• il y a 8 mois
À 9h20, Benoît Magimel est l’invité de Léa Salamé. Son nouveau film « Rosalie » de Stéphanie Di Giusto, sort en salles mercredi prochain.

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Transcription
00:00 Bonjour Benoît Magimel.
00:01 Bonjour.
00:02 Merci d'être avec nous ce matin.
00:03 Si vous étiez un écrivain, un pays et un défaut, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:09 D'abord l'écrivain, vous seriez qui ?
00:10 Je serais Calise Gibran.
00:12 Pourquoi ?
00:13 Parce qu'il a écrit un livre, Le Prophète.
00:17 J'ai lu ça quand j'étais très très jeune et il se trouvait qu'il y avait pas mal de
00:22 réponses dedans qui me plaisaient.
00:23 Après j'ai appris qu'en fait il ne respectait pas du tout ses préceptes.
00:27 Oui c'est ça, meilleur conseiller.
00:30 Mais vous le gardez quand même.
00:31 Mais je le garde quand même.
00:32 Si vous étiez un pays ?
00:33 Je serais un continent, je serais le continent africain.
00:36 Pourquoi ?
00:37 Parce que je crois que c'est une terre d'avenir.
00:39 J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de choses là-bas qui se passent et c'est une
00:44 émulation incroyable.
00:45 C'est très créatif, je sais pas ça.
00:49 Bon, il y a énormément de misère évidemment mais il y a quelque chose, il y a une survie,
00:54 il y a une force de vie incroyable.
00:56 Ça vibre.
00:57 Oui certainement.
00:58 Si vous étiez un défaut, vous en avez des défauts ?
01:01 Oui, têtu.
01:02 Têtu ?
01:03 Oui, j'ai du mal à plier le genou, je crois.
01:07 Il faut toujours que vous ayez raison.
01:08 Et en même temps j'accepte quand c'est… Enfin je pense à mon métier en fait.
01:16 Je suis plutôt assez conciliant mais dans la vie privée, j'ai du mal à plier.
01:19 Vous avez du mal à plier.
01:21 Je vais vous citer une phrase d'André Gide.
01:23 "Il est bien peu de monstres qui méritent la peur que nous en avons."
01:27 Il est bien peu de monstres qui méritent la peur que nous en avons.
01:31 Vous êtes d'accord avec lui ?
01:32 Bien sûr.
01:33 D'ailleurs le film Rosalie, c'est de ça que ça parle.
01:37 Les différences nous font peur.
01:40 Elles font peur à la société, elles font peur dès qu'on a quelque chose de… En
01:47 fait une forme de liberté.
01:48 Je pense que la liberté c'est ce qui fait le plus peur aujourd'hui.
01:51 La liberté ça fait peur.
01:52 Et cette femme elle est libre.
01:54 Rosalie c'est le film que vous venez nous présenter ce matin, le nouveau film de Stéphanie
01:58 D'Agusto qui sort mercredi prochain.
02:00 Les monstres dont parle Gide ou les "freaks" on disait en anglais, il en est question dans
02:06 ce film-là.
02:07 C'est un film passionnel, un film sensuel, violent même.
02:10 L'histoire d'une femme, une femme à barbe qui a existé au 19ème siècle, incarnée
02:16 par Nadia Tereskevitch.
02:18 Elle est atteinte d'un dérèglement hormonal qui entraîne une pilosité excessive, ce
02:23 qu'on appelle l'hirsutisme.
02:24 Elle a vraiment existé cette femme.
02:26 Elle s'appelait Clémentine Delay, femme à barbe célèbre en Lorraine à la fin du
02:31 19ème.
02:32 Et elle se bat pour assumer sa différence, pour exister, pour vivre malgré tout normalement.
02:38 Cette femme singulière, émancipée, forte, libre comme vous dites, mais qui souffre aussi
02:43 énormément.
02:44 C'est elle qui vous a touché en lisant le scénario ?
02:48 Bien sûr, c'est cette force de vie qu'elle a en elle, ce côté solaire aussi.
02:54 C'est quelqu'un qui est plein d'amour, qui va même réveiller le désir de cet
02:58 homme.
02:59 Et puis il y a surtout cette histoire d'amour.
03:00 C'est ça, vous êtes un tenancier de bistrot, criblé de dettes, au bord de la faillite,
03:05 qui décide d'épouser cette femme pour toucher la dot et rembourser ses dettes.
03:09 C'est donc un mariage arrangé.
03:10 Quand on la lui présente, elle a les joues lisses.
03:13 Oui, bien sûr.
03:14 Et elle est même trop belle pour être vraie.
03:17 Pour lui, en tout cas.
03:19 Lui, il se voit comme un monstre.
03:20 Il revient de la guerre, c'est un homme abîmé, détruit.
03:24 Il se voit vraiment lui aussi comme ce fric.
03:28 Il porte un harnais.
03:29 Et puis il voit cette jeune femme arriver, il a beaucoup d'égard pour elle.
03:33 Et puis il va découvrir en fait quelque chose, ça sert à dire sottisme en fait.
03:39 Il va vivre ça.
03:40 Je pense que ce problème-là, c'est plutôt le mensonge et la trahison qui va le blesser.
03:46 La nuit de Neuf, cette femme ravissante, puisqu'elle se rasait tous les matins, il ouvre sa chemise
03:52 et il découvre que sur son torse, il y a des poils.
03:55 Et là, il y a une scène d'une violence incroyable.
03:58 C'est-à-dire qu'il la rejette, violemment.
04:00 Il lui dit "tu m'as menti, tu m'as trahi, qu'est-ce que c'est que ça ? Mais en fait,
04:04 t'es pas une vraie femme".
04:05 Il y a une vraie violence dans cette scène de rejet.
04:07 Il ne veut plus la regarder, il ne veut plus la toucher.
04:08 Et c'est cette résistance en fait tout au long du film qui m'a marqué.
04:12 Parce que les histoires d'amour, il y a toujours un peu un moment classique qui arrive à la
04:18 moitié du film.
04:19 Là, il y a une telle résistance chez lui, à chaque fois il se retrouve face à ça,
04:23 il la rejette.
04:24 Il n'y arrive pas.
04:25 Il n'y arrive pas, c'est vraiment...
04:26 D'ailleurs, il lutte et il essaye de trouver cette féminité.
04:29 Jusqu'au moment où en fait, les actes d'amour qu'elle va poser pour lui vont lui permettre
04:35 de l'aimer au-delà de ses apparences, tout simplement.
04:37 Il ne va plus voir cette chose.
04:39 Mais c'est vrai que c'est ça qui est très très fort dans le film.
04:43 C'est comment le désir progressif, le désir qui résiste, finit par le brûler à cet
04:48 homme.
04:49 Et c'est en ça que c'est un film, je pense, sur la sensualité, sur la liberté aussi,
04:52 sur la différence, mais sur la sensualité.
04:54 Et comment on peut être à la fois dégoûté par une personne et attiré, excité par cette
05:01 personne.
05:02 Et c'est cette chose-là, très ténue, que vous jouez, vous.
05:05 Parce que c'est vous qui êtes dans ce rejet-attraction qui rend le film intéressant et différent.
05:11 Comment ? C'est trouver le chemin, ce que je disais à la réalisatrice.
05:15 Trouver le chemin vers cette femme, qui elle est vraiment, réellement.
05:22 Elle est tellement… Tout ce qui peut lui faire endurer glisse sur elle totalement.
05:29 Elle est tellement lumineuse à chaque fois.
05:32 Elle retrousse ses manches et elle continue de tout faire pour l'aider.
05:36 Elle réveille son désir.
05:37 Elle va le chercher.
05:39 Elle va le chercher.
05:40 Elle va le toucher.
05:41 Elle va lui dire « regarde, je ne suis pas un monstre ».
05:43 C'est elle qui provoque.
05:44 Et sans cette insistance, ça aurait été difficile, je crois, pour cet homme.
05:50 Les scènes sensuelles, ce n'est pas votre truc au cinéma, Benoît Mégenel.
05:54 On se rappelle que vous aviez failli refuser « La pianiste » de Michael Haneke parce
05:58 qu'il y avait une scène de masturbation qui finalement a été retirée dans le film.
06:01 Il paraît même que là, lors de la première projection, vous étiez gêné, ce que dit
06:05 la réalisatrice, en voyant les scènes d'intimité.
06:08 Ça vous met toujours mal à l'aise ?
06:10 Je suis sorti quasiment de la salle.
06:12 Oui, c'est ça, je suis très gêné parce que c'est trop proche en plus.
06:16 Je crois que j'ai besoin de temps pour voir les films, pour prendre une distance, pour
06:21 pouvoir voir les choses de manière moins intime, moins personnelle.
06:24 Pour jouer, j'ai besoin de tirer les rôles vers moi, de m'identifier complètement
06:31 à eux, pour me poser toutes ces questions nécessaires pour moi, qui sont parfois des
06:35 questions un peu pratiques même, notamment dans ce film-là.
06:39 La question pratique de comment éviter ces zones de poils.
06:43 C'est un peu bête, mais c'est que comme ça que j'y arrive.
06:48 Donc quand je vois le film un an après, je suis trop imprégné de ça encore.
06:52 Vous avez failli sortir, mais vous n'êtes pas sorti, vous vous êtes sorti de la salle
06:57 parce que ça vous met trop mal à l'aise de vous voir, surtout dans ces scènes d'intimité.
07:02 Oui, ça m'a dérangé, je me cachais, je mettais la main devant les yeux.
07:07 Et parfois c'est des scènes d'émotion aussi qui vont me déranger, c'est trop tôt.
07:12 Il faut un temps pour pouvoir vous voir vous.
07:16 Tellement vous êtes… C'est ce que dit Virginie Firat, vous, elle dit, Benoît Magimel,
07:21 il n'y a pas de différence entre la réalité et la fiction avec lui.
07:23 Je pense qu'on ne rentre pas dans la peau d'un personnage, c'est lui qui rentre dans la vôtre.
07:30 Et c'est comme ça que je trouve ma sincérité en fait.
07:34 Je pense qu'il faut être sincère, c'est tout.
07:36 Benoît Magimel, quelle décennie vous venez de passer quand même.
07:39 A quelques jours de quitter la quarantaine, parce que j'ai regardé, c'est dans un mois et demi,
07:45 que vous avez 50 ans, vous êtes devenu l'un des acteurs les plus bankables, comme on dit,
07:48 du cinéma français, le meilleur acteur de sa génération, d'Ivan Ittifère.
07:51 On dit que vous êtes le Marlon Brando français, vous avez remporté deux Césars,
07:55 deux années consécutives, ce qui est rarissime.
07:57 L'an dernier à Cannes, vous présentiez pas moins de trois films en compétition.
08:00 Quand vous regardez votre parcours, quand vous regardez vos 35 ans de carrière,
08:04 depuis « La vie est un long fleuve tranquille » où vous aviez 14 ans, il y a quoi qui se passe ?
08:08 C'est de la fierté ?
08:09 Et si vous voulez, très jeune, je pense que dès 14-15 ans, j'attendais cette période, curieusement.
08:17 Les gens me prenaient pour un fou, ils disaient « la quarantaine pour un acteur,
08:20 c'est l'âge des possibles ».
08:22 Tous les acteurs que j'ai pu admirer avaient au moins cet âge-là.
08:26 Et je voyais tous ces rôles, je me disais « il faut avoir un vécu pour pouvoir endosser des personnages ».
08:32 Et on met ce vécu au service de ces rôles.
08:34 On parle de ce qu'on connaît, on parle de soi, finalement, à travers des rôles.
08:38 Et quand il y a des petites zones de résonance comme ça, ben j'y vais.
08:42 Et donc il fallait attendre d'avoir 40 ans, il fallait attendre de vivre ce que vous avez vécu
08:46 entre 14 et le début de la quarantaine, les hauts, les bas, les moments difficiles,
08:51 pour pouvoir devenir l'acteur que vous êtes devenu aujourd'hui, qui est Plébiscité.
08:54 Vous pensez qu'il fallait ce chemin-là ?
08:57 Je pense, oui, je pense.
08:58 Je pense qu'on ne peut pas jouer Hamlet à 20 ans.
09:03 On joue Alfred de Musset.
09:06 On parle de ce qu'on ressent, on parle des choses qui font écho.
09:10 C'est trop tôt, on ne peut pas comprendre tout.
09:12 Moi j'ai vu des films trop jeunes, je les ai revus plus tard,
09:15 et puis tout d'un coup ça m'a parlé parce que j'avais vécu des choses.
09:17 Aujourd'hui vous êtes prêt à jouer Hamlet ?
09:19 Je ne sais pas encore.
09:21 Pas encore, il faut encore vivre un peu ?
09:23 Il faut encore dans une décennie ?
09:25 Moi le théâtre, en tout cas le théâtre, c'est quelque chose qui m'impressionne beaucoup.
09:28 Vous avez envie ?
09:30 Oui j'aimerais bien, quelque chose de plus moderne je pense.
09:33 Quelque chose de plus moderne que Shakespeare.
09:34 Vous dites que le plus dur dans votre métier c'est de durer.
09:37 Quel est le secret pour durer ?
09:39 Comment on ne lasse pas au fond les gens, le public, les réalisateurs qui ont moins de désir pour vous ?
09:44 J'ai toujours pensé qu'il fallait prendre un peu son temps
09:48 et ne pas s'emballer sur des propositions peut-être parfois trop grosses, trop importantes.
09:53 D'avoir d'abord des fondations pour pouvoir encaisser un échec par exemple.
09:58 J'ai vu des acteurs qui avaient joué dans des super productions
10:01 pour un premier film qui s'est ramassé et on ne les a plus vus derrière.
10:05 Donc il faut prendre son temps, il ne faut pas s'emballer simplement.
10:08 Faire des choix, je crois que c'est le plus important.
10:09 Mais vous arrivez à dire non ?
10:11 Oui bien sûr.
10:12 Je sais que vous avez dit non à Mérine, vous avez dit non à des très grands rôles.
10:16 C'est facile pour vous de dire non ?
10:18 Même quand on vous dit "c'est énorme, tu ne peux pas, c'est le rôle de ta vie".
10:22 C'est difficile quand vous avez envie de travailler avec un réalisateur.
10:24 Quand c'est quelqu'un que vous avez envie de connaître, là c'est difficile de dire non.
10:30 Et surtout quand même une fois j'avais sollicité un réalisateur et j'ai fini par refuser sa proposition.
10:36 Pourquoi ?
10:38 Parce que je ne croyais pas à ce qu'il me proposait.
10:42 Je ne vous demande pas c'est qui ?
10:43 Non.
10:44 Vous ne me le direz pas ?
10:45 Non.
10:45 Et quand un film que vous aimez beaucoup ne marche pas, comment vous le vivez vous ?
10:49 Très très mal, très mal.
10:51 Et ça a été aussi des moments où parfois on a envie de laisser tomber parce que les films auxquels on croit ne marchent pas,
10:59 ou on est un peu plus dubitatif, fonctionnent, on ne sait jamais en fait.
11:03 Mais c'est vrai qu'aujourd'hui le cinéma va mal et à chaque fois,
11:06 c'est un tel investissement que quand ça ne rencontre pas le public,
11:09 on est vraiment malheureux parce que c'est que le public qu'on a envie de toucher.
11:12 Mais heureusement...
11:13 Vous faites ce métier pour toucher le public ?
11:15 J'avais Alexandra Lamy la semaine dernière qui disait "mais moi je ne trouve pas que c'est un gros mot le mot populaire,
11:20 j'aime ça, je fais mon métier pour ça" comme Nino Ventura disait "c'est pour le public en fait,
11:24 ce n'est pas pour les critiques ou pour le milieu".
11:26 Mais bien sûr, et c'est pour procurer des émotions aux gens.
11:30 Moi Chabrol m'a toujours dit "j'essaie de faire des films qui ne remerdent pas le public".
11:33 Il pense à lui en premier.
11:35 Et c'est vrai que quand j'ai commencé, je n'entendais jamais ce mot-là.
11:39 C'était quelque chose limite de...
11:43 Pas vulgaire, mais en tout cas, c'était jamais...
11:45 Je disais "mais il y a des films qui sont tellement personnels".
11:47 Quand vous faites des films personnels, c'est comme Albert Serra.
11:50 Vous faites un film à un million d'euros, ce qui n'est pas...
11:54 Pacification, là, vous parlez du film "Pacification", pardon.
11:57 Et ça lui donne toute la liberté de faire ce qu'il a envie de faire.
12:01 Mais à ce moment-là, il y a moins d'enjeux financiers.
12:03 - Votre plus grande fierté, c'est quoi ? C'est votre César de son vivant, d'Emmanuel Berco ?
12:10 - Ma plus grande fierté, c'est d'avoir fait des films avec elle, surtout.
12:13 Et de l'avoir rencontrée à un moment donné où c'était un moment important.
12:18 - Quel film, quand même ?
12:19 Ce film de son vivant où vous jouez un malade du cancer...
12:22 - Je ne voulais pas le faire, le film, parce que ça m'avait tellement ému.
12:26 Et je me disais "oh là là, on va faire un coup d'un an là-dessus, comment je vais m'en sortir ?"
12:30 C'est annonciateur d'une mauvaise nouvelle.
12:32 - Vous aviez peur de mourir, d'avoir un cancer ?
12:34 - Je me suis dit "je vais tellement en prendre ça pour moi personnellement que je vais en créer un".
12:39 - Heureusement non. Mais quel film, quand même ?
12:43 Il n'y a pas une semaine qui passe sans que je ne repense pas à ce film-là,
12:46 à cet homme de 40 ans qui va avoir un cancer, qui va mourir,
12:50 et qui dit "il faut ranger sa chambre avant de mourir".
12:52 - Oui, il faut s'organiser avant de partir.
12:56 Il faut dire au revoir aux gens qu'on aime.
12:57 Il y a tellement de choses auxquelles on ne pense pas.
13:00 Mais vous voyez, ce film a été repoussé plusieurs fois.
13:04 C'est un film qui s'est déroulé sur une année.
13:07 Et cette année-là m'a permis de faire le chemin de ce personnage.
13:10 - Et ça s'est terminé par le César.
13:12 Il paraît que votre mère, qui était infirmière, vous disait souvent
13:15 "on te reprochera toujours d'où tu viens, mon fils".
13:18 - Oui.
13:19 - C'est vrai, on vous la reprochait ?
13:20 - Je ne sais pas, je me suis raconté parfois.
13:22 Mais je ne sais pas si c'est vrai, je ne sais pas.
13:25 - D'où tu viens ?
13:28 - C'est dû à une anecdote qu'elle m'avait dit.
13:32 Elle m'avait dit que quand elle allait chercher certains patients,
13:35 elle était extrêmement dévouée.
13:37 C'était une infirmière.
13:38 Ma mère m'a impressionné beaucoup dans la façon dont elle donnait tout à son travail.
13:43 Elle me disait "j'arrive chez des gens, parfois on me demande d'enlever mes chaussures.
13:46 Et quand le médecin arrive, lui il peut les garder".
13:49 Et donc, voilà, c'est peut-être de ça qu'il m'est resté.
13:53 Comme phrase.
13:55 - Sauf que vous vous dites "je peux circuler dans tous les milieux,
13:58 je sais très bien faire semblant".
14:00 - Oui, je ne voulais surtout pas être cantonné à quelque chose.
14:04 Je voyais aussi que les acteurs qui ne faisaient que la même chose étaient un petit peu...
14:09 Voilà, moi j'avais envie de jouer tout.
14:11 Mais attention, on ne peut pas tout jouer, on ne peut pas tout faire.
14:14 Il y a des choses...
14:15 - Il y a des rôles que...
14:16 - Il y a des choses qu'il faut simplement avoir une connexion avec.
14:19 - Et à la fin, à bientôt 50 ans, c'est quoi le succès ?
14:23 C'est quoi la recette ?
14:25 C'est le travail ? C'est la chance ou c'est le talent à votre avis ?
14:28 - C'est tout ça à la fois.
14:30 Je pense que c'est tout ça à la fois.
14:31 - Et le plus important, c'est quoi ?
14:33 - C'est les rencontres.
14:34 C'est les rencontres et quand on dépend du désir des gens,
14:38 c'est quelque chose de très difficile à...
14:41 Vous ne savez pas comment ça fonctionne.
14:42 Je crois que la seule fois où j'ai désiré fortement faire un rôle, je ne l'ai pas eu.
14:47 - C'était quoi ?
14:48 - C'était un film...
14:50 C'était même un téléfilm, je me souviens.
14:52 C'était un rôle un peu étrange.
14:55 Et je suis arrivé, j'avais été nommé au César de "Le meilleur espoir" pour un film de Téchiné.
15:00 Et j'ai dit "oui, ce rôle, j'aimerais beaucoup le jouer, j'ai très envie".
15:04 J'avais une vingtaine d'années et ils m'ont regardé, je pense, avec des gros yeux et ils ne m'ont jamais rappelé.
15:10 Donc à partir de là...
15:10 - Et c'était un mal pour un bien, non ? Finalement, vous ne vous aviez pas pris.
15:13 - Mais on apprend beaucoup de ce genre de choses.
15:15 C'est surtout ça.
15:16 Vous me demandiez tout à l'heure, je pense qu'on apprend énormément des choses qu'on rate aussi.
15:22 Et d'ailleurs, j'aime bien ce que disait Brel, on raconte les choses qu'on rate, qu'on n'arrive pas à faire.
15:27 Et finalement, les rôles que je joue, j'aimerais parfois avoir leur qualité, que je ne possède pas forcément.
15:35 - Et par exemple, sur ce rôle, sur ce film, Rosalie, qu'est-ce qu'il a comme qualité que vous n'avez pas et que vous aimeriez bien posséder ?
15:41 - Est-ce que j'aurais pu tomber amoureux au-delà des apparences ?
15:46 Est-ce que dans une société comme la nôtre, j'aurais eu cette force ?
15:52 Je pense que les actes font tomber les masques, de toute façon.
15:57 Quand on a des actes d'amour comme ça, ça perturbe.
16:01 - 50 ans, dans un mois, vous vivez comment ? Avec angoisse ou sérénité ?
16:05 - Je me demande s'il faut le fêter.
16:06 - Oui, donc plutôt avec angoisse.
16:09 - C'est à la fois... C'est une bascule, en fait. C'est ça, surtout, je crois.
16:14 C'est une bascule.
16:16 J'essaie de ne pas me poser les phrases que j'entendais chez les vieux, qui se disaient
16:21 "Oui, mais dans ma tête, j'ai pas du tout 50 ans".
16:23 Vous voyez, ce genre de phrases.
16:24 - Et dans votre tête, vous avez quel âge, en vrai ?
16:26 - Je crois que je suis resté un gamin, en fait.
16:28 Je pense qu'il faut rester un gamin pour faire ce métier.
16:32 L'art du déguisement, c'est tellement drôle, c'est tellement intéressant.
16:37 - Et votre rapport à votre corps, comment il va ?
16:39 Parce que c'est vrai, vous avez pas mal parlé.
16:41 Vous avez pris 20 kilos pour je sais pas quel film, vous les avez perdus, vous vous dites
16:44 "Je pars se monter à faire un yo-yo, quand je bouffe une salade, je prends un kilo".
16:49 Là, on est comment ? On est bien, plutôt, non ?
16:51 - Oui, ça s'arrange, ça va.
16:53 J'avais fait comme Chabrol m'avait dit "arrête le sport après 30 ans".
16:56 C'est ce que j'ai fait.
16:58 Et maintenant, je reprends.
17:01 Obligé, vous voyez, il a 50 ans, c'est...
17:03 On va pas se laisser aller, parce qu'après, on sait que c'est trop tard.
17:06 - Donc vous faites du sport ? - Ouais.
17:08 - Vous avez arrêté de fumer ? - Non, pas encore.
17:10 - Les impromptus, les questions de faim, vous répondez sans trop réfléchir.
17:14 Est-ce que c'est vrai que vous cuisinez bien ?
17:16 - Je cuisine convenablement.
17:18 - C'est Juliette Binoche qui dit ça.
17:20 - Oui, c'est moi, je fais des bons petits plats, messieurs.
17:22 - C'est quoi le meilleur plat ?
17:24 - C'est de l'improvisation. Ah, j'adore le poteau-feu.
17:26 - Sartre disait "il n'y a pas de bon père". Vous êtes d'accord avec ça ?
17:30 - Oui, je l'ai appris à le découvrir.
17:34 - Il n'y a pas de bon père ?
17:36 - C'est un métier difficile.
17:38 Je crois être tout sauf mon père, éviter les mêmes erreurs, mais j'en ai commis d'autres.
17:44 On en fait quoi qu'il arrive.
17:46 Et puis l'absence, on ne la remplace pas aussi.
17:48 - La notoriété, c'est une chance ou c'est un poison ?
17:52 - Ça dépend.
17:54 Quand elle est hystérique, ça peut l'être.
17:58 Sinon, non, ce n'est pas dérangeant spécifiquement.
18:00 - Vous n'avez jamais pété les plans ?
18:02 - Non.
18:04 - Delon ou Belmondo ?
18:06 - Delon, parce que c'est un fils de charcutier.
18:10 - Al Pacino ou Robert de Niro ?
18:12 - Al Pacino, parce qu'il prend plus de risques, il est plus exacerbé.
18:16 Jouer la retenue, c'est plus simple.
18:18 - Gabin ou Ventura ?
18:20 - Gabin.
18:22 Pour toutes ses périodes et toute son histoire.
18:26 C'est un destin incroyable.
18:28 Je dirais que l'homme est aussi fascinant que sa carrière.
18:32 - Visconti ou Fellini ?
18:34 - Fellini.
18:35 - MTM ou IAM ?
18:36 - MTM.
18:37 - Marguerite Duras ou Françoise Sadan ?
18:39 - Marguerite Duras.
18:41 - Orelsan ou Stromae ?
18:43 - Stromae.
18:45 - La boxe ou le foot ?
18:47 - La boxe.
18:48 - Anatomie d'une chute ou Oppenheimer ?
18:51 - Oppenheimer.
18:53 - Qu'est-ce qui vous met en colère ?
18:55 - Les gens qui utilisent leur statut pour écraser les autres.
18:58 Je ne les aime pas.
19:00 - La dernière fois que vous avez pleuré, Benoît Magimel ?
19:02 - C'était en revoyant Omar Lafraise.
19:06 Quand je meurs.
19:08 - Sexe, alcool, drogue, bouffe, quels sont vos vices ?
19:11 - J'ai eu tout ça à la fois, sauf alcool.
19:14 - Sexe ?
19:16 - Oui.
19:17 - Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
19:21 - Liberté.
19:22 - Et Dieu dans tout ça ?
19:24 - Je m'efforce en ce moment de me tourner vers lui.
19:27 - C'est vrai ?
19:28 - Oui.
19:29 - Et c'est dur ?
19:30 - Au quotidien, je crois.
19:32 La spiritualité, c'est un chemin, une force en tout cas.
19:36 Je pense qu'il y a une force supérieure.
19:39 Mais je suis encore loin de tout ça.
19:41 - Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
19:43 Le film s'appelle "Rosalie" de Stéphanie D'Agusto.
19:46 Ça sort mercredi prochain au cinéma avec Nadia Tereskevitch.
19:50 Merci, Benoît Magimel.
19:52 - Merci Léa.

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