• il y a 10 mois
Tout comprendre au retour du paracétamol "made in France". Adieu la pénurie, vive les relocalisations : c'est un peu le schéma que les autorités de santé ont présenté. Mais est ce bien réel ? La relocalisation va-t-elle fonctionner ? Va-t-elle s'étendre aux autres médicaments sous tension comme les antibiotiques ? Pour en parler, Agathe Landais, spécialiste santé de RTL, et Frédéric Bizard, économiste de la santé, auteur de "Autonomie solidaire en santé" chez Michalon.
Regardez L'invité de RTL Soir du 21 février 2024 avec Marion Calais et Cyprien Cini.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL, bonsoir. Marion Calais, Alexandre Desaint-Aignan, Cyprien Signy.
00:09 Et c'est désormais l'heure de nos invités pour tout comprendre.
00:12 Tout comprendre au retour du paracétamol made in France, messieurs dames.
00:16 Adieu la pénurie, vive les relocalisations.
00:18 C'est un peu le schéma que les autorités de santé ont présenté aujourd'hui.
00:22 Mais est-ce bien réel ? La relocalisation va-t-elle fonctionner ?
00:25 Va-t-elle s'étendre aux autres médicaments sous tension comme les antibiotiques ?
00:28 Pour tout savoir, on accueille Frédéric Bizard, économiste de la santé,
00:31 auteur d'Autonomie solidaire en santé chez Michalon. Bonsoir.
00:35 Avec nous également Agathe Landais, spécialiste de santé ici à RTL. Bonsoir, Agathe.
00:39 Bonsoir.
00:40 C'est donc aujourd'hui que la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a présenté ce grand plan de relocalisation.
00:45 On va donc bien refabriquer du paracétamol en France.
00:49 Oui, grâce à deux entreprises. La première, c'est le laboratoire Séquence, basé à Roussillon, en Isère.
00:53 Ils sont en train de construire une énorme usine qui devrait permettre de produire jusqu'à 15 000 tonnes
00:58 de principe actif nécessaire à la confection du paracétamol.
01:02 Ce projet-là a un peu de retard. Les premières boîtes de Doliprane et d'Afalgan, avec ces molécules, sont attendues pour 2026.
01:08 L'autre laboratoire, c'est Ipsophen. Il est plus petit et produira moins de principe actif.
01:13 Mais la production devrait commencer avant. C'est prévu pour le printemps 2025.
01:17 Ces deux entreprises fabriquent du principe actif, qui sera ensuite acheté par les laboratoires.
01:22 Sanofi pour le Doliprane, Upsa pour l'Efferalgan.
01:25 C'est une avancée considérable, car depuis 15 ans, il n'y avait plus aucune usine de principe actif du paracétamol en Europe.
01:31 Nos laboratoires étaient complètement dépendants de la Chine, de l'Inde ou des États-Unis.
01:35 Pour les antibiotiques sous tension, on en parle souvent, comme l'amoxycyline, on va relocaliser là aussi ?
01:40 Dans l'idée, oui. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, l'a redit encore aujourd'hui dans une interview.
01:45 Mais concrètement, les délais sont très flous. Il y a presque déjà un an, le laboratoire GSK a annoncé de gros investissements
01:52 et la création d'une nouvelle ligne de production d'amoxycyline dans son usine Mayennaise.
01:57 Elle doit entrer en service en 2025.
01:59 Depuis, il n'y a pas vraiment eu d'autres annonces de relocalisation sur ces antibiotiques.
02:03 Et puis au-delà de l'amoxycyline en tout, le ministère nous dit qu'ils ont identifié 147 médicaments
02:08 qu'il faudrait relocaliser en France ou en Europe.
02:11 Des médicaments sur lesquels il y a une vulnérabilité industrielle. On est trop dépendants de l'étranger.
02:16 Alors, Frédéric Bizarre, on va procéder par ordre.
02:18 D'abord, le paracétamol. Là, c'est en route. C'est bon, on va être souverain sur le paracétamol. Il n'y a plus de problème.
02:23 D'abord, réjouissons-nous en effet de l'ouverture de ces deux usines, puisque ça a été expliqué,
02:28 on n'en avait pas ouvert depuis une quinzaine d'années.
02:30 Ce qui est intéressant avec le paracétamol, c'est que là, on va produire le principe actif.
02:33 Parce que souvent, on a fait des annonces de relocalisation, mais qui étaient plutôt du conditionnement et pas du principe actif.
02:39 Or, c'est le nerf de la guerre, le principe actif. 80% de ces principes actifs sont produits hors de l'Union européenne.
02:44 Il y a 20 ans, c'était l'inverse. On en produisait 80. Donc, il y a eu une espèce d'inversement des ratios au profit de l'Asie.
02:51 Donc, il faut relocaliser ce principe actif dans l'Union européenne.
02:55 Alors, est-ce que l'avenir de la relocalisation, c'est sur des produits type paracétamol,
03:01 qui coûtent en prix de revient, qui doivent valoir moins de 10 centimes le comprimé ?
03:07 Si on veut arriver à les vendre, étant donné le prix final, moi, je ne suis pas certain.
03:12 — Parce qu'il va être plus cher, le paracétamol français ?
03:14 — Non, mais je ne suis pas certain de la viabilité économique, si vous voulez, sur la chose, du fait de nos coûts de production
03:18 et du fait que nous avons les prix de vente les plus bas. Vous savez combien vaut une boîte de paracétamol ?
03:24 C'est de l'ordre de 2 € avec 8 comprimés. Donc le comprimé, ça fait 25 centimes le prix final.
03:29 Mais ça veut dire que le prix de production, oui, il est extrêmement faible.
03:32 Donc notre marché est très peu attractif pour la production en France.
03:39 — Donc ça veut dire qu'on pourrait produire en France pour vendre à l'étranger ?
03:43 — Bien sûr. Sauf erreur de ma part. Il n'y a aucun engagement de ces producteurs.
03:47 C'est pas parce qu'ils sont français qu'ils vont vendre sur le marché français, si le marché français est moins rentable.
03:53 On est quand même dans une industrie qui est une industrie à but lucratif.
03:57 Et donc il faut ce qu'on appelle des incitations économiques qui fassent que ça soit rentable de vendre en France.
04:02 Et c'est bien un des problèmes de la France, parce qu'on dit que c'est un problème européen, international.
04:05 Tous les pays sont concernés. Mais on est un peu plus concernés que les autres
04:08 parce que nous avons des prix qui sont plus bas et donc une rentabilité de notre marché qui est plus faible.
04:13 Donc on est servi après les autres. C'est bien pour ça qu'on est passé de 3 000 signalements en 2021 à 4 000 en 2022.
04:19 Et puis nous en sommes à 5 000. Parce qu'on peut pas, certes, tout régler en quelques mois.
04:24 Mais on peut quand même recréer de l'attractivité juste pour la production existante dans la distribution avec des prix un peu plus intéressants.
04:31 Ce qu'ont fait les Allemands, ils ont augmenté les prix des produits matures, c'est-à-dire qui ont plus de 10 ans, de 25 %
04:35 pour la plupart de ceux qui étaient concernés par les ruptures.
04:38 Nous, nous en sommes à avoir augmenté de 10 % le prix de la moxiciline de vente,
04:41 parce que sinon l'industriel concerné disait "je ne vends plus à la France".
04:45 Mais il manque ce qui était très bien expliqué par votre collègue, c'est qu'il manque un peu une vision d'ensemble.
04:50 On bricole beaucoup. Encore une fois, il y a des bonnes nouvelles, comme la relocalisation.
04:56 C'est un peu de la com' sur le paracétamol.
04:58 Exactement. On se rappelle du président de la République qui, en pleine crise Covid, a promis aux Français
05:04 que nous allons recouvrir la souveraineté sur le paracétamol.
05:08 Mais enfin, recouvrir la souveraineté sur le paracétamol, ce n'est pas recouvrir une souveraineté sanitaire.
05:13 Je rappelle que la notion de souveraineté, elle est clé pour la santé.
05:18 Je pense qu'on est à l'approche d'une élection pour l'Union Européenne.
05:26 Si on n'est pas capable de montrer qu'une Europe du médicament, qu'une Europe sanitaire,
05:30 est quelque chose qui va nous protéger, qui va créer cette souveraineté-là,
05:34 il est strictement impossible d'avoir une souveraineté sanitaire à l'échelle nationale.
05:38 Tout ça est tout à fait utopique. Comme disait Keynes, on sera tous morts
05:41 avant qu'on soit souverain en France le temps de la relocalisation.
05:45 En revanche, à l'échelle européenne, parce que l'Europe était de loin une terre puissante en matière de pharmacie,
05:53 là, il y a quelque chose à jouer.
05:54 Donc, il faut associer une politique nationale ambitieuse,
05:57 dont un environnement qui soit attractif pour les industriels existants,
06:02 mais il faut absolument une vision européenne.
06:05 Et la France devrait prendre là-dessus le leadership.
06:08 - Donc, en gros, on comprend que les pénuries de médicaments, ce n'est pas terminé, Agathe.
06:12 - On vient d'expliquer que le nerf de la guerre, c'est un peu les relocalisations,
06:16 la production chez nous, au moins en Europe, du principe actif.
06:19 Donc, ça, on l'a compris, ça va prendre énormément de temps.
06:23 - En attendant, on peut quand même parler des choses qui sont mises en place par le gouvernement.
06:27 Par exemple, ils nous ont parlé cet après-midi du fait d'importer des médicaments de l'étranger.
06:31 Donc là, on est un petit peu en compétition, même au sein même de l'Union européenne.
06:34 Donc, le gouvernement nous promet encore de travailler là-dessus.
06:37 Dans nos officines, les pharmaciens vont désormais être contraints de dispenser certains médicaments à l'unité.
06:44 Ça, ils nous l'ont confirmé aujourd'hui au ministère de la Santé.
06:47 En fait, jusque-là, on pouvait dispenser les médicaments à l'unité, mais c'était facultatif.
06:51 Résultat, il y a très très peu de pharmaciens qui le faisaient.
06:53 Désormais, ce sera obligatoire en cas de "plan blanc" déclenché par le ministère.
06:56 - Frédéric Bizarre, je vous sens sceptique par rapport aux annonces qu'on entend.
06:59 - Là, on est vraiment dans la boîte à outils du bricolage, si vous voulez,
07:02 puisqu'on sait bien que ça a beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.
07:05 D'abord, sur un terme de la traçabilité, quand on vous donne comme ça un comprimé,
07:09 c'est du temps passé pour les pharmaciens.
07:11 On sait bien qu'il y a quand même un problème de ressources humaines chez les voyants.
07:14 Donc, en fait, on veut rassurer les Français par des mesures qui auront quand même une efficacité,
07:20 on va dire extrêmement limitée, pour être gentil.
07:23 C'est un dossier dont il faut prendre en sa globalité,
07:25 parce qu'on parle beaucoup des médicaments matures.
07:28 - "Mature", c'est quoi un médicament ?
07:29 - "Mature", c'est celui qui a plus de 10 ans, un médicament ancien.
07:31 - Mais qui a encore un brevet ou pas ?
07:33 - Non, qui a généralement pas de brevet, mais qui a une importance thérapeutique importante.
07:36 - Mais tout le monde peut en fabriquer ?
07:37 - Mais tout le monde peut en fabriquer.
07:38 Et justement, votre point est important, parce que si tout le monde peut en profiter,
07:42 c'est quand même par la concurrence que vous limitez le risque.
07:45 Donc, à partir du moment où on ne crée pas les conditions économiques,
07:48 on sait parfaitement quelles conditions économiques il faut créer,
07:50 on fait sortir, si vous voulez, les producteurs de marché là,
07:53 et on accroît la probabilité qu'il y ait de la pénurie.
07:57 Donc, il faut quand même jouer.
07:59 On ne part pas d'une terra incognita en Europe, au contraire.
08:02 Donc, il faut quand même que la France se réveille un petit peu
08:06 à créer des conditions qui soient acceptables.
08:08 On va dire à ça, mais on a des contraintes sur le plan des finances publiques,
08:12 très importantes, mais c'est bien pour ça qu'il faut avoir une refonte un peu systémique du modèle
08:17 pour qu'on maîtrise la dépense, pas simplement par des prix bas.
08:19 On a fait ça par une rémunération faible des professionnels de santé,
08:23 on voit où on en est, et on a fait ça par des prix bas avec les médicaments,
08:26 mais qui a une limite.
08:27 Avec une participation, par exemple, des gens qui achètent des médicaments.
08:29 Voilà, et le chantier...
08:30 Exactement, c'est comme pour l'agriculture.
08:31 Il faut penser aussi que les Français, s'ils veulent des médicaments sans rupture,
08:35 il va falloir un petit peu les payer un peu plus cher.
08:37 Il ne faut pas que la Sécu rembourse tout.
08:38 Il faut que la Sécu soit un bouclier sanitaire,
08:41 mais ne soit pas le portefeuille unique du financement des dépenses de santé.
08:45 Et on comprend donc que le chantier en tout cas est énorme.
08:47 Merci à vous Frédéric Bizarre, économiste de la santé.
08:51 Merci à vous aussi Agathe Landais.
08:53 RTL Bonsoir se poursuit dans un instant avec notre duel sommet.
08:57 Oui, la suite c'est avec les infos pour briller au dîner.
09:00 On va parler aviation et Tour Eiffel.
09:02 A tout de suite !
09:03 RTL
09:05 [SILENCE]

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