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Matinale spéciale en direct du salon de l'agriculture : Yves Calvi reçoit Laurent Grandin, président d'Interfel, l'Interprofession des fruits et légumes frais dans RTL Matin.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 27 février 2024 avec Yves Calvi.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 On peut tout construire ensemble, même l'avenir.
00:07 RTL, matinale spéciale en direct du Salon de l'agriculture.
00:11 Il est 8h21, bonjour Laurent Grandin.
00:14 Bonjour.
00:15 Merci beaucoup d'être avec nous ce matin dans le studio RTL du Salon de l'agriculture.
00:18 Vous présidez Interfell, c'est l'organisme qui regroupe tous les acteurs des fruits et légumes,
00:22 de la production à la commercialisation, et d'ailleurs nous sommes sur le stand des fruits et légumes frais
00:26 qui se situe au pavillon 2. Commençons par un constat stupéfiant et révélateur quand même.
00:30 Il y a 52 000 producteurs de fruits et légumes en France, pourtant nous importons 60% de nos fruits
00:36 et 40% de nos légumes. Comment expliquez-vous ça Laurent Grandin ?
00:40 Pour les fruits, il faut corriger un petit peu la perception parce qu'une partie des fruits dont on est en train de parler
00:45 ce sont des fruits tropicaux et des agrumes, et sans faire injure à nos amis corse,
00:49 on va considérer que sur le territoire on en produit peu.
00:52 Donc on corrige de ces chiffres, on est à peu près à 60% en fruits et en légumes.
00:56 Ce n'est pas satisfaisant et c'est pour ça que nous avons lancé un plan de souveraineté avec le ministre Marc Fesneau
01:02 pour essayer d'aller regagner 5 à 10 points, ce qui nous mettrait au niveau,
01:06 parce qu'on est quand même dans un marché unique, libre d'échange, des autres grands pays méditerranéens.
01:11 Quel bilan au moment où nous parlons ? Est-ce qu'on peut déjà en faire un ?
01:15 Alors le bilan, on vient de lancer...
01:17 Ça marche, c'est efficace, ça vaut le coup ?
01:19 Alors ça vaut le coup, ça va marcher, vous connaissez l'effet balancier,
01:23 donc on ne va pas corriger immédiatement la situation,
01:25 mais on pense que dans 4-5 ans, on aura repris entre 5 et 10% de parts de marché sur la consommation.
01:32 Et pourquoi c'est important ?
01:34 Tout simplement parce qu'on l'a vu dans les épisodes comme le Covid ou ailleurs en Ukraine,
01:37 la sécurité alimentaire sur le territoire, des étals remplis pour les Français, c'est important.
01:42 Et donc pour ça, il faut un niveau minimum de production.
01:44 Je prends quelques exemples, mais le propos c'est quoi ?
01:46 On veut importer moins de pommes du Chili, de haricots verts du Kenya ou de cerises turques ?
01:50 Alors pour la pomme du Chili, elle est quasi inexistante aujourd'hui sur le territoire.
01:55 On est quasiment en pommes au taux suffisant,
01:57 on doit être autour de 90% de production nationale dans la consommation.
02:01 On importait il y a 20 ans 10 fois plus de pommes d'hémisphère sud en général qu'aujourd'hui.
02:07 Et c'est une complémentarité qui se fait tardivement, si vous voulez.
02:11 Donc on n'a pas ce problème.
02:12 Sur les cerises, c'est un autre problème, c'est qu'en définitive,
02:16 les produits qui ont été interdits quelques fois pour de bonnes raisons,
02:20 ne nous permettent plus aujourd'hui d'assurer une récolte régulière sur le territoire.
02:25 Et en ce qui concerne nos haricots verts ?
02:27 Le haricot vert vient essentiellement du Kenya, il y en a aussi du Maroc,
02:33 mais en période de production nationale, on vend les produits qui sont sur le territoire.
02:40 Et donc ça ne nous gêne pas parce que c'est une production plutôt de contre-saison.
02:43 Alors quoi qu'il arrive, il reste une question qui est au cœur de tous les problèmes agricoles.
02:47 Comment convaincre les consommateurs français,
02:49 qui eux sont obligés de faire attention à ce qui se passe dans leur portefeuille,
02:53 d'acheter des fruits et légumes français qui sont souvent les plus chers ?
02:56 Alors, ils sont quelques fois plus chers, notamment pour tous les produits
03:01 pour lesquels la main d'œuvre est déterminante.
03:03 Par exemple, si vous prenez dans les productions, tout ce qui est mécanisé, mécanisable,
03:07 on est au même niveau de compétitivité que les pays environnants.
03:10 C'est dans les productions qui nécessitent beaucoup de main d'œuvre, comme les fruits,
03:13 qu'il peut y avoir un décrochage.
03:15 Et donc, pour les convaincre, d'abord, ils arrivent à se convaincre même,
03:19 puisque de plus en plus, dans nos enquêtes, on fait des enquêtes tous les jours avec France Agrimaire,
03:23 les français disent vouloir acheter plus de produits nationaux.
03:26 Et par ailleurs, le prix moyen annuel des fruits et légumes révélé par Cantart,
03:30 qui relève les prix moyens de tous les points de vente, c'est 2,80€ par an.
03:34 Le prix moyen des fruits et légumes, c'est 2,80€ en détail.
03:37 - Mais vous dites qu'aux français qui nous écoutent, c'est pas si cher que ça ?
03:40 - Je leur dis, ça fait 1,10€ par jour, ça fait un peu moins de 35€ ces 3 paquets de cigarettes aujourd'hui.
03:46 Donc, je préfère manger tous les jours les recommandations internationales de fruits et légumes à 400g,
03:51 pour 35€, que de me ruiner la santé avec 3 paquets de cigarettes.
03:55 - Alors, c'est habile comme remarque, mais c'est pas toujours facile à faire comprendre.
03:59 Le président Macron s'est engagé à instaurer des prix planchers
04:03 qui permettront, je cite, de protéger le revenu agricole.
04:06 Est-ce que c'est une bonne idée ou c'est totalement artificiel ?
04:08 - Je pense que dans les filières dans lesquelles les produits sont une matière première,
04:12 parce qu'il y a un outil industriel de transformation, ça peut être une idée.
04:16 Avec une réserve toutefois, on est dans un marché unique, ouvert,
04:19 et il faut pas que par ce biais-là, ce soit une pompe à l'importation.
04:23 Donc, il y a un danger pour nous.
04:25 Nous, nous ne sommes pas un secteur dans lequel on est avec un outil industriel de transformation.
04:29 Et donc, finalement, on vend les produits, pas tels qu'ils sont cueillis complètement,
04:33 mais on les calibre, on les prépare, mais fondamentalement, on les transforme pas.
04:38 Et donc, pour nous, la solution du prix plancher nous paraît pas bien adaptée pour notre secteur.
04:44 - Alors, je reviens quand même sur mes petites cerises turques.
04:46 Vous allez me dire que c'est une obsession, mais parmi les nombreux exemples aberrants
04:49 que l'on peut trouver dans nos rayons, il y a la cerise.
04:52 On a interdit aux producteurs européens, et donc français, un insecticide,
04:54 d'utiliser en Turquie. Le rendement est évidemment bien meilleur là-bas,
04:57 et on retrouve des cerises turques dans nos rayons à un prix inférieur
05:00 à celles qui sont produites en France. Il n'y a pas un problème ?
05:03 - Il y a plus qu'un problème, si cela s'avère exact, parce que, si vous voulez,
05:07 entre les déclarations et la réalité, quelquefois, il y a un écart.
05:10 Le diméthoate, donc, a été interdit en France.
05:12 Il a été interdit pour des questions de santé publique.
05:14 Il y a une clause de sauvegarde qui a été prise.
05:16 Donc, logiquement, si la DGCCRF, en général, fait bien son travail,
05:21 les contrôles doivent démontrer qu'il y a ce produit sur les cerises.
05:25 Ce qui n'est pas démontré à ce jour, parce que je suppose qu'à ce moment-là,
05:28 ils auraient été interdits. Donc, la question, c'est que,
05:31 suivant les conditions pédo-climatiques, vous n'avez pas besoin des mêmes
05:34 produits de traitement. Et donc, certainement, les Turcs ont des conditions
05:37 plus favorables que les nôtres, et s'ils utilisent ces produits,
05:39 dans tous les cas, on n'en trouve pas la trace.
05:41 Si on en trouvait la trace, elle serait interdite à la vente,
05:43 puisqu'il y a une clause de sauvegarde santé sur ce produit.
05:45 - Autre volet du plan de l'an dernier, 146 millions dans la recherche
05:48 pour les alternatives aux pesticides.
05:50 Ça va prendre du temps, on n'est pas rendus des dons.
05:53 - Alors, vous avez raison, mais si vous voulez, ça fait 10 ans
05:55 qu'on demandait, parce que le plan qui s'appelle Parsada,
05:58 qui est la déclinaison pour le secteur végétal des cofitos,
06:01 c'est un plan d'anticipation des risques de disparition des molécules.
06:05 C'est ce qu'on demandait à nous depuis 10 ans, parce qu'une fois
06:07 que vous avez établi, il y a 75 molécules à risque,
06:10 qui risquent de disparaître dans les années qui viennent.
06:12 Je dis bien qui risquent, pas forcément qui disparaissent.
06:14 Ce plan des 146 millions, qui est que pour la filière végétale,
06:18 il est déjà engagé. Nous, cette année, on va avoir à peu près 15 millions
06:22 sur le secteur fruits et légumes, pour Drosophila suzuki,
06:25 donc pour la cerise, et pour d'autres thématiques de recherche
06:29 sur des insectes qui nous posent des problèmes, et les herbicides.
06:33 - Alors, quelque chose qui m'intrigue et qui peut intéresser nos auditeurs,
06:35 l'une des solutions pour réduire l'utilisation des pesticides,
06:38 seraient les fameux filets qu'on appelle "insect-pouf",
06:40 c'est-à-dire l'État a prévu des aides pour aider les agriculteurs
06:43 à s'en munir. De quoi s'agit-il et à quoi ça sert ?
06:46 - Alors, c'est une des clés de solution. Si vous voulez,
06:49 le plan de souveraineté, c'est quoi ? C'est fondamentalement l'adaptation
06:52 pour l'arboriculture et le maraîchage des conditions du XXIe siècle.
06:56 C'est vraiment ce plan, c'est ça. Et donc, les filets insectes-pouf
07:00 est une des solutions, mais il faut quelquefois reconvertir aussi
07:04 le verger, qui n'a pas été dit pour ça, pour pouvoir mettre ces filets.
07:07 - Ce sont des moustiquaires, d'une certaine façon.
07:09 - Absolument. Ce sont des barrières insectes pour les cerisiers,
07:13 pour les poiriers, pour les pommiers, pour toute l'arboriculture,
07:16 c'est possible d'utiliser cette technique-là.
07:18 - Ça marche. - Ça marche très bien.
07:20 Alors, les solutions, elles ne sont jamais uniques dans nos secteurs,
07:22 elles sont combinatoires. C'est-à-dire que c'est une des solutions,
07:25 c'est une bonne protection, mais il nous faudra à la fois
07:28 des plantes plus résistantes au stress hydrique, aux insecticides,
07:32 il nous faudra aux insectes, plus exactement aux maladies,
07:36 il nous faudra d'autres techniques qu'on utilise déjà aujourd'hui,
07:40 celles des insectes stériles, celles qu'on utilise pour combattre les moustiques,
07:43 les combinaisons utilisées en production fruitière intégrée,
07:47 confusions sexuelles, piégeages sexuels, etc.
07:50 Cet ensemble de panoplies nous permettra de diminuer la consommation de pesticides.
07:54 - Une toute dernière question, je pense à nos auditeurs qui ont entendu
07:56 tellement de chaos, de récrémination, d'angoisse aussi s'exprimer
08:00 dans le monde agricole ces dernières semaines, ces derniers jours.
08:02 Où est notre voix ? C'est-à-dire, où est l'espoir pour la production
08:05 de nos fruits et de nos légumes en France ?
08:07 - Je pense qu'elle est dans cet appui du gouvernement
08:11 qui s'est décidé sur un plan de long terme.
08:14 Le secteur fruit et légumes est devenu politique prioritaire du gouvernement.
08:17 Il y a un engagement de soutenir au travers de la recherche,
08:21 mais aussi de la consommation, 200 millions par an,
08:24 qui seront abondés de 200 millions par an des professionnels sur 10 ans.
08:28 Grâce à ce plan et en complément des fonds européens,
08:30 on pense redonner une perspective qui va résoudre aussi,
08:33 parce qu'une des questions c'est les successions,
08:36 c'est la rupture générationnelle.
08:38 - Comment on transmet ?
08:39 - Et si on ne donne pas une perspective à des jeunes,
08:41 on leur dit "le métier est foutu, vous n'avez plus pouvoir produire", etc.
08:44 c'est mort, ou alors ils ont une tendance suicidaire.
08:46 Donc nous, avec ce plan, on pense redonner cet espoir
08:49 et regagner les 5 à 10% de parts de marché.
08:51 - Merci beaucoup Laurent Grandin, vous présidez Interfell,
08:53 l'organisme qui regroupe tous les acteurs des fruits et légumes,
08:56 de la production à la consommation.
08:57 à la commune.

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