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Alain Bauer, professeur de criminologie au CNAM et auteur de "Tu ne tueras point" aux éditions Fayard, répond aux questions de Sonia Mabrouk au sujet des déclarations d'Emmanuel Macron qui n'exclue pas l'envoi de troupes militaires en Ukraine, du procès du meurtrier présumé du policier Eric Masson devant la cour d’assises du Vaucluse et de la mort du papa de la petite Lola.
Retrouvez "La Grande interview Europe 1 - CNews" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-de-8h20
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Alain Bauer, professeur de criminologie au CNAM et auteur de "Tu ne tueras point" aux éditions Fayard, répond aux questions de Sonia Mabrouk au sujet des déclarations d'Emmanuel Macron qui n'exclue pas l'envoi de troupes militaires en Ukraine, du procès du meurtrier présumé du policier Eric Masson devant la cour d’assises du Vaucluse et de la mort du papa de la petite Lola.
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NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:04 Bienvenue et bonjour Alain Bauer.
00:06 Bonjour.
00:06 Et merci de votre présence et votre grande interview sur CNews et Europe 1.
00:10 Vous êtes, et on vous connaît bien, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers,
00:15 auteur de nombreux ouvrages. Le dernier en date s'intitule "Tu ne tueras point" aux éditions Fayard, on va en parler.
00:21 Et je vais présenter aussi Alain Bauer cet ouvrage "Le commencement était la guerre".
00:25 Pourquoi ? Parce que la guerre justement, on en parle avec les déclarations hier du président Emmanuel Macron
00:30 qui font l'effet d'une déflagration.
00:32 L'envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine n'est pas à exclure à l'avenir, a-t-il dit lors de ce sommet international organisé hier à l'Elysée.
00:40 Comment vous, vous comprenez une telle phrase ?
00:43 Alors comme toujours avec le président de la République, il y a la version courte et la version longue.
00:46 La version courte c'est "l'envoi de troupes occidentales ne peut être exclu mais il faut maintenir une ambiguité stratégique".
00:52 La version longue, ces personnes n'y comprennent rien parce que cette phrase n'est pas faite pour faire,
00:57 mais pour envoyer des messages complexes et en fait il y a plus une ambiguité linguistique qu'une ambiguité stratégique.
01:04 En fait, nos amis russes ont une logique qui est écrite depuis plus d'une centaine d'années,
01:09 qui est dans leur manuel de doctrine militaire, qui ont été inventés du temps de la Russie impériale,
01:15 qui ont été repris par la Russie stalinienne et qui n'ont pas été oubliés par la Russie poutinienne,
01:20 qui s'appelle l'escalade pour la désescalade.
01:22 Eux ils tapent d'abord et ils discutent ensuite, nous nous discutons d'abord et nous tapons ensuite.
01:27 Nous sommes toujours en décalage.
01:29 Et donc au fur et à mesure que les États-Unis, l'OTAN, l'Union européenne ont décidé de s'investir dans le conflit ukrainien,
01:38 qui est vraiment le cœur d'un problème majeur depuis la fin de l'URSS, qui a fixé des lignes rouges clairement identifiées,
01:45 vous avez cité au commencement "État-la-guerre" qui est d'ailleurs le volume 1 et "Tu ne tueras point"
01:50 et le volume 2 de la même série, a permis de constater qu'il y avait trois lignes rouges.
01:55 Kaliningrad, cette enclave nucléarisée à l'intérieur de l'OTAN et de l'Union européenne au nord vers la Baltique,
02:02 la Géorgie et l'Ukraine.
02:05 Ce sont les trois sujets essentiels, le dernier s'appelant beaucoup plus "Krimé" qu'autre chose,
02:09 puisque c'est une de leurs plus grandes bases navales et évidemment ça permettait aussi le contrôle de la mer Noire.
02:16 La Russie a des logiques stratégiques qui sont les mêmes quel que soit son régime politique,
02:20 c'est un empire, c'est un empire qui est réveillé, c'est un empire qui est affirmé.
02:24 Les Européens ont mis beaucoup de temps à comprendre qu'on ne pouvait pas contraindre la Russie juste par la palabre et la parole.
02:31 Pendant 20 ans, la Russie s'est réarmée pour se préparer à une confrontation majeure avec l'Occident
02:36 à cause du bombardement de l'ex-Yougoslavie et de l'intervention de l'OTAN en Serbie,
02:41 qui les a pris à revers, dont ils ont considéré que c'était une intrusion dans leurs affaires.
02:46 Et le Premier ministre Primakov, à l'époque de Boris Helsin,
02:49 avec l'homme de l'Ouest à Moscou qui s'appelait Vladimir Vladimirovitch Poutine, secrétaire du Conseil de sécurité,
02:55 depuis 20 ans se prépare à un conflit majeur avec l'Occident.
02:59 Avec l'Occident dites-vous, Alain Baubin.
03:00 Et nous, nous ne nous y préparons pas.
03:02 Alors justement, nous ne nous y préparons pas. Et alors quand Emmanuel Macron dit aussi hier
03:07 et prévient d'une attaque de la Russie contre les Européens, donc c'est notre sécurité à tous qui est en jeu,
03:14 mais quel est le scénario redouté ? Est-ce qu'on peut le dire avec des mots ce matin ?
03:17 Alors d'abord, il y a ce que Vladimir Poutine dit, ce que Medvedev dit,
03:20 ce que toute une série de son entourage dit, ce qui sont de la menace, de "on a des armes nucléaires,
03:26 on pourrait réinvestir l'Estonie et les Pays-Baltes, etc."
03:29 Il se trouve que jamais ces éléments-là n'ont été mis comme ligne rouge par les Russes.
03:34 Ils considèrent que ce sont des arguments de propagande, de pression, de tension.
03:39 Leur problème est et reste la Géorgie et l'Ukraine.
03:42 Et chaque fois que les Européens disent qu'ils pourraient rejoindre l'OTAN,
03:46 qu'ils pourraient rejoindre l'Union Européenne, pour les Russes, c'est considéré, pour eux, comme une provocation.
03:51 Ils ne tiennent aucun compte du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
03:53 mais ça n'a jamais été la nature de l'Empire russe.
03:56 Et ils considèrent que les signaux qu'envoient les Occidentaux sont incompréhensibles en langage commun.
04:04 Si, par exemple, le président Biden avait envoyé 150 soldats américains, forces de maintien de la paix, à Kiev,
04:12 au moment où il disait "les Russes vont intervenir", les Russes auraient pris ça comme un message d'équilibrage.
04:17 Il n'y aurait donc pas eu d'escalade, puisque l'escalade aurait été un instrument de la désescalade.
04:22 Comme le président Biden dit "nous n'enverrons aucun soldat", les Russes disent "ah bon, feu vert".
04:27 Comme il l'avait compris pour le Koweït au moment où l'ambassadrice américaine était allée voir Saddam Hussein,
04:31 qui lui avait dit "vous savez, notre 13e province, tout ça", le Koweït,
04:35 au lieu de répondre "non, jamais, on vous tapera dessus", a dit "ah ben oui, il faut voir, il faut que j'appelle Washington".
04:40 On ne parle pas la même langue, je veux dire, ni politique, ni diplomatique, ni historique.
04:44 La langue n'est pas seulement un problème linguistique, c'est un problème culturel.
04:47 Il y a des éléments. Il faut comprendre que ce que les Russes vous expliquent de leur doctrine militaire,
04:51 elle est écrite, mais il faut la lire.
04:53 - Alain Boivin, expliquez-nous culturellement quand même, quand le président français dit cela,
04:57 même s'il vous dit que c'est simplement une ambiguïté linguistique, elle peut nous engager.
05:01 - Bien sûr, mais nous sommes engagés. - Qui croit aujourd'hui qu'il y aura un jour au sol des troupes ?
05:05 - D'abord, on en a déjà. Les Césars, ils ne marchent pas tout seuls.
05:08 La maintenance est là, la formation est là, l'entraînement est là.
05:11 Nous avons des troupes en préposition en Roumanie pour la défense des Pays Baltes.
05:18 Nous avons des avions, nous sommes déjà fortement engagés.
05:22 Nous n'avons pas envoyé de troupes de combat au sol, mais il y a des conseillers militaires
05:27 de tous les pays de l'Union européenne et d'ailleurs qui sont présents d'ores et déjà en Ukraine.
05:32 Ils ne sont pas au combat à part des volontaires qui rentrent là dans un autre cadre
05:37 qui est l'équivalent des... pas des FTP, mais des brigades internationales au moment de l'Espagne.
05:46 Tout ça existe déjà. Le problème, c'est d'envoyer des troupes au combat, en confrontation au combat.
05:50 Seuls les Polonais, jusqu'à présent, ont émis l'idée qu'ils pourraient aller régler cette question.
05:56 Mais la question n'est pas les troupes. Elle n'a jamais été les troupes.
06:00 - Ce ne serait pas une ligne franchie inétale ? - Non, la question, c'est les munitions.
06:03 - C'est les munitions, oui. - S'il y avait des munitions, cette question...
06:05 Mais oui, mais il se trouve que nous n'en avons pas et nous n'en en verrons pas
06:09 puisque nous n'avons pas encore relancé suffisamment le circuit de munitions.
06:13 Les Américains n'en ont plus. C'est-à-dire que le taux de consommation des équipements militaires
06:18 est quatre à cinq fois supérieur que le taux de production.
06:20 Nous venons de liquider l'intégralité des stocks.
06:23 Alors que la Russie est réorientée en économie de guerre...
06:27 Oui, alors elle ne fabrique pas plus que d'habitude, parce qu'il se trouve que les indicateurs économiques,
06:31 les indicateurs de production, les indicateurs industriels montrent que ça n'a pas encore réembrayé.
06:36 La chance qu'ils ont, c'est la Corée du Nord et l'Iran.
06:39 La Corée du Nord a des stocks pour des dizaines d'années,
06:43 parce qu'ils sont en guerre permanente depuis 60 ans, depuis le conflit coréen.
06:47 Quel modèle du conflit ukrainien ?
06:49 Je racontais ça en disant... J'ai chargé tous les modèles possibles.
06:53 Le modèle du conflit éternel sans paix, avec de temps en temps un cessez-le-feu
06:58 et avec des reprises techniques de conflits de manière régulière, c'est la Corée.
07:02 Ce conflit, c'est la Corée. Et donc, les Coréens envoient massivement des munitions.
07:06 Peut-être les Chinois par l'intérieur de la Corée, parce que c'est un peu moins visible qu'autrement.
07:10 Et donc, le réarmement russe ne se fait pas par l'économie de guerre russe.
07:14 Ça, c'est une illusion que les Russes nous ont vendues aussi.
07:17 Ça va se faire, mais pas encore, parce qu'ils n'ont pas assez de composants,
07:20 pas assez d'équipements, pas assez de trucs modernes.
07:22 Et en fait, ils nous envoient des T-55, des T-62, des T-72, des T-80,
07:27 tous leurs vieux machins qu'ils n'ont jamais détruits. Ils les ont stockés.
07:31 Nous, nous n'avons plus de stock. On a une armée expéditionnaire et échantillonnaire
07:35 qui a un peu de tout et beaucoup de rien, qu'il faut réarmer, qui a été à moitié détruite
07:39 par les comptables de Bercy, comme notre instruction publique,
07:42 comme notre santé publique, bref, comme tous les services publics.
07:44 Puisque tout ça coûtait cher. Chacun pense que c'est un coût et pas un investissement.
07:48 Oui, mais quand même, il y a une question aussi de culture.
07:51 Est-ce que nous avons collectivement, en Occident, baissé la garde face à toutes ces menaces ?
07:55 Et on parlera aussi, d'ailleurs, il y a un lien avec l'hyperviolence et la délinquance dans notre pays.
07:59 On a cru à une globalisation russe. C'est ce que vous décrivez très bien.
08:02 Vous parlez d'une globalisation piteuse. C'est culturel, aujourd'hui ?
08:06 Non, c'est une illusion. Nous avons cru, à la fin, à la chute du mur de Berlin,
08:09 que c'était fini, la fin de l'histoire, que nous avions gagné.
08:12 Fukuyama. Et c'est Huttington, finalement, qui a gagné sur Fukuyama ?
08:15 Alors, je ne crois pas à la guerre des civilisations. Je crois que les civilisations ne se font pas la guerre.
08:18 Vous ne disiez pas Huttington, d'ailleurs.
08:20 Non, non. Je sais, je sais. Mais là, on l'a résumé un peu brutalement.
08:25 Je crois qu'il y a la guerre des empires. Et en fait, nous avons réveillé de vieux empires
08:29 qui ont été dominés et domestiqués par l'Occident.
08:32 Aujourd'hui, l'Occident n'a jamais été aussi faible et aussi isolé.
08:35 Il a perdu le Sud, il a perdu le Golfe Persique.
08:39 Je ne pense pas qu'il ait gagné... Enfin, il a perdu l'Afrique, il a perdu l'Amérique du Sud.
08:43 Il lui reste fort heureusement un élément majeur qui explique que le Sud global n'existe pas vraiment.
08:48 C'est le conflit Inde-Chine, qui nous a permis d'avoir l'Inde plutôt avec nous
08:53 et la Chine plutôt avec les Russes.
08:56 Nous sommes en train d'avoir une reconfiguration.
08:59 Et l'homme qui est vraiment l'apprenti sorcier de cette affaire,
09:02 à la fois en Afghanistan et en Ukraine, qui est ce Big New Brzezinski,
09:05 lui, il voulait qu'il n'y ait qu'un seul empire.
09:07 Et ce qu'il voulait éviter, c'est ce qui est en train de se produire, la multipolarité.
09:11 Mais dans la multipolarité, l'Europe est celle qui a désarmé.
09:15 Elle a désarmé parce qu'elle a cru à un Erasmus géant
09:18 où il y avait grosso modo des touristes et des étudiants
09:23 et plus d'amis, d'ennemis, d'alliés, d'adversaires.
09:25 Nous avons désarmé tout.
09:26 Souveraineté industrielle, souveraineté économique, souveraineté militaire.
09:29 Et du coup, nous avons une crise sécuritaire qui vient se rajouter à toutes les autres.
09:33 Parlons-en de cette crise sécuritaire.
09:34 D'ailleurs, plus largement, comment vous expliquez que de plus en plus,
09:37 la pulsion soit devenue irrésistible ?
09:39 Et vous le savez, Alain Bauer, sur Europe 1 et sur Cine,
09:42 nous parlons de ces faits de société plus souvent que des faits divers.
09:46 Est-ce que vous diriez que c'est l'État qui est abdiqué ?
09:49 Parce que quand même, la promesse de l'État en France, c'est le régalien.
09:52 C'est la protection.
09:53 Il n'existe que par la protection.
09:55 Quand il se retire, quand il sous-traite et quand il se considère que ça coûte trop cher
09:59 et qu'il faut laisser d'autres le faire, que le marché va s'autoréguler.
10:03 Parce qu'en fait, c'est une logique.
10:05 Et moi, je suis pour le libéralisme en toutes choses.
10:08 La liberté d'expression comme la liberté de commercer.
10:11 Mais il y a des règles.
10:13 La règle, c'est qu'il y a un arbitre et que cet arbitre, il a les moyens de l'arbitrage.
10:19 On appelle ça le code de la route.
10:20 C'est bien d'avoir une voiture qui va très vite.
10:22 Mais si le but du jeu est de mourir en route, ça n'a aucun intérêt.
10:26 Le code de la route, c'est des feux rouges, des passages piétons, des limitations de vitesse
10:30 et même la ceinture de sécurité pour vous protéger contre vous-même.
10:33 Mais pourquoi l'État protecteur abdiqué ?
10:35 Parce qu'il a considéré qu'il coûtait trop cher, que c'était contraire à...
10:39 Pourquoi ? Parce qu'en France, l'État a créé la nation.
10:41 Partout ailleurs, des nations ont créé des États.
10:43 Ce sont leurs États.
10:45 Le territoire fait la loi.
10:47 Tout est décentralisé.
10:48 On est plutôt dans une logique, pardonnez-moi de le dire,
10:51 mais plutôt anglo-saxonne protestante, de proximité.
10:55 Et puis, en fonction de la gravité des faits,
10:57 l'État prend une importance plus ou moins grande.
10:59 Pas en France.
11:00 Il est responsable de tout, surtout, et c'est comme ça qu'il s'est vendu
11:03 et c'est comme ça que nous l'avons acheté.
11:05 Mais au fur et à mesure, du moment où il a supprimé l'instruction publique
11:08 pour en faire une sorte d'éducation au rabais,
11:10 supprimé la santé publique,
11:12 où on a plus de contrôleurs de gestion que d'infirmières,
11:14 supprimé la Défense nationale.
11:17 Il a fallu que Jean-Yves Le Drian, au nom d'un prétexte
11:19 qu'était le terrorisme, réarme l'armée de terre
11:21 pour que nous ayons encore une armée.
11:23 Un prétexte ? Le terrorisme ?
11:25 Pour l'armée, oui. L'armée ne lutte pas contre le terrorisme.
11:27 Elle ne lui fait pas la guerre.
11:28 Mais ça a sauvé 10 000 hommes.
11:30 Autrement, ils auraient été supprimés pour des raisons comptables.
11:32 Vous voyez ce que je veux dire ?
11:33 Tous ces éléments-là ont créé les conditions
11:35 d'un effondrement de l'État sur lui-même.
11:38 Il avait la protection des institutions, il le fait encore,
11:41 la protection des frontières, il l'a sous-traitée aux plus faibles d'entre nous,
11:44 les Grecs, les frontières italiennes.
11:47 La protection des personnes et des biens,
11:49 la police s'est retirée, elle est devenue une police d'intervention,
11:52 comme notre armée, d'ailleurs.
11:53 Attendez, on ne cesse de nous dire qu'il y a de plus en plus de bleu sur le terrain.
11:56 Vous vous dites, en parlant des homicides et des tentatives d'homicides...
11:59 Oui, des homicidités.
12:00 Exactement, que l'année 2023 a été spectaculaire.
12:03 La pire de l'histoire de la statistique.
12:05 Avec des phénomènes de violence physique qui progressent partout.
12:08 D'ailleurs, ces chiffres, on précise, et vous le dites dans votre livre,
12:10 il y a des victimes.
12:12 L'État ne défend plus ces victimes, s'est retirée aussi sur ce plan-là ?
12:17 L'État n'a pas compris qu'en se retirant,
12:19 la liberté, ce n'était pas la sécurité.
12:22 La liberté de frapper, ce n'est pas la sécurité.
12:25 Le fait que les forces de police interviennent,
12:27 elles interviennent, c'est une sorte de voiture-balai de la société,
12:29 elles interviennent dans leurs risques et périls.
12:31 On voit, il y a un procès en cours sur un policier assassiné
12:34 il y a quelques mois.
12:36 Mais sur le fond, il n'y a plus de saturation du territoire,
12:40 il n'y a plus d'enracinement sur le territoire,
12:42 puisque une partie de ces éléments sont tolérés
12:44 à cause d'un petit remords colonial mal digéré
12:47 et à cause d'un grand retrait des forces de sécurité
12:50 parce qu'on considérait, justement, qu'il fallait en faire
12:52 des forces d'intervention et plus des forces de présence, visibilité.
12:55 - C'est une abdication ? - C'est un retrait,
12:57 une sous-traitance, on peut l'appeler comme on veut.
12:59 Mais la nature a horreur du vide.
13:01 Quand l'État se retire, la violence s'installe, et le crime,
13:04 et vous l'avez avec un élément, un indicateur très simple,
13:07 le trafic de stupéfiants en France.
13:09 Aujourd'hui, vous parlez de villes,
13:11 donc personne n'aurait pu imaginer prononcer le nom.
13:14 Un des moteurs qui ressemble le plus à Marseille,
13:18 qui est malheureusement l'endroit où le kyste criminel
13:21 s'est implanté avec carbone et spiritaux il y a plus de 100 ans,
13:23 Valence, ça ne vous viendrait pas à l'idée.
13:26 Ce qui se passe à Avignon, ce qui se passe un peu partout.
13:28 Moi, je dis, le problème n'est même pas d'écouter ces news.
13:32 Il suffit de lire la presse quotidienne régionale.
13:34 - La presse quotidienne régionale... - Ce que nous faisons d'ailleurs.
13:36 - Oui, mais... - Pour tous ces faits-là de société.
13:38 - Ces 300, ces news par jour, par le réel. - Mais exactement.
13:41 C'est la presse locale, c'est la presse de Proxy,
13:43 c'est ce que les gens subissent et vivent.
13:45 On n'a pas besoin de leur mettre en scène.
13:47 De ce point de vue-là, la réalité s'impose.
13:50 Ce que j'ai voulu raconter, c'est comment, en 500 ans,
13:53 nous avions domestiqué l'homicide et comment il était en train de revenir
13:56 et qu'il fallait pouvoir le traiter.
13:58 Et le retour de l'État, c'est la manière de traiter ce sujet.
14:02 C'est le retour de la promesse et c'est donc le retour de la protection.
14:05 Et de la justice également.
14:06 Vous avez parlé, Alain Bauer, du procès du meurtrier présumé du policier Éric Masson
14:10 devant la cour d'assises du Vaucluse.
14:12 Le principal suspect, avoué, pour la première fois hier,
14:15 avoir tiré sur le policier.
14:17 Je précise à nos auditeurs et téléspectateurs
14:19 que depuis 2021, il avait toujours nié être l'auteur des coups de feu
14:22 et même avoir été sur place.
14:24 Est-ce que c'est un basculement, ça, dans le procès ?
14:27 - Il faut saluer le vrai travail de sa défense, vraiment.
14:29 - Son avocat. - La défense, ses avocats.
14:31 - Les avocats, vous avez raison.
14:32 La défense a fait le travail pour que la vérité sorte.
14:36 Après, on a maintenant une deuxième phase qui est
14:38 "je ne savais pas que c'était un policier".
14:39 Ça ne justifie rien, mais on est dans un processus
14:42 où le procès, justement, la justice, quand elle fonctionne,
14:45 elle donne des résultats, elle permet que la vérité sorte
14:49 alors que l'instruction ne l'a pas permis.
14:51 Et donc ça, c'est une très bonne nouvelle.
14:53 D'ailleurs, contrairement à ce que beaucoup de gens disent,
14:55 je discutais l'autre jour avec notre collègue Beatrice Brugère,
14:58 qui sort un excellent livre aujourd'hui, je crois, sur cette question,
15:01 elle n'est pas laxiste, elle est juste lente.
15:03 On n'a jamais mis autant de gens en prison,
15:04 jamais aussi jeunes, jamais pour des peines aussi graves,
15:07 jamais aussi tard.
15:08 Et nous avons une incapacité à traiter du retour de la violence
15:12 avec des moyens adaptés, notamment toute une série de choses
15:16 qui se passent très bien dans d'autres pays
15:18 où on vide les prisons parce qu'on intervient vite et tôt
15:21 et qu'on casse la carrière criminelle,
15:23 et donc la carrière vers la violence.
15:24 - Alors, on va conclure sur votre livre, vos éditions Fayard.
15:27 Votre titre, "Tu ne tueras point", évidemment, c'est un commandement religieux
15:30 qui est devenu d'ailleurs un peu laïque.
15:32 - Universel. - Universel, oui.
15:34 On aimerait aussi qu'il soit...
15:35 - C'est ce que je raconte au début, en fait, il s'est étalé...
15:37 - Mais ce que ça n'appelle pas au fond le contrat social ?
15:38 - Oui, bien sûr, c'est le cœur du contrat social.
15:40 - C'est le cœur.
15:41 - C'est "Tu ne tueras point", tu respecteras ton voisin
15:43 et tu vivras en liberté et en respect de l'autre.
15:47 C'est donc ce qu'on appelle la culture et l'éducation.
15:49 Bref, ce que nous avons sacrifié avec beaucoup d'autres choses
15:52 quand notre État a décidé qu'il allait devenir un État comme les autres,
15:56 alors qu'il n'a jamais été le même que les autres.
15:59 - Merci Alain Bauer, c'était votre grande interview ce matin
16:01 sur CNews et Europe 1 et à bientôt.
16:03 - Merci Sonia Mabrouk et Alain Bauer.
16:05 On vous retrouve dans un instant en compagnie de vos signatures
16:08 Europe 1 du mardi.
16:10 Gaspard, pose ton tête, à tout de suite.