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Agriculture: ce que la Wallonie peut faire pour aider les agriculteurs selon le ministre Willy Borsus
Transcription
00:00 Alors vous êtes aussi ministre de l'agriculture en Wallonie, là vous avez été un petit peu bousculé ces derniers temps.
00:04 Enfin tout le monde a été un peu bousculé ces derniers temps.
00:07 Qu'est-ce que la Wallonie peut encore faire à son niveau pour aider ses agriculteurs ?
00:12 Je pense que depuis plusieurs semaines, d'une part l'expression des agriculteurs est légitime.
00:18 Leurs conditions de revenus se sont dégradées, dans certains cas le revenu a disparu.
00:23 C'est évidemment intenable pour une activité aussi essentielle, pour un travail qui est important et pour des risques qui sont conséquents.
00:32 Ce que nous avons fait au niveau wallon et ce que nous continuons à faire, c'est plusieurs choses.
00:37 D'une part, au niveau européen, présidence belge aussi nous offrant des possibilités supplémentaires.
00:44 Je pense qu'on a vraiment pris le lead, si je puis dire, de l'expression des États membres
00:49 pour solliciter un certain nombre de changements au niveau européen, particulièrement dans les règles de la PAC, mais pas que.
00:57 Puisque des règles aussi...
00:59 Ce n'est pas au détriment de l'environnement, de la sauvegarde de la biodiversité.
01:03 Je voudrais vraiment, vous me donnez l'occasion de rompre une lance,
01:10 mais surtout de mettre un coup d'arrêt à une rumeur qui n'est pas fondée.
01:17 Lorsque l'Union européenne, lorsque la Commission singulièrement, adapte aujourd'hui certaines de ses normes,
01:25 elle continue à rester la plus ambitieuse du point de vue environnemental et du point de vue climatique du monde.
01:34 Concrètement, les normes, en ce compris environnementales, que nous nous appliquons en Europe,
01:42 sont en matière agricole les plus pointues et les plus sévères du monde.
01:48 Après les modifications récentes que propose la Commission européenne, soyons clairs.
01:53 Ce que la Commission fait, et vraiment c'est ce que nous avons demandé,
01:58 c'est rééquilibrer ici aussi son raisonnement.
02:02 Puisque la Commission européenne s'était fixé un certain nombre de normes environnementales,
02:08 en les imposant aux États membres, qui entraînaient du point de vue agricole,
02:14 du point de vue production alimentaire, du point de vue revenu agricole,
02:19 des difficultés majeures pour notre agriculture en Europe.
02:22 Si les conséquences du Green Deal entraînent une diminution de 15% de notre production agricole en Europe,
02:30 et que par ailleurs nous importons depuis d'autres parties du monde ce que nous ne produisons plus chez nous,
02:36 où est la victoire pour la planète ?
02:38 - Mais on importe déjà des choses alors qu'on les produit ici aussi.
02:41 Donc quand on prend les grands accords internationaux,
02:44 est-ce que ce n'est pas aussi au détriment de nos agriculteurs ? C'est ce qu'eux-mêmes disent.
02:47 - Je vais m'exprimer sur les accords commerciaux internationaux.
02:50 Mais par rapport au Green Deal, et je dois dire que j'ai été à l'époque parmi les premiers à tirer la sonnette d'alarme,
02:57 attention, le Green Deal a des conséquences lourdes pour notre agriculture.
03:02 Attention, des normes excessivement tâtillonnent de la PAC du point de vue environnemental, n'aident pas.
03:09 Au contraire, vont au total fragiliser notre agriculture et faire que nous allons devoir importer plus de produits.
03:18 Je réponds tout de suite à votre question, mais un petit mot.
03:21 Je pense, et je viens cet après-midi de présider à la signature d'une charte pour la filière du lait,
03:30 une charte qui vise plus de durabilité, qui est le fruit de discussions entre les laiteries,
03:36 entre les éleveurs, producteurs de lait, et qui traduit cette volonté du monde agricole d'avancer en termes de durabilité.
03:44 Mais vous ne pouvez pas demander à quelqu'un d'avancer au point de devoir perdre son activité, au point de tuer son activité.
03:54 Et franchement, l'enjeu était là.
03:57 Donc, on reste ambitieux du point de vue environnemental, mais on tient compte de la réalité du monde agricole
04:03 et de la nécessité de produire, mais aussi de notre ambition de souveraineté, en tout cas largement du point de vue alimentaire.
04:10 Alors, vous évoquez les traités commerciaux, mon message est très clair.
04:14 On ne va quand même pas importer chez nous des produits qui viennent faire concurrence à nos propres productions,
04:21 sachant que les produits importés ne respectent pas les normes que nous nous imposons ici.
04:27 Ça, c'est le monde qui marche à l'envers.
04:30 En ce sens que des produits importés chez nous, on constate que dans certains cas, les normes environnementales,
04:37 les utilisations concrètes de pesticides qui sont interdits chez nous, sont encore autorisées dans d'autres parties du monde.
04:44 – Comme les importations du Brésil, par exemple.
04:46 Ça concerne tout le Mercosur, etc.
04:49 – Ce qui concerne le Mercosur, vous connaissez ma position, elle est très nette.
04:52 Je l'ai déjà exprimée il y a deux ans à LibraMont, je la ré-exprime encore devant vous aujourd'hui même,
04:59 pas d'accord sur le volet agricole du Mercosur.
05:02 Cet accord est déséquilibré.
05:05 Autant on a besoin de commerce, soyons clairs, nous exportons beaucoup de produits dans le secteur agricole,
05:11 mais comme dans beaucoup d'autres secteurs, notamment dans le secteur fleuron que j'évoquais au début de notre interview et de notre rencontre.
05:18 Nous avons besoin de commerce, nous sommes une nation ouverte qui vit aussi de ses exportations,
05:23 mais il faut que dans le domaine agricole singulièrement, mais pas que dans le domaine agricole,
05:28 il faut que la concurrence soit loyale.
05:31 Concurrence loyale, c'est lorsque les clauses miroirs existent.
05:35 J'insiste, lorsqu'elles sont contrôlées et respectées.
05:38 Je ne veux pas dire, voilà, il y a des règles en ce qui concerne l'importation des produits,
05:41 il faut vérifier ces règles.
05:43 Et ça, je dois bien dire que la crise agricole a révélé à quel point,
05:46 dans certains cas, ces contrôles semblaient un peu faibles.
05:51 Et d'autre part, il faut que les contingents d'importation,
05:54 que nous acceptons, que nous discutons,
05:56 que ces contingents soient correctement dimensionnés pour ne pas venir impacter
06:02 et pour ne pas venir déséquilibrer, voire dans certains cas détruire, nos marchés intérieurs au niveau européen.
06:09 Je pense que les fermiers, j'en termine par là,
06:13 les fermiers sont habitués à la compétition de tout temps.
06:16 Ils ont vendu leurs produits par rapport à des marchés agricoles, etc.
06:21 Ce qui ne va plus, et je le dis avec force,
06:24 c'est lorsque ces ventes se trouvent régulièrement dans des conditions
06:29 qui sont complètement intenables pour nos producteurs.
06:32 – Alors, je reviens aux agriculteurs wallons.
06:36 Est-ce que vous allez encore un peu alléger leurs contraintes et comment ?
06:41 – Oui, donc très concrètement, la semaine dernière,
06:43 nous avons convenu avec mes collègues du gouvernement qui étaient présents,
06:46 et je les en remercie, de 45 nouvelles mesures de simplification.
06:51 45 mesures très concrètes qui touchent à la fois à l'agriculture,
06:56 à l'agriculture de date, aux obligations de communication administrative,
07:01 aux obligations lorsqu'on transporte du fumier,
07:04 et encore bien à l'accès aux cours d'eau, etc.
07:08 Nous avons encore sur notre table de travail
07:10 pratiquement 50 autres mesures qui sont à l'examen.
07:14 Nous avons souhaité travailler avec notre administration
07:17 pour examiner la faisabilité de ce que nous mettions sur la table,
07:20 et ensuite de concerter avec les organisations agricoles.
07:24 – Et donc ça, la Wallonie peut le faire ?
07:25 – Là, c'est une décision qui est uniquement wallonne.
07:28 Et donc, je complète peut-être mon propos concernant ce que la Wallonie peut faire.
07:32 Donc un, être vraiment leader et avocate d'un certain nombre de propositions,
07:40 porteuse de propositions au niveau européen.
07:43 Nous avons fait cela, nous avons encore un grand rendez-vous
07:45 au Conseil européen des ministres de l'agriculture
07:47 qui aura lieu le 26 mars au prochain.
07:49 Deuxièmement, nous avons participé aussi au niveau fédéral
07:53 à la tasse-force alimentation,
07:55 convoquée à l'initiative de nos collègues fédéraux,
07:58 dont David Clarinval, avec pour but de travailler à la constitution
08:04 et au mécanisme de fixation du prix,
08:06 du juste prix pour le producteur agricole,
08:12 et pas mal de mesures ont été décidées.
08:14 Elles ont, me semble-t-il, entraîné l'approbation du monde agricole
08:20 qui en demande la mise en œuvre rapidement, ils ont raison.
08:24 Et puis alors, au niveau wallon, nous avons une série de mesures
08:27 liées notamment à la simplification administrative.
08:30 Mais je souhaite continuer à travailler vraiment sur la promotion de nos produits,
08:36 de nos produits wallon, de nos produits de proximité.
08:39 Je veux aider à ce que nous aimions plus ou plus encore nos produits wallon
08:43 et donc que nous les consommions, d'une part.
08:46 Et d'autre part, on soutient aussi à travers nos centres de recherche,
08:50 notamment le CRAW, le Centre de Recherche Agronomique Wallon,
08:54 toute une série d'études visant à permettre à nos agriculteurs
09:00 de gagner plus en termes de rentabilité de leur exploitation,
09:04 de pouvoir eux-mêmes disposer de nouvelles techniques, de nouvelles technologies.
09:07 C'est un autre volet, certes, mais qui est important pour les exploitations.
09:10 D'accord. Donc je retiens que vous avez déjà pris 45 mesures au niveau wallon.
09:13 Et qu'il y a encore 50 autres qui sont sur la table.
09:16 Ça veut dire qu'il y avait du travail.
09:17 Oui, et ça veut dire aussi qu'il y avait vraiment des leviers.
09:20 Pourquoi est-ce qu'ils n'avaient pas été activés jusque-là ?
09:22 On doit, je pense, être transparent.
09:25 La crise agricole et aussi les manifestations agricoles
09:29 ont agi comme véritables révélateurs, mais aussi déclencheurs.
09:34 Et puis, il y a probablement des mesures que je n'aurais pas réussi à arracher
09:39 s'il n'y avait eu ce mouvement agricole qui s'est exprimé tout au long de ces dernières semaines.
09:45 Donc ce qui, probablement, était impossible encore au mois de décembre, au mois de mars.
09:50 Ils ont bien fait de manifester, quoi.
09:52 En tout cas, je parle vraiment avec...
09:56 Comme vous le savez, j'ai beaucoup de proximité par rapport au monde agricole,
09:59 mais je pense qu'il y a un mal-être profond.
10:02 Et ce mal-être, il n'a pas encore disparu, soyons bien clairs.
10:05 Ce n'est pas parce que l'Europe a décidé ou annoncé certaines mesures,
10:10 même chose au niveau fédéral, même chose au niveau wallon,
10:13 que la crise est derrière nous.
10:16 On jugera l'arbre à ses fruits, si vous me permettez l'expression.
10:19 C'est-à-dire que le monde agricole, il a raison,
10:22 jugera tout simplement les actions entreprises aux résultats.
10:26 Est-ce que concrètement, le prix du blé, qui est actuellement effroyablement bas,
10:31 va repartir à la hausse ?
10:33 Est-ce qu'il va être possible, raisonnablement,
10:36 dans l'élevage viandeux ou laitier, de gagner sa vie par exemple ?

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