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Vendredi 15 mars 2024, SMART SPACE reçoit Béatrice Hainaut (chercheuse "Espace", IRSEM) , Jean-Luc Maria (Cofondateur et PDG, Exotrail) et Pierre-Yves Meslin (enseignant-chercheur et planétologue, Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie)

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00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space. Malgré une année difficile, la marque Boeing
00:09 reste la marque la mieux valorisée au monde. On va revenir sur ces derniers chiffres du
00:15 cabinet Brand Finance dans un instant. On parlera aussi du retour sur terre de l'astronaute
00:20 européen Andreas Mogensen avec l'équipage du Crew 7 et puis on passera un coup de fil
00:27 à Jean-Luc Mariat, cofondateur de la startup française Exotrail qui vient de réaliser
00:32 un test majeur de son space van en orbite terrestre. Et puis dans votre tol qu'on va
00:37 se tourner vers la Chine grâce à ses ambitions lunaires, la Chine entraîne la France dans
00:42 sa course et offre aux ingénieurs français la mise au point de nouvelles technologies
00:46 lunaires. On va découvrir lesquelles dans quelques instants et alors que la Chine poursuit
00:51 son chemin souverain vers l'espace, elle pourrait bien ouvrir de nouvelles perspectives à notre
00:55 pays mais aussi peut-être à l'Union européenne. On va faire le point sur ce sujet dans cette
01:00 émission mais d'abord tout de suite l'actualité sur Bismarck.
01:03 En 2023, Boeing reste l'entreprise d'aérospatial de défense la plus valorisée au monde. Pourtant
01:14 Boeing accuse une baisse de 8% de sa valeur à 16,2 milliards de dollars selon de nouvelles
01:21 données de Brand Finance, un cabinet d'expertise. Airbus, elle, reste deuxième avec une valeur
01:27 de marque de 16,1 milliards de dollars propulsée en revanche par une augmentation de 12% de
01:34 sa valeur de marque. Et puis toujours selon le cabinet Brand Finance, la marque Airbus
01:39 est à nouveau la marque aérospatiale de défense la plus forte au monde avec une augmentation
01:45 de 2 points du score de l'indice de force de la marque. Ce qui la maintient et maintient
01:50 sa note en triple A.
01:52 Autre actualité, Andreas Mogensen, l'astronaute européen de nationalité danoise est rentré
01:59 sur Terre cette semaine après 6 mois dans l'espace. Sa mission nommée Eugène était
02:04 la deuxième mission de l'astronaute à bord de la Station Spatiale Internationale.
02:09 Alors dans la matinée du 12 mars, le vaisseau Crew Dragon Endurance de SpaceX ainsi que
02:14 son équipage ont améri dans le golfe du Mexique. L'équipage a été rapidement récupéré
02:21 par le navire Megan. Andreas Mogensen qui était le pilote du Crew Dragon cumule ainsi
02:27 près de 209 jours de micro-pesanteur. Et pour rappel, le russe Konstantin Borisov faisait
02:35 lui aussi partie de l'équipage du Crew 7, ainsi qu'une américaine et un japonais.
02:40 Son retour était donc l'occasion de rappeler que l'espace nous unit tous, selon les mots
02:46 de l'administrateur de la NASA, Bill Nelson.
02:50 Dernière actualité, après une levée de fonds de 54 millions d'euros, cette année,
02:55 la startup ExoTrail a testé pour la première fois son space van en orbite terrestre. Pour
03:01 en parler, nous avons en ligne avec nous Jean-Luc Mariac au fondateur d'ExoTrail.
03:06 Bonjour Jean-Luc, bienvenue dans Smart Space. C'est un tournant que vous venez de vivre
03:11 chez ExoTrail.
03:12 Oui, bonjour Cécilia. Alors effectivement, ExoTrail, vous commencez à nous connaître,
03:18 on s'intéresse à tout ce qui bouge dans l'espace. Donc tout ce qui a besoin de bouger
03:22 en plus du mouvement naturel des objets, parce qu'il y a de plus en plus de satellites.
03:27 Et tous ces satellites, ils vont avoir des besoins de rejoindre leur position nominale
03:32 pour fonctionner. Une fois en position, ils vont avoir besoin d'éviter des collisions
03:36 avec d'autres objets et puis ils peuvent se reconfigurer éventuellement en cours de
03:40 mission, donc d'aller se déplacer à un autre endroit de l'espace. Et puis aussi des préoccupations
03:44 en fin de vie, de pouvoir bouger les satellites, libérer en fait la place qu'ils occupent
03:49 pour des nouveaux. Tout ça, c'est de la mobilité, c'est ce qui nous intéresse chez ExoTrail
03:54 et depuis 2017, on a créé la société. On suit une stratégie de maîtriser trois briques
04:01 de base de la mobilité spatiale. Des moteurs, un satellite manœuvrant, qui utilise bien
04:08 évidemment nos moteurs, et toute une couche logicielle de compréhension, définition,
04:13 optimisation et opération de la mobilité dans l'espace. Et ce qu'on a fait la semaine
04:16 dernière, sur quoi on a communiqué, ça a été la première démonstration réussie
04:23 d'un cas d'usage qui est la livraison en orbite qui t'appuie sur le satellite manœuvrant
04:30 que l'on a développé qui s'appelle le Space Van. Et donc ce cas d'usage, c'est
04:33 un cas d'usage important aujourd'hui pour les usagers de l'espace parce que le modèle
04:38 d'accès à l'espace est de plus en plus un modèle où on part à plusieurs, les fameux
04:43 vols transporteurs de SpaceX en particulier. Sauf que ça, ça amène tout le monde au
04:48 même endroit, en même temps, à peu près. Tout le monde est libéré à peu près au
04:51 même endroit et donc il y a un besoin, c'est un premier cas d'usage de logistique spatiale
04:55 parce que c'est bien de ça dont on parle, qui est de pouvoir amener l'objet à un
05:00 endroit qui n'est pas celui de la séparation avec la société. Et donc ce qu'on a testé
05:05 la semaine dernière, c'est que pour la première fois, on a libéré un objet qui
05:10 était embarqué à l'intérieur de notre véhicule, à l'intérieur de notre Space
05:14 Van et on a positionné cet objet à l'endroit où il devait fonctionner. Cet objet, c'était
05:19 un petit satellite. À bord de ce petit satellite, on avait un client qui s'appelle Airbus
05:24 et c'est très intéressant parce que Airbus va tester à bord de ce satellite une technologie
05:31 qui préfigure des besoins technologiques pour les futurs cas d'usage plus complexes,
05:37 rendez-vous en orbite en particulier, qui est un peu la suite de l'histoire de la logistique
05:41 spatiale.
05:42 C'est ce qu'on appelle la livraison du dernier kilomètre que vous venez de très
05:46 bien définir. Ce Space Van, il a quelle vocation à long terme ? C'est-à-dire combien vous
05:52 voulez en produire à l'année ? Quel besoin vous allez pouvoir exploiter peut-être ? Et
05:57 à partir de quand surtout, puisque le test est réussi aujourd'hui ?
06:01 Alors à partir de quand ? A partir de maintenant, puisqu'on a réussi cette première démonstration.
06:06 C'est effectivement, comme je le mentionnais, un premier cas d'application, ce que j'appelle
06:09 un premier cas d'usage, qui est vraiment la logistique du dernier kilomètre. Mais
06:14 ce Space Van, et on en a fait une première démonstration, ce qu'on appelle en orbite
06:18 basse, et ce Space Van, il a vocation pour nous à aller ensuite adresser d'autres
06:23 endroits dans l'espace, donc d'autres orbites.
06:25 Donc on travaille déjà sur un modèle de Space Van pour aller adresser l'orbite
06:29 géostationnaire en particulier. Et on voit, on commence à percevoir aussi un intérêt
06:35 pour aller au-delà, soit pour des missions un peu plus d'exploration, soit pour commencer
06:39 à adresser des besoins d'économie lunaire.
06:42 Donc dans notre feuille de route, très clairement, la première démonstration qu'on a faite
06:47 est une première brique autour de laquelle on va pouvoir construire le futur de notre
06:51 offre, pour des cas de livraison en orbite, mais aussi pour progressivement aller adresser
06:58 d'autres cas d'application beaucoup plus complexes, qui pourraient être de l'inspection,
07:02 du ravitaillement de satellites, de l'extension de durée de vie, etc.
07:06 Merci beaucoup Jean-Luc Maria, cofondateur d'Exotre, de l'avoir pris le temps de
07:10 répondre à notre coll'actu aujourd'hui pour intervenir sur cette actualité, un
07:15 véritable milestone pour votre entreprise, le test réussi de votre Space Van.
07:20 On enchaîne, quant à nous, après l'actualité avec le Space Talk sur Bismarck.
07:24 Alors que la Chine n'en finit plus de s'étendre vers l'espace, la France et même
07:33 l'Europe pourraient trouver en elle un nouveau partenaire.
07:36 On va en parler dans cette émission aujourd'hui avec à mes côtés Béatrice Hénot, chercheuse
07:40 d'espace à l'Irsem, l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire.
07:44 Bonjour.
07:45 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
07:47 En face de vous, on a Pierre-Yves Messelin, enseignant-chercheur à l'Université de
07:51 Toulouse 3 et planétologue à l'Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie.
07:56 Bonjour.
07:57 Bonjour.
07:58 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
07:59 Alors Béatrice Hénot, je me tourne vers vous en premier.
08:01 Les ambitions chinoises, elles sont énormes.
08:04 Le pays vise la Lune pour 2030.
08:06 Oui, tout à fait, même éventuellement avant 2030.
08:09 C'est vrai que si on veut avoir une idée des ambitions spatiales de la Chine, on peut
08:13 aussi se référer à ces documents officiels qui permettent d'avoir vraiment l'étendue
08:18 finalement des ambitions qui sont tous azimuts.
08:20 On pense au livre blanc qui a été publié en janvier 2022, qui parle de la Lune mais
08:24 pas seulement.
08:25 Et puis très récemment, le livre bleu également qui a été publié en février de cette année
08:34 en fait, qui donne un peu les perspectives pour l'année à venir et même sur les deux
08:38 ans à venir.
08:39 Donc effectivement, on a par exemple le satellite de relais de communication autour de la Lune
08:45 et puis on a bien sûr également l'accent mis sur aussi la technologie des lanceurs
08:50 qui est vraiment clé pour retourner, pour aller sur la Lune.
08:54 Pour aller sur la Lune.
08:55 La Chine n'y est toujours pas allée donc c'est très intéressant.
08:57 De manière humaine, non.
08:58 De manière humaine, non.
08:59 Par contre technologiquement, vous faites bien le rappeler, en exploration robotique,
09:03 elle a été précurseur.
09:04 Tout à fait.
09:05 Il y a eu plusieurs missions qui ont été réussies, dont une qui a vraiment frappé
09:09 les esprits des scientifiques et aussi des médias parce que c'était la première sur
09:12 la face cachée de la Lune.
09:14 Je pense qu'on en reparlera dans cette émission mais effectivement aussi des prouesses technologiques
09:18 qui sont quand même assez remarquables.
09:20 Et ces prouesses technologiques, aujourd'hui la France peut en bénéficier et c'est peut-être
09:24 là que vous vous intervenez, Pierre-Yves, dans votre travail.
09:28 Vous travaillez pour une technologie qui doit servir à l'exploration lunaire chinoise.
09:32 Effectivement, je suis le responsable scientifique d'une expérience qui va être embarquée
09:37 à bord de la mission Chang'e 6 qui devrait décoller depuis la Chine au mois de mai de
09:43 cette année.
09:44 Donc on est vraiment sur la dernière ligne droite, même si ce n'est pas la fin de l'expérience
09:48 parce qu'en général on est à mi-chemin au moment du lancement à peu près.
09:52 Alors c'est une mission très courte qui va durer à peu près 50 jours puisque ça va
09:56 être une mission de retour d'échantillons et ce seront les premiers échantillons qui
10:01 vont être amenés depuis la face cachée de la Lune.
10:03 Donc du régolite lunaire ?
10:05 Oui, du régolite lunaire.
10:07 Et nous, notre instrument, c'est le premier instrument français qui va être déployé
10:10 à la surface de la Lune et c'est aussi la première collaboration entre la France et
10:14 la Chine dans le domaine de l'exploration du système solaire.
10:18 Mais voilà, notre instrument lui va rester sur la Lune.
10:22 C'est un instrument purement scientifique.
10:24 Donc de ramassage du régolite, c'est ça ?
10:26 Oui, alors notre instrument va étudier l'origine et la dynamique de l'exosphère.
10:30 Une exosphère, c'est ce qu'on appelle une atmosphère extrêmement ténue.
10:34 Donc une enveloppe de gaz qui entoure la Lune et on va essayer de comprendre l'origine
10:38 de cette petite atmosphère.
10:40 Voilà, in situ.
10:41 D'accord.
10:42 Ça, ça on ne l'avait jamais fait.
10:44 C'est-à-dire que vous l'avez dit, mais j'insiste sur ce point, c'est important, c'est ce qui
10:47 révèle aussi l'intérêt de la France de se tourner vers la Chine.
10:51 Ces technologies à destination de la Lune, on ne les avait jamais réalisées.
10:54 Alors nous, ça s'inscrit dans une recherche scientifique qui avait démarré depuis l'émission
11:03 Apollo.
11:04 Donc moi, mon instrument vraiment est complémentaire d'autres expériences qui avaient été faites.
11:11 Il n'y a pas de rupture technologique dans ce qu'on fournit à la Chine.
11:15 Mais par contre, la Chine est de plus en plus soucieuse d'embarquer des instrumentations
11:20 scientifiques performantes, puisque c'est vrai qu'un des moteurs de son exploration
11:25 de la Lune initialement, c'était comme développer des technologies.
11:29 Mais voilà, ils se soucient de plus en plus du retour scientifique de leurs expériences.
11:33 Et donc là, on en est avec Chang'e 6, on sera à la sixième mission lunaire chinoise.
11:39 Donc elle a tout enchaîné avec succès.
11:41 Depuis 2007, on a eu Chang'e 1, Chang'e 2, qui démontraient leur capacité à se mettre
11:50 en orbite autour de la Lune.
11:51 Ensuite, il y a eu Chang'e 3, Chang'e 4, se poser à la surface de la Lune et déployer
11:55 un petit robot, un petit rover qui a parcouru plusieurs centaines de mètres autour du lander.
12:02 Et ensuite, le dernier volet jusqu'à présent, c'était Chang'e 5 et Chang'e 6 autour
12:07 d'échantillons.
12:08 C'est assez impressionnant.
12:09 C'est vrai qu'on est, vous vous rappelez l'échelle de temps qui est assez intéressante
12:13 à partir de 2007.
12:14 Alors non seulement il y a eu cette approche autour de la Lune, mais il y a aussi la construction
12:18 de la station spatiale Chang'e, en orbite autour de la Terre, exclusivement chinoise.
12:22 Quel est le regard de l'Europe et même peut-être de la France sur cette avancée fulgurante
12:29 de la Chine et puis cette indépendance surtout ?
12:31 Juste avant, peut-être une remarque par rapport à ce qui vient d'être dit.
12:34 Effectivement, c'est pour ça que je veux rappeler l'importance des documents un peu
12:37 programmatiques de la Chine, comme le plan quinquennal, donc tous les cinq ans, et ce
12:42 livre bleu qui est annuel.
12:44 Et ce qui est frappant finalement, c'est cette régularité, l'annonce des projets.
12:49 Alors il peut y avoir quelques retards parce que dans le spatial, même quand on est très
12:52 bon, on a du retard.
12:53 Mais le fait que la Chine est malgré tout au rendez-vous, alors elle a des avantages
12:57 politiques pour cela, on le sait bien.
12:59 Il y a une stabilité politique qui le permet.
13:01 Il n'y a pas d'alternance.
13:03 C'est important de le rappeler.
13:04 Il n'y a pas d'alternance non plus dans les projets.
13:05 Ça aide et il y a moins à justifier aussi de certaines dépenses qu'on peut avoir nous
13:11 dans notre pays.
13:12 Donc ça, ça peut aider.
13:14 Ensuite, le regard qui peut être porté, on peut aussi voir au niveau français juste
13:20 le fait que, je tiens à le souligner parce qu'on est en 2024, on va fêter les 60 ans
13:26 des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et la France.
13:29 Donc la reconnaissance de la République populaire de Chine en 1964, ce qui est important.
13:34 Et puis, ce qui a suivi bien longtemps après, mais un accord de coopération, on va dire,
13:39 un portenariat global en 1997 qui structure encore aujourd'hui la coopération spatiale,
13:45 même si on a des accords complémentaires qui derrière se sont cumulés.
13:49 Donc il y a une reconnaissance de la France, de ce pays très dynamique, très voulant
13:54 faire des progrès scientifiques, etc.
13:56 Et la volonté de la France, qui est au moins du point de vue scientifique, de vouloir s'engager
14:00 à ses côtés dans des domaines qui restent très circonscrits, puisqu'on est plus dans
14:05 les domaines de l'exploration, de l'astronomie ou encore de l'observation de la Terre.
14:10 On est vraiment sur des domaines scientifiques.
14:11 On est sur une relation qui est surtout structurée par le CNES, où après il y a plein d'autres
14:17 acteurs, des universités, des centres de recherche, etc.
14:20 Mais ça se focalise là-dessus.
14:22 Juste pour souligner qu'en novembre de l'année dernière, il y a eu le 13e comité mixte
14:29 spatial franco-chinois, donc avec le CNES et son partenaire chinois, qui est un comité
14:33 qui se réunit régulièrement.
14:35 On a vu la parenthèse du Covid, mais pour faire le point un peu sur tous les projets
14:39 en cours et puis éventuellement les futurs projets.
14:42 Est-ce que ce partenariat entre la France et la Chine s'est intensifié après l'exclusion,
14:49 j'allais dire, du partenaire historique russe ?
14:51 C'est un peu difficile, oui.
14:56 Je dirais, alors, il y a eu une forte augmentation de la collaboration entre la France et la
15:03 Chine depuis le début des années 2010.
15:09 Donc, comme vous le disiez, dans le domaine de l'observation de la Terre, dans le domaine
15:14 de l'astrophysique, astronomie, et dans le domaine maintenant de l'exploration spatiale.
15:19 Mais il y a toujours la question de combien de temps cette collaboration va pouvoir perdurer.
15:25 Parce que pour ce qui est, par exemple, de l'exploration de la Lune, c'est vrai que
15:31 l'ambition ensuite de la Lune, c'est de développer une station lunaire à la surface
15:35 du pôle sud de la Lune.
15:37 Et elle a comme le projet de développer cette mission notamment avec la Russie.
15:42 C'est là où ça pourrait poser problème ?
15:44 Voilà, pour l'instant, de la part des...
15:47 Donc tout le monde attend, en fait, de voir quelle va être la position de la Chine vis-à-vis
15:51 de la Russie ?
15:52 Alors, pour l'instant, voilà, on nous demande de ne pas s'engager, même en tant que scientifique.
15:58 On nous encourage à continuer de collaborer avec les Chinois dans d'autres domaines,
16:06 y compris peut-être sur l'émission suivante Chang'e...
16:08 Alors pas Chang'e 7, parce qu'elle est déjà trop avancée, mais peut-être Chang'e 8.
16:12 Il y a encore des fenêtres d'opportunités de collaboration.
16:15 Mais le programme suivant qu'elle va initier dans les années... début des années 2030,
16:19 2030, 2035, qui sont les missions ILRS, là, pour l'instant, voilà, on n'a pas eu encore...
16:24 S'installer sur la Lune, on ne sait pas encore avec qui on veut le faire.
16:26 C'est vrai que vous faites bien de le rappeler.
16:27 La France et l'Europe ont des accords avec les États-Unis, les accords Artemis, pour
16:31 retourner sur la Lune.
16:32 Donc, il y a cette position où on ne voudrait pas froisser notre partenaire américain.
16:35 C'est ça.
16:36 On est un petit peu sur une ligne de crête entre le programme Artemis et puis travailler
16:41 avec les Chinois, parce que nous, c'est vrai qu'en tant que scientifiques français et
16:46 européens, on n'a pas encore nos capacités de se déployer à la surface de la Lune.
16:50 Donc, on doit se...
16:51 Il faut quand même qu'on aille flirter avec des partenaires intéressants.
16:55 Les seuls qui sachent le faire de manière fiable pour le moment, c'est les États-Unis
16:59 et la Chine, puisque la Russie n'est plus vraiment dans le jeu aujourd'hui.
17:03 Sachant que la Chine reste aussi très prudente maintenant quand elle parle de son projet
17:08 ILRS.
17:09 Elle évite de citer la Russie pour capter les partenaires.
17:14 Alors, ce n'est pas forcément à destination de la France, mais en tout cas à destination
17:18 des pays qui sont capables, qui veulent, qui ont une volonté.
17:21 Donc, elle est elle aussi assez prudente.
17:23 Elle aussi, finalement, on pourrait dire, sur cette ligne de crête, pour capter de
17:27 la coopération, elle y arrive.
17:28 Il y a aussi l'Égypte qui vient de rejoindre ce projet.
17:32 C'est un pays qui a des compétences, malgré tout, certaines, etc.
17:37 Ce n'est pas comme la France, mais voilà.
17:39 Et donc, on voit qu'elle reste aussi prudente.
17:42 Et puis, juste sur la coopération peut-être européenne en général, vous parlez de la
17:46 station spatiale.
17:47 Parlons peut-être de Tiangong où, finalement, il pourrait y avoir des expériences et il
17:52 y aura des expériences de pays européens dedans.
17:55 Mais l'ESA a quand même fait le choix, s'est positionné en disant qu'il n'y aura pas
18:02 d'astronautes européens à bord de Tiangong, justement parce qu'il y a cette relation
18:09 avec les États-Unis.
18:10 Mais alors, est-ce qu'il a été précisé une temporalité dans cette déclaration que
18:15 vous citez là, à l'Agence spatiale européenne ?
18:16 Je vous demande ça parce que d'ici 2030, a priori, l'activité de l'ISS sera transformée
18:22 en activité commerciale.
18:23 Alors, on ne sait pas bien quelle place ça pourrait laisser aux activités scientifiques
18:26 qui pourraient être au sein de voyages commerciaux puisqu'on a déjà une collaboration scientifique
18:33 commerciale qui se met en place.
18:34 Mais mine de rien, il n'y aura plus le même accès à l'orbite terrestre.
18:41 Donc, est-ce que là, les choses pourraient changer pour l'Europe du côté de Tiangong ?
18:45 Comme je le disais, il y aura des coopérations scientifiques.
18:48 Il y a quand même des projets qui ont été retenus pour être menés dans Tiangong.
18:52 Et puis, tout ça se fait quand même en lien, c'est structuré aussi avec le Bureau des
18:56 affaires spatiales des Nations unies.
18:58 Donc, il y a eu la sélection de projets.
19:01 Et dans cette sélection de projets, je crois même qu'il y en a un qui est français, si
19:05 je ne me trompe pas.
19:06 Alors que c'est un projet, je crois, norvégien, mais qui a des collaborations.
19:10 En fait, chaque projet, il y a de multiples acteurs, pas qu'un seul.
19:14 Et parfois, un centre bien précis, un norvégien, français, italien, etc.
19:19 Donc, on retrouve des partenaires européens.
19:20 Donc, je pense que ce ne sera pas exclusif des expériences qui pourront se faire dans
19:24 une station privée.
19:25 Et puis, effectivement, avant même Tiangong, ils avaient développé des prototypes Tiangong
19:30 1 et 2.
19:31 Et il y a eu une expérience française, Cardio Space 2, qui avait été développée par
19:36 le CNES avec des CHU français pour étudier vraiment le système cardiovasculaire en microgravité.
19:43 Dans les sciences du vivant, du vivant dans le milieu spatial, il y a aussi déjà eu
19:48 une histoire d'une collaboration entre la France et la Chine.
19:51 Oui, il y a une historique.
19:52 On se garde les portes ouvertes, mais ce qu'on comprend, c'est qu'il y a cette symbolique
19:55 d'envoyer un être humain.
19:58 En tout cas, on comprend que diplomatiquement, ce n'est pas la même chose d'aller mener
20:01 des expériences que d'envoyer un astronaute à nous mener des expériences.
20:04 Non, c'est sûr.
20:05 Mais en tout cas, à l'heure actuelle, ça a été réfuté.
20:10 Pour l'instant, ce n'est pas à l'ordre du jour.
20:13 C'est une déclaration relativement récente.
20:15 C'est là qu'on voit qu'il y a peut-être, à vous de me le dire, une différence de
20:19 positionnement entre l'Agence spatiale européenne et les nations comme la France.
20:23 Comment on pourrait mesurer cette différence ? Est-ce qu'il y a plus d'indépendance
20:26 en tant que pays qu'en tant que Fédération de l'Agence spatiale européenne ? Vous
20:30 le sentez comme ça peut-être dans cette liberté que vous avez de continuer à travailler avec
20:34 la Chine sans vous positionner ?
20:35 C'est vrai que nous, on essaye de jouer sur plusieurs tableaux.
20:40 On essaye de passer des fois par l'Esa.
20:42 Mais je ne veux pas critiquer l'Esa, mais en tout cas, dans notre domaine, ce n'est
20:48 pas facile.
20:49 C'est une structure qui n'est pas toujours très souple.
20:51 Ce qui fait que le CNES, par des accords bilatéraux, finalement, se donne encore un petit peu
20:58 de marge de manœuvre, indépendamment de l'Esa.
21:01 Oui, mais est-ce qu'il pourra jouer en la faveur de l'Esa ? Finalement, je pense
21:04 qu'il y a peut-être cet accord de principe de laisser les pays jouer ce jeu des accords
21:09 bilatéraux.
21:10 C'est le défondement d'une collaboration peut-être plus pérenne au sein de l'Europe.
21:13 Oui, tout à fait.
21:14 Là, on voit bien que les pays européens peuvent s'engager sur des coopérations.
21:19 À l'inverse de l'Esa, qui n'est pas une organisation politique intergouvernementale,
21:23 mais où c'est un peu plus délicat.
21:24 Elle est quand même impliquée aussi dans Artemis et même avant les autres collaborations
21:29 avec les États-Unis.
21:30 Mais l'avantage, je dirais, du CNES ou de la puissance spatiale française, c'est
21:35 aussi de ne pas dépendre de composants américains, puisqu'on voit bien que certains autres
21:39 partenaires sont tombés sous le coup des réglementations ITAR, notamment américaines.
21:45 On pense au rover Rachid 2 des Émirats Arabes Unis, qui ne pourra pas partir avec la mission
21:52 chinoise.
21:53 Donc nous, finalement, on a l'avantage d'avoir un peu des composants qu'on dirait
21:56 ITAR Free, qui permettent cette indépendance et cette souveraineté.
22:00 C'est aussi un point supplémentaire.
22:03 Ça, c'est important.
22:04 C'est un peu le graal scientifiquement de s'assurer que notre développement scientifique
22:08 n'a pas le droit à être redistribué où on le désire, garder le contrôle.
22:11 Effectivement, pour rebondir sur ce que vous venez de dire, nous, sur l'instrument d'or
22:15 qu'on a au Chine, vu qu'on est aussi soumis à ces règles ITAR américaines, on a dû
22:19 utiliser que des composants.
22:21 Alors, on a des composants américains, mais qui ne sont pas considérés, qui ne tombent
22:25 pas dans les règles ITAR.
22:26 Mais par exemple, on envoie à bord un FPGA français.
22:30 Alors, FPGA, c'est le petit ordinateur de bord qui fait un composant un petit peu critique.
22:38 C'est un peu l'intelligence embarquée.
22:39 C'est ça.
22:40 C'est au niveau des composants.
22:42 Mais ce qui fait qu'on développe aussi un peu l'écosystème technologique français
22:49 du spatial.
22:50 C'est ça.
22:51 Et les composants.
22:52 Avant qu'on conclue cette émission, départ de votre technologie en mai, c'est ça ?
22:56 Le 3 mai, normalement, depuis le site de Wenshang, dans l'île d'Hainan.
23:00 C'est une île tropicale chinoise.
23:02 Voilà, pour une mission d'à peu près un mois et demi.
23:05 Et nous, on sera sur place, puisque je pense qu'on va être la première équipe étrangère
23:10 à pouvoir participer aux opérations de leur mission.
23:13 Ils commencent à s'ouvrir.
23:15 Ils sont intéressés.
23:16 On doit un peu ouvrir les portes, mais ils sont aussi intéressés.
23:18 On devrait être les premiers étrangers.
23:20 Donc, vous allez faire le voyage, vous, personnellement, en Chine ?
23:23 Voilà, on sera une équipe à Pékin, dans un des centres d'opérations, pour communiquer
23:28 avec notre instrument.
23:29 C'est un peu une découverte aussi de voir comment ça va marcher, le suivi de leur
23:35 mission.
23:36 Et puis, cette collaboration sur place, et puis de découvrir les infrastructures, parce
23:39 que ça, c'est peut-être le mot de la fin, mais on n'a pas toujours d'aide de lancement
23:43 avec la Chine.
23:44 C'est parfois un peu opaque.
23:45 Et ça, ça participe aussi à ce mystère-là, et peut-être à cette crainte qu'on a de
23:50 l'Europe, au global.
23:51 Alors, il y a un accès à la formation qui n'est peut-être pas facile.
23:55 Non seulement parce qu'on ne trouve peut-être pas la formation, tout simplement, il y a
23:59 la barrière de la langue.
24:00 Et puis, on est peut-être aussi un peu plus ou moins conditionnés par le fait que les
24:05 Etats-Unis voient quand même la Chine d'un mauvais oeil.
24:08 Et quelque part, on a aussi ça dans notre esprit, ça nous structure un petit peu, même
24:13 inconsciemment peut-être.
24:14 On est un peu parfois retenus par toutes ces barrières, je pense.
24:18 Merci Béatrice Seyneau.
24:19 Je rappelle que vous êtes chercheuse d'espace à l'IRSEM, l'Institut de Recherche Stratégique
24:22 de l'École Militaire.
24:23 Merci d'avoir pris le temps de venir échanger sur ce plateau.
24:25 Merci à vous Pierre-Yves Messelin.
24:27 Je rappelle que vous êtes enseignant-chercheur à l'Université Toulouse III et planétologue
24:31 à l'Institut de Recherche d'Astrophysique et Planétologie.
24:33 Merci à tous de nous avoir suivis à la production L'Élysale Keen.
24:38 On se retrouve dès la semaine prochaine sur Bismarck.
24:40 [Musique]

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