• il y a 8 mois
Laurent Berger, directeur de l’Institut mutualiste pour l'Environnement et la Solidarité (Crédit Mutuel Alliance fédérale) est l'invité du Grand entretien. Il publie "Une société du compromis" avec Jean Viard aux éditions de l'Aube dans la nouvelle collection qu'il dirige.

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Transcription
00:00Nicolas Demorand, le 7-10.
00:04Et avec El Ghoz nous recevons ce matin l'ancien secrétaire général de la CFDT.
00:08Questions et réactions au 01-45-24-7000 et sur l'application de France Inter.
00:14Laurent Berger, bonjour.
00:16Bonjour.
00:16Et bienvenue à ce micro, vous avez donc quitté à la tête de la CFDT, leader de la contestation contre la réforme des retraites.
00:23Et voilà qu'on vous retrouve dans une banque, puisque vous travaillez au Crédit Mutuel,
00:28où vous dirigez un institut mutualiste pour l'environnement et la solidarité.
00:33Par ailleurs, vous publiez, avec le sociologue Jean Viard aux éditions de l'Aube,
00:38pour une société du compromis, livre dont on va parler évidemment tout de suite avec vous et avec Yael.
00:46Ça faisait depuis l'été dernier que vous n'aviez pas parlé dans les médias.
00:50Les matinales tous les jours, les médias, les micros, vous en manquez ?
00:54Laurent Berger, on vous a manqué ? Ou au contraire, le sevrage a été facile ?
00:58Ah non, le sevrage a été facile, je vais être franc.
01:01Humainement, les gens ont pu me manquer.
01:03Mais non, non, j'avais pris la décision de partir et de faire autre chose et de continuer à être utile ailleurs.
01:09C'est pour ça que je suis allé dans une entreprise, un syndicaliste.
01:12Son terrain d'action principal, c'est l'entreprise.
01:14Et donc j'avais envie de retourner dans l'entreprise.
01:16Retourner dans le monde bancaire et pas n'importe quelle banque.
01:18Le Crédit Mutuel, qui est une entreprise mutualiste, qui est une entreprise coopérative,
01:21qui a toujours innové sur la question sociétale, sur la question environnementale.
01:26Et donc j'avais envie de mettre les mains dans le cambouis de la transformation environnementale et sociétale.
01:31Avouez que ce n'est pas commun quand même de passer de patron de premier syndicat de France à salarié d'une banque ?
01:37Vous savez, des salariés des banques, il y en a beaucoup.
01:40Rien que dans le groupe Crédit Mutuel Alliance Fédérale, il y a 78 000 collaborateurs.
01:44Ce n'est pas commun, mais ce qui est étonnant, c'est qu'on puisse se poser la question.
01:50Un syndicaliste, son terrain d'action, encore une fois, c'est l'entreprise.
01:53Moi j'avais envie d'être utile.
01:56Et il se trouve que le Crédit Mutuel Alliance Fédérale était en pleine réflexion sur son plan stratégique.
02:02Il avait dans son plan stratégique un des axes qui était mener la révolution environnementale et sociétale.
02:08C'est le pilier 2 du plan stratégique.
02:11J'ai rencontré celui qui est aujourd'hui le président du groupe, qui s'appelle Daniel Ball, que je ne connaissais pas.
02:16Il s'est trouvé qu'il y avait une convergence de valeurs et de points de vue.
02:19Et ils m'ont confié la préfiguration d'un institut pour accompagner les métiers de la banque.
02:24Qui va faire quoi exactement cet institut ?
02:26C'est quoi ? C'est produire des rapports ?
02:29Non, c'est quoi les métiers bancaires aujourd'hui ?
02:33Les banques et l'assurance, c'est de financer et d'accompagner.
02:38Et quand on est dans une banque, le Crédit Mutuel en l'occurrence, qui a volonté de prendre sa part dans la société,
02:45sur la transformation environnementale et sociétale, il faut s'interroger sur ce qu'on doit financer.
02:49Où on doit investir ? Dans quelle énergie ? Sur l'éco-rénovation des bâtiments ?
02:55Sur l'accompagnement du monde agricole ?
02:59Et puis se demander comment on accompagne nos clients.
03:02Et pour ça cet institut, il aura pour rôle d'avoir de l'expertise solide,
03:07pour faire les bons choix dans les différents secteurs,
03:10pour s'appuyer sur des données qui soient fiables.
03:13Notamment parce qu'il y a un objectif de baisser notre bilan carbone de moins 20% dans les 4 ans à venir.
03:19D'avoir des offres bancaires adaptées à proposer, à la fois sur le terrain environnemental et sur le terrain sociétal.
03:26Le rôle de l'institut, c'est l'instrument de l'ambition que porte le groupe,
03:30que portent les dirigeants du groupe, pour faire du crédit mutuel à l'alliance fédérale,
03:34la banque qui fait ses preuves sur le terrain environnemental et sociétal.
03:37Donc la banque, et puis il y a l'écriture.
03:39Venons-en à votre livre « Pour une société du compromis »,
03:42qui est le premier ouvrage d'une nouvelle collection que vous dirigez désormais aux éditions de l'Aube.
03:45Vous écrivez en introduction « compromis », le gros mot est lâché,
03:49dans un pays qui se voit plus révolutionnaire que réformiste.
03:53Vous faites le portrait d'une société française malade, très angoissée, je vous cite,
03:57et assurément très fatiguée, en particulier depuis le Covid.
04:00Une société à la peine pour recréer du commun.
04:03La radicalité, dites-vous, affleure partout,
04:06quand elle ne se déchaîne pas ouvertement, violemment, dangereusement.
04:09À quoi est-ce que vous pensez exactement quand vous écrivez ces lignes-là ?
04:12Je pense à la radicalité des postures qui empêche la radicalité des choix.
04:16Et je vais me reconnecter à ce que je fais aujourd'hui.
04:20Moi, je pense que ce dont on a besoin, c'est une direction.
04:23Et si on prend ce que je suis en train de faire aujourd'hui au sein du groupe Crédit Mutuel,
04:28on dit qu'il faut que la banque prenne sa part aujourd'hui
04:31dans la transformation environnementale et sociétale.
04:34Le plan stratégique, je le rappelle, c'est mener la révolution environnementale et sociétale.
04:38Et pour ça, il faut trouver les voies de passage.
04:41Et donc, il faut des choix qui soient parfois radicaux,
04:44il faut assumer ce qu'on peut vouloir faire, il faut trouver les voies de passage.
04:47Ça ne se fait pas dans le jeu de posture, ça ne se fait pas dans l'arrogance,
04:51ça ne se fait pas dans la confrontation stérile.
04:53Vous pensez à qui en disant ça ?
04:54Je pense aux débats publics.
04:56Si on prend la question environnementale aujourd'hui,
04:58on a l'impression que tout le monde sait qu'il faut faire cette transformation environnementale,
05:02mais personne ne prend le chemin pour le faire parce que ça nécessite des compromis.
05:07Ça nécessite de trouver la bonne articulation entre ce qu'il faut financer,
05:11ce qu'il faut financer pour s'adapter, pour transformer le modèle, etc.
05:16Et donc, je pense tout simplement qu'il y a trop de clashs et pas assez d'actions concrètes.
05:23Et moi, ce que j'ai voulu faire, je vous le dis,
05:25et je l'écris, mais surtout j'essaie de le mettre en œuvre,
05:28c'est de trouver les voies de passage pour qu'on construise un monde qui soit plus durable et plus solidaire.
05:33Laurent Berger, sur l'écologie dont vous parlez dans votre livre,
05:37Giuliano Daampoli nous disait hier que le climat est devenu une part de la guerre identitaire,
05:45de la guerre culturelle en cours.
05:48Et comment expliquez-vous que l'écologie qui faisait auparavant l'objet d'un consensus mou,
05:53comme le dit le chercheur d'Ormagin que citait Daampoli,
05:57soit devenue aujourd'hui une ligne de fracture politique ?
06:00Que le Green Deal soit attaqué partout en Europe ?
06:03Il y a là un nouveau clivage et j'imagine que vous l'avez vu politiquement.
06:09Oui, on le voit aussi dans la transformation des différents modèles.
06:12Tout simplement parce que cette guerre environnementale, ce combat environnemental,
06:17il n'a pas de concrétisation ou il n'en a pas suffisamment au quotidien.
06:22En même temps, quand on est dans un groupe de banques assurantes,
06:24je peux vous assurer qu'on le voit bien dans les risques climatiques
06:28qui aujourd'hui ont des conséquences très concrètes sur les assurés par exemple.
06:32Juste pour vous donner un exemple, savoir si on va continuer à avoir une logique assurancielle mutualisée,
06:38c'est-à-dire on s'assure les uns les autres, là où on habite,
06:41n'importe là où on habite, ce qui est le choix du crédit mutuel aujourd'hui,
06:44ou alors de ne pas prendre le risque d'aller dans les endroits qui vont être le plus impactés.
06:48Vous pensez au sinistré du Pas-de-Calais par exemple ?
06:50Oui bien sûr, par exemple.
06:51Mais juste pour dire, cette question environnementale, elle manque de concrétisation concrète
06:56et puis surtout, on a oublié une donnée fondamentale, c'est que ça va se faire avec les gens
07:01et qu'il faut pour ça construire les voies de passage.
07:04Je vais prendre la question du monde agricole.
07:06On sait bien que l'agriculture aujourd'hui, il est fort émissif en CO2.
07:13On ne va pas faire cette transformation sans les agriculteurs.
07:16Il va falloir qu'on le fasse avec eux.
07:18Et c'est un des enjeux par exemple de l'Institut Mutualisme pour l'Environnement et la Solidarité,
07:22c'est d'accompagner ce monde agricole vers un modèle agricole qui soit plus durable.
07:27Mais vous voyez bien qu'il y a un backlash en ce moment sur l'écologie.
07:31Oui parce que c'est facile.
07:33Parce qu'individuellement, chacun, on n'a pas forcément envie de bouger.
07:39Et on sait bien que la transformation du modèle de développement, elle va impliquer des bougées.
07:45Alors on aime bien trouver des coupables, ça c'est le truc facile.
07:48Est-ce que les politiques sont à la hauteur quand on voit en ce moment, on refuse les éoliennes chez les uns,
07:52la loi ZAN chez les autres, pause dans la lutte contre les pesticides ?
07:55Je pense que ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu environnemental.
08:00Moi si j'ai choisi aujourd'hui d'aller m'impliquer dans une entreprise, de mettre les mains dans le cambouis,
08:04je le disais encore à mon équipe hier que le boulot c'était de mettre les mains dans le cambouis
08:08et de trouver les solutions et les offres qui vont être les plus utiles.
08:13Ce n'est pas pour faire des commentaires politiques.
08:15Est-ce que le compromis, le compromis qui est votre thèse, est adapté à cette urgence climatique
08:19quand on voit qu'une partie de la gauche se réfère maintenant aux théories d'Andreas Malm
08:23qui lui n'exclut pas le recours à la violence sur les biens, pas sur les personnes, pour les besoins de la cause.
08:28Ça c'est tout sauf le compromis d'Oran Berger.
08:30Vous savez bien que je n'ai pas changé.
08:32Moi j'ai toujours considéré qu'il faut des choix radicaux, qu'il faut savoir là où on veut aller
08:36et ensuite trouver les voies de passage.
08:38Et je vous le dis, je le raccroche encore à ce que je fais aujourd'hui.
08:42Quand un groupe bancaire comme le Crédit Mutuel, qui est un groupe mutualiste,
08:46le mutualisme c'est quoi ?
08:48Vous faites de la pub ce matin là ?
08:49Non mais je ne fais pas de la pub parce que j'explique que mettre les mains dans le cambouis
08:52c'est contribuer à changer les choses, à faire du compromis.
08:54Quand ils décident de mener la révolution environnementale et sociétale,
08:58et bien après il faut trouver les voies de passage, il faut trouver les bonnes offres bancaires,
09:01il faut faire des choix et on ne met pas assez en avant aujourd'hui ce qui se réalise.
09:05Je vais vous dire une des raisons qui m'ont fait aller au Crédit Mutuel.
09:09Je vais vous dire pourquoi.
09:10C'est qu'ils ont mis fin au questionnaire de santé, avant que j'arrive,
09:15au questionnaire de santé pour les prêts bancaires.
09:18C'est révolutionnaire.
09:20Ils ont décidé de mettre 15% de leur bénéfice dans un dividende sociétal
09:27pour financer des projets d'investissement dans l'environnement et la solidarité,
09:32pour financer du mécénat.
09:34Je pense qu'il faut de la preuve et montrer que c'est possible d'aller vers cette transition environnementale
09:40en faisant les compromis nécessaires.
09:42On a encore beaucoup de questions à vous poser avec Yael,
09:45mais tout de suite la parole aux auditeurs d'Inter.
09:48Gilles, bonjour.
09:49Oui, bonjour.
09:51Vous nous appelez de Grenoble, on vous écoute.
09:53J'appelle de Grenoble.
09:54Bonjour Laurent, je continue de te tutoyer puisque je suis en adhérence de longue date de la CFDT.
10:01Je me félicite du livre que tu publies aujourd'hui sur le compromis et la négociation,
10:07mais je n'ai pas l'impression que ça a été la position de la CFDT lors de la réforme des retraites.
10:16Je pense que la CFDT a certainement gagné en militant,
10:20mais je ne retrouve pas vraiment la CFDT de Nicole Dota et du regretté François Chérec,
10:26qui effectivement dans un premier temps avait perdu des militants,
10:30mais d'abord on les avait regagnés par la suite,
10:34et la CFDT avait gagné en images et en réalisme.
10:39Merci Gilles pour cette question.
10:41Laurent Berger ?
10:43D'abord je ne suis pas revenu refaire le match.
10:45Vous étiez dans la rue, dans le compromis.
10:48On est dans la recherche du compromis.
10:50Vous pouvez aller rechercher les déclarations des six premiers mois de l'année 2023.
10:54Vous verrez les propositions de pause, les propositions de médiation etc. qui ont été faites.
11:00Vous savez, dans tout, il faut être deux pour discuter.
11:04Le compromis, ça nécessite dès le départ d'avoir des positions qui soient divergentes
11:09et d'avoir une volonté des deux partenaires, ou des deux interlocuteurs quels qu'ils soient,
11:13de trouver une voie de passage commune.
11:15Vous avez fait votre deuil de la réforme des retraites, de ce combat perdu il y a un an.
11:19Vous y revenez dans le livre.
11:21Je n'ai jamais considéré que c'était un combat personnel,
11:25c'était un combat collectif et il n'est pas une question de faire de deuil.
11:29Ce que je vois aujourd'hui, c'est qu'il y a une organisation syndicale
11:32qui est en très bonne main avec Marie-Élise Léon et qui continue sa route.
11:36Je pense qu'à chaque fois, et on le voit aujourd'hui, y compris dans le dialogue social au sein des entreprises,
11:40il se trouve qu'en replongeant dans une entreprise en particulier, je vois bien comment il se passe.
11:44Et à chaque fois qu'on arrive à se parler et à donner de la place aux représentants des salariés,
11:48vous savez, dans un groupe mutualiste,
11:51Daniel Bahl, qui est le nouveau président du groupe Crédit Mutuel,
11:55il a été élu par le parlement mutualiste qui est composé des sociétaires à 80% et à 20% des représentants des salariés.
12:01C'est une mini France idéalisée ?
12:04En tout cas, l'entreprise au sens général du terme, c'est un endroit où on arrive encore à construire du commun.
12:10Ça, c'est vrai. Je l'ai toujours pensé et je le pense encore.
12:13Le Crédit Mutuel, je vous le dis, c'est une entreprise qui porte des valeurs,
12:16qui porte une ambition et qui essaye de se donner les moyens de le faire.
12:19Et je pense que quand on arrivera à être davantage dans le concret,
12:22vous savez, l'enjeu aujourd'hui des transformations à opérer,
12:26c'est l'enjeu de donner les moyens à tout le monde, là où ils sont, de faire les choses.
12:30Mais sortons de l'entreprise, sortons du Crédit Mutuel s'il vous plaît.
12:32Vous faites l'éloge du compromis. Comment vous, l'ancien leader syndical,
12:35c'était quand même votre carrière jusqu'à maintenant,
12:37vous jugez l'échec des négociations entre l'État et les partenaires sociaux
12:40pour réformer l'assurance chômage ?
12:42Échec qui oblige l'État à reprendre lui-même la main ?
12:44Est-ce que c'est la fin du paritarisme ?
12:46Je le dis encore une fois, à chaque fois qu'on privilégie le passage unilatéral au passage par le dialogue,
12:55on fait une erreur. On ne fait pas qu'une erreur sur le fond des sujets,
12:58on fait une erreur démocratique.
13:00Je l'ai toujours pensé, je le pense toujours.
13:02Je pense qu'il n'y a pas, et je ne reviendrai pas sur le surveil de l'assurance chômage,
13:06parce qu'il y a des gens mieux placés que moi pour en parler aujourd'hui.
13:09Ce n'est pas ma fonction aujourd'hui.
13:11Mon avis, je vais vous dire, c'est clair, c'est qu'il faut toujours privilégier le dialogue
13:15et ce n'est pas ce qui est fait malheureusement aujourd'hui.
13:17Mais ce n'est pas mon problème aujourd'hui de m'impliquer là-dedans.
13:21Je ne veux pas être le commentateur de l'actualité sociale.
13:24Je l'ai fait, j'en étais un acteur.
13:26Aujourd'hui, je vais être un acteur de la transformation environnementale
13:29par le biais du monde bancaire.
13:31C'est ça mon ambition.
13:33Oui, mais vous comprenez que votre regard puisse être attendu,
13:36ou votre analyse sur une réforme comme celle de l'assurance chômage.
13:40Bien sûr, monsieur Demorand, mais vous comprenez du coup
13:42pourquoi pendant quelques mois je n'ai pas parlé.
13:44Parce que je pense qu'il faut laisser la place.
13:47Et aujourd'hui, si je suis là ce matin,
13:50c'est parce que je veux parler de l'importance de l'investissement
13:54et du monde bancaire pour faire la transition environnementale.
13:58C'est fondamental. Pourquoi ?
13:59Parce que dans un moment où on se dit que l'environnement
14:02c'est peut-être un sujet de seconde zone,
14:04et il y a mieux à faire sur la question sociale, économique, démocratique, politique,
14:08et bien de faire la démonstration que par des actes concrets,
14:11on peut financer de la solidarité, on peut financer de l'environnement.
14:14Et tout ça, ça doit se faire, je boucle là-dessus,
14:17ça doit se faire en mettant en responsabilité les différents acteurs.
14:20Et c'est ça qui manque aujourd'hui.
14:22C'est le sentiment que l'environnement, c'est quelque chose qui concerne d'autres,
14:25et on ne sait pas qui.
14:27Et donc, vous ne voulez pas, en tant que cédétiste, citoyen,
14:32ancien patron de la CFDT, nous dire quel est votre avis
14:37sur la réforme possible de l'assurance chômage,
14:40avec une baisse éventuelle de la durée d'indemnisation,
14:43du montant de l'indemnisation, des conditions d'affiliation ?
14:47Ces questions-là ne vous concernent plus, Laurent Berger ?
14:50Comme citoyen, ça me concerne, vous imaginez bien.
14:52Et ça concerne dans une société où il y a de la paupérisation.
14:56Vous savez, la Fondation Crédit Mutuel,
14:58qui est la plus grande fondation d'entreprises privées aujourd'hui,
15:0080 millions de mécénats,
15:02elle finance des projets autour de la lutte contre la pauvreté,
15:06elle est venue au secours des banques alimentaires
15:08et des restos du cœur récemment,
15:10elle finance un projet avec la Croix-Rouge,
15:12je le dis, qui sont les territoires...
15:14Mais vous, on parle de vous, pas du Crédit Mutuel, Laurent Berger.
15:17Moi, je vous parle de mon engagement aujourd'hui,
15:19de mon engagement professionnel.
15:21Je suis bénévole à la Fondation Abbé Pierre
15:23parce que je suis soucieux du mal logement.
15:27Et donc, moi, je pense qu'il faut éviter de polariser
15:32la situation sur les demandeurs d'emploi
15:34en faisant croire qu'il y aurait des gens qui seraient profiteurs,
15:37alors que c'est des gens qui sont paupérisés la plupart du temps.
15:40Laurent Berger.
15:41Voilà, mais une fois que j'ai dit ça,
15:43il y a une secrétaire générale de la CFDT...
15:45On la reçoit le 1er mai.
15:47S'il y a un lieu où se pratique le compromis à grande échelle,
15:50vous le savez, c'est le Parlement européen.
15:51Nous sommes à moins de 50 jours de l'élection.
15:53Le RN est donné en tête des intentions de vote à 30% ou plus.
15:56Comment expliquez-vous cette dynamique ?
15:58Que des cadres, désormais, se disent prêts à voter RN.
16:01Que des bacs plus deux disent la même chose.
16:02Et même les retraités, qui n'ont jamais été jusque-là
16:04dans la sociologie électorale du RN.
16:06Je suis dans une situation où il faut qu'on regarde
16:09ce qui génère cette situation.
16:12Ce qui génère cette situation, c'est le sentiment d'invisibilité,
16:15du non-traitement des difficultés sociales, notamment.
16:18Du sentiment que c'est le monde du clash
16:21et le monde de la caricature qui l'emparquent,
16:23avant d'être sur le fond des sujets.
16:25Et le fond des sujets, c'est la transition environnementale
16:29qu'il faut mener.
16:30Les questions des inégalités qu'il faut bien traiter.
16:33La question démocratique.
16:34Le sentiment que tout se réglerait en haut,
16:37et pas par les citoyens eux-mêmes,
16:40à qui on confierait de la responsabilité,
16:42notamment la société civile.
16:43Le sentiment qu'il faudrait mettre les différentes institutions
16:48dans des cases.
16:49Vous voyez, c'est bizarre qu'un syndicaliste
16:51aille travailler dans une banque.
16:52Il y a quand même 9 Français sur 10 qui disent aujourd'hui
16:54sur une enquête qu'ils ont confiance dans leur banque.
16:56Quelle qu'elle soit.
16:57Vous voyez, je pense qu'il faut arrêter ça.
17:00Il faut de la projection sur ce qu'on veut faire.
17:02Là où on est, chacun de la responsabilité.
17:04Et c'est comme ça qu'on luttera contre
17:07les tentatives de rejet d'extrême.
17:09Dans votre livre, Laurent Berger,
17:11il y a de très nombreuses pages sur l'entreprise
17:15comme collectif, comme lieu de vie.
17:18La poussée du vote RN chez les cadres
17:23inspire quel commentaire chez vous ?
17:25Quand on n'arrive pas à apporter des réponses concrètes,
17:28les gens se réfugient dans des extrêmes.
17:30Et je le regrette.
17:31Vous connaissez mon engagement de longue date sur le sujet.
17:34De là où je parle aujourd'hui,
17:36ce n'est pas aussi important que de là où je parlais.
17:40Ce n'est pas ce qu'on attend de moi aujourd'hui.
17:42Mais je pense que c'est à chaque fois
17:44qu'on donnera le sentiment
17:46qu'on sera dans l'écume des choses
17:48pour régler les problèmes.
17:49Et notamment les problèmes de société,
17:53les problèmes de vivre ensemble, etc.
17:55On fera des électeurs potentiels
17:58pour des parties qui prennent plutôt le rejet de l'autre.
18:00Mais quand vous voyez ce niveau du RN,
18:02est-ce que vous ne dites pas qu'un jour,
18:04il faudra peut-être y aller, quitter sa banque,
18:06pour y aller, pour rentrer dans l'arène de la politique ?
18:08Cette question, on me l'a posée mille fois.
18:10Et vous en avez marre ?
18:11Ah oui, je crois que vous le sentez là.
18:13Mais c'est surtout que...
18:16Mon moteur le matin, quand je me lève,
18:19c'est ce que je vais être utile.
18:21Et ce que je vais être utile,
18:22à ce que je porte comme vision de la société.
18:24Et aujourd'hui, je le suis pleinement
18:27au sein du groupe Crédit Mutuel.
18:28Je suis engagé là, dans une équipe qui est très forte,
18:31avec des dirigeants.
18:32Éric Petitgan, le directeur général.
18:33Daniel Ball, avec qui je suis en phase,
18:35en termes de valeur,
18:36en termes d'évolution du monde bancaire,
18:39qui prend sa part.
18:40Juste sa part, pas plus.
18:41Dans la transition écologique et sociétale.
18:44Et il y a...
18:46Ça c'est aujourd'hui,
18:47la question d'IAL portée sur demain ?
18:49Mais aujourd'hui, ça fait quelques mois pour moi.
18:52Donc vous imaginez qu'aujourd'hui,
18:53c'est un peu demain aussi pour moi.
18:55Et le reste, j'ai toujours répondu
18:57que je ne me voyais pas aller dans le monde politique.
19:00Vous voyez, je suis dans le monde bancaire
19:02et je suis heureux d'y être.
19:03Il y a la banque, et puis il y a la gauche.
19:04La gauche éclatée façon puzzle,
19:06avec la nupèce explosée depuis le 7 octobre.
19:09Est-ce qu'il ne faudrait pas,
19:10à un moment donné, y songer ?
19:11Vous regardez ?
19:12Vous regardez ou pas l'état de la gauche ?
19:13Qu'est-ce que ça vous inspire ?
19:14Je suis un citoyen.
19:15Et aujourd'hui, je suis un professionnel engagé
19:18dans la création d'un institut mutualiste
19:19pour l'environnement et la solidarité.
19:21Et je suis...
19:22J'ai les mains dans le cambouis
19:23pour essayer de faire en sorte
19:24qu'on soit un centre d'expertise,
19:25qu'on soit un centre d'accompagnement
19:27de nos clients sur...
19:29Il n'y a pas des valeurs communes ?
19:30Il y a des valeurs communes, bien sûr.
19:31Mais je n'ai pas changé.
19:32Je suis toujours le même homme.
19:33Mais j'ai décidé, justement,
19:35de poursuivre mon engagement
19:36qui a été toujours sincère
19:37dans le monde économique
19:39et dans le monde bancaire
19:40et au Crédit Mutuel,
19:41avec qui je partage de larges valeurs.
19:43Les valeurs mutualistes...
19:44Et le mutualisme et le syndicalisme,
19:46ça a des valeurs extrêmement proches.
19:48C'est ensemble,
19:49on essaye de se protéger les uns les autres
19:51et de construire des projets collectifs.
19:53C'est ça qui me mobilise aujourd'hui.
19:55Je vois bien la question
19:57qui est quand même derrière
19:58ce que vous me demandez.
19:59Est-ce que vous voterez le 9 juin prochain ?
20:01Mais comme tout citoyen,
20:02j'espère qu'il votera le 9 juin prochain.
20:03Vous savez pour qui ?
20:04Je sais pour qui,
20:05et ça me regarde.
20:07Que pensez-vous de la dynamique ou pas ?
20:10Sondagière, en tout cas,
20:11de Raphaël Glucksmann ?
20:12Je sais ce que je ferai le 9 juin
20:13et ça me regarde.
20:15Est-ce que vous attendez quelque chose
20:16de particulier du discours
20:17d'Emmanuel Macron
20:18à la Sorbonne demain matin ?
20:19Discours sur l'Europe,
20:21Sorbonne 2,
20:237 ans quasiment après Sorbonne 1.
20:27Non, je ne suis pas mobilisé
20:30sur cette question-là.
20:32Moi, je suis un Européen convaincu.
20:34Vous savez, j'ai rejoint une entreprise
20:36qui a bien des égards
20:38appris son fonctionnement
20:41dans le modèle allemand,
20:42dans le modèle rénan.
20:44C'est aussi ce qui m'a séduit.
20:45On m'a souvent dit de moi
20:46que j'étais un syndicaliste
20:47plus allemand que français
20:48d'une certaine manière.
20:49Et c'est vrai que je m'y retrouve
20:51aujourd'hui dans le groupe Préliminituel.
20:52C'est aussi pour ces raisons-là,
20:53sans doute.
20:54On a besoin d'Europe.
20:55Une Europe qui soit moins naïve,
20:57qui protège.
20:58On a besoin aussi d'une Europe
21:00qui oriente sur la transition environnementale.
21:02On est très mobilisés aujourd'hui
21:03sur du reporting.
21:04Alors, ça fait un peu techno,
21:06mais c'est très concret.
21:07L'Europe a décidé qu'à travers la CSRD...
21:12Expliquez-nous parce que là...
21:13C'est du reporting qui demande
21:15aux entreprises de dire
21:16quelle est leur action
21:17sur leur implication
21:18dans le domaine environnemental
21:20et social, notamment.
21:22Eh bien, c'est ce que j'appelle...
21:24C'est des fois un peu fouillu.
21:26C'est très compliqué.
21:28Mais c'est un mal nécessaire
21:29d'une certaine manière
21:30parce que ça va obliger aussi
21:31le monde économique à bouger.
21:33Les entreprises à bouger.
21:34Ce qu'il faut, c'est mieux accompagner
21:36les entreprises dans cela.
21:38Donc, on a besoin d'une Europe
21:39qui régule et en même temps
21:41qui continue d'investir
21:43dans la transition environnementale.
21:44C'est une évidence.
21:45À vous entendre,
21:46on a le sentiment
21:47que c'est par l'entreprise
21:49que la transition se fera.
21:52Et que vous en attendez
21:54peu ou moins des politiques.
21:56Je me trompe, Laurent Berger ?
21:57Non, je crois qu'il faut tout.
21:59Il faut des orientations politiques
22:02qui permettent dans une société
22:03de savoir vers où on va.
22:04Et après, il faut des acteurs
22:05qui sont engagés pour le faire.
22:06Et je pense que l'entreprise,
22:08aujourd'hui, est un acteur essentiel
22:10pour changer la société.
22:11Notamment sur la question environnementale,
22:13la question des solidarités.
22:14Vous savez, je ne vous ai pas beaucoup parlé
22:16du dividende sociétal.
22:17Mais attribuer 15% de son bénéfice
22:20à des projets environnementaux et sociétaux,
22:22c'est énorme pour le crédit mutuel.
22:24Ce sera, à la fin de l'année 2024,
22:26un milliard qui sera consacré
22:28à cette ambition-là.
22:29Vous y revenez dans le livre.
22:32Vous aviez parlé de crise démocratique
22:34en pleine contestation
22:35de la réforme des retraites
22:36pour qualifier l'état du pays.
22:37L'expression avait fait énormément de bruit.
22:40C'est notre dernière question.
22:42La crise démocratique, nous y sommes
22:44et nous y restons, selon vous, Laurent Berger.
22:47Oui, d'ailleurs, quand je l'avais abordé,
22:49ça avait été contesté comme terme.
22:50Aujourd'hui, il est largement utilisé.
22:52On y est et il faut regarder
22:54ce qui est recréé du commun.
22:56Moi, ce qui me frappe,
22:58c'est qu'aujourd'hui, au crédit mutuel,
23:00il y a 20 000 élus de terrain
23:02qui représentent les sociétaires.
23:04Et on pourrait prendre la même chose
23:06dans le mouvement associatif.
23:07Il y a des gens qui sont prêts à faire
23:09et à participer à des projets collectifs.
23:11Et on a le sentiment qu'il y a une espèce de barrière
23:13entre une conduite d'un pays
23:16de façon extrêmement verticale
23:18et une incapacité à s'appuyer
23:20sur les forces vives.
23:21Et les forces vives, dans un pays,
23:23c'est la société civile,
23:24c'est le monde associatif,
23:25c'est le monde économique,
23:27c'est le monde social.
23:28C'est triste que vous dites finalement
23:29que ce n'est plus dans le champ politique
23:30qu'on peut avancer.
23:31Si, je ne dis pas qu'on ne peut pas avancer
23:33dans le champ politique,
23:34mais le champ politique ne peut pas avancer tout seul.
23:36Il faut qu'il avance avec le monde économique,
23:38avec le monde social,
23:39avec la société civile.
23:40Pour une société du compromis
23:42aux éditions de l'Aube,
23:44avec Jean Viard.
23:45Merci Laurent Berger
23:46d'avoir été à notre micro ce matin.

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