• il y a 10 mois
Licencié après avoir révélé l'existence d'une sextape au Sénat, El Hassan Lmahdi, ancien médecin de l'institution, témoigne sur BFMTV.

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Transcription
00:00 - Docteur, merci beaucoup de nous accorder votre première interview à la télévision.
00:03 Vous êtes donc l'ancien médecin du Sénat, vous y avez travaillé cinq ans,
00:07 et depuis jeudi vous êtes demandeur d'emploi puisque vous avez été licencié pour faute grave.
00:11 Est-ce que vous regrettez d'avoir alerté les instances du Sénat il y a quatre mois
00:16 sur l'existence de cette sex tape et la façon dont votre collaboratrice
00:22 semblait s'en servir comme un moyen de pression ?
00:24 - Bonsoir Madame Pitelet.
00:26 Non, je ne regrette pas, c'était de mon devoir et par loyauté d'en informer le Sénat.
00:33 Je l'ai fait, j'ignorais totalement les conséquences fâcheuses pour moi,
00:38 mais je ne pouvais pas faire autrement que d'alerter l'administration du Sénat
00:45 et donc les politiques, et notamment le président Larcher.
00:50 - La femme qui apparaît dans cette sex tape avec le sénateur, c'était votre collaboratrice,
00:55 une vidéo qu'elle vous a envoyée, que vous avez en votre possession.
00:59 Comment est-ce qu'elle s'en servait ?
01:02 - Elle s'en est servie à plusieurs reprises pour demander des augmentations de salaire
01:09 substantielles qu'elle a obtenues.
01:12 - Par exemple ? Substantielles c'est-à-dire ?
01:15 - Substantielles, c'est-à-dire qu'elle a été augmentée d'environ 45% en l'espace de deux ans.
01:20 - Et elle se servait de cette vidéo pour obtenir tout cela ?
01:24 - Oui, régulièrement elle demandait aux sénateurs, plus qu'un sénateur, une autorité du Sénat,
01:34 soit une augmentation, soit de pérenniser son contrat,
01:40 puisqu'elle est restée un certain temps en contrat à durée déterminé,
01:47 et systématiquement le sénateur cédait pour lui obtenir ce qu'elle demandait.
01:54 - Alors vous écrivez d'ailleurs qu'elle s'est faite embaucher au cabinet médical du Sénat
01:58 sur la base de faux documents, c'est-à-dire ?
02:01 - C'est-à-dire que lorsque les choses ont commencé à mal tourner, pour moi,
02:06 j'ai quand même pris la peine de vérifier son curriculum vitae,
02:10 et j'ai, ce n'était pas mon travail, mais j'ai pris le temps de le faire,
02:15 et je me suis rendu compte que dans son curriculum vitae,
02:19 il y avait une date de naissance qui n'était pas la sienne,
02:23 elle s'était rajeunie de 10 ans, mais ce n'était pas une faute de frappe,
02:27 puisque quand on faisait le calcul, elle était au CP à l'âge de 16 ans,
02:33 elle a passé son baccalauréat, elle avait 29 ans,
02:36 elle a commencé à travailler, elle avait 34 ans,
02:39 enfin tout était faux dans ce sens-là.
02:42 Je me suis rendu compte, et c'est pour ça que j'ai marqué le mot "tronqué",
02:46 parce qu'à ma connaissance, une identité, c'est un nom, un prénom,
02:51 une date de naissance et un lieu de naissance.
02:53 Donc là, il y avait manifestement une erreur de tromper son monde.
02:56 - Est-ce qu'elle avait de l'expérience dans le domaine médical ?
02:59 - Alors, dans son CV, elle mettait qu'elle était secrétaire médicale,
03:04 diplômée d'une école très célèbre.
03:07 J'ai pris mon téléphone, j'ai appelé l'école.
03:10 Là encore, ce n'était pas à moi de le faire, mais je l'ai fait.
03:14 Elle était inconnue dans cette école de formation de secrétariat médical.
03:21 Elle nous avait dit qu'elle avait travaillé comme secrétaire médical
03:26 auprès d'un chirurgien esthétique.
03:28 Malheureusement, ce chirurgien esthétique est décédé.
03:32 Et le dernier point qui était assez flagrant,
03:37 c'est qu'elle avait aussi noté sur son CV
03:41 qu'elle était ancienne hôtesse de l'air
03:44 et ancienne chef de cabine de la compagnie nationale Air France.
03:49 J'ai passé beaucoup de temps à rechercher si c'était vrai ou pas.
03:55 Et c'était faux.
03:56 - Alors, elle obtient ce poste au Sénat sur la base, dites-vous,
03:59 de faux documents, d'une identité tronquée.
04:02 Or, avec ce poste au Sénat, elle a accès à un certain nombre d'informations importantes
04:07 puisqu'elle travaille dans un cabinet médical.
04:09 - Et pas n'importe quel cabinet médical.
04:11 Elle travaille toujours, puisque moi j'ai été licenciée, mais pas elle.
04:15 Elle a accès au cabinet médical du Sénat.
04:21 Elle a accès à tous les dossiers médicaux des sénateurs,
04:26 d'anciens sénateurs, d'anciens ministres
04:29 et même de quelques ministres en activité.
04:33 Et même des plus hautes instances du Sénat.
04:38 C'est extrêmement choquant qu'elle puisse avoir accès à tous ces éléments.
04:45 J'ignore si on en a fait un mauvais usage, je ne peux pas vous le dire.
04:50 - Alors, vous dites aujourd'hui être victime d'une cabale.
04:54 Gérard Larcher était l'invité de BFM TV cette semaine.
04:58 Et lui affirme qu'il n'y a pas de lien entre cette vidéo et votre licenciement.
05:03 On écoute le président du Sénat.
05:06 - Le médecin n'a pas respecté le contrat de travail qui était le sien,
05:13 d'exercer de manière unique au Sénat, au cabinet médical.
05:19 Il s'est arrogé la possibilité de travailler dans un autre lieu.
05:23 Il est donc licencié pour non-respect de son contrat de travail.
05:28 - Alors, le Sénat vous reproche des prestations extérieures rémunérées.
05:33 Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que vous avez effectué ces prestations extérieures rémunérées ?
05:38 - Non. - Non ? - Non.
05:40 Et d'ailleurs, dans ma lettre de licenciement, on ne parle pas de prestations rémunérées.
05:45 On parle de détenir des parts dans une société civile mobilière.
05:51 - Ça c'est juste ? - Oui, c'est vrai.
05:54 C'est du domaine privé. C'est du patrimoine.
05:57 On me reproche d'être médecin agréé dans un domaine particulier. C'est vrai.
06:06 On me reproche de faire partie d'une commission à titre bénévole. C'est vrai.
06:15 Ça c'est dans ma lettre de licenciement et je suis prêt à diffuser ce courrier de licenciement.
06:23 - Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler directement de cette affaire avec M. Gérard Larcher ?
06:28 - Non. Avant cette affaire, je le voyais régulièrement.
06:32 Depuis le 13 octobre, date à laquelle j'ai signalé à la Direction des ressources humaines l'existence de cette vidéo,
06:42 j'ai été complètement mis de côté au Sénat par toutes les directions.
06:48 - Vous dites d'ailleurs être infusible dans cette affaire.
06:53 On vous licencie dans ces cas-là pour protéger qui ou quoi ?
06:59 - Manifestement, on me licencie pour protéger des hautes personnalités du Sénat politique, probablement,
07:08 et la haute administration qui a été extrêmement défaillante dans le recrutement de mon ancienne collaboratrice.
07:20 - Vous dites "des hautes personnalités du Sénat", ce serait une crainte que d'autres scandales n'éclatent ?
07:28 - Je pense qu'il y aura d'autres scandales qui vont éclater.
07:31 - Qu'est-ce qui vous fait penser ça ?
07:36 - Parce que la manière assez brutale, aussi brutale, aussi rapide, aussi inhumaine de me licencier,
07:43 c'est que manifestement, il y avait quand même des vraies craintes.
07:49 D'autant plus que j'étais le médecin du Sénat, donc j'avais accès à peu près à tous les secrets du Sénat.
07:56 - Vous parlez d'une cabale organisée contre vous.
07:59 - Oui. - Organisée par qui ?
08:02 - Organisée par, d'abord, la haute administration du Sénat, ils sont trois.
08:09 - Quand vous dites "la haute administration du Sénat" pour qu'on comprenne bien, c'est qui ?
08:13 - C'est la secrétaire générale du Sénat, le directeur général du Sénat, et la directrice des ressources humaines du Sénat.
08:23 Ces trois personnes ont tout fait en secret pour que je sois licencié le plus vite possible.
08:31 Bien évidemment, ils se sont appuyés sur l'approbation du président Larcher,
08:40 puisque rien ne peut se faire dans ce cadre-là sans en informer le président.
08:46 C'est à tel point qu'il me semble que même les casteurs,
08:50 les casteurs ce sont des autorités politiques qui gèrent l'administration et qui gèrent les finances,
08:58 et les casteurs n'étaient pas informés de cette affaire au début de... lorsque je l'ai dévoilée.
09:07 - Quand vous avez alerté. - Quand je l'ai alerté.
09:09 - On l'entendait tout à l'heure, vous avez donc adressé une lettre par mail aux 348 sénateurs
09:14 avant de quitter le Sénat, trois pages dans lesquelles vous contestez votre licenciement.
09:18 Dans cette lettre, vous parlez d'une autre affaire qui a secoué le Sénat.
09:22 C'était au mois de novembre, le sénateur Joël Guiriot qui a été mis en examen,
09:26 accusé d'avoir drogué une députée.
09:29 Et vous écrivez qu'on vous reproche d'avoir délivré un arrêt de travail de longue durée à ce sénateur.
09:35 D'abord, est-ce que c'est vrai ? Est-ce que vous avez délivré un arrêt de travail à ce sénateur Guiriot ?
09:39 - Je n'avais pas cité de nom, mais vous le faites.
09:43 Alors, c'est un sénateur, c'est un homme politique, c'est un élu.
09:48 Il n'a pas besoin d'arrêt de travail.
09:51 C'est un certificat médical pour l'autoriser à ne pas participer aux travaux parlementaires.
09:57 Il y a une différence.
09:58 Il y a une différence parce qu'un arrêt de travail s'est envoyé à la Sécurité sociale, et là ce n'est pas le cas.
10:02 Là, c'est directement envoyé au cabinet du président du Sénat.
10:06 C'est vrai, je l'ai fait.
10:08 Je l'ai fait, et si c'était à refaire, je le referais.
10:12 - Pourquoi ?
10:14 - Le sénateur dont vous avez parlé, il a passé 48 heures en garde à vue.
10:21 Son affaire a été extrêmement médiatisée.
10:26 Et au sortir de sa garde à vue, il est venu me voir directement.
10:31 J'avais en face de moi un homme brisé, un homme exténué.
10:37 Je le connais bien, M. Guiriot.
10:40 Je ne l'ai pas reconnu ce jour-là.
10:44 Si je ne l'avais pas fait, je pense que les conséquences pour lui auraient été dramatiques.
10:53 - Est-ce que le fait d'avoir délivré ce certificat a joué dans votre licenciement ?
10:59 Visiblement, vous pensez que oui.
11:01 - Oui.
11:02 - Pourquoi ?
11:03 - Parce que ça fait cinq ans que je suis le médecin du Sénat.
11:08 Je connais tout le monde à la présidence du Sénat.
11:11 Tous les collaborateurs et collaboratrices du président Larcher, je les connais.
11:16 Tous en cabinet.
11:18 Et je sais que peu de temps après qu'il l'ait reçu, qu'il l'ait eu dans son bureau, ce certificat,
11:26 le président a eu une très grosse colère.
11:29 - Vous parlez de Gérard Larcher ?
11:30 - Oui, le président Gérard Larcher, pardon, a eu une très très grosse colère
11:36 qui m'a été décrite par les membres de son cabinet.
11:40 Il faut bien savoir que les portes de son bureau sont assez hermétiques,
11:46 mais ça s'est entendu malgré le fait que les portes ne fassent pas de bruit.
11:58 Son bureau ne soit complètement étanche au bruit.
12:01 - Mais vous savez pourquoi Gérard Larcher aurait été en colère qu'il y ait eu cet arrêt de travail,
12:06 du moins ce certificat pour Joël Guerriot ?
12:10 - Alors, je n'ai pas eu la réponse exacte, mais je suppose, c'est une supposition de ma part,
12:18 et je crois que c'était avec beaucoup de réserve que je dis ça,
12:22 mais je pense que le président Larcher a dû se sentir un peu floué
12:31 de ne pas pouvoir recevoir le sénateur aussi rapidement qu'il le voulait,
12:37 de ne pas pouvoir convoquer le bureau du Sénat pour en parler,
12:44 puisque tant que le sénateur avait ce certificat,
12:48 il n'était pas obligé de venir ni au bureau, ni se justifier auprès du président, ni quoi que ce soit.
12:53 - Ni rendre des comptes, ni quitter le Sénat.
12:56 - Je tiens quand même à préciser à ce sujet,
12:59 c'est que j'ai été extrêmement surpris de recevoir un courrier du Conseil de l'ordre des médecins
13:08 et un appel téléphonique,
13:12 parce que le président du Sénat avait fait un signalement à mon encontre,
13:18 à l'ordre des médecins, pour dénoncer ce certificat.
13:22 - Qu'a dit le Conseil de l'ordre ?
13:25 - Ils ont répondu ce que je vous ai dit tout à l'heure,
13:28 il était dans son rôle de faire ce certificat,
13:31 et surtout qu'il n'a pas cherché à nuire aux institutions,
13:34 que je n'ai pas cherché à nuire aux institutions.
13:36 - Après cette lettre aux 348 sénateurs, est-ce que vous avez reçu du soutien ?
13:40 - Beaucoup, beaucoup, beaucoup.
13:43 D'abord c'était une toute petite coalition,
13:46 c'était à tous les usagers du palais du conseil.
13:49 - Donc au-delà des sénateurs ?
13:51 - Au-delà des sénateurs, c'est-à-dire environ 1300 personnes.
13:54 Tous les sénateurs, les fonctionnaires, les contractuels,
13:58 et j'ai eu énormément de soutien,
14:01 par beaucoup de fonctionnaires, si ce n'est tous,
14:05 excepté ceux qui sont à l'origine de la cabale.
14:09 Parmi les sénateurs, chaque fois que j'en croise un ou plusieurs,
14:15 ils viennent me saluer, me remercier pour ce que j'ai fait pendant 5 ans,
14:19 et pour me donner leur soutien.
14:22 J'ai reçu énormément d'appels.
14:24 Alors, comme je pouvais me regarder dans une glace,
14:27 et j'ai toujours la tête haute,
14:31 malgré tout ça, j'allais quand même au Sénat,
14:35 pendant ma période, juste avant mon licenciement,
14:41 et systématiquement, quand j'y allais,
14:44 ou quand j'étais au restaurant des sénateurs,
14:46 on vient me saluer, et on me donne leur soutien.
14:49 Très peu sont les sénateurs qui m'ont tourné le dos, très très peu.
14:53 - Est-ce que vous allez contester votre licenciement pour faute grave ?
14:56 - Bien sûr.
14:57 - Au nom de quoi ?
14:58 Qu'est-ce qui vous fait aujourd'hui vous battre,
15:01 médiatiser cette affaire, et vous battre ?
15:05 - Parce que j'ai estimé, j'estime,
15:10 que je n'ai rien commis de répréhensible.
15:13 J'ai juste alerté le Sénat.
15:15 J'ai agi par loyauté.
15:17 Tout ce qu'on me reproche est faux.
15:20 Alors, juste une petite information sur les rémunérations.
15:24 On me reproche d'avoir été rémunéré.
15:28 Bon.
15:31 Par contre, les administrateurs, eux, peuvent être rémunérés en dehors du Sénat.
15:37 C'est-à-dire, ceux qui m'ont viré, licencié,
15:41 peuvent être rémunérés.
15:43 Le directeur de cabinet du président Larcher
15:46 donne des cours à l'extérieur du Sénat.
15:50 Voilà.
15:51 Donc, je vais contester.
15:53 On va contester avec mon avocat.
15:58 Parce qu'il y a eu beaucoup, beaucoup d'autres choses.
16:02 Et je pense que ça va continuer.
16:05 J'avais un logement de fonction au palais du Luxembourg.
16:09 On m'a expulsé de mon logement de fonction avec ma femme, mes enfants.
16:14 On m'a viré.
16:18 J'avais demandé à pouvoir bénéficier de la trêve hivernale,
16:22 comme tout à chacun.
16:24 On m'a répondu, nous, au Sénat,
16:27 on fait la loi, on vote la loi, mais on ne l'applique pas.

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