• il y a 9 mois
Avec Adila Bennedjaï-Zou, scénariste.

Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

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😹
Amusant
Transcription
00:00 Avec le philosophe Maxime Rovert qui nous propose de partir en quête de l'amour infini.
00:05 Et dans deux autres livres, « Que faire des cons ? », une excellente question, et un livre aussi sur la dispute.
00:11 Vous vous arrêtez aussi, Maxime, sur les vertus de l'embrouille et des fils pour la démêler,
00:15 que ce soit avec les cons, qu'on est parfois soi-même, ou avec les gens à qui on en veut et qu'on aime pourtant.
00:20 On a tenu tout ça dans un mixer et on a tiré un fil.
00:23 On a eu envie de vous présenter quelqu'un qui a pris le temps de bien discuter et même d'enregistrer ses anciens amoureux,
00:29 ses amours finis, elle s'est spécialisée en exologie.
00:32 Ses passions amours finis sur France Inter, introduites aujourd'hui par une réunion d'ex bien gênante dans la série « The Big Bang Theory ».
00:39 Tout d'abord, avant de commencer, je tenais à vous remercier toutes les quatre d'être venues.
00:49 Bon, je suggère qu'on rentre dans le vif du sujet.
00:52 On va faire un tour de table, vous allez vous présenter et me dire pourquoi vous avez rompu avec moi.
00:57 Tu commences ?
00:58 D'accord, je m'appelle Lucie et j'ai rompu avec Raj parce que j'ai fait des crises d'angoisse en société
01:05 et il s'obstinait à me faire vivre des situations stressantes.
01:10 Comme celle-ci ?
01:12 Oui.
01:13 C'était Raj dans « Big Bang Theory » qui a opéré un petit peu la même chose que notre invité,
01:17 puisque pour comprendre pourquoi il était célibataire, il est allé interroger avec beaucoup moins de tact que notre invité,
01:24 ses anciennes amoureuses.
01:25 Bonjour Adila Benejaizou.
01:28 Bonjour.
01:29 Vous êtes scénariste, documentariste, adepte de l'autobiographie collective qu'on retrouve par exemple dans les livres d'Annie Ernaud.
01:35 L'idée qu'en racontant sa vie, on en rencontre d'autres.
01:38 En suivant cette logique, vous avez parlé d'histoire, de société, de politique, de la PMA, du fait d'être une femme arabe en France.
01:44 Et un jour, vous avez décidé de faire un podcast sur vos ex, ces figures qui traversent nos vies et qui restent impensées une fois la relation finie.
01:51 Vous avez renoué donc avec ces histoires passées dans votre série « Exologie »,
01:55 une sorte de « Science de l'ex » qui s'est diffusée en 2022 dans « Les pieds sur terre » sur France Culture.
02:00 À quel moment Adila, vous vous êtes dit que vous alliez construire un documentaire sonore autour de la figure de vos ex, des figures de vos ex ?
02:07 Et du célibat ?
02:09 Oui, il y a les deux idées.
02:11 Parce que dans cette idée de faire de l'autobiographie qui rencontre les biographies d'autres personnes,
02:17 je me suis dit pourquoi pas une autobiographie sentimentale.
02:21 Après tout, la littérature est truchée de biographies sentimentales.
02:26 Le Lys dans la vallée, le Rouge et Noir, même la guerre et la paix sont des biographies sentimentales dans le fond.
02:33 Donc je me suis dit que ça racontait très bien quelqu'un de parler de ces histoires d'amour passé.
02:40 En l'occurrence, il s'agit de mon histoire à moi.
02:44 Mais le pari, c'est qu'elle rencontre l'histoire des femmes de ma génération et de mon milieu social.
02:52 Et que dans nos choix nos plus intimes, en fait, on fait des gestes collectifs.
02:57 Donc je voulais raconter une époque et une certaine façon d'aimer à cette époque.
03:03 Régis, Vincent, Malik, Jérémy, Antoine, comment est-ce que vous avez choisi ?
03:07 À quel ex vous alliez parler ?
03:09 En fonction de la durée de la relation, de l'intensité amoureuse, de la façon dont ça s'était fini ?
03:13 Qu'est-ce qui a présidé à vos choix ? Peut-être leur accord pour commencer ?
03:17 Oui, alors l'accord, ce n'était pas si compliqué.
03:21 J'ai décidé d'aller voir ceux qui avaient le plus compté à mes yeux.
03:26 Donc les histoires les plus longues pour commencer.
03:30 Et puis après, il y en a un avec qui j'ai une histoire très longue, mais sans lui.
03:35 Mais donc il fait aussi partie des personnes importantes de ma vie.
03:40 On a tous vécu cette histoire d'amour sans la personne.
03:42 Et parfois plusieurs fois, d'accord ?
03:44 Ce n'est pas la peine de juger.
03:46 La figure de l'ex, c'est quand même assez spécial justement,
03:48 parce que souvent c'est quelqu'un avec qui on partage beaucoup,
03:50 parfois pas du tout, mais on est quand même avec la personne.
03:53 Franchement, moi je crois que j'aurais juste eu peur de me prendre des gros vents encore.
03:57 C'était une peur que vous avez dû surmonter ?
04:01 Il se trouve que je n'étais pas fâchée avec mes ex.
04:05 Je suis une fille assez sage, il n'y avait pas eu de vaisselle cassée, ni de claquement de porte.
04:11 La plupart d'entre eux, j'étais encore en relation avec eux, même si je ne les vois pas tous les jours.
04:16 Donc ça, c'était relativement simple.
04:18 Après, c'était assez intéressant de voir comme au moment où on était à deux dans la même pièce,
04:23 il y avait des choses qui se rejouaient de notre histoire passée.
04:27 Genre par exemple ? Des reconstitutions ?
04:29 Typiquement, cet espèce de mythical ex avec qui j'ai eu une histoire sans lui,
04:36 il m'a dit oui pour répondre à l'interview et il a passé l'interview à se dérober à mes questions.
04:43 Donc exactement comme dans l'histoire qu'on avait vécue où il me disait oui mais non.
04:48 Il était mal à l'aise quoi.
04:50 Oui, et moi aussi. Mais c'est ça qui est intéressant je trouve.
04:53 On l'entend un peu le mal à l'aise.
04:55 Vous expliquez en interview que curieusement, leurs souvenirs racontent souvent une histoire qui diverge de la vision que vous vous aviez gardée.
05:00 Est-ce que c'est deux histoires différentes ?
05:03 Est-ce qu'on vit tous une histoire différente ou est-ce que c'est avec la mémoire que ça se joue ?
05:08 On vit tous une histoire différente.
05:12 Et c'est la manière dont se constituent les souvenirs qui est particulière.
05:15 Parce qu'en fait les souvenirs à 80% sont constitués de souvenirs communs.
05:19 C'est-à-dire avec les amis d'enfance, avec la famille, on se raconte et on se re-raconte les mêmes histoires ensemble.
05:26 Et donc on a des souvenirs communs.
05:28 Mais ce qui est très particulier avec les ex, c'est que chacun part avec sa petite valise de souvenirs et les conserve dans son coin.
05:35 Et quand on se rencontre à nouveau, ça ne correspond pas.
05:38 Ça c'est super intéressant et c'est assez rare.
05:40 Vous avez eu quoi comme divergences par exemple ?
05:43 Il faut écouter les entretiens.
05:45 C'est vraiment des points de vue.
05:47 C'est-à-dire que les faits sont les mêmes mais on n'a absolument pas la même interprétation.
05:51 Ce n'est pas la même histoire.
05:52 C'est deux médias différents qui racontent le même sujet.
05:55 Maxime Rovert, vous avez écrit aussi sur la dispute, on en parlait tout à l'heure.
05:58 Vous pensez que ce sont des opportunités parfois les disputes de réparer des blessures.
06:02 Qu'est-ce que vous pensez de la démarche de Adila Benetzaïzou de rouvrir une conversation qu'on peut estimer terminée ?
06:08 Tout se joue autour de la manière dont s'est passée la rupture.
06:11 Ce n'est pas une question d'intensité, c'est une question de rétroaction.
06:14 Ça veut dire, est-ce que la rupture a abîmé l'histoire qui s'est passée avant ?
06:18 Ou est-ce qu'elle l'a laissée intacte et elle lui a mis simplement fin ?
06:21 Dans le cas où tout a été détruit, il n'y a peut-être vraiment rien à récupérer.
06:27 Mais dans le cas où quelque chose a simplement pris fin, comme une journée se termine.
06:32 Le soleil se lève à l'est, il atteint son zénith et puis ensuite il descend.
06:37 Et quand il se couche, on a hérité d'une vision de la relation amoureuse qui était censée ne pas se terminer.
06:43 Or, accepter justement qu'elle se soit terminée et que pourtant d'une certaine manière, elle se poursuive.
06:49 Je trouve que c'est ce qui est beau dans cette démarche-là.
06:52 - Qu'est-ce que vous en pensez, Adrien ?
06:53 - D'ailleurs oui, dans Exologie, ça raconte aussi l'amour infini.
06:56 C'est un amour qui renaît et renaît et renaît avec des personnes différentes, qui est cyclique.
07:01 Mais ce n'est pas un amour fini.
07:03 - Et Maxime Robert, vous leur demanderiez quoi à vos ex ?
07:06 - Je leur demande plein de choses régulièrement, parce que je suis en contact avec un certain nombre d'entre elles.
07:11 Et puis on a des relations très tendres.
07:14 Il faut penser que quand on dit amour, on a l'impression qu'on parle d'une seule chose.
07:19 Mais je veux dire, il y a autant de formes d'amour qu'il y a d'individus.
07:22 Et il y en a même beaucoup plus, puisqu'à chaque nouvelle rencontre, on va développer une nouvelle manière de s'aimer.
07:28 Donc je crois que c'est ça le plus important, c'est d'accepter d'être curieux et curieuse de nos manières de nous aimer.
07:34 Quand ça marche, quand ça ne marche pas, quand ça construit une relation ou quand ça se défait.
07:38 - Et à travers votre démarche, Adila, c'est aussi l'impensée du célibat que vous interrogez.
07:42 Vous partez du tabou. Vous dites que quand on dépasse les 35-40 ans, les gens n'osent plus poser de questions sur "est-ce que tu as quelqu'un ?" etc.
07:49 On entend des marabouts, des cotes sans séduction au début de chaque épisode.
07:53 Et vous allez aussi parler à des personnes célibataires qui souvent pensent qu'elles n'ont rien à raconter.
07:57 Qu'est-ce que ça dit votre podcast en 5 épisodes du célibat aujourd'hui ?
08:01 - C'est quelque chose de petit et un peu honteux.
08:06 C'est-à-dire que c'est une minuscule marginalité.
08:10 Le polyamoureux, il va volontiers être prosélyte pendant des heures.
08:16 La personne LGBTQIA+ va être militante.
08:22 Mais la célibataire, c'est vraiment la tragédie en chaussettes.
08:27 Il n'y a rien à raconter.
08:30 - La célibatante, on a même ce mot terrible pour en parler.
08:33 - N'en parlez pas !
08:36 - Ça change quelque chose aujourd'hui pour vous d'avoir parlé à tous vos ex, d'avoir fait le point de comment vous pouvez commencer une nouvelle relation ?
08:44 - Ça a changé en fait que j'ai plus honte.
08:48 Parce que, mine de rien, sous mes côtés, je suis célibataire et je m'en fous.
08:54 Je pense qu'il y avait un petit quelque chose qui me gênait.
08:57 Et en fait, de faire cette série, de voir que c'était si difficile d'en parler.
09:00 Et de rencontrer aussi des célibataires qui ne sont pas forcément des femmes CSP+, qui vivent en centre-ville, etc.
09:07 Donc qui vivent la chose avec plus de difficultés.
09:09 De découvrir aussi que nos assurances de vie sont plus chères parce que notre espérance de vie est plus...
09:15 - Aline Laurent Maillard, dans son dernier livre, explique que tout est plus cher quand on est célibataire.
09:19 - Voilà. Et bien en fait, ça a enlevé la honte.
09:22 Donc après, l'idée ce n'est pas de rencontrer quelqu'un d'autre.
09:26 C'est surtout de vivre ce que je vis de manière sereine.
09:29 - C'est vrai que moi, pour terminer, j'ai trouvé ça très courageux que vous demandiez à votre mère.
09:34 Est-ce que tu t'es déjà demandé pourquoi j'étais célibataire ?
09:36 Moi, je serais terrifiée de la réponse.
09:38 Je serais terrifiée.
09:40 - Oui, mais en fait, je pense que mon métier est constitué de ma possibilité à poser des questions gênantes à ma mère.
09:47 - Oui, mais votre métier, les recevoir, c'est autre chose.
09:51 Poser la question, c'est un truc.
09:53 - Et encaisser la réponse aussi.
09:55 - C'est un autre délire.
09:56 - Merci beaucoup Adila Benadjaïzou.
09:58 Je rappelle qu'on retrouve les 5 épisodes passionnants de votre podcast Ex-Hologi sur France Culture.
10:03 Et vous travaillez en ce moment sur une nouvelle série, le revers de la médaille,
10:07 dans laquelle seront évoquées les difficultés des athlètes.
10:09 C'est parfaitement d'actualité.
10:11 Leurs fins de mois difficiles, ainsi que les problèmes de sexisme ou de racisme.
10:14 C'est à découvrir sur France Culture à partir de la semaine prochaine.

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