• il y a 8 mois
Lisa Dayan a souffert pendant dix ans de douleurs gynécologiques, des douleurs survenues brusquement, qu’elle n’a pas su interpréter. Elle revient pour nous sur cette épreuve.

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Transcription
00:00 Je fonctionnais vraiment comme si cette partie de mon corps n'existait pas,
00:03 tout en ayant des rapports qui étaient douloureux à la pénétration.
00:07 La première fois que j'ai ressenti des douleurs, j'avais 22 ans, c'était en 2010,
00:11 et j'étais avec mon copain depuis presque deux ans.
00:14 Ça faisait une semaine qu'on ne s'était pas vus, j'étais partie en vacances, je reviens,
00:17 et on a un rapport, et là il y a vraiment une douleur qui me transperce de l'intérieur
00:21 au moment où il me pénètre, et j'ai poussé un cri, et j'ai pas compris.
00:24 J'ai un peu eu envie de faire comme si de rien n'était, donc on a recommencé,
00:27 et la douleur était encore là. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.
00:30 Malheureusement, souvent c'est perçu comme une petite déprime,
00:33 ou comme une petite gêne chez la femme qui n'est pas forcément à l'aise, qui doit se détendre.
00:37 C'est souvent ce qu'on essaie de te dire, c'est "détends-toi, ça va passer".
00:41 Du coup, ce n'est pas passé, et quelques mois plus tard,
00:44 je suis retournée voir mon gynéco de famille,
00:46 qui lui m'a diagnostiquée avec une vulvodynie quasiment de suite.
00:51 Donc la vulvodynie, c'est les douleurs à la vulve,
00:54 donc c'est principalement le sierre externe du vagin,
00:56 donc ça peut être le vestibule, les lèvres, le clitoris.
01:00 Il n'y a pas forcément de lésion apparente,
01:02 c'est juste douloureux à la pénétration, parfois même au toucher.
01:05 Quand j'ai appris que j'avais une vulvodynie, je pense que je ne savais pas du tout à quoi m'attendre.
01:09 On ne m'a pas vraiment expliqué ce que c'était,
01:11 comment je pouvais me soigner, les choses qui existaient,
01:13 donc je n'ai pas trop anticipé ce qu'allait être les prochaines années.
01:16 Je me suis un peu dit, en plus on m'a dit que c'était physique et pas psychologique pour moi,
01:20 parce que je n'avais pas subi d'agression sexuelle ou de viol,
01:24 donc c'était forcément physique.
01:26 Donc moi, j'ai vraiment soigné ça en me disant,
01:27 "Bon, tu as déjà eu 12 000 entorses dans ta vie, c'en est une de plus,
01:31 tu vas gérer ça de manière assez pragmatique."
01:33 Je fonctionnais vraiment comme si cette partie de mon corps n'existait pas,
01:36 ou en tout cas, comme si elle n'avait pas son mot à dire.
01:38 Donc je m'imposais des douleurs en étant persuadée qu'à force d'essayer,
01:43 qu'avec un peu de violence et de volonté,
01:46 j'allais arriver vraiment à faire disparaître ces douleurs.
01:48 Et donc j'ai continué vraiment cette spirale, en fait,
01:51 où je n'ai jamais à aucun moment essayé de me protéger,
01:54 de prendre soin de moi et d'écouter du coup mon corps qui souffrait, en fait.
01:57 J'ai parlé de mes douleurs à deux ou trois partenaires sur dix ans,
02:02 qui ne comprenaient pas vraiment.
02:04 Ils ralentissent, mais ils ne s'arrêtent pas.
02:06 La douleur est quand même là, parce qu'en fait,
02:08 ce n'est pas forcément une question de vitesse ou de profondeur,
02:12 ne serait-ce que... En fait, la vulvodynie, c'est juste le fait de toucher l'entrée du vagin,
02:16 donc peu importe le rythme et peu importe la profondeur,
02:19 ça fait quand même mal, jusqu'au jour où j'ai rencontré un homme
02:23 qui, lui, avait des pratiques très différentes des miennes.
02:25 Et donc, il a fallu qu'on en discute, parce qu'en fait, du coup,
02:27 on n'aimait pas les mêmes choses.
02:28 Et d'un coup, j'ai dû parler plaisir,
02:30 chose que j'avais ignorée pendant, à ce stade, huit ans,
02:34 où le plaisir n'était pas du tout une question.
02:36 Je ne me posais même pas la question.
02:38 En fait, pour moi, le plaisir passait forcément par la pénétration.
02:40 Et donc là, j'ai dû réfléchir à autre chose.
02:42 Enfin, on a dû réfléchir à autre chose ensemble.
02:44 Et d'un coup, le plaisir est devenu le centre du rapport
02:47 et puis la pénétration.
02:48 Du coup, petit à petit, le fait de laisser entrer
02:51 cette notion de plaisir dans le rapport,
02:53 j'ai commencé à, parfois, ressentir un peu moins de douleur.
02:56 Donc, ça allait être pas de douleur du tout au début,
02:59 puis des douleurs qui arrivent au bout d'un moment.
03:00 Donc, on a arrêté à ce moment-là, ou l'inverse,
03:02 des douleurs au début, et puis en utilisant du lubrifiant
03:05 ou en faisant d'autres pratiques typiquement non pénétratives.
03:08 Et un jour, ça a disparu.
03:09 Mais principalement, c'est en écrivant le livre
03:11 que j'ai compris comment étaient arrivées les douleurs
03:14 et comment elles étaient parties.
03:15 Moi, je pense que c'est arrivé avec une puberté
03:18 qui a été peut-être un peu violente.
03:20 C'est-à-dire qu'on nous explique pas forcément ce passage-là.
03:24 On nous amène pas forcément de l'enfance à l'adulte.
03:28 Très vite, ton corps est sexualisé,
03:30 alors que juste avant ça, tu jouais avec des poupées.
03:33 Donc, je pense qu'il y avait premièrement
03:34 une espèce de rejet avec mon corps, ma sexualité et ma puberté,
03:38 et mon corps qui change.
03:39 Et la deuxième, qui est vraiment celle
03:42 qui, je pense, a ancré ces douleurs-là,
03:44 c'est le non-respect des limites.
03:46 Donc, c'est moi qui n'arrive pas à mettre des limites avec les autres.
03:50 C'est les autres qui ne respectent pas mes limites
03:53 et qui ne respectent pas forcément mon nom, mon consentement.
03:56 Et à terme, en fait, ne sachant pas comment poser des limites,
04:00 mon corps en a posé pour moi.
04:02 Et c'est tout simplement fermé à tout.
04:04 Et je pense que ça a été une manière pour lui de dire
04:06 "En fait, là, ça va trop loin.
04:08 Et en fait, si t'es pas capable de mettre des limites,
04:10 nous, on va couper tout échange
04:12 jusqu'à ce que tu sois capable de dire un vrai nom
04:14 et pouvoir dire un vrai oui derrière."
04:16 Moi, le conseil que je donnerais,
04:18 parce que c'est celui que j'ai pas suivi,
04:19 c'est de mettre la pénétration de côté,
04:21 de recentrer ses recherches sur le plaisir
04:24 et sur vraiment qu'est-ce que c'est que ressentir du plaisir,
04:27 parce qu'en fait, nos corps sont aptes à ressentir du plaisir.
04:29 Et l'accès le plus direct, c'est le clitoris.
04:32 Et donc, on y a quand même accès de manière assez facile.
04:34 C'est aussi de se rendre compte que vous n'êtes pas seul,
04:37 qu'on est plein d'autres dans ce cas-là,
04:39 que les douleurs sont réelles,
04:41 qu'elles viennent pas de votre tête
04:42 et que quand bien même il y a un aspect psychosomatique dans les douleurs,
04:45 c'est que votre corps vous alerte sur quelque chose qui ne va pas.
04:48 Donc, écoutez-le, changez de médecin
04:50 si vous sentez que vous êtes pas bien accompagné.
04:52 Faites-vous confiance sur le fait que vous savez ce que vous ressentez
04:55 et que c'est réel.

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