Depuis Janvier 2023, la Commission européenne impose un suivi en temps réel des terres exploitées par les agriculteurs. L’objectif : voir si ce qu’ils déclarent est bien conforme à la réalité pour toucher leurs aides. Si cela est présenté comme une utilisation positive de la technologie, cela peut également s’apparenter à une forme de contrôle social. Ainsi, la Tech for Bad peut-elle prendre le pas sur la Tech for Good ?
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00:06 Allez, on termine cette édition avec le regard d'Hervé Lejouan, Advisor. Bonjour Hervé.
00:11 Alors Hervé, qui pose cette question "Tech for good or bad ?"
00:14 Pourquoi cette question Hervé aujourd'hui ?
00:17 Écoutez, depuis une semaine, j'ai découvert, comme beaucoup de Français,
00:21 certains aspects du quotidien des agriculteurs qui m'ont particulièrement marqué.
00:26 L'un d'entre eux qui est rattaché à un de mes domaines de prédilection,
00:29 c'est-à-dire la protection des données personnelles et de la vie privée,
00:32 a tout particulièrement retenu mon attention, le niveau de surveillance de leurs activités.
00:37 Ainsi, peut-être que vous le savez déjà, mais depuis janvier 2023,
00:41 la Commission européenne impose un suivi en temps réel des terres exploitées par les agriculteurs.
00:47 Alors l'objectif, voir s'ils déclarent, est bien conforme à la réalité pour toucher leurs aides.
00:54 Alors la Commission présente cela comme une utilisation positive de la technologie,
00:58 de point pour uniformiser les aides et voir si des exploitations ne passent pas à côté d'un coup de pouce financier.
01:04 Ça c'est pour la "tech for good".
01:06 Mais en réalité, il semblerait que nous ayons affaire à un "big brother",
01:10 c'est-à-dire un flicage en règle dans les champs, selon le dire des agriculteurs.
01:14 Tous les trois jours, le satellite Sentinel passe au-dessus de chaque parcelle
01:19 et relève si les déclarations effectuées par les agriculteurs quelques mois ou quelques semaines auparavant
01:24 sont bien respectées et sans tenir compte éventuellement des aléas météorologiques
01:28 ou autres problèmes rencontrés dans l'intervalle.
01:31 Et s'il suivi ne correspond pas, alors l'agriculteur rentre dans une procédure de justification kafkaïenne
01:37 et très consommatrice de son temps, pourtant si précieux.
01:40 Alors ce cas, il est très intéressant car il me fait penser à une forme de contrôle social
01:45 appliqué à un entrepreneur et à une entreprise.
01:48 Nous vous surveillons pour votre bien
01:50 et nous allons déterminer si vous pouvez mériter de toucher vos subventions
01:55 et ce sera à vous dans tous les cas de vous justifier.
01:57 Donc là, nous rentrons dans la "tech for bad".
02:00 Oui, je comprends.
02:01 Mais on a aussi quand même des exemples d'utilisation des technologies.
02:05 Je pense par exemple aux drones qui permettent de mieux suivre les cultures pour les agriculteurs,
02:09 c'est aussi un atout.
02:11 Oui, et ça c'est tout à fait juste.
02:12 Et nous avons là un parfait exemple d'une technologie au cœur de ce qu'on appelle l'agrotech
02:16 qui est proposée aux agriculteurs pour les accompagner dans une meilleure gestion de leurs ressources,
02:21 que ce soit la surveillance de leurs bétails, la gestion de l'eau, la gestion des dommages,
02:26 les besoins en plantation, l'optimisation de leur rendement,
02:29 donc un véritable progrès que nous pouvons qualifier de "tech for good".
02:32 Mais à côté de cela, encore une fois, lors du démarrage, je ne sais pas si vous vous souvenez,
02:36 de leur contestation, un arrêté préfectoral dans le département de la Somme,
02:41 daté du 24 janvier, avait autorisé l'utilisation des drones pour suivre les manifestations des agriculteurs,
02:48 ce qu'un juge des référés a cassé après avoir été alerté par la Ligue des droits de l'homme
02:52 et l'Association des défenses des libertés constitutionnelles.
02:55 En effet, cet arrêté était beaucoup trop large et portait significativement atteinte
03:00 aux droits, au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles.
03:04 Encore une fois, "tech for bad".
03:06 Alors Hervé, selon vous, dans cette dualité "tech for good", "tech for bad",
03:10 de quel côté ça va pencher ?
03:12 Écoutez, pour l'instant, je ne suis pas très optimiste.
03:15 Il y a quelques exemples que je vais vous donner.
03:18 Si on reprend les Jeux Olympiques 2024, la police va disposer de drones
03:22 afin de lutter contre les drones illicites, de protéger les lieux sensibles
03:26 et suivre le cheminement des foules.
03:28 Très bien, mais que feront-ils de toutes ces données collectées ?
03:31 Et par ailleurs, pour réguler la circulation dans Paris, toujours pour ces Jeux Olympiques,
03:36 un QR code, le retour, sera exigé pour ceux qui souhaitent se rendre dans certains lieux,
03:42 ce qui signifiera de faire des déclarations auparavant,
03:45 incluant des données très personnelles, comme vos noms, prénoms, adresse,
03:50 justification de domicile, lieu de destination.
03:53 Encore une fois, comment ces données seront-elles sauvegardées et utilisées
03:56 pendant et après les Jeux Olympiques ?
03:58 Et si l'utilisation de la reconnaissance faciale a été exclue durant les JO,
04:04 l'utilisation d'algorithmes d'intelligence artificielle
04:07 appliqués sur le réseau des caméras déjà existants a été autorisée,
04:11 sans que leur usage ne soit très précis.
04:14 Et pour ne citer que quelques futurs projets aussi,
04:16 comme le portefeuille numérique européen ou la monnaie euronumérique,
04:21 avec un objectif non avoué de supprimer progressivement l'argent liquide,
04:25 alors nous entrons dans des zones où clairement il y aura des bénéfices
04:28 à utiliser ces technologies, mais aussi dans une ère de surveillance massive
04:32 qui pourrait nous mener un jour vers un contrôle social.
04:35 Merci beaucoup pour votre regard Hervé Lejouan,
04:38 et merci à tous nos téléspectateurs de nous suivre sur la chaîne Bismarck
04:42 et aussi en podcast et en replay sur les réseaux sociaux.
04:45 Je vous dis à très vite pour de nouvelles discussions sur la tech.
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