Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, et Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs, s'expriment en marge d'un blocage des agriculteurs sur l'A6 dans l'Yonne.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Le président de la FNSEA va parler et c'est maintenant.
00:04 On a discuté avec les agriculteurs qui sont ici dans Lyon, mais comme dans de nombreux points partout en France.
00:09 Ce qu'on voulait, c'était mesurer le degré de détermination qu'on avait senti très très fort.
00:14 Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'après avoir discuté avec de nombreux agriculteurs et agricultrices,
00:18 il est plus fort encore que ce que je pensais. La détermination est vraiment totale.
00:23 Le niveau d'attente est très très fort. Ce qu'ils nous disent tous, c'est ne reculez pas.
00:28 On est derrière vous. On ne peut plus attendre. Ça fait trop longtemps que ça dure.
00:33 Ça fait 20 ans, certains me disent. Mais vous pourrez les interroger, que les choses s'accumulent.
00:37 Et dans le moment dans lequel on est, les décisions qui devraient être annoncées demain par le Premier ministre
00:42 sont très attendues et doivent être très haut niveau.
00:44 Qu'est-ce que vous attendez justement de ces décisions ?
00:47 Ce qu'on attend, c'est évidemment des mesures d'urgence, on l'a dit, avec trois niveaux d'engagement.
00:52 Celui de rendre la dignité aux agriculteurs, c'est tout ce qui est autour de la crise morale qui touche l'agriculture.
00:57 Quelle place pour l'agriculture ? Quelle place demain pour l'alimentation dans nos assiettes ?
01:01 Qu'est-ce qu'on fait des importations qui ne cessent d'arriver en France alors qu'on a du mal à vivre de nos métiers ?
01:06 La deuxième chose, évidemment, c'est tout ce qui est autour du revenu.
01:10 On est en pleine négociation, fin des négociations. Sur les négociations, il faut qu'on fasse attention.
01:16 Moi, je le dis à la grande distribution, sur la matière première agricole, il y a une loi, elle doit être respectée.
01:21 Et il n'est pas question que les producteurs reculent sur le sujet de la matière première agricole.
01:26 Et puis après, il y a tout ce qui est l'exercice du métier. J'ai encore entendu des éleveurs me dire
01:30 « Moi, sur ma ferme, je peux avoir 4 à 5 contrôles différents avec 2 inspecteurs à chaque fois.
01:34 Ça fait 10 personnes qui peuvent s'occuper de moi. Ça n'est plus tenable. »
01:37 Un autre me disait « J'ai des moutons. La laine de mouton, finalement, aujourd'hui, c'est un déchet.
01:42 Et si je veux utiliser ma laine pour remettre dans ma litière, c'est pas possible. »
01:45 Et j'en ai des exemples autant que ça. Donc les agriculteurs disent « L'exercice du métier n'est pas rendu possible.
01:50 Il faut absolument soulager. » Alors « soulager » en France, mais je le dis aussi « soulager » à Bruxelles.
01:55 Et ça, ça va faire partie aussi des discussions des prochains jours.
01:58 — Est-ce que vous avez déjà eu quelques réponses du gouvernement ?
02:01 — Non. On a fait passer depuis hier soir une synthèse de nos demandes.
02:07 Il y a plus de 140 demandes que nous avons construites avec les jeunes agriculteurs, qui sont un paquet,
02:12 je le dis et je le redis, un paquet sur lequel nous ne transigerons pas.
02:16 Ce qu'il faut, c'est évidemment des réponses d'urgence sur un certain nombre de sujets
02:20 qui sont bien dans les têtes de tout le monde. Je pense évidemment aux sanitaires,
02:24 aux règlements du GNR, aux règlements qui tiennent aussi aux questions de l'eau.
02:30 Mais vous voyez que derrière tout ça, c'est les moyens de production, c'est « qu'est-ce qu'on fait sur la négociation des prix ? »,
02:34 « qu'est-ce qu'on fait sur les accords internationaux ? ». J'entendais hier encore le commissaire européen
02:38 nous parler d'une possibilité de signer le Mercosur d'ici le mois de juin. C'est une provocation,
02:41 dans le moment dans lequel on est, pour les agriculteurs. Et donc c'est tout ça qu'il faut absolument régler rapidement.
02:46 Mais je vous invite encore une fois à interroger les agriculteurs et les agricultrices poussés autour de moi.
02:50 Vous verrez que leur détermination est très forte.
02:52 — Est-ce qu'il y a malgré tout certaines mesures sur lesquelles vous pourriez tempérer ?
02:57 Parce que sur 140 mesures, j'imagine qu'il y en a qui sont un peu...
02:59 — Écoutez, alors qu'il est, et on l'a répété hier soir, pour l'instant, il n'y a rien qui est négociable.
03:05 On a des adhérents qui sont mobilisés sur le terrain et qui nous disent « continuez, continuez, il y en a marre ».
03:09 Ça fait 10 ans, ça fait plus de 15 ans qu'on leur dit « à force de continuer avec le surtransposition, d'accumuler l'orne à cause
03:17 de ne pas payer les producteurs, ça finira mal ». Aujourd'hui, on y est. La balle est dans le camp du gouvernement.
03:22 On n'a pas été informés de qu'est-ce qui pourrait sortir demain. Donc vous dire à l'heure actuelle que possiblement,
03:28 le monde agricole pourrait se satisfaire des annonces de Gabriel Attal, c'est impossible.
03:33 Et de toute manière, nous rediscuterons avec nos réseaux respectifs sur le terrain pour savoir si c'est acceptable ou non,
03:39 suivant le discours qu'il aura demain. — Est-ce que les électeurs vont bloquer la Capitale ?
03:45 — Tout est... Sur l'histoire de la Capitale, on l'a dit, on est un mouvement qui est en train de monter en puissance.
03:50 Vous l'avez vu, ça a démarré sur le sud, le sud-ouest. Ça généralise depuis hier aujourd'hui à toute la France.
03:57 Toutes les possibilités sont sur la table, toujours dans un même but, bien sûr, de ne pas faire des dégradations inutiles.
04:03 Je pense que vous pouvez le constater sur les mouvements de nos deux réseaux. C'est dans la dignité, c'est dans le respect des biens
04:08 et des personnes. La Capitale doit être un des derniers recours. Toutes les possibilités sont sur la table.
04:14 On peut tout imaginer. Vous savez que nos deux réseaux sont capables d'imaginer plein de choses, même des choses
04:19 qu'on aurait peut-être pas pu prévoir. Mais la balle est dans le camp du gouvernement. Et à eux de faire aussi qu'on en évite
04:26 de paralyser un pays qui a aussi, je pense, d'autres problèmes. — Qu'est-ce que ça veut dire, ce qui s'est passé à Jean hier ?
04:31 — Ça m'inspire que c'est pas forcément nos modes d'action. Ça m'inspire aussi qu'il y a un moment donné...
04:37 Il y a peut-être aussi des gens qui sont dans une détresse qui les amènent à faire des choses qui sont pas acceptables.
04:42 On l'a souvent redit avec Arnaud. Il y a des choses qui sont pas acceptables. On n'est pas là pour détruire des biens publics
04:48 qui... C'est le contribuable qui paye à l'arrivée. On n'est pas là pour casser des choses. Nous, on le supporte pas
04:53 quand ça nous arrive dans nos exploitations. Donc il faut faire le maximum pour que ça n'arrive pas. C'est le message
04:59 qui est passé à nos deux réseaux conjointement et au gouvernement de prendre conscience que malheureusement,
05:05 plus ils laisseront enquister le mouvement, plus il y aura des risques de débordement. Et ça, personne n'aille gagner,
05:10 parce qu'à un moment donné, vous allez arriver avec des gens qui n'ont rien à perdre. Et ça, c'est le plus dangereux.
05:14 Nous, on maîtrise nos réseaux. On fait le maximum. Mais il faut pas qu'on en arrive là.
05:17 — Est-ce que vous appelez les agriculteurs à dormir ce soir sur la sieste ?
05:20 — Alors vous savez, moi, j'appelle pas les gens. J'ai beau être leur président, c'est pas moi leur chef.
05:24 On est tous des chefs d'entreprise. Donc vous savez, dans le monde agricole, on aime pas trop qu'on nous commande.
05:28 C'est à eux de savoir ce qu'ils ont à faire. C'est à eux d'en discuter entre eux, entre agriculteurs de Lyon.
05:34 Et ils prendront la décision qui est la leur. Mais vous savez, c'est pas parce que des gens comme ici ne resteront pas
05:40 ce soir sur le blocage que le mouvement va s'arrêter. Vous savez, la colère est profonde. On l'a démarrée
05:45 depuis le mois d'octobre avec les panneaux à l'envers. C'était un invertissement sympathique. C'était une mise en garde.
05:51 Bon ben force est de constater qu'on est obligés, dans un pays comme le nôtre, de monter forcément fort pour être entendus.
05:57 — Donc a priori, les blocages devraient être levés ? — Où ? — Ici.
06:02 — Ah ben vous... Alors quand ? Quand ? — Ben justement, c'est ma question.
06:06 — Ah ben demandez à Gabriel Attal quand seront levés les blocages. C'est lui qui a la clé. C'est lui qui a les demandes pour les lever.
06:13 — Ça fait 20 ans ou 30 ans que cette situation agriculture est compliquée. Comment... À qui vous attribuez
06:19 cette responsabilité, finalement, et que rien ne bouge ? On croit qu'il y a eu des lois. Elles sont plus ou moins compliquées.
06:27 Comment se fait-il que vous en soyez rendus là ? — On en est rendus là depuis 20 ans parce que finalement,
06:33 on a perdu le sens de ce qu'est la liberté d'entreprendre l'acte de production en agriculture, mais dans bien d'autres domaines.
06:40 Et je remercie tous ceux qui, dans les domaines de la production, nous envoient des messages de soutien.
06:45 Le sujet, c'est qu'on a sédimenté, on a accumulé trop de règles, trop de normes faites en silo qui misent les unes sur les autres,
06:53 ne donnent plus de sens. Et ce que les agriculteurs ne comprennent plus aujourd'hui, c'est qu'ils peuvent plus exercer leur liberté
06:58 d'entreprendre. Le bon sens paysan qui a toujours prévalu aujourd'hui est complètement remis en cause. Et ça, ils ne le tolèrent pas.
07:05 Donc mon sujet n'est pas d'ordre politicien. Mon sujet, c'est de dire que dans le moment dans lequel on est, depuis 20 ans,
07:11 toutes les majorités ont contribué à accumuler et qu'aujourd'hui, le consentement à accepter ça est terminé.
07:20 Et donc on a besoin aujourd'hui d'aller profond dans la manière dont on va réappréhender. Vous avez compris que c'est pas simplement
07:27 une histoire d'argent. C'est aussi une histoire de comment on redonne du cap, comment on redonne de la vision à ce qu'on veut faire
07:32 de l'agriculture. Nous dire qu'il faut produire de la qualité et de la proximité et en même temps importer des produits d'ailleurs,
07:38 c'est plus tenable. — Quelle est la ligne rouge pour demain, avec les annonces ? Jusqu'où vous en pouvez aller, jusqu'où vous n'y êtes pas ?
07:47 — Non mais vous avez compris que demain, nous, on va écouter. On va écouter ce que le Premier ministre a l'intention de nous annoncer.
07:55 Et au moment où je vous parle, je suis incapable de vous dire ce qu'il va nous dire. Donc moi, je n'ai pas d'informations de cette nature.
08:01 Donc nous allons écouter. Une fois que nous aurons les informations qu'aura communiquées le Premier ministre, on se réunira.
08:07 Donc il n'y aura pas de communication immédiate ou de réaction immédiate, parce qu'encore une fois, il faut peser le pour et le contre.
08:12 On interrogera nos réseaux. Et une fois qu'on aura cette synthèse, on reviendra vers les pouvoirs publics pour dire ce qui est acceptable,
08:19 ce qui ne l'est pas, est-ce que ça va assez loin ou pas assez loin. Je n'en sais rien, puisque nous n'avons pas le début d'informations.
08:24 Ce qui est sûr, c'est qu'il y aura des informations évidemment qui concernent des décisions immédiates, mais qu'un certain nombre
08:30 d'autres attentes que nous formulons nécessiteront un peu de temps. On est conscients que des réponses à Bruxelles nécessiteront quelques jours
08:37 et qu'évidemment, le fait de rendre en dure dans la loi, notamment le projet de loi et d'orientation agricole dont on nous parle depuis plus d'un an
08:46 et que le Premier ministre a dit qu'il allait étoffer, nécessiteront aussi quelques jours. Nous, ce qu'on veut y voir, c'est évidemment ce qu'il y a déjà
08:52 sur l'installation et la transmission, mais on veut y voir des éléments qui concernent la compétitivité, l'accompagnement de nos entreprises
09:01 dans leur travail quotidien et puis aussi, je le dis, des éléments de souveraineté alimentaire. Parce que la souveraineté alimentaire,
09:07 on ne peut pas seulement en parler dans les discours. Il faut aussi qu'elle se rigidifie dans la loi, notamment, je le dis, par rapport
09:13 aux contraintes environnementales. Et je voudrais être précis. Ce n'est pas une opposition entre production et environnement.
09:17 Les agriculteurs sont prêts à faire les deux pour peu qu'ils aient les moyens de faire les deux. Et au moment où on est rendu, on peut pas.
09:23 Et les injonctions paradoxales permanentes où la contrainte n'est pas tenable. Et on fera pas d'environnement punitif.
09:30 On fera pas de décarbonation punitive. Donc il faut d'abord donner le cap. Il faut redonner la lumière. Il faut libérer les énergies.
09:38 Il faut permettre aux agriculteurs d'être des entrepreneurs. Et enfin, il faut nous permettre de le faire rapidement et concrètement.
09:46 — Est-ce que vous comptez aller à Paris demain pour mettre la pression avant les annonces du Premier ministre ?
09:50 — Non. Encore une fois, vous savez, d'abord, il y a des agriculteurs franciliens. J'en suis, puisque mon exploitation agricole,
09:56 ma ferme est en Seine-et-Marne. Donc il y a des agriculteurs franciliens qui se mobilisent aussi. Je sais bien que pour un grand nombre,
10:05 Paris, c'est toute la France. Mais nous, la vérité de notre quotidien, la vérité de notre vie, elle est dans les territoires.
10:12 Donc il y a des agriculteurs en Ile-de-France qui ont déclenché des actions. Je sais que le président de la Fédération d'Ile-de-France
10:19 a dit aussi qu'il réfléchissait à la manière dont il envisageait d'agir autour de Paris. Tout ça, encore une fois, c'est le terrain qui décide.
10:25 Arnaud Gaillot l'a dit. Pour nous, encore une fois, ce qui compte, c'est qu'est-ce qui sera fait demain, qu'est-ce qui sera annoncé
10:32 par le Premier ministre. L'attente est énorme. Vous l'avez compris. Je pense que personne n'a intérêt à la déception.
10:39 Et en tous les cas, sur les revendications qui sont les nôtres, encore une fois, on a une très grande fermeté.
10:45 — Est-ce que vous, FNSEA, vous, jeunes agriculteurs, vous avez été un peu surpris par cette éruption de la contestation, de la colère ?
10:53 — Nous, on n'a pas été surpris en tous les cas sur les racines profondes. Je le redis. Depuis plusieurs mois, on a alerté les pouvoirs publics.
11:02 Le ministre de l'Agriculture, on a agi sur le terrain déjà. Ce qu'on constate... — Oui, mais là, c'est le sentiment qu'on a.
11:09 — Non, mais la base... Vous savez, ici, il y a des agriculteurs qui sont de nos réseaux. Il y a des agriculteurs qui sont pas de nos réseaux.
11:16 Vous savez, il y a une cinquantaine de pourcent à peine des agriculteurs qui sont syndiqués. Je rappelle que c'est quand même
11:24 le secteur socioprofessionnel le plus syndiqué, l'agriculture. C'est un peu moins de... C'est autour de 40%. Donc il y a 60% des agriculteurs
11:33 qui sont pas dans nos réseaux mais qui, pour autant, viennent dire que nos diagnostics sont partagés. Donc je le dis, moi, je crains pas la base,
11:40 puisque encore une fois, peut-être que ça se sait pas, mais on est des agriculteurs. Et donc nous, on porte la voix. Et c'est pour ça que
11:46 quand je vous explique que demain soir, on attendra de savoir quel est le retour du terrain en interrogeant notre réseau, on verra ça.
11:53 Et s'il y a plus d'agriculteurs qui veulent venir, c'est important aussi. Donc le sujet, c'est pas l'origine de l'appartenance syndicale
12:00 ou non syndicale. Ce qui est important, c'est le résultat qu'on va obtenir.
12:04 — OK. — Bien. Écoutez, merci à tous. Merci de vous être déplacés ici. Et je vous invite vraiment à interroger les agriculteurs,
12:11 les agricultrices qui sont ici. Ils vous diront aussi quel est leur niveau de mobilisation.