'esprit.
00:49 Allez, on va dans les préparatifs avec cette année des rubans, des tissus en pointe et
00:53 des canettes.
00:55 Pas celle des machines à coudre, celle des boissons.
00:57 C'est parti !
00:58 L'une des premières élèves que je rencontre, c'est une élève qui travaille sur les canettes.
01:09 Comment est-ce que tu définirais l'enjeu de ce défilé, le challenge de ce vêtir de
01:14 canettes ?
01:15 Je dirais que c'était un challenge.
01:17 J'ai jamais travaillé avec des canettes, par exemple.
01:21 C'est compliqué même à tenir, comme on peut le voir.
01:24 Ça s'est défait directement dès que je l'ai sorti.
01:27 Mais normalement, ça tient, ça tient.
01:31 Au début, c'était un peu compliqué de trouver une idée.
01:35 Mais finalement, c'était bien.
01:38 Les canettes, c'est un matériel plutôt dur à travailler.
01:41 Mais on s'en est bien sorti.
01:43 Il y a beaucoup de jolies tenues.
01:45 Franchement, tout le monde a fait beaucoup de travail.
01:50 Ce sont des élèves qui sont venus chez nous chercher pendant un an le savoir-faire de
01:56 la couture.
01:57 Ils ont uniquement des cours de couture et des cours d'art appliqué.
02:01 Quelquefois, un peu d'enseignement professionnel selon leur parcours.
02:05 Cette année, c'est la collection en rubanée.
02:10 Et puis, ils ont eu la collection Reusteel amenée en utilisant, dans un cas, des rubans
02:16 et dans l'autre cas, des canettes.
02:17 Donc là, ils sont prêts à aborder toute situation ensuite.
02:21 Ce sont des parures, effectivement.
02:31 Après, ça peut servir de customisation.
02:34 Il y en a qui les ont cousues.
02:35 C'est une matière, finalement, qui est assez facile à découper, qui passe sous une machine
02:40 à coudre et qui a permis aux élèves de s'approprier une matière et de développer
02:46 de la créativité et d'aller chercher à nous surprendre.
02:50 Alors, on commence ses 30 ans par un tableau disons clinquant.
02:57 Pour les 30 ans, ce n'est pas champagne mais canette.
02:59 C'est une rétrospective qui, une fois encore, passe par un matériau originel.
03:04 C'était l'occasion un petit peu de faire un bilan, de revenir un peu sur ce qu'on
03:09 avait été fait, sur les thèmes qu'on aimait, de prédilection qu'on avait.
03:14 Et puis, toujours essayer de mettre les élèves dans des situations un petit peu nouvelles,
03:20 un petit peu inconfortables aussi, au vu des choix qu'on a faits pour développer chez
03:26 eux la créativité et tout le savoir-faire qui accompagne la création des tenues textiles
03:31 avec mes collègues.
03:32 On a cherché autour du thème, qu'est-ce qu'on fédère quand on fête un anniversaire,
03:40 qu'est-ce que 30 ans, à quoi ça correspond.
03:42 Le thème rétrospective, vous avez raison, ce n'est pas un véritable thème comme on
03:46 a pu faire les années folles, le cirque.
03:49 Mais du coup, qu'est-ce qui a fait le fil conducteur ? C'est peut-être d'essayer
03:53 de rechercher et d'honorer tout ce qui s'est fait avant.
03:56 Autant tous les collègues qui ont travaillé, les créateurs à l'initiative du défilé.
04:01 Et puis, tout ce qu'on avait mis à l'honneur, de retrouver tout ce qui avait été mis à
04:05 l'honneur tant autour de la matière, autour de la recherche de la couleur, des thèmes
04:10 comme mode et architecture.
04:12 Ça apporte une résonance parce que le défilé de Testus est quand même 4 représentations.
04:17 On remplit l'histoire à plus de 700 personnes, donc c'est certainement un événement qui
04:24 est attendu désormais, puisqu'on est dans la 30e édition, et qui marque.
04:28 Ça apporte au sein, à l'interne, énormément de cohésion.
04:32 Pour les élèves, c'est très moteur, mais pour les enseignants aussi, c'est quand même
04:36 sympa pour tous de se retrouver, pas forcément dans notre champ de compétences initiales,
04:41 à travailler autour d'un projet plutôt fédérateur.
04:45 Ce ne sont pas moins de 220 modèles qui sont présentés pour ce défilé des 30 ans.
04:50 En 12 tableaux, en coulisses, les enseignantes se font habilleuses et signent un plébiscite
04:56 pour l'esprit même de ce défilé.
04:58 Beaucoup d'excitation.
05:02 Il y en a dans l'émotion aussi.
05:04 Magnifique, super.
05:07 Comme d'habitude, les élèves ont travaillé vraiment avec sérieux, on va dire.
05:13 Le résultat, il est là.
05:15 Qu'est-ce que ça vous apporte, vous, en tant que prof ?
05:17 De la fierté, surtout, de les voir un peu évoluer tout au long des années.
05:22 Et donc, le fait que ce défilé soit vraiment très original, très éloigné du prêt-à-porter.
05:28 Il faut aussi être un peu extravagant.
05:33 Ce n'est pas toujours être strict dans ce qu'on fait.
05:37 Et là, il s'éclate au moins.
05:40 Ils aiment faire ça.
05:42 Le lycée, ça m'apporte...
05:45 Déjà, ça m'a apporté beaucoup techniquement.
05:48 Et ça me permet aussi une reconversion professionnelle.
05:50 Enfin, pas professionnelle, mais dans mes études.
05:52 Parce qu'avant, j'étais en fac d'histoire.
05:54 Et du coup, j'ai là-bas appris ce goût du détail, de la précision, etc.
05:58 Que j'essaie aussi de retranscrire dans mes créations.
06:01 Et là, par exemple, c'est une chouette Arfang des neiges.
06:05 Parce que j'avais ces deux canettes, où c'est des yeux de chouette Arfang.
06:09 Et du coup, j'ai recréé le reste du visage de la chouette.
06:12 C'est les dernières, dernières finitions.
06:15 En fait, c'est que ça a craqué.
06:17 Donc, c'est un peu fragile.
06:20 Comme ils l'ont déjà porté plusieurs fois.
06:23 Enfin, avec les répétitions.
06:26 Et pour ça, on va solidifier, pour pas que ça craque plus.
06:33 Alors, Blandine, vous avez mené 15 défilés attestus.
06:36 Avec toujours ce mélange art et mode.
06:39 Et cette année, pour les 30 ans, vous revenez à Yves Saint Laurent et à Mondrian.
06:43 Cette fois-ci, sur des kimonos.
06:45 Racontez-nous cette histoire, l'art et Mondrian.
06:49 Je ne pense pas faire d'erreur dans l'histoire de la mode.
06:51 Yves Saint Laurent était en perte d'inspiration.
06:54 Quand il avait dans sa bibliothèque un livre d'art.
06:57 Et qu'il a ouvert et qu'il est tombé sur ce tableau de Mondrian.
06:59 Et que ça a relancé toute sa créativité.
07:03 En se disant, si avec l'art, je faisais de la mode.
07:08 Alors, Mondrian, c'est des formes rectangulaires, des couleurs primaires.
07:11 Porté dans la rue, cela a permis de le faire reconnaître par le grand public.
07:16 Parce qu'il a ouvert la porte de l'art actuel.
07:20 Parce que c'est le premier, on dit que c'est le père de l'abstraction.
07:24 Il a élaboré beaucoup de tableaux qui étaient figuratifs.
07:28 Et à un moment, il a fait la bascule.
07:30 En voyant arriver le monde actuel.
07:33 Surtout, ce qui est incroyable, c'est cet avant-gardisme.
07:36 Et cette envie avant l'heure d'amener la peinture.
07:39 Où personne n'avait encore osé l'amener.
07:41 Juste à la composition.
07:44 Ce qui n'est pas si simple.
07:45 Parce que les élèves, au départ, étaient très rigoureuses.
07:47 Qui respectent cette composition.
07:49 Qui demandent quand même une habileté.
07:52 Ce n'était pas juste d'écarer des rectangles.
07:54 Quand vous essayez de reproduire un tableau mondrillon.
07:56 Finalement, on se rend compte que c'est très complexe.
07:59 Et pour les élèves, il a fallu beaucoup de rigueur.
08:01 Pour ne pas juste faire des rectangles, des lignes.
08:03 Mais aller bien dans le respect de l'oeuvre.
08:06 Parce que l'artiste avait ouvert un champ.
08:10 Yves Saint Laurent l'a utilisé.
08:13 Mais il y a beaucoup de marques qui ont utilisé encore aujourd'hui ce code graphique.
08:17 Cette simplicité et cet impact aussi fort.
08:20 C'était important de rendre hommage à ce peintre.
08:24 Et aussi de faire comprendre toute l'histoire de l'art à travers ça.
08:28 Parce que les élèves, on n'a pas juste étudié mondrillon.
08:31 Mais on a mis mondrillon en perspective.
08:33 L'idée aussi, c'était de travailler avec les élèves.
08:42 La question de la composition.
08:44 Puis la composition d'un motif sur un vêtement.
08:47 Donc il y a des élèves qui ont fait ce qu'on appelle du "all over".
08:50 Qui ont mis le tableau sur l'intégralité du tableau.
08:53 Du kimono pardon.
08:55 Et d'autres ont traité en frise.
08:57 En éléments pour souligner le vêtement.
09:00 Et d'autres encore ont fait des motifs placés avec beaucoup plus de discrétion.
09:04 Ça m'a permis aussi d'aborder avec eux.
09:06 La question du placement d'un motif sur un vêtement.
09:08 L'idée c'est de ne pas être que la mode ne fasse pas que de la mode.
09:11 En regardant de la mode.
09:13 Que la peinture ait des porosités entre les mondes artistiques.
09:18 Ça c'est très important.
09:20 Alors un autre tableau, c'est des rubans.
09:29 C'est l'un de vos dada.
09:31 Alors le ruban c'est un incontournable de notre région.
09:34 Donc on aime lui rendre hommage.
09:36 Et puis grâce à l'entreprise Seram, on a eu un don de ruban assez conséquent.
09:40 Donc attestu, ça ne sera pas la dernière collection.
09:43 Je vous promets.
09:44 Comment ça se travaille au niveau couture le ruban ?
09:47 C'est très créatif finalement.
09:49 C'est un tissage étroit.
09:51 Mais en l'associant, en mélangeant des rubans velours, des rubans voiles.
09:56 En les plissant, en les froissant, en les mettant en volume.
10:01 C'est la première fois par contre que sur cette collection, les tenues ne sont faites qu'en ruban.
10:10 [Musique]
10:12 Une autre forme récurrente, c'est l'architecture dans la mode.
10:27 Vous êtes architecte de formation.
10:29 L'architecture est toujours omniprésente.
10:32 Un dada.
10:33 Ma première collection était une collection ici, du part de ma formation d'architecte.
10:38 J'étais intervenue avec la collègue d'art appliqué de l'époque, Hélène Jospé, en tant qu'architecte.
10:44 On avait travaillé sur des habits habitacles.
10:46 C'est ce qui m'a mis le pied à l'étrier.
10:48 Donc forcément, c'est symbolique.
10:50 Quand j'ai vu la phrase tout à l'heure apparaître de Cristobal Balenciaga,
10:54 qui rappelle qu'un bon couturier doit être sculpteur pour la forme,
10:59 musicien pour l'harmonie, architecte pour les volumes.
11:03 Je me retrouve tout à fait dans cette définition.
11:05 Je ne suis pas couturière, mais je suis sur la partie artistique de la couture.
11:11 C'est vrai que l'architecture revient régulièrement dans les collections.
11:16 Quand vous dites que vous n'êtes pas couturière, mais que vous apportez l'art dans le monde de la couture,
11:23 vous avez l'impression d'apporter quoi ?
11:25 C'est sortir les élèves de leur zone de confort.
11:29 On a beaucoup d'archéties, puis on les revoit au défilé.
11:33 Quand on vient en couture, on rêve de la robe de soirée, la bustier, la grande jupe.
11:39 Du fait de les contraindre dans un cahier d'écharpe,
11:43 de les amener dans des situations nouvelles et presque inconfortables au départ,
11:49 et quand ils ont compris que le terrain de jeu n'est pas une prison,
11:52 mais une source de créativité et de liberté,
11:54 il y a des choses nouvelles qui sortent.
11:57 Ça permet d'amener l'élève dans un imaginaire, dans une création,
12:03 sans cette partie artistique cadrée, accompagnée, puis replacée aussi dans le temps,
12:10 je pense qu'on aurait des créations qui seraient moins surprenantes.
12:14 Souvent, ils ne comprennent pas toujours pourquoi on va avoir une architecture,
12:20 on va faire un vêtement derrière.
12:22 Cette carte, c'était du design.
12:25 Alors que, franchement, vert, gris…
12:30 Des lignes, et là aussi, il a fallu tenir la composition,
12:35 parce que les façades, malgré leur grande simplicité apparente,
12:39 comme pour Mondrian, il y a un vrai souci de composition, qui n'est pas si simple.
12:43 C'est cette robe-chemise, ou ce manteau-chemise qu'on leur avait donné,
12:47 pour aller créer des zones de volume qui se rattachent,
12:52 donc s'attirent, beaucoup de solutions technologiques à trouver.
12:57 Et là, ils ont compris.
12:59 Ce n'est pas juste en regardant, mais en essayant de reproduire.
13:02 Eh bien, oui, ce sont des triangles équilatéraux,
13:06 ils sont dans le sens vertical, ils ne sont pas mis n'importe comment.
13:10 Et ça donne une rigueur, et la couture demande beaucoup de rigueur.
13:17 Alors, Valentine, on vient de l'évoquer avec vous, tout ce rapport à la mode que vous avez,
13:22 qui passe par l'art, l'architecture, le recyclage, de grands couturiers aussi,
13:26 comme Chanel ou Yves Saint Laurent.
13:28 Est-ce accessible pour les jeunes élèves, les jeunes apprenants ?
13:33 Alors, ça fait son chemin petit à petit, dès la seconde, dès la première année.
13:39 On ne voit pas, on ne distingue pas quel est l'élève qui vient d'arriver dans le lycée,
13:43 quel est l'élève qui est là depuis trois ans. Ils se sont tous pleinement investis,
13:47 parce qu'on leur a donné un espace de créativité,
13:51 comme un petit peu le clin d'œil à la collection IKEA,
13:55 où j'avais donné des sacs de course, et on ne s'attend pas à avoir autant d'envie,
14:00 surtout que moi j'aime bien aller chercher les créateurs qui ont apporté leur pierre à l'édifice,
14:05 véritablement.
14:07 C'est-à-dire apporter quelque chose à la mode ?
14:09 De nouveau, un nouveau regard, un nouveau point de vue.
14:12 D'où est partie cette idée de la haute couture aussi en France.
14:16 Alors, notre chance c'est aussi d'être le pays qui reste phare au niveau de la question de la mode,
14:22 depuis la démarche du premier Charles Frédéric Waer,
14:27 qui a eu envie en fait que le couturier soit plus un exécutant, mais aussi un créateur,
14:32 qui a commencé cette question de la collection dans les années 1850,
14:37 et aujourd'hui on est complètement héritier de cette démarche, de cette envie de vêtements,
14:42 où le créateur ne va pas juste répondre aux désirés d'un client,
14:47 mais va proposer une collection, un vêtement, prédéfini par lui-même, signé par lui-même au client.
14:53 Alors, ce n'est pas le point final ici, un point d'étape,
14:56 puisque nous allons prolonger nos échanges autour de ce défilé testu de l'écréation 2024,
15:02 avec un petit retour en arrière également.
15:04 [Musique]
15:13 On revoit des thèmes, donc c'est un petit peu différent,
15:16 et en même temps c'est agréable parce qu'on a vécu des choses déjà durant les défilés,
15:20 et on repart sur des tissus qu'on connaît déjà,
15:23 et en même temps avec des nouveaux élèves, des nouvelles façons de travailler,
15:27 de nouvelles techniques que des élèves des fois découvrent,
15:30 c'est toujours un plaisir de travailler sur le défilé pour ça.
15:34 Alors c'est toujours un plaisir pour les élèves, pour les professeurs,
15:37 malgré la densité de ce défilé, 220 médailles je le rappelle,
15:40 seulement une quarantaine sorti des archives.
15:43 Alors nous allons évaluer, 15 minutes et 2-3 fois de détail, donc on y va tout de suite.
15:49 [Musique]

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