• il y a 11 mois
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00:00 *Jusqu'à 13h30, les midis d'Opulture. Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoy*
00:09 Notre rencontre quotidienne, c'est une conversation à trois voix avec notre invité.
00:14 Ce midi, il est graphiste, scénographe, dessinateur et scénariste de bande dessinée.
00:19 Au fil de sa bibliographie, il n'a de cesse de questionner les formes narratives,
00:23 il casse les codes de la bande dessinée et s'interroge sur le livre comme support, comme objet.
00:29 Il est notamment adepte, vous le verrez, du noir et blanc.
00:32 Son dernier ouvrage est une expérience de lecture, "Deep Heat",
00:36 offre une fin à son diptyque qui questionne l'avenir de l'humanité
00:40 et l'intervention de l'intelligence artificielle.
00:43 *Bonjour Marc-Antoine Mathieu !* Bonjour.
00:45 *Bienvenue dans les midis de Culture !*
00:47 Qu'est-ce qui vous passionne tant Marc-Antoine Mathieu avec l'intelligence artificielle ?
00:53 C'est quand même quelque chose de pas anodin.
00:58 C'est un truc qui nous tombe dessus, à nous les humains, tout d'un coup.
01:03 Même si ça paraît subi, ça fait quand même 30 ans que l'aventure a un peu démarré,
01:07 enfin même plus que ça, puisque si on remonte à la machine de Turing, ça fait presque un siècle.
01:13 Et c'est quand même là, l'humain a inventé un outil vraiment très très singulier, pas comme les autres.
01:22 Et il va falloir s'y intéresser de près.
01:24 *Mais alors ça provoque quoi en vous ? La fascination ? De l'angoisse ?*
01:28 *Parce que quand on est un créateur d'images notamment, on peut se dire que de se faire remplacer par une intelligence artificielle, c'est pas le meilleur des destins qui peut nous arriver ?*
01:37 Oui, c'est effectivement un des avatars de ce qui peut se produire, et c'est vrai que ça peut faire peur.
01:44 Je sais pas si ça me fascine ou si ça me répugne.
01:48 En tous les cas, ce qui est sûr, c'est que c'est un terrain de rêverie incroyable.
01:52 Je pense qu'aucun créateur ne peut se dire froid face à un outil, à une aventure aussi incroyable,
01:59 et avec autant de perspectives qu'elle comporte en elle.
02:03 Et des auteurs tels que Kaddi, évidemment, s'y sont plongés, avec tout l'imaginaire qui est afférent.
02:12 *Est-ce que selon vous, on est à égalité en tant que créateur avec une machine, avec une intelligence artificielle ?*
02:17 *Parce que c'est ça aussi, se dire si confronté, si intéressé, qu'on soit fasciné ou pas, c'est... Voilà.
02:23 *Est-ce qu'on va pas être avalé par la machine ?*
02:27 C'est-à-dire que pour l'instant, on en est encore loin.
02:29 Je pense que la création d'un esprit humain, c'est quand même quelque chose de tellement fou.
02:35 Quand on s'intéresse un peu à la neurobiologie, aux neurosciences, on se rend très vite compte que le cerveau humain,
02:42 il est quand même à un niveau très très élevé de complexité, et que la machine, pour l'instant, en est loin.
02:48 Mais, au train où ça va, et vu comment l'humain vit l'aventure, et comment il la rend exponentielle,
02:56 on peut imaginer, on peut se questionner sur le fait que peut-être un jour, la machine, ce que j'appelle la machine,
03:02 comme d'autres, pourra peut-être effectivement dépasser l'humain.
03:06 *Il y a déjà plusieurs albums de BD français qui ont été créés avec une intelligence artificielle,
03:11 déjà publiés en auto-édition, parce que pour l'instant, il faut bien le dire, les maisons d'édition traditionnelles freinent des cas de fer.
03:18 Il y a eu encore un exemple cette semaine, puisqu'il y a le festival d'Angoulême qui s'est déroulé avec une BD qui s'appelle "Un autre monde",
03:26 dont le scénario a été écrit par un homme, mais les illustrations par un logiciel d'intelligence artificielle,
03:32 capables de générer justement des images. Qu'est-ce que ça vous inspire, vous ?*
03:36 Ça m'inspire le fait qu'il faut qu'on en discute, qu'on en parle beaucoup,
03:42 et c'est bien que justement on puisse en parler par rapport au tour de setup, plus on en discutera.
03:47 En fait, tout nouveau défi à l'humanité nécessite forcément de notre part, à la fois bien sûr une réaction,
03:54 mais un approfondissement de notre savoir quant à ces nouvelles technologies.
04:02 Là, il est bien évident que remplacer la création par une machine inquiète, forcément, ça m'inquiète en tant que...
04:12 Mais en même temps, je me dis, est-ce qu'il n'en a pas toujours été ainsi ?
04:16 Est-ce que l'histoire de la technologie, l'histoire de la machine, ce n'est pas quelque chose de constitutif à l'esprit humain ?
04:25 On dit toujours, l'homme a façonné des outils, puis à un moment donné, l'homme se retourne,
04:31 il s'aperçoit que les outils l'ont façonné à son tour.
04:36 Et là, ça va être encore le cas pour le deep learning et tout ce qui en découle.
04:44 Sauf que là, c'est vrai qu'il y a un changement, enfin il y a un niveau d'échelle vraiment qui diffère.
04:52 Donc, pourquoi pas être étonné par la création d'une intelligence artificielle ? Pourquoi pas ?
04:59 Mais il ne faut pas rester béat devant ça.
05:01 Si c'est simplement de la consommation, si c'est simplement des machines qui vont faire mieux que déjà des scénarios qui étaient eux-mêmes, parfois des mêmes, moi ça ne m'inquiète pas trop.
05:12 Le jour, par contre, où l'intelligence artificielle arrivera à faire mieux que le génie humain, mais dans le cadre du génie,
05:20 c'est-à-dire de me surprendre et d'approfondir mes savoirs et de me faire évoluer dans mes sentiments, dans mes émotions,
05:28 et m'améliorer même dans ma pensée, dans mon rapport au monde, alors là, ce sera merveilleux, mais ce sera aussi, bien sûr, très inquiétant.
05:37 Marc-Antoine Mathieu, nous on a demandé à Chad Gpt de nous raconter l'histoire de Deep It.
05:44 On a osé faire ça avec l'équipe du Midi de Culture.
05:47 On écoute et vous réagissez ensuite.
05:51 Écho de l'humanité
05:54 Titre. Écho de l'humanité.
05:56 Face à une apocalypse climatique, des scientifiques créent le projet de Génésis, pour sauvegarder l'essence de l'humanité.
06:03 Une gigantesque base de données, associée à une intelligence artificielle appelée Eon,
06:08 stocke des connaissances humaines et recrée artificiellement l'esprit humain.
06:12 Les esprits humains artificiels vivent en symbiose avec Eon, formant une nouvelle entité intelligente.
06:19 Ils redécouvrent la culture, l'histoire et les émotions humaines dans un environnement virtuel.
06:24 La civilisation post-humaine émerge, façonnée par la fusion de l'intelligence artificielle et de l'esprit humain recréé.
06:32 Dans cet écho de l'humanité, la mémoire informatique devient le témoin de ce que fut l'humanité,
06:38 tandis que l'intelligence artificielle guide la résurgence d'une existence nouvelle et évoluée.
06:46 Voilà Marc-Antoine Mathieu ce que Chad Jepeté a inventé à partir des éléments qu'on lui a donnés concernant votre histoire, vous, à Dipythe.
06:54 Alors il a inventé un nom qui s'appelle "Echo de l'humanité", il a inventé le nom de cette intelligence artificielle.
07:00 Est-ce que ça résume bien en quelques lignes l'histoire que vous nous racontez dans Dipythe ?
07:08 En fait, pas du tout. C'est à la fois rassurant et en même temps un peu dommage.
07:14 C'est un peu nul en fait ?
07:16 Oui, c'est un peu nul, parce que justement tout ce qui est évincé là, c'est tout ce qui devrait, ce que j'aimerais qui ressorte avec la lecture de "Deep Me et Deep It",
07:27 c'est-à-dire aussi une forme de poésie.
07:30 C'est vrai qu'il y a une croûte technologique dans "Deep Me et Deep It", puisque ça parle d'intelligence artificielle, ça parle de neurobiologie,
07:39 ça parle du cerveau, ça parle de l'histoire de l'humanité, du data, enfin tous ces mots qu'on entend un peu depuis maintenant deux décennies.
07:47 Mais justement à travers ça, j'essaye d'en faire quelque chose d'autre qui doit être singulier et qui doit permettre d'amener un petit contexte,
07:58 une lecture qui peut enrichir la vie ou la rêverie autour de ce sujet-là.
08:05 En plus, bon là, l'intelligence artificielle, la chaîne GPT, invente des mots que moi justement j'ai évité d'utiliser.
08:12 Alors ça c'est un peu... Je ne ferais pas justement un reporter, un journaliste humain.
08:16 Par exemple "Génésis", bon bah non, ça va pas.
08:19 Si j'appelais mon personnage Adam, c'est pas pour qu'à côté de ça on dise "Ah oui, c'est la Genèse".
08:24 Non, c'est au lecteur un peu d'imaginer si c'est une nouvelle Genèse ou si elle est foireuse.
08:29 Et c'est ça le problème, c'est que la croûte, on va dire, en fait c'est de la vulgarisation fastoche et justement dangereuse.
08:39 Comme toutes les vulgarisations qui se répandraient trop.
08:43 Je suis pas contre les vulgarisations, mais à ce niveau-là, bon voilà.
08:47 Alors plongeons-nous tout de même dans cette histoire.
08:49 Donc "Deep Heat", deuxième, second volet de ce Deep Thick qui a commencé par "Deep Me",
08:55 mais on va commencer nous par "Deep Heat" pour que ce soit plus clair pour tout le monde.
08:59 On rencontre Adam qui est donc seul au monde, qui vit dans une capsule à hublots, dans une forme de errance.
09:08 Il ne sait pas vraiment pourquoi il est dans cette situation.
09:11 Et c'est ça qui est intéressant et c'est tout le départ de cette histoire.
09:14 C'est que on ne sait pas qui est vraiment Adam, on ne sait pas à quoi il ressemble, lui non plus d'ailleurs.
09:20 Il essaye de savoir, mais il n'y arrive pas.
09:23 Et qu'est-ce que fait Adam dans cette sorte de navette spatiale, on pourrait dire ?
09:29 Mais ça c'est moi qui le vois comme ça Marc-Antoine Mathieu.
09:32 Oui, Adam, en fait c'est une espèce d'ultra confinement en gros.
09:37 C'est-à-dire que non seulement il est tout seul, mais il est le dernier tout seul.
09:42 C'est-à-dire que l'humanité et tout ce qui était vivant même sur Terre a disparu.
09:48 Donc il y a une espèce de défi comme ça à l'imaginaire de raconter le contexte d'une dernière entité.
09:57 Une dernière entité humaine, mais peut-être pas, on ne sait pas trop, on ne va pas tout dévoiler au lecteur.
10:04 Et que ferait une personne comme ça, toute seule, qui resterait toute seule et dépositaire de tout le data,
10:12 non seulement de toute l'humanité depuis qu'elle existe, mais également de tout le vivant.
10:16 Et en fait, cette entité revisite toute la mémoire de ce qui a existé, de ce qui n'existera peut-être plus.
10:26 Parce que sa mission, c'est éventuellement de rechercher des endroits qui sur Terre pourraient redonner,
10:35 représenter un nouveau contexte de début de création et de nouvelle génération de vie.
10:43 Donc il est à la recherche, parce que la Terre reste quand même vivante.
10:46 Ce qu'on ne sait pas toujours, c'est que la Terre reçoit des photons du Soleil et crée du vivant aussi,
10:54 grâce à l'information lumineuse qui vient du Soleil.
10:58 Mais elle a aussi un feu interne, c'est-à-dire le magma de la Terre fait que c'est quand même une planète
11:03 tellurique mais chaude, donc avec une énergie propre.
11:06 Et donc sa mission qui est programmée, c'est aussi de retrouver certaines cheminées dans lesquelles
11:12 ce qu'on appelle les fumeurs, ce sont des cheminées volcaniques sous-marines,
11:17 dans lesquelles, qui sont quand même propices à l'émergence de certaines briques à l'origine de la vie organique.
11:23 Donc voilà, sa mission c'est ça, c'est de retrouver un endroit qui pourrait être propice à ça.
11:29 - Alors on suit toujours ses aventures, puisqu'il était déjà présent dans le premier tome.
11:34 Aventure ou réflexion ou questionnement en tout cas de cet Adam,
11:38 grâce au principe d'éveil qui structure son temps un peu à la manière d'un journal de bord, c'est ça ?
11:43 - Tout à fait, oui, c'est-à-dire que comme on est dans un temps complètement indéfini,
11:48 c'est-à-dire que Deep Me et Deep It ne contient absolument aucune indication temporelle,
11:54 en tous les cas humaine telle qu'on la connaît.
11:56 Donc on est dans un temps indéfini qui peut être très très long, qui peut être au contraire très court.
12:02 Il y a aussi une notion d'espace, on ne sait pas vraiment quelle taille ça fait.
12:08 Enfin on imagine, on découvrira aussi là aussi des choses.
12:13 Et on se demande évidemment en tant que lecteur, mais pourquoi, pourquoi d'éveil ?
12:19 Pourquoi Adam connaît comme ça des espèces d'absences ?
12:25 Est-ce que c'est des resets ? Est-ce que c'est simplement des plages de ressourcement ?
12:32 - Est-ce qu'il dort comme un humain ?
12:34 - Est-ce qu'il dort comme un humain ? On ne sait pas.
12:37 - En tout cas, on l'a dit, il est seul, mais il est tout de même accompagné, si on peut dire,
12:41 par une entité programme qui le surveille en quelque sorte.
12:46 Et j'ai l'impression, parce que tout à l'heure vous parliez de l'absence de poésie, de rêverie, d'imaginaire
12:52 dans ce que nous a raconté Chad Gpété.
12:55 Et cette entité programme, elle est presque là pour justement interdire à Adam d'être dans cet imaginaire,
13:02 de le laisser dans sa mission presque, comment dire, très froide, très calculatrice de sa mission.
13:08 C'est-à-dire, voilà, il doit, tel un robot en quelque sorte, trouver où est-ce que de la vie pourrait être créée.
13:15 - Oui, c'est-à-dire que le dialogue qui s'instaure entre Adam et puis ce qu'il appelle l'auxiliaire,
13:21 c'est un petit peu le dialogue qu'il peut y avoir entre la passion et la raison, en fait.
13:25 Mais j'en suis aperçu après coup, je ne calcule pas tout quand on fait des créations.
13:31 Mais effectivement, Adam, à force de revisiter toutes les histoires de l'humanité, en nourrit une forme d'empathie.
13:38 Il devient très, très empathique envers l'humain.
13:41 Et ça, effectivement, ça peut être un peu dangereux pour la mission, parce que ça peut l'écarter.
13:46 C'est-à-dire, la poésie peut l'écarter d'une mission purement scientifique, technologique,
13:53 parce que c'est un début de la mission.
13:56 Or, l'auxiliaire, lui, recadre.
13:58 C'est-à-dire qu'il y a une entité pour laquelle on sent bien qu'il y a une case en moins
14:06 qui s'appelle l'émotion et la réceptivité aux sensations.
14:12 Et puis, ce n'est pas qu'il cadre Adam, mais c'est qu'il le surveille.
14:19 - Il le castre.
14:21 - Non, c'est peut-être trop fort comme terme.
14:24 Simplement parce que lui aussi, forcément, il est poreux à l'empathie d'Adam pour l'humanité.
14:31 Lui aussi, il va être un peu poreux.
14:33 Mais quand même, il a un peu plus de surmoi qu'Adam.
14:37 - Comment vous avez articulé ce que vous disiez, l'ultra-confinement,
14:42 avec la mission presque de l'ordre de l'infini d'Adam,
14:47 qui en fait, vous l'avez dit, le dernier, la dernière mémoire, le dernier héritier
14:54 et en même temps, peut-être le premier homme d'une nouvelle vie,
14:58 parce qu'il doit retrouver des traces de vie,
15:00 voire où le vivant pourrait peut-être se développer pour une nouvelle génération.
15:03 Comment même, de manière presque concrète, matérielle, mais aussi scénaristique,
15:08 on met en œuvre ce paradoxe entre les deux ?
15:12 - Ça, oui, ça fait partie des défis qu'on est obligé de relever.
15:16 Une fois qu'on a eu une idée intéressante et que ça peut créer un récit,
15:20 on se retrouve avec, dans le rôle du bureau d'études, à essayer d'échafauder quelque chose qui tienne le coup,
15:26 qui n'ennuie pas aussi les gens à la lecture,
15:28 parce qu'il peut y avoir des idées qui peuvent être aussi très froides, trop dures, trop sèches.
15:36 - Trop conceptuelles, abstraites.
15:38 - Voilà, donc là, ça veut dire qu'effectivement, tenir le challenge de faire finalement une bande dessinée sans personnage,
15:44 puisqu'on ne verra pas de personnage, avec un unique décor,
15:49 ça, ça fait partie des défis qu'on peut adopter, qu'on peut vraiment aimer.
15:56 Et donc là, je suis passé par un stade de modélisation de la capsule très précis,
16:00 de manière à pouvoir faire varier tous les angles.
16:03 Et du coup, cette capsule minuscule devient une capsule monde,
16:07 et une capsule monde dont les sentiers bifurquent dans toutes les directions,
16:10 dans le sens philosophique, dans le sens technologique, dans des directions aussi plus poétiques.
16:17 Aller vers le tout petit vous permet sans doute de rebondir vers le très grand.
16:23 C'est un peu classique, c'est un mouvement, je dirais, respiratoire évident.
16:29 D'ailleurs, de la même manière que Dipmy commence par des cases toutes noires,
16:33 avec une entité ou une personne, en tout cas, qui semble ne plus exister,
16:38 qui n'a plus de mémoire, qui est paralysée, il n'y a plus rien, il n'y a plus rien de rien.
16:42 Et ça va vers le grand tout.
16:46 C'est-à-dire qu'on parle d'un tout petit quelque chose minuscule,
16:49 qui est quasiment de l'indicible, vers quelque chose qui est non moins indicible,
16:54 c'est-à-dire une étendue infinie.
16:57 Et l'édyptique, c'est ce chemin-là qui s'opère.
17:02 Tu juges les autres d'après toi-même, Corto Maltès.
17:05 Mais dans ce cas, tu te trompes. J'estime beaucoup le professeur Stenner.
17:09 Il y a du style, parce que, premièrement, il n'y a pas de bulle.
17:13 Le dessin est bien fait. On pourrait critiquer qu'il n'est pas en couleur.
17:18 Je pense que, première chose, moi, je suis un dessinateur.
17:22 Il a pas dessiné en noir et blanc seulement ?
17:25 Bon, non, je fais des choses en couleur aussi, mais vous savez, le dessin, il est en blanc chinois.
17:33 Alors pour moi, c'est plus important de faire des choses en blanc chinois,
17:36 et je les peins en blanc chinois, les dessins.
17:39 Alors, déjà, les couleurs, c'est quelque chose d'inductif, c'est quelque autre chose à ajouter,
17:46 et je pense que le blanc chinois, c'est plus important.
17:51 La voix du créateur de Corto Maltès, le dessinateur italien Ugo Pratt,
17:56 dans les après-midi de France Culture, en 1973.
17:59 Et sa voix a été précédée par quelques réactions de lecteurs qui disent,
18:03 "Bon, ça va, le dessin est bien fait, mais tout de même, il n'y a pas de bulle et il n'y a pas de couleur."
18:08 J'imagine qu'on vous a fait les mêmes remarques avec "Deep Me" et "Deep Heat",
18:13 puisque "Deep Me", le premier volume, est noir, avec une couverture noire,
18:19 simplement en surimpression quasiment, ou en tout cas en brillant le titre du livre.
18:24 "Deep Me" est tout blanc, avec à l'intérieur une variation de nuances de gris.
18:30 Donc c'est vrai que ça peut surprendre, d'abord, quand on ouvre une bande dessinée,
18:35 on s'attend à peut-être voir le monde qui est autour de nous.
18:38 Avec ces couleurs-là, est-ce qu'on voit le monde qui est autour de nous ?
18:42 Oui, j'aime à le croire. C'est vrai que c'est le piège de tous les arts, on va dire, figuratifs.
18:49 La bande dessinée est un art figuratif, mais je pense que ça accédera un jour à autre chose.
18:57 J'en suis persuadé, parce que l'aventure de la bande dessinée, depuis le début,
19:01 nous montre que l'aventure est loin d'être finie et qu'elle nous emmènera dans des endroits
19:06 qu'on ne s'attend pas, qu'on ignore encore. Mais ce qui est sûr, c'est que, comme c'est un art figuratif,
19:13 forcément, on attend du figuratif. On attend des vrais regards, des vrais personnages qui s'incarnent,
19:20 on attend de la couleur, on attend une représentation du réel.
19:23 Alors qu'en fait, pour moi, c'est avant tout un mode d'expression, un mode d'expression figuratif.
19:32 Et pour cela, moi, je suis de ces auteurs qui utilisent plus le dessin comme un signe,
19:37 plutôt d'une manière graphique que d'une manière, on va dire, dessinée.
19:42 Il y a deux grands types d'auteurs dans la bande dessinée.
19:46 Il y a les auteurs qui font du dessin même une aventure.
19:51 C'est-à-dire, le dessin lui-même va raconter quelque chose.
19:54 À la limite, il n'y aura pas de bulle. Déjà, le trait, peut-être les couleurs, les aplats,
19:59 le coup de pinceau nous racontent déjà quelque chose.
20:02 Donc, c'est un dessin déjà qui dit des choses et qui nous emmène des fois, même dans la poésie.
20:07 Il n'y a qu'à voir Matotti ou des gens comme David Prudhomme.
20:10 Moi, je fais plutôt partie des dessinateurs qui font du dessin appliqué,
20:14 c'est-à-dire un dessin qui est appliqué à un récit, à de la littérature.
20:18 Je me dis, je suis plus un écrivain, si vous voulez, qu'un dessinateur.
20:22 - Vous racontez des histoires. - Exactement.
20:24 Il se trouve qu'à force d'en faire, certaines de mes planches peuvent avoir un intérêt graphique.
20:30 Ce n'est pas impossible, mais ce n'est pas le but recherché.
20:33 - Vous pensez que vous êtes un mauvais dessinateur ?
20:35 - Je pense que je suis un dessinateur potable.
20:38 - Ah ouais, c'est vrai ? Alors, comment on peut se lancer dans la BD en se disant qu'on est un dessinateur potable ?
20:42 - Il y a énormément de dessinateurs et dessinatrices potables aujourd'hui,
20:46 mais qui font des grands récits.
20:49 Je pense à Nino Antico. On ne peut pas dire que son dessin soit absolument formidable.
20:53 Mais ses récits, ce qu'ils drainent à travers ce rapport de dessins un peu inachevés en devenir,
20:59 et des textes, des dialogues, des situations, des contextes à la fois profonds et drôles,
21:05 fait que ça marche.
21:08 Et ça marche mieux même que si c'était un dessin trop bien fait.
21:11 C'est comme la chanson.
21:14 Dans la chanson, vous pouvez avoir de très bons musiciens, des très grands textes mis ensemble.
21:19 Mais ça va se nuire, ça va y avoir du hiatus, du grincement, ça ne va pas fonctionner.
21:24 - C'est pour ça que vous n'êtes pas non plus écrivain. Vous avez quand même besoin du dessin, mais presque, pour sublimer le texte.
21:28 - Voilà, je pense que je serais un écrivain assez potable aussi.
21:32 Mais les deux ensemble font qu'il y a quelque chose qui se passe, une tension.
21:37 C'est un peu mystérieux d'ailleurs, c'est compliqué à analyser.
21:41 En tous les cas, ce qui est sûr, c'est que je partage complètement la vie de Hugo Pratt.
21:48 Et d'ailleurs, c'est un des auteurs qui m'a fait aller vers la bande dessinée.
21:52 Si vous lisez "Fable de Venise", c'est "Ciel incroyable tout blanc avec la lune".
21:57 Et en fait, la nuit dessinée à Venise, c'est une nuit tout à fait étonnante.
22:03 Elle n'est dessinée que par les ombres projetées au sol, qui n'existeraient pas en plein jour.
22:09 Et donc, il arrive à recréer une nuit avec simplement des aplats de noir et des ombres dessinées au sol.
22:14 C'est compliqué. Alors là, on est dans la poésie graphique pure.
22:17 Et ça, moi je suis persuadé que le lecteur l'intègre.
22:21 C'est-à-dire que notre cerveau, il n'est pas fait pour lire en noir et blanc,
22:26 évidemment, il est fait pour voir des couleurs, pour analyser les couleurs.
22:29 Et si on lit du noir et blanc, je suis intimement persuadé qu'au bout de quelques pages,
22:34 une fois qu'on a oublié qu'on lisait du noir et blanc, les couleurs viennent.
22:38 Mais vous n'en êtes pas conscient. Je pense qu'il y a quelque chose comme ça qui se passe.
22:42 - Est-ce que vous avez déjà eu des critiques sur votre usage du noir ou du blanc ?
22:47 Je pense surtout au noir parce qu'il y a des cases noires uniquement avec des bulles qui apparaissent.
22:52 En disant "c'est trop facile".
22:55 - Il n'a rien dessiné.
22:56 - Un petit peu comme les critiques qu'on pourrait faire à des monochromes,
22:59 qu'on a eues sur les débuts de l'art moderne et de l'art abstrait.
23:03 - Bien sûr, forcément. Tout est critiquable. Tout est à remettre en cause.
23:09 Moi, ça me semblait évident de mettre des cases noires à partir du moment où Adam, au départ,
23:16 est plongé dans le noir. Il ne peut rien faire. Il ne peut qu'entendre.
23:20 Et c'était intéressant de mettre le lecteur à la place de cette personne qui est plongée dans un Luptin syndrome.
23:27 C'est un enfermement total. Et donc, on est à la place d'Adam.
23:31 Alors, ce n'est pas gagné au début. Quand j'ai fait ça, je me suis dit "mais non, ce n'est pas possible".
23:35 C'est un scandale. Il y a quelque chose de l'ordre du scandale de faire ça.
23:39 Et si ça n'avait pas marché pour moi, je ne l'aurais jamais fait.
23:42 Or, en réalisant une quinzaine de pages, je me suis dit "ça, c'est la grande récompense du créateur".
23:53 C'est de s'apercevoir qu'on est surpris par ce qu'on fait.
23:56 Ça, ça fait partie des chouettes moments. Et quand j'ai vu que ça marchait, je me suis dit "bon, ok, c'est parti, on y va".
24:01 - Mais c'est vrai que quand on ouvre "Deep Me", Marc-Antoine Mathieu, au début, on se dit "oulala, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?"
24:07 Et au final, on le voit, cet Adam allongé avec les médecins qui sont...
24:13 Enfin, on imagine en tout cas tout cela. D'ailleurs, on peut se tromper.
24:18 D'ailleurs, on verra comment ça se finit ensuite.
24:20 Mais ça veut dire qu'avec les dialogues, avec les bulles, avec tout ce que vous écrivez,
24:28 vous voulez aussi que ce soit au lecteur de s'imaginer des choses et pas justement donner tout fait, tout préparé.
24:35 Justement des cases, des dessins, des scénarios, des situations en tout cas.
24:42 - Bien sûr, oui, oui, oui. C'est l'enjeu de la littérature de laisser la place au regard créateur.
24:50 Et c'est vrai que, encore une fois, l'art figuratif, c'est un peu une gageure
24:55 parce que justement, trop figurer les choses, plus on figure les choses, évidemment,
24:59 et plus on empêche le lecteur de se faire sa propre image, des choses à sa propre poétique.
25:05 Et donc, moi, évidemment, en tant que dessinateur, ça m'a toujours intéressé d'aller visiter,
25:12 d'aller représenter ce qui n'était pas représentable ou de ne pas représenter ce qui était trop représentable.
25:18 Justement, c'est forcément un des enjeux primordiaux de la bande dessinée.
25:22 Mais la bande dessinée s'y prête assez bien parce que comme on va de case en case
25:27 et qu'on navigue comme ça de case en case, il y a beaucoup de possibilités pour faire en sorte
25:34 d'évoquer des choses, de les suggérer sans les décrire.
25:38 Et c'est là où la bande dessinée, effectivement, peut rejoindre une forme de littérature, je pense.
25:44 - Marc-Antoine Mathieu, on l'a dit et c'est le cas aussi dans d'autres,
25:49 dans vos précédentes bandes dessinées, précédents albums.
25:52 De manière générale, il y a un seul personnage que l'on suit du début à la fin.
25:58 Alors c'est le cas pour Adam dans ses deux tomes.
26:01 Une sorte d'enquête d'ailleurs sur le personnage lui-même parce que c'est là aussi toute la sensibilité de ce personnage.
26:06 C'est-à-dire qu'il est aussi en forme de crise existentielle.
26:10 Qui je suis ? Qu'est-ce que je fais là ? Pourquoi ? Et où je vais ?
26:15 Et c'est le cas aussi pour un autre personnage star de votre bibliographie, c'est Julius Corentin Akfahk.
26:23 Qu'est-ce qui fait que justement tout ça tient en un personnage ?
26:29 - Oui, oui, oui. Après, chaque personnage doit représenter peut-être une petite facette de mon être, sans doute.
26:40 C'est vrai que Julius Corentin Akfahk, il se promène toujours avec deux bulles au-dessus de sa tête,
26:46 un point d'exclamation et un point d'interrogation.
26:50 C'est l'éternel surpris ou étonné, comme le nouveau-né qui ouvre un peu ses yeux et qui voit quelque chose plutôt que rien.
27:00 Et puis en même temps, évidemment, le fameux point d'interrogation, une fois qu'on a un peu des explications,
27:05 le point d'interrogation est en train de naître et l'aventure continue.
27:11 Et on ne saura jamais rien, évidemment, parce que le sens de tout ça ne nous échappera jamais.
27:16 Donc déjà, en soi, la vie est déjà un sacré scénario d'une certaine manière.
27:21 Mais c'est vrai que tous mes personnages se retrouvent toujours dans cette situation de quête, d'errance, de sentier,
27:32 où la non-certitude est une certitude, c'est-à-dire que l'errance est certainement la meilleure des réponses aux questions.
27:45 C'est-à-dire que vouloir chercher un but ou avoir un discours, c'est déjà réduire l'errance, c'est réduire le questionnement,
27:58 c'est forcément réduire le champ d'observation et de découverte.
28:02 Je suis plus dans l'attitude d'un promeneur qui essaierait de prendre des sentiers inconnus
28:13 plutôt que de faire un peu toujours le même circuit.
28:18 Jusqu'à 13h30, les midis de culture.
28:23 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosnassavoy.
28:27 Oulipo, qui veut dire « Ouvrir les littératures potentielles », je dois dire que quand j'ai eu l'idée de cette nouvelle activité,
28:33 qui n'est pas une activité littéraire, nous n'avons pas fondé une école littéraire, nous nous occupons de créer des structures nouvelles,
28:41 nous laissons les écrivains en faire des chefs-d'oeuvre ou des navets.
28:46 Celui qui a inventé le sonnet, par exemple, n'est pas responsable de ce qui est eu ensuite, ni en bien ni en mal.
28:51 François Lelionnet, donnez-nous un exemple des structures nouvelles que vous contribuez à créer.
28:56 Alors, un exemple de structure, c'est facile.
28:59 Il y a par exemple l'antérime que j'ai inventé dans les débuts de l'Oulipo, qui consiste à mettre la rime au début des vers.
29:05 Il faut dire que l'Oulipo est né, d'abord dans mes idées, il y a à peu près 55 ans.
29:11 J'en ai parlé à Queneau il y a à peu près 25 ans.
29:13 Alors, vous vous amusiez, vous travailliez, quelle part entre les deux ?
29:16 Mais les deux, on peut faire les deux en même temps.
29:18 Un mathématicien, c'est un homme qui s'amuse tout le temps.
29:20 Et vous êtes mathématicien.
29:21 Précisément.
29:22 Alors, je crois que c'est une séparation tout à fait factice, de vouloir séparer ou le canular ou l'intérêt scientifique.
29:31 François Lelionnet, cofondateur avec Raymond Queneau du mouvement de l'Oulipo, c'était en 1972 dans l'émission Italique.
29:40 Quel joli titre !
29:41 C'est vrai, Marc-Antoine Mathieu.
29:43 Créer des nouvelles structures, s'imposer des contraintes dans la création, j'imagine que c'est un état d'esprit qui vous parle.
29:50 Complètement, complètement.
29:52 D'ailleurs, je suis très admiratif pour tous les membres de l'Oubapo, parce que l'Oubapo existe.
29:57 Ou voir de bandes dessinées potentielles.
30:00 Tout à l'heure, tenue par des sommités drôlatiques et très fortes telles que tiennent les croires, pour ne citer que celui-ci.
30:07 Mais il y a aussi François Ayrol, d'autres.
30:10 Vous en faites pas partie, vous ?
30:12 Si, un petit peu.
30:13 Moi, je suis un invité d'honneur, en fait.
30:15 D'accord.
30:16 Un électron libre.
30:17 Voilà, je suis un électron libre dans l'Oubapo.
30:19 C'est un de mes grands honneurs d'être parmi eux comme ça.
30:24 Non, mais c'est vrai que l'association et l'Oubapo, c'est vraiment quand même des figures un peu tutélaires dans la bande dessinée.
30:32 C'est bien de le rendre hommage.
30:34 Mais c'est vrai que la bande dessinée, d'emblée, c'est un peu un exercice oubapien d'une certaine manière.
30:40 Parce que toutes ces cases qui se suivent les unes aux autres, c'est terrible.
30:44 C'est un peu comme, pareil pour le cinéma, ce cadrage permanent.
30:48 C'est terrible, en fait.
30:49 C'est très coercitif.
30:50 C'est encore l'enfermement, la case.
30:52 Bien sûr, la case, le gaufrier, vous voyez tout ça.
30:55 Mais justement, c'est cette contrainte qui nous entraîne à les dépasser et forcément à faire de la bande dessinée un champ de création très singulier.
31:08 C'est ces contraintes-là qui font sa spécificité et les génies qui en découlent.
31:15 Je parlais tout à l'heure de Julius Corentin, "Akfak, prisonnier des rêves".
31:18 C'est une série de sept albums que vous avez réalisé depuis 1990 et le dernier a apparu en 2020.
31:25 Justement, là, c'était l'idée à chaque album de mettre en place un jeu formel aussi pour raconter une histoire.
31:32 Vous nous donnez quelques exemples ?
31:34 Oui, par exemple, le processus, le noyau central, c'était la spirale.
31:41 C'est-à-dire, là aussi, une contrainte particulière, mais une contrainte faite de potentiel presque infini.
31:49 C'est-à-dire que la spirale, c'est une figure où qu'on soit, on est à la fois au centre et à la périphérie.
31:55 Donc, effectivement, pour la rêverie, c'est bien. C'est un vrai choix de sentier.
32:00 Donc, ça, c'était pour le processus.
32:02 Pour le début de la fin, la fin du début, on a un livre qui se lit dans les deux sens et qui se rejoint au milieu,
32:09 dans un chapitre à une seule page qui s'appelle "Le miroir sans face".
32:13 C'est-à-dire que quand on se fixe des contraintes, le sentier, tout d'un coup, est singulier.
32:17 Et on arrive à des endroits où on ne s'attendait absolument pas à aller.
32:23 Et c'est là où ça devient très intéressant.
32:25 C'est à cet endroit, c'est à ce point comme ça, je sais plus, qu'il disait, il y a un point où il faut aller,
32:30 où le retour n'est plus possible. Je ne sais pas si c'est Kafka qui a dit ça.
32:34 Je ne suis pas bien sûr.
32:36 - Il y a personne qui parle du point, toute vie de philosophie pourrait se dire,
32:40 en un point, on ne fait que tourner autour et une fois qu'on aurait dit le point, on aurait fini notre œuvre, d'une certaine manière.
32:45 - Voilà. Inatteignable. - Inatteignable.
32:48 - Oui.
32:49 - Autre exemple, là, vous incorporez l'idée du temps aussi dans votre bibliographie.
32:54 C'est "Trois secondes" chez Delcourt en 2011.
32:57 Et là, presque, après on va aller dans un instant sur les autres formes que ça a pris,
33:03 mais vous ajoutez cette dimension temporelle.
33:05 Racontez-nous peut-être, parce qu'en fait, ce n'est pas facile à expliquer.
33:08 Dans chaque planche, on avance vers un personnage dans un temps très donné, comme au cinéma.
33:15 - Oui, alors "Trois secondes", c'est l'histoire, je crois que c'est le scénario, l'histoire la plus courte qui existe dans la bande dessinée, dans le monde.
33:23 C'est-à-dire que c'est un récit qui dure trois secondes, donc qui est très très court, mais en revanche qui est très très large.
33:29 Donc c'est un peu le reflet peut-être aussi d'un nouveau paysage du monde aujourd'hui, informatif par exemple.
33:38 C'est-à-dire que la verticalité, l'information verticale s'est un peu transformée en une vaste champ informatif horizontal.
33:46 Et "Trois secondes", c'est un petit peu ça.
33:48 C'est-à-dire qu'on suit le parcours d'un photon, enfin le lecteur est à la place d'un photon qui, pendant trois secondes, fera un voyage de 900 000 kilomètres.
33:58 C'est-à-dire la vitesse parcourue par la lumière en trois secondes.
34:02 Et voilà, donc on va de reflet en reflet.
34:06 Le récit rebondit à chaque fois sur un objet qui est miroir, ça peut être une petite cuillère, une roche, un diamant ou la vitre d'un appartement, etc.
34:22 Et donc on rebondit comme ça d'objet miroir en objet miroir et on fait un voyage qui donne pour résultat une forme de puzzle.
34:32 Un récit policier dans lequel les hors champs, les détails dans les endroits, dans les espaces qu'on parcourt, ont tous un peu à voir les uns avec les autres.
34:44 Tout est relié, mais parfois à des milliers de kilomètres de distance.
34:48 Et donc c'est au lecteur de reconstituer à la fois un puzzle.
34:51 Donc là, de ce côté-là, on est presque dans un schéma de roman, on va dire, policier.
34:58 L'histoire est quasiment sans texte, mais à travers des écrits, à travers la légende d'une oeuvre d'art, à travers le titre d'un livre dans une bibliothèque, un billet d'avion posé sur une table, etc.
35:13 Le lecteur peut reconstituer un faisceau d'indices propre à lui, expliquer un peu ce qui s'est passé, ce qui s'est passé à un moment donné sur Terre pendant trois secondes.
35:25 Je dis sur Terre, je précise sur Terre parce que ce que je voulais dans trois secondes, c'est que tout soit vraiment absolument juste et précis.
35:32 Que ce soit vraiment comme un instantané à un moment donné sur Terre, de quelque chose qui s'est passé sur Terre.
35:38 Pour terminer, Marc-Antoine Mathieu, est-ce que vous avez l'impression d'être un ovni dans ce monde de la BD ?
35:43 Quand vous allez voir votre éditeur avec des idées pareilles, est-ce que vous êtes tout de suite soutenu ou est-ce que c'est difficile ?
35:47 Je suis tout de suite soutenu par Delcourt et par Grégoire Seguin, mon éditeur, et également par l'équipe de Fab de chez Delcourt.
35:55 Ce qu'on appelle en général les petites mains, alors que c'est faux, c'est vraiment des gens qui suivent ça de très près.
36:00 Non, non, on me suit avec enthousiasme.
36:02 Et puis concernant l'ovni, alors là j'ai envie de dire, en bande dessinée, il y a de plus en plus d'ovnis et c'est cool.
36:08 Merci beaucoup Marc-Antoine Mathieu d'être venu dans les médias de culture.
36:11 Je rappelle que le second volet de Deep Me s'appelle Deep Heat et les deux sont disponibles aux éditions Delcourt.
36:19 Pour finir, nous avons choisi deux chansons en résonance avec l'intelligence artificielle.
36:24 Vous avez le choix entre une chanson sur l'intelligence ou une chanson sur artificiel.
36:28 Laquelle des deux souhaitez-vous écouter ?
36:30 Ah, alors là, bon bah au pif, artificiel, allez.
36:35 [Musique]
36:45 [Chanson]
37:05 [Chanson]
37:25 [Chanson]
37:45 [Chanson]
37:58 C'est Germinal de Dandec, Marc-Antoine Mathieu.
38:01 Les jardins d'artificiel. Voilà, il y a de l'artificiel mais il y a de la poésie.
38:04 Merci beaucoup d'être venu dans les médias de culture.
38:06 Une émission préparée comme tous les jours par Aïssa Touaine, Adaïsis Bers, Cyril Marchand, Zora Vignel, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle.
38:13 C'est Nicolas Berger qui réalise cette émission et la prise de son ce midi, Ruben Karmazine.
38:17 Merci à tous et toutes et merci à vous Géraldine Ademan.
38:19 Merci Nicolas Ademan.

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