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L'Art d'aimer à Marseille, Banzaïoli ! ou l'Art de la guerre marseillais d'Henri-Frédéric Blanc, accompagné de lectures de Chichi, samedi 20 avril 2024 à la Boutique, en partenariat avec la librairie Au Poivre d'Ane...
Transcription
00:00 Bonsoir à tous donc, vous êtes ici à la boutique, pour ceux qui ne connaîtraient pas l'endroit.
00:06 La boutique c'est le lieu d'association L'Art Ik et Otk, qui disons promeut toutes les expressions artistiques,
00:17 comme vous le voyez, picturales, photographiques, mais aussi et surtout bien sûr poétiques, ce qui va être le cas aujourd'hui.
00:29 Alors ce soir, l'association L'Art Ik et Otk a le plaisir de recevoir, avec le partenariat de la librairie Au Poivre d'Anne,
00:43 a le plaisir de recevoir ici André-Frédéric Blanc, qui est un écrivain marseillais, mais de renommée internationale,
00:54 puisque grâce aux traductions, aux mises en scène de ses textes et aussi aux adaptations cinématographiques ou télévisées,
01:03 est connu dans le monde. Son grand amour, c'est la littérature. Donc la littérature, c'est l'amour de la langue.
01:12 Et cette langue, il l'a adaptée à tous les genres, poésie, théâtre, nouvelle, roman, et il l'a écrite dans tous les registres,
01:24 du plus vulgaire au plus grossier. Vous pourrez en juger.
01:31 Combien de fois ne m'a-t-on pas demandé d'où je venais ? Eh bien, sachez, mesdames et messieurs, que je viens de ma tête.
01:40 Tout homme qui n'a plus peur est poète. Tout homme libre est poète, fragile comme un éclat d'étoile dans une perle de rosée.
01:52 Nous autres, hommes libres et poètes, nous semblons des lanternes japonaises qui n'éclairent à peu près qu'elles-mêmes,
02:01 mais qui, dans le brouillard, donnent signe de vie. Ici est passé un être humain, vous pouvez avancer dans le marécage sans crainte des crocodiles.
02:11 J'en vois trop qui font semblant d'être vieux. Faut être con pour être vieux, mon vieux.
02:18 Aux arts, citoyens, pornez vos gueuletons. Chantons, chantons, qu'un vin joyeux abreuve nos gosiers.
02:27 Camus disait qu'un homme, ça s'empêche. Moi, je dirais qu'un poète, ça s'empêche pas.
02:34 A propos de grossièreté, c'est vrai que j'empoie parfois un langage grossier, mais j'aime pas du tout la vulgarité.
02:47 Je pense que les gros mots peuvent empêcher l'abus des grands mots, de nos mots sociaux.
03:05 On est toujours écrasé par le verbe qui vient d'en haut, et moi j'ai toujours tendance à chercher la vérité en regardant en bas, en écoutant ceux qui ne parlent pas.
03:21 Donc, Chichi, Sébastien, Balester, alors pour vous raconter comment j'ai découvert Henri rapidement en deux mots, j'ai toujours aimé les mots, jouer avec les mots, j'adore ça.
03:39 J'aimais bien écrire comme on parle ici, avec des mots d'ici, etc. Et puis un jour j'ai une copine qui m'a dit "Tiens, ça devrait te plaire, lis ça sur le vieux port de la ciutat, Ingrid s'appelait".
03:54 Et là, ça a été vraiment pour moi la découverte, parce que c'était vraiment comme ça que j'avais envie d'écrire, c'était incroyable.
04:04 Je vais lire quelques textes de l'art des mains à Marseille, et puis ensuite quelques textes de Banzaïoli, c'est le dernier.
04:13 L'art des mains à Marseille, c'est l'histoire de Fredo Lefada, qui est un prophète marseillais, qui essaye d'enseigner, d'aider son disciple l'art de choper la cagole, tout simplement.
04:34 Je me suis tant fait niquer par l'amour, que je peux m'offrir un petit discours. Tu n'as pas à m'envier, je n'ai rien d'un Casanova. La tour de l'expérience est faite de pierres appelées défaites.
04:47 Le ciel de la philosophie, vois-tu, on n'y arrive qu'à coup de pied au cul. C'est pour ça, à force d'être envoyé sur les roses, je commence à savoir de quoi je cause.
04:58 Je suis l'éconduille express, l'as de la déconvenue, le balargué d'office, le déconfit chronique, le collectionneur de refus.
05:09 Jeanne Trampiste a le temps de dire mon nom, comme un balance en l'air, comme un homme au canon.
05:14 Je connais par cœur le goût du gazon et l'odeur des trèfles, vu le paquet de foie qu'on m'a envoyé pètre.
05:21 Mes échecs claquent comme des castagnettes au fond de ma mémoire. Heureusement que c'est une écumoire.
05:28 Je suis le motif de tapisserie, le ras-de-mur, la sortie au trottoir, le manger par l'ombre, le figurant oublié dans les studios déserts,
05:38 la sentinelle perdue dans le no-man's land, le zéro de pique, la miniatumène, l'élément de statistique.
05:46 Des fois, vous croyez me voir traverser le boulevard national avec mon costume gris, ma casquette et ma baguette qui a l'air d'une nouille monumentale.
05:55 C'est lui, vous vous dites, au CISSEC. C'est lui, Fédot le Fada, le roi des pauvres mecs, l'anonyme exemplaire, monsieur d'importe qui,
06:03 le piéton de base que tout chauffard rêve d'écraser, le ventre sur patte qui engraisse les chirurgiennes,
06:09 le client parfait pour la morgue et le cimetière, le cochon de payeur, la tronche à fait divers.
06:16 Si on ne récolte pas dans les bars marseillais autant d'honneur qu'à l'université, l'esprit de vérité n'y est pas moins présent.
06:23 Hélas, leur fréquentation n'est pas dépourvue de danger. D'aucuns assurent que le paradis fleurit à l'ombre des bouteilles.
06:30 Je n'en suis pas convaincu. Certes, l'eau fait plus de ravages que l'alcool.
06:35 Sans évoquer le déluge, j'en veux pour preuve les tsunamis, naufrages, inondations, écroulements de barrages, etc.
06:43 Mais le pastis n'est pas du petit nez. Si ses vertus sont connues, son abus peut avoir des effets tragiques,
06:50 comme en témoignent nombre de collègues au fond de leur tome.
06:54 Carpe diem. C'était la devise des Romains. Traduction, profite bien d'aujourd'hui sans attendre qu'il pleuve des saucissons
07:04 car avec ce que tu as, les saucissons, ils t'assombreront en tombant et je ne te dis pas ce qu'ils te feront au rebord.
07:13 Si au boule, tu alignes carreau sur carreau, si tu fais régner ta loi au baby-foot,
07:18 si à la contrée, tu mets tout le monde minable, si tu composes l'aïoli comme un Mozart de l'huile d'olive
07:24 et si par-dessus le marché opus, des fois, tu payes la pizza aux collègues,
07:28 jamais Deguin viendra te reprocher d'avoir fait une victime de la circulation.
07:34 Un bon pêcheur a le droit d'avoir les belles salles.
07:38 Moi, j'avais entendu parler de l'énerve humaine qui lisait mes livres à la Ciota longtemps avant que j'en entenne parler.
07:54 Et en fait, c'est exactement ce que j'espérais.
07:59 C'est fait pour être lu, c'est fait pour être dit, c'est fait pour la bouche et les oreilles,
08:05 c'est de la littérature de proximité.
08:09 (Applaudissements)

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