Léa Salamé reçoit l'humoriste Gad Elmaleh pour son nouveau spectacle "Lui-même", en tournée dans toute la France.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-11-mars-2024-1735659
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00:00 Léa, ce matin, vous recevez un grand humoriste !
00:03 Un thelier ! Bonjour Gad Elmaleh !
00:05 Cette petite musique d'avant, elle est pas mal !
00:07 *Tatatata*
00:09 Bonjour Gad Elmaleh !
00:10 Bonjour Léa Salamé !
00:11 Merci d'être là !
00:12 Merci, je suis très heureux d'être là !
00:13 Si vous étiez un pays, un homme d'État et un défaut, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:18 Vous êtes sérieuse ?
00:19 Écoutez, ça fait des mois que je ne suis pas allé à la radio !
00:23 Ça fait des mois que vous ne parlez pas ni à la radio, ni à la télé !
00:25 Ni nulle part ! Ça fait des mois que j'attends de prendre la parole et je viens sur France Inter, je suis très heureux et très flatté !
00:31 Donc je m'attends à de la sophistication intellectuelle !
00:33 Et là, qu'est-ce que je vous demande ?
00:34 On me dit Léa Salamé, je place donc le débat et la rencontre à un niveau et là on me dit ni oui ni non !
00:40 Ni oui ni non !
00:42 Non mais sérieux ?
00:43 Oui, tu préfères !
00:44 Ah ouais, questionnaire de Proust quoi !
00:46 Si vous étiez un pays, il faudrait falloir me répondre !
00:48 Allez, dites-moi du coup, si j'étais...
00:49 Un pays !
00:50 Un pays ?
00:51 Allez !
00:52 Liechtenstein !
00:53 Juste pour le plaisir de dire Liechtenstein !
00:55 On a compris ! Un homme d'état ?
00:57 Waouh !
00:58 Il sera Grabine !
01:00 Ah, c'est marrant que vous me les choisissiez ! Je choisis un petit son de lui pour vous le mettre mais ce sera tout à l'heure !
01:04 Le chemin vers la paix !
01:05 Et un défaut ?
01:06 Et un défaut, je serai celui qui me caractérise le plus, c'est mon impatience !
01:12 Plus on aime Dieu, plus on aime les hommes, écrivait Charles de Foucault, vous êtes d'accord avec lui ?
01:17 Ah, waouh ! C'est plus complexe que ça ! J'en ai une autre de Charles de Foucault d'ailleurs !
01:21 Elle est tout le temps avec moi ! Je peux vous la dire ?
01:24 L'amour consiste non pas à sentir qu'on aime, mais à vouloir aimer !
01:30 Voilà, je vous laisse !
01:32 C'est fini !
01:33 C'est terminé !
01:34 Je n'ai pas choisi par hasard Charles de Foucault, c'est un homme, c'est un mystique, c'est un ermite qui a vécu dans le désert, un saint que vous aimez particulièrement.
01:42 Vous avez même assisté à sa canonisation en 2022 au Vatican.
01:46 Il dit aussi, vous m'avez lu une autre phrase, mais il y en a encore une autre, parce que c'est vrai que c'est magnifique ce qu'il écrit,
01:51 il dit aussi que la beauté, l'humanité des hommes, il faut la chercher derrière les voiles et les apparences.
01:56 Et moi j'ai l'impression que ces derniers temps, Gad Elmaleh, c'est ce que vous tentez de faire ces derniers temps,
02:00 vous montrer derrière les voiles et les apparences, derrière les artifices de l'humoriste qui a explosé très jeune,
02:05 qui remplit les salles de spectacle et les salles de cinéma, qui a été sous le feu des projecteurs aussi,
02:09 aux côtés de ses amoureuses célèbres, des actrices ou des princesses, une princesse de Monaco,
02:13 que ce soit à travers votre dernier film, reste un peu surprenant et intime, où vous, le juif de Casablanca,
02:18 racontiez votre fascination pour la Vierge, ou que ce soit dans votre nouveau spectacle, lui-même,
02:22 dont vous dites qu'il est le plus intime, on a l'impression que vous êtes dans un exercice de vérité vraie,
02:27 comme disait Rimbaud, et même s'il ne s'appelait pas, ce n'est pas grave, c'est comme ça que je suis.
02:32 C'est assez juste, c'est assez juste. Je crois que ce n'est pas la peur en tout cas du commentaire, du regard,
02:40 c'est se débarrasser petit à petit, même dans la création, même dans le processus créatif,
02:45 de l'appréhension qu'on a de comment va être reçu le spectacle et comment va être reçu telle ou telle idée.
02:51 Et c'est une grande liberté, de plus en plus, d'écrire en disant "ben voilà, je me débarrasse de ce que peut-être on va penser,
02:57 quelle image ça va avoir, comment vont le percevoir". Et donc ça, c'est une joie pour moi de travailler comme ça en ce moment,
03:04 et je le fais dans les Comedy Club, je le fais sur scène, au quotidien, et c'est un exercice, même un travail sur moi,
03:10 et pas uniquement un travail d'artiste, de pouvoir être totalement libre dans ma création.
03:15 - C'est la première fois où votre visage n'apparaît pas sur la file du spectacle ?
03:18 - Oui, parce que c'est enfin moi. Et je crois que, vous avez cité Rimbaud, vous avez cité Charles de Foucault,
03:25 je crois que quand on cache, on montre aussi, c'est-à-dire que quand on cache et on masque quelque chose,
03:29 et notamment son visage, c'est qu'on veut raconter quelque chose, on veut dire quelque chose,
03:33 comme quand on ne parle pas, on dévoile beaucoup de choses.
03:36 - Qu'est-ce que vous racontez dans ce spectacle dont vous dites "j'ai plus besoin de me justifier",
03:40 vous dites "c'est interdit de dire le spectacle de la maturité", c'est une expression interdite.
03:44 - J'aimerais bien qu'on me pose la question, parce que moi je trouve qu'on ne m'a pas posé la question,
03:47 même si j'ai trouvé ça un petit peu...
03:49 - C'est une phrase que je me suis jurée de ne jamais dire à un artiste, c'est le livre de la maturité, c'est l'album de la maturité.
03:57 - Vous ne pouvez pas vous permettre de critiquer les journalistes qui demandent si c'est le spectacle de la maturité,
04:02 vous pouvez ouvrir votre interview avec "si vous étiez un pays et si vous partiez sur une île déserte, qu'en porteriez-vous ?"
04:09 Soyons sérieux.
04:11 - Qu'est-ce qu'on apprend sur vous que vous n'avez jamais dit ?
04:14 Je sais que vous parlez de l'amour, de vos échecs, de vos hontes, de la notoriété, qu'est-ce qu'on apprend sur vous Gueddel-Malet ?
04:22 - En fait c'est un parcours, c'est un spectacle, alors on est très très sérieux, c'est un spectacle comique quand même,
04:26 il faut le rappeler, depuis tout à l'heure on cite des philosophes, on cite des grands intellectuels,
04:32 c'est un spectacle beaucoup plus intime dans le sens où encore une fois c'est une traversée dans des moments de vie en tout cas,
04:40 où je cherche finalement, c'est une quête d'identité, c'est vraiment une quête d'identité, mais pas d'identité au sens religieux encore une fois,
04:46 de nationalité, d'appartenance à un pays, c'est juste le grand qui suis-je ou vais-je, à quoi sers-je,
04:53 qu'est-ce qu'on fait sur ce sujet, c'est plus des questions métaphysiques et à travers ça un parcours existentiel où j'ai vécu des choses comiques.
05:02 Quand j'ai fait par exemple une retraite chez les moines, c'est devenu comique, quand j'ai eu des grandes discussions avec des rabbins,
05:08 c'est devenu comique pour d'autres raisons, quand je suis parti marcher tout seul dans le désert, c'est devenu comique,
05:13 et moi j'essaye de tirer en tout cas de toutes ces situations-là qui sont à la base pas des projets comiques,
05:20 mais d'en tirer, parce que c'est ma vie, c'est ma vision du monde, d'en tirer des choses drôles, heureusement.
05:26 Vous dites que c'est un spectacle sur le mensonge aussi, qu'est-ce que vous racontez ? Vous mentez beaucoup ?
05:31 Pas beaucoup, mais au quotidien, c'est-à-dire un peu chaque jour, je pense qu'on se ment tous, on n'arrête pas de se mentir,
05:38 et je parle des petits mensonges, et je pense que pour combattre en tout cas le mensonge, il faut commencer par essayer d'arrêter les tout petits mensonges,
05:45 et au quotidien, on a des mensonges qu'on ne peut pas s'empêcher de faire.
05:51 Genre ?
05:52 Genre, il m'est arrivé par exemple, je ne sais pas si ça vous fait ça, mais il m'est arrivé d'être à une tablée avec des gens,
05:59 et ils parlent d'un film qu'ils ont vu, et puis moi je ne sais pas pourquoi, je m'en veux, je dis "je l'ai vu",
06:04 et je trouve que c'est terrible, c'est pathétique, et je raconte dans le spectacle que je suis à une table comme ça,
06:09 où les gens parlent d'un bouquin qu'ils ont lu, et tout le monde dit qu'il a lu, et tout à coup, je ne sais pas si c'est le syndrome du blédard,
06:17 je ne sais pas si c'est l'envie d'être accepté, mais je dis que je l'ai lu moi aussi.
06:21 Mais non seulement je dis que je l'ai lu, mais je vais plus loin, j'invente en fin de repas un livre.
06:25 Et là c'est très intéressant. Histoire vraie, j'invente en fin de repas un livre que j'aurais lu, je dis "Qui a lu Il Pleut sur mon vélo de Jean-Bastien Filzaz ?"
06:34 Et là il y a un gars qui dit "Formidable".
06:37 Et là le mec se met à me raconter le livre que je viens d'inventer.
06:41 Mais là où c'est beau, c'est qu'il le raconte tellement bien qu'il me donne envie de le lire.
06:45 Et même il me cite tous les livres que cet écrivain a écrit, que moi-même je viens d'inventer.
06:51 Et là où je m'intéresse sur ma santé mentale, c'est que je complexe de ne pas avoir lu un écrivain que moi je viens d'inventer, ça va trop loin.
06:58 - Vous parlez aussi de la question de l'argent, vous dites "côté riche comme côté pauvre", pourquoi un tel tabou en France autour de l'argent ?
07:05 - Oui je parle de l'argent, alors bien sûr en France il y a le tabou de l'argent, mais il y a aussi toutes les choses qu'on n'ose pas dire.
07:12 Non, je parle de mon fils qui m'a dit "Papa, est-ce qu'on est riche ?"
07:17 Je lui ai dit "Non, je suis riche".
07:19 Et c'est une manière de le provoquer et de parler de l'argent et d'arrêter avec ce tabou de l'argent.
07:25 Et de la valeur, la différence entre le prix et la valeur, ça c'est très important, moi j'essaie d'inculquer ça à mes enfants.
07:31 Ce qui est cher n'a pas forcément de la valeur, et ce qui a de la valeur est parfois gratuit.
07:35 - Et l'argent fait le bonheur à votre avis ?
07:37 - Non, non. L'argent ne fait pas le bonheur.
07:42 Alors il y a des gens qui sont en train de nous écouter en ce moment et qui disent "ouais c'est normal, il dit ça parce qu'il en a".
07:49 Ouais, donc fais-moi confiance.
07:51 - Alors vous avez ouvert la billetterie il y a quelques semaines de ce nouveau spectacle sans faire aucune promo, puisque c'est la première fois que vous parlez.
07:57 - C'est la première aujourd'hui.
07:58 - Et toutes les places pour 2024 ont été vendues instantanément. Il n'y a que le salon de l'agriculture qui a fait mieux que vous.
08:06 C'est vrai, j'ai regardé sur les tours de billetterie.
08:08 - Je suis en numéro 2 après la vache. Je suis très fier d'être aux côtés de...
08:13 - Et du coup vous avez rajouté une tournée des zéniths, puisque c'est complet, l'Olympia est complet en juin prochain, etc.
08:18 Vous avez rajouté une tournée des zéniths en 2025.
08:21 Le titre, on en parle, lui-même, c'est quoi ? Vous trouviez pas un truc bien, du coup vous avez dit "bon bah ce sera lui-même".
08:28 - C'est pas sympa pour celui qui a trouvé le titre, avec qui je travaille et que j'aime profondément et que j'admire énormément, qui est un humoriste...
08:35 - Qui s'appelle Romain de Fréciné.
08:37 - Voilà, que je salue.
08:38 - Je le salue aussi du coup.
08:39 - En fait il a trouvé ce titre, on travaille ensemble sur ce spectacle.
08:43 C'est pour moi, dans sa génération, vraiment le... je sais pas comment on pourrait le décrire.
08:50 En tout cas il est très inspirant. Il y en a d'autres, il y a Redouane aussi qui me touche énormément pour d'autres raisons.
08:57 Il va vers le stade Vélodrome, enfant des quartiers de Marseille, il a rêvé du stade Vélodrome, il va le faire, je suis heureux pour lui.
09:02 Romain a un génie, il a une vraie réflexion en tout cas sur la vie qui me touche énormément.
09:09 Et il a trouvé ce titre au moment où il travaillait, lui-même, et j'ai adoré, je trouve que c'était mieux que ce que j'avais trouvé moi.
09:15 Donc j'ai dit "Ok, let's go".
09:18 - Vous parlez de l'alcool.
09:19 - Oui aussi.
09:20 - Vous avez arrêté de boire.
09:22 - Oui.
09:23 - Pourquoi ? Parce que vous buviez trop, vous étiez presque alcoolique ?
09:26 - Je sais pas si les histoires de quantité c'est important, mais je crois qu'on a un problème quand on boit régulièrement, même un petit peu.
09:35 On a pas un problème quand on... Et puis après, est-ce que ça nous rend heureux ? Est-ce que ça nous rend tristes ? Est-ce que ça nous rend joyeux ? Est-ce que ça nous affecte ?
09:41 - Ça fait combien de temps que vous avez arrêté de boire ?
09:43 - Deux ans et sept mois. Quand vous connaissez...
09:45 - Ah ouais, merde !
09:47 - Quand vous connaissiez le jour du nombre...
09:50 - Depuis le 21 août 2021.
09:52 - Et du coup la fête elle est pas moins belle ?
09:54 - Mais tellement pas ! Parce qu'aujourd'hui je ne fais la fête que si j'ai de la joie.
09:58 Parce que le problème de l'alcool c'est qu'on fait la fête même sans joie. C'est pour ça que mes gars sont tristes. Ils ont la fête.
10:04 - Et là vous arrivez à faire la fête, à être joyeux ?
10:07 - Tellement ! Tellement !
10:09 - C'est une vraie question là, je suis sérieuse.
10:11 - Moi c'est une vraie réponse. Je vous propose même de faire la fête sans alcool un jour.
10:14 - Ouais.
10:15 - Et avec de la joie, non ?
10:17 - Ouais, non. Un de vos sketchs les plus célèbres c'était le blond, Gad Elmaleh.
10:20 Vous racontiez comment vous étiez, vous le blédard venu d'ailleurs, comment vous étiez jaloux du blond, à la mèche parfaite, à la vie rangée, où rien ne dépasse, où tout est parfait.
10:28 Aujourd'hui à 52 ans, quel regard vous avez sur le blond ?
10:31 Est-ce qu'au fond vous êtes content d'être vous-même ?
10:34 - Je suis heureux et profondément en accord et content d'être moi-même.
10:39 Mais quelque part, je repense à la discussion qu'on a eue il y a quelques minutes sur les livres et tout ça, il y a quand même toujours un complexe.
10:45 Et le blond, j'ai l'impression que lui, il a lu les livres, il a fait les choses qu'il faut faire.
10:48 Mais ce pas de côté, il m'a aidé à faire des spectacles.
10:51 Le fait d'être d'ailleurs tout le temps, ne jamais être réellement de l'endroit où je suis, puisqu'à chaque fois je suis le mec d'ailleurs.
10:58 Moi je suis venu du Maroc au Québec, au Québec on me disait "t'es un Marac'in".
11:02 Du Québec, je suis arrivé en France au cours Florent, on me disait "c'est un Canadien".
11:06 Au Canada, après la France, j'ai été aux Etats-Unis pour vivre mon expérience.
11:11 "Oh, you're the French man, you're the French guy !"
11:13 Et ça me plaît toujours d'être celui d'ailleurs.
11:16 C'est quelque chose qui est très enrichissant pour moi en tout cas.
11:19 - Votre dernier spectacle d'ailleurs s'appelait "D'ailleurs".
11:21 - Oui, exactement "D'ailleurs".
11:22 - Et maintenant c'est lui-même.
11:23 - Maintenant c'est lui-même.
11:24 D'ailleurs c'est moi qui l'avais trouvé le titre.
11:26 - Peut-être qu'il faut vous écouter plus.
11:28 - Romane, je te propose de répondre en direct.
11:31 - Allez, c'est la vie.
11:33 - Je sais que vous l'avez reçu.
11:34 - Oui, oui, je l'ai reçu et c'était super.
11:36 Les attaques, les critiques, il y a 4-5 ans, l'affaire du plagiat, tout ça, ça vous a blessé, ça a touché votre orgueil ?
11:42 Vous dites, j'ai lu quelque part, comme dit Thierry Lhermitte, "je pardonne mais j'ai la liste".
11:47 - Ouais, alors est-ce que ça m'a touché déjà ? La question, bien sûr.
11:52 Est-ce que ça a touché mon orgueil ? Bien sûr.
11:54 - Si j'avais la sagesse aujourd'hui, non, si j'avais la sagesse à l'époque que j'ai aujourd'hui,
11:57 enfin la sagesse, si j'avais compris, si j'avais appris, j'aurais jamais réagi comme ça.
12:01 Thierry Lhermitte dit "je pardonne mais j'ai la liste".
12:05 Moi, j'utiliserais une phrase de Tupac, maintenant je cite.
12:11 - Le rapport, ouais, Tupac Chakour, bien sûr.
12:13 - En parlant des gens qui lui ont tourné le dos, parce qu'il y en a eu beaucoup.
12:17 - Qui vous ont tourné le dos ?
12:19 - Oui, mais c'est un peu la mécanique, dès que quelqu'un faiblit, dès qu'on sent que ça ne va pas,
12:24 il a un genou à terre, alors on lui tourne le dos.
12:27 Mais ce qui est formidable à voir et terriblement triste dans la nature humaine,
12:31 c'est que quand tu reviens, quand tu es rené, quand tu reprends des forces,
12:34 ils font le tour complet, ils reviennent vers toi.
12:36 Et alors un jour, un journaliste avait dit à Tupac, vous ne leur en voulez pas,
12:39 il a répondu "ce n'est pas parce qu'ils m'ont perdu comme ami qu'ils m'ont gagné comme ennemi".
12:43 Et je trouve ça très beau comme phrase.
12:45 - C'est chrétien pour le coup.
12:46 - Je ne sais pas, c'est dans le pardon peut-être en tout cas.
12:48 - Ça peut être juif le pardon aussi.
12:50 - Alors justement, la religion, la spiritualité,
12:53 comment la communauté juive a pris le film "Reste un peu" où vous racontiez qu'il avait d'ailleurs
12:57 bien marché pour un film qui était un tout petit budget.
12:59 - C'est le film le plus rentable de l'année où il est sorti en tout cas.
13:02 - Vous avez fait 500 000 entrées alors que je crois qu'il ne coûte même pas un million,
13:06 ce qui est un tout petit film en termes de budget.
13:09 Comment ils ont pris ? Il y a eu des critiques de la communauté juive ?
13:12 - Alors déjà...
13:13 - La tentation, cette fascination que vous aviez pour la Vierge, pour les églises, ce que vous racontiez.
13:17 - Déjà de dire "la communauté", c'est un peu réducteur pour les juifs de France
13:21 parce que la communauté elle est diverse, elle est multiple, elle est variée,
13:24 il y a beaucoup de courant et heureusement dans le judaïsme français.
13:27 Je pense que la réaction, cela dit, des juifs par rapport au film,
13:34 elle était totalement prévisible pour moi puisque le film raconte le drame,
13:39 la tragédie d'une famille qui explose parce qu'un enfant de tradition d'éducation juive
13:44 se tourne vers le christianisme. Ça raconte ça.
13:47 Donc je n'étais pas surpris de voir des juifs qui me disent "qu'est-ce que c'est que cette histoire ?"
13:52 - Tu t'es converti ? - Oui, qu'est-ce que tu nous as fait ?
13:54 Non, je ne suis pas converti.
13:55 - Tu t'es converti, Gad, ou pas ? Parce que tout le monde pensait que c'était la question que pose le film.
13:58 - Non, non, oui, d'ailleurs dans le film je ne me convertis pas.
14:01 Mais vous savez, après il y a beaucoup de gens qui ont entretenu ça
14:04 pour essayer d'asseoir un peu leurs attaques, notamment des gens pas très éclairés,
14:09 des deux côtés "oui, il a fait, il s'est converti".
14:12 Non, dans le film d'ailleurs je ne me fais pas baptiser, comme dirait l'hécato, je chemine.
14:17 Et je continue à cheminer d'ailleurs.
14:19 - Et vous qui cheminez, donc, vous questionnez sur l'existence de Dieu,
14:22 vous ne vous demandez pas en ce moment il est où Dieu,
14:24 quand vous regardez le monde tel qu'il est, la guerre en Ukraine,
14:26 la guerre évidemment au Proche-Orient ?
14:28 - Alors bien sûr, c'est la grande question du silence de Dieu
14:31 pendant les tragédies de l'humanité depuis la nuit des temps.
14:35 Après, il y a une blague très drôle et très triste en même temps là-dessus.
14:39 Elle est très connue, c'est une blague juive,
14:42 c'est deux rescapés de la Shoah qui sont assis sur un banc
14:44 et qui font des blagues sur la Shoah.
14:46 Et elles sont mortes de rire.
14:48 Et il y a Dieu qui passe par là, qui dit "Oh, vous n'avez pas honte de rire de la Shoah ?"
14:53 Elles se retournent vers Dieu et disent "tu ne peux pas comprendre, tu n'étais pas là".
14:57 Et je la trouve bouleversante cette blague.
14:59 - Elle est bouleversante.
15:01 Je voulais vous faire entendre, vous m'avez parlé de ça, Krabine,
15:03 je voulais vous faire entendre un discours...
15:05 - J'aimerais juste rajouter une chose, parce que vous parlez du silence de Dieu.
15:08 Quelquefois, je me demande si ce silence de Dieu...
15:12 Après, il n'y a pas de silence de Dieu, parce que Dieu, il est à l'œuvre, je pense, pour ceux qui y croient.
15:16 Et puis ceux qui ne y croient pas, ils ont le droit aussi.
15:19 Mais est-ce qu'on ne préfère pas le silence de Dieu au bruit des hommes actuels aussi ?
15:22 Quand je dis le bruit, c'est la société de la parole et du commentaire permanent,
15:27 et des réseaux sociaux, et de l'indécence en tout cas.
15:30 Et puisque vous parlez du Proche-Orient, j'aimerais dire une chose très importante,
15:34 en tout cas qui me tient à cœur par rapport à Israël,
15:36 c'est qu'aujourd'hui, j'ai envie qu'on s'attache aux faits.
15:39 Parce que le bruit dont je parle, les réseaux sociaux,
15:42 le défilé dans les médias des ambassadeurs de la vertu qui vous disent ce qu'il faut faire,
15:46 de plus en plus, c'est...
15:48 Qui est un bon juif ? Qui est un mauvais juif ? Qui est un bon musulman ? Qui est un mauvais musulman ?
15:52 Parlons des faits, avant ça, par décence, par dignité, par deuil collectif.
15:58 Et je pense que les faits, c'est qu'au moment où on se parle, nous, confortablement,
16:01 dans un studio de France Inter, il y a encore des otages.
16:04 Il y a encore des otages qui souffrent, qui sont torturés.
16:06 Il y a encore des otages, peut-être, qui sont morts, on ne sait même pas.
16:09 Il y a une mère de famille qui a dit une chose terrible, ça m'a effondré de tristesse.
16:12 Elle a dit "je préférerais qu'on m'annonce que ma fille est morte,
16:15 plutôt qu'imaginer ce qu'on est en train de lui faire".
16:17 Et les faits, c'est aussi, du côté palestinien, le calvaire, la détresse,
16:21 les morts tous les jours de cette population civile.
16:24 Donc, on est sommé de prendre position aujourd'hui, mais de choisir son camp.
16:29 Et moi, je dis depuis quand un homme ou une femme...
16:34 n'aurait pas le droit, et d'un côté, de condamner, d'être horrifié, d'être terrassé,
16:39 d'être effondré de douleur sur les attaques barbares, bestiales du 7 octobre,
16:44 et en même temps, être effondré de tristesse sur le sort de la population palestinienne ?
16:50 Là, il s'agit pour moi d'humanité.
16:52 Elle n'a pas de camp. L'empathie, elle n'a pas de camp.
16:55 Et ça, c'est la voie, en tout cas, de la paix.
16:58 La voie de la paix, c'était celle de Rabine.
17:00 En 1995, il y a presque 30 ans, il vient de signer avec les Palestiniens l'accord d'Oslo.
17:05 Il parle dans une manifestation pour la paix à Tel Aviv.
17:08 Quelques minutes plus tard, il sera assassiné.
17:10 Je sais qu'on explose le temps, mais c'est pas grave.
17:12 Je pense que c'est important. On le réentend.
17:14 Ce gouvernement que j'ai le privilège de diriger,
17:19 ensemble, avec mon ami Shimon Peres,
17:28 a décidé de donner une chance à la paix.
17:32 La violence est ce qui mine les fondations de notre démocratie.
17:39 La violence, quelle qu'elle soit, doit être condamnée, dénoncée et empêchée.
17:47 Car ce n'est pas le chemin de l'Etat d'Israël.
17:52 Voilà, je tenais absolument à vous le faire entendre.
17:55 Je crois qu'il faut qu'on l'entende. Elle existe, cette voix de la paix.
17:58 Les impromptus pour finir, c'est le "tu préfères".
18:01 Allez, pour sourire. Mais vous répondez là.
18:03 C'est pas possible. On ne peut pas passer de Israël Rabine à "tu préfères".
18:07 Si t'étais une orange, si t'étais une fraise.
18:10 Bernadette de Lourdes ou Charles de Foucault ?
18:13 Waouh, c'est trop dur.
18:15 Allez vite.
18:16 Woody Allen ou Nanni Moretti ?
18:18 Waouh, Woody Allen.
18:20 Al Pacino ou De Niro ?
18:21 Al Pacino.
18:22 Hollywood ou Monaco ?
18:23 Waouh, Monaco.
18:25 Instagram ou Twitter ?
18:26 Pfff, ni l'un ni l'autre. Je ne suis plus sur les réseaux sociaux depuis presque un an.
18:31 Je ne crache pas sur les réseaux sociaux, qui est un uniforme que j'utilise.
18:34 Mais c'est votre équipe qui tweet.
18:36 Je ne lis rien. Sachez à tous les gens qui commentent ou qui m'envoient des choses, désolé, je ne lis rien.
18:40 Saint Sulpice ou Saint-Eustache ?
18:42 Saint Sulpice aux urgences. Ça doit être un hôpital.
18:47 Vous parlez mieux anglais ou arabe ?
18:49 Waouh, la même chose. Je parle arabophone, anglophone. Hébraï, hébraïophone aussi.
18:55 C'est comment d'être grand-père à 52 ans ?
18:58 C'est la plus grande joie du monde, puisqu'on me dit que tu es un jeune grand-père.
19:01 C'est le seul truc pour lequel on me trouve jeune.
19:03 L'amour dure 3 ans, 7 ans ou toute une vie ?
19:06 4 ans.
19:07 Chez vous c'est 4 ans ?
19:08 Oui.
19:09 Et pour finir, et votre maman dans tout ça ?
19:11 Il y a eu Dieu au début et ma maman.
19:14 C'est tout, c'est vous.
19:15 Ma maman est en train de nous écouter à l'instant.
19:20 Et on l'embrasse.
19:21 Et on l'embrasse. Elle doit trouver la première question de "Tu préfères ?".
19:24 Elle doit se dire "Franchement, elle m'a déçu celle-là".
19:27 Elle a aimé le titre du spectacle ?
19:29 Je ne sais pas si elle a aimé.
19:32 Elle se demande encore pourquoi elle n'a pas été nommée au César comme meilleure actrice pour "Reste un peu".
19:36 Et c'est vrai.
19:37 Lui-même. Donc, ça commence le 15 mars.
19:40 C'est complet, toute 2024.
19:42 Mais en revanche, en 2025, vous ouvrez la billetterie pour le Zénith.
19:44 Très belle journée à vous, Gad Elmaleh.
19:46 J'ai totalement explosé mon temps.
19:48 Il vaut mieux exploser son temps ?
19:50 Exploser tout court.
19:51 (Rires)
19:53 On se la garde celle-là !