• il y a 10 mois
Arsène Sabanieev, médecin franco-ukrainien de 33 ans, a multiplié les déplacements en Ukraine pour soigner des soldats. Il raconte son expérience dans un livre, « La liberté ou la mort » (Robert Laffont). « Ce n’est pas une simple guerre territoriale. Les Russes ne veulent pas simplement détruire l’État ukrainien, ils veulent exterminer le peuple ukrainien et je pèse mes mots. » Arsène Sabanieev sait de quoi il parle. Il a vécu en Ukraine jusqu’à ses 9 ans avant de rejoindre la France où il est devenu médecin anesthésiste-réanimateur à Lille.
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Transcription
00:00 Je ne me suis pas rendu compte au début que je pouvais mourir.
00:03 Et c'est le jour où, au cours de la deuxième mission,
00:07 on s'est pris un obus directement dans la maison.
00:09 Là, je me rends compte que finalement, non, ça peut arriver.
00:12 L'Ukraine, je ne l'ai jamais quittée,
00:20 même si je suis arrivé en France quand j'étais enfant.
00:23 Je suis toujours resté très très proche de ma famille qui restait là-bas.
00:27 Donc le lien n'a finalement jamais été rompu.
00:30 Le 24 février 2022, j'étais avec ma compagne en vacances en Ukraine,
00:34 dans une station de ski.
00:35 Donc on a senti toute la vapeur monter les jours précédents à l'invasion.
00:40 Et puis, le 24 février, on était dans l'Ouest,
00:44 il y avait un aérodrome à côté,
00:45 on a entendu les missiles de croisière, les bombardements.
00:47 Donc on a expérimenté la guerre dès le début.
00:50 Donc rester en France, voir se passer tout ça, ce n'était pas possible.
00:54 Donc il fallait agir. Donc je suis parti.
00:57 On travaille avec les militaires, on est avec eux, on est intégré dans l'armée.
01:00 Quand on signe un contrat avec l'armée ukrainienne,
01:01 on doit s'engager à être là-bas tout le temps.
01:03 Donc ça veut dire impossibilité de retourner en France,
01:05 impossibilité moi de travailler ici,
01:07 être payé 10 fois moins que je suis payé,
01:10 ne pas voir ma famille quand je veux, c'est impossible.
01:12 L'inconvénient effectivement, c'est qu'on n'a pas de salaire,
01:15 on a juste un contrat moral avec eux, mais c'est tout.
01:17 Un médecin peut être un combattant,
01:19 mais il faut une certaine expertise,
01:22 une certaine connaissance,
01:24 mais il faut une certaine expérience
01:28 pour se dire qu'on est militaires, qu'on est combattants.
01:32 Moi, je ne l'ai pas.
01:33 Donc à chaque fois, j'avais toujours l'impression de porter un déguisement militaire,
01:38 parce que je n'ai pas été formé à ça.
01:39 Et je me rappelle à Barkhout,
01:42 il y a un militaire avec qui je travaillais pas mal,
01:45 on n'a jamais eu le temps de se connaître,
01:46 et à un moment donné, il me dit,
01:48 "Tu viens d'où ? Tu travailles avec qui ?"
01:49 Donc je lui dis, "Je suis un simple civil, je suis avec les hospitaliers."
01:52 Et il me dit, "Non, ça fait des jours qu'on te voit,
01:54 tu es un combattant, tu es avec nous."
01:55 Et petit à petit, on s'y fait.
01:57 Et à chaque rotation, il y a de l'expérience qui arrive,
01:59 qui s'acquiert, partir en mission,
02:00 je sais exactement ce qu'il me faut, comment ça va se passer,
02:02 les consignes de sécurité,
02:04 qu'on se comporte avec de l'armement face à des situations dangereuses,
02:07 mais ça, ça s'acquiert, oui.
02:08 Le dernier jour à Barkhout,
02:09 c'était notre dernier jour, malgré nous,
02:10 on ne savait pas qu'on ne retournerait pas là-bas.
02:12 L'atmosphère était très tendue,
02:14 on n'avait pas notre chauffeur,
02:16 donc c'est moi qui conduisais l'ambulance,
02:20 je connaissais ma littinéraire,
02:21 ce qui rajoute du stress au stress,
02:23 les obus qui tombent juste à côté.
02:25 Et donc on arrive à Barkhout,
02:27 on travaille dans le poste médical avancé
02:28 et on se fait bombarder non-stop toute la journée,
02:30 ce n'était jamais arrivé auparavant.
02:31 Et donc on a dû partir évacuer notre dernier blessé,
02:35 sous le feu, sous les bombardements,
02:36 c'était très intense, très stressant.
02:39 Le temps est très très long,
02:40 chaque seconde paraît durer une éternité.
02:42 Et puis une fois qu'on a évacué le dernier patient
02:46 à l'hôpital de Drouche-Kif-Kas,
02:47 une petite ville à 15-20 kilomètres de Barkhout,
02:50 le médecin-chef du poste nous envoie un message,
02:53 il nous dit "écoutez, on est évacués,
02:56 c'est plus possible de revenir,
02:57 donc à partir de là, on est passé à autre chose,
03:00 on est rentrés à Kiev".
03:01 La guerre de haute intensité, on ne la connaît plus,
03:03 on la voit qu'à travers le prisme des films hollywoodiens,
03:06 qui sont malheureusement complètement faux,
03:07 la réalité du terrain, ce n'est pas ça.
03:09 La guerre, c'est de la saleté,
03:11 c'est des odeurs pas agréables,
03:14 c'est l'inconfort, c'est la peur de la mort,
03:16 c'est le trauma psychique,
03:17 ce n'est pas quelque chose de fun,
03:19 ce n'est pas drôle la guerre.
03:22 Ce n'est pas une simple guerre territoriale,
03:24 les Russes ne veulent pas simplement détruire
03:25 l'État ukrainien,
03:27 ils veulent exterminer le peuple ukrainien.
03:30 Tant que la Russie existe, moi je continuerai.
03:33 Il n'y a pas de raison à ce que j'arrête,
03:35 donc la seule raison qui me ferait arrêter
03:39 de continuer à faire ça,
03:40 c'est la dislocation et la destruction de la Russie.
03:43 Je ne me bats pas pour la victoire de l'Ukraine,
03:45 je me bats pour la destruction de la Russie.
03:48 C'est la condition sine qua non pour notre victoire.
03:51 Il n'y a pas d'alternative malheureusement.
03:52 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
03:55 ...

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