• il y a 11 mois
Lundi 22 janvier 2024, SMART TECH reçoit Barbara Louis-Sydney (responsable, CERT OWN) , Pierre Petillault (directeur général, Alliance de la Presse) , Claude de Loupy (cofondateur, Syllabs) et Clément Norodom (Pilote projet, Bioxegy)

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Transcription
00:00 *Générique*
00:08 Bonjour à tous, comment les médias s'en partent-ils de l'intelligence artificielle ?
00:11 On va parler de cette chaîne Channel One AI, dont la vidéo de lancement a largement été relayée sur les réseaux sociaux
00:18 et qui promet des présentateurs, des reporters terrain aussi, 100% virtuels.
00:23 Alors, quelle est la défiance aussi des Français vis-à-vis de ces médias et de leur utilisation de l'IA ?
00:27 La défiance également des journalistes vis-à-vis de ces nouveaux outils ?
00:31 On va répondre à l'ensemble de vos questions, les questions que vous nous avez posées aussi sur les réseaux sociaux à propos de ce sujet.
00:37 Et puis on aura rendez-vous avec le biomimétisme, on va regarder comment les pattes de grenouilles peuvent nous inspirer de nouvelles technologies.
00:44 Mais d'abord, je propose un sujet sur les conflits géopolitiques et leur transposition dans le cyberespace.
00:49 Et tout de suite, 3 questions A dans Smartech.
00:52 *Générique*
00:56 Pour réaliser un point sur la situation dans le cyberespace alors que les conflits géopolitiques prennent toujours plus d'ampleur,
01:02 j'ai convié Barbara Louis-Sidney. Bonjour Barbara.
01:05 Bonjour.
01:06 Vous êtes responsable du CERT-ONE, Expert français du renseignement sur la menace cyber,
01:11 anciennement SECOIA pour ceux qui ont suivi et connu.
01:15 On va juste rappeler ce qu'est un CERT, donc c'est un centre d'alerte à incident et à réponse à incident également.
01:21 Tout à fait. Donc un CERT, c'est une équipe de réponse à incident.
01:24 Le CERT de ONE aujourd'hui, c'est 29 analystes qui sont spécialisés dans la réponse aux incidents informatiques.
01:29 Donc on va intervenir chez le client ou à distance lorsqu'il subit une attaque informatique.
01:34 Et on est également spécialisé dans l'analyse des menaces en amont,
01:38 donc l'analyse des cybermenaces des acteurs, de leur technique d'attaque, etc.
01:41 Alors justement, pour revenir sur notre sujet de cette transposition ou non des conflits géopolitiques dans le cyberespace,
01:47 est-ce que vous avez identifié des indicateurs qui nous permettent de dire que depuis le 7 octobre
01:52 et ce conflit Israël-Palestine qui a démarré de manière explosive,
02:00 est-ce que vous pouvez constater aujourd'hui qu'il y a une transposition dans le cyberespace ?
02:04 Et si oui, de quelle manière ?
02:06 Tout à fait. Donc les acteurs se sont positionnés de part et d'autre pour Israël, pour le Hamas ou la Palestine.
02:14 Il y a des acteurs plutôt orientés activisme, donc des cyberattaquants aux motivations politiques
02:20 qui se sont positionnés en menant beaucoup d'attaques DDoS,
02:24 donc des attaques par déni de service qui visent à saturer les systèmes,
02:28 saturer des sites internet pour faire entendre leur voix.
02:31 Donc on a vu apparaître des acteurs comme Cyber Avengers par exemple,
02:35 et puis on a des acteurs indiens qui se sont démarqués pour agir dans le cadre de ce conflit.
02:42 Et puis à côté de cela, on a également des pays qui initialement ne sont pas forcément immédiatement concernés par le conflit,
02:50 mais qui vont intervenir.
02:52 On a le cas d'Adonimous Soudan, qui est un groupe activiste, mais qui serait lié à la Russie,
02:57 et qui intervient et qui se fait encore entendre aujourd'hui à travers un certain nombre d'attaques.
03:03 Et puis on a des acteurs plutôt étatiques, également liés à la Russie,
03:07 par exemple APT28 qui va utiliser le sujet israélo-palestinien pour créer des campagnes de phishing,
03:15 donc des mails malveillants, des emails piégés et malveillants,
03:20 et va utiliser le thème du conflit israélo-palestinien pour crédibiliser ces emails
03:25 et encourager ces victimes ou ces cibles à cliquer.
03:29 Donc beaucoup de choses différentes dans ce que vous nous dites.
03:31 Je sais que c'est très compliqué d'attribuer en plus les attaques à des Etats,
03:36 précisément on sait reconnaître les modes d'opération des groupes de cybercriminels,
03:42 c'est compliqué de savoir qui il y a véritablement derrière et quelles sont les intentions.
03:46 Mais vous avez cité le phishing, donc là on est vraiment dans de la cybercriminalité à but lucratif.
03:52 Vous avez parlé aussi des attaques du côté des Indiens, j'aimerais que vous nous en disiez un petit peu plus.
03:58 Est-ce qu'il y a de la désinformation et est-ce qu'il y a des attaques visant à créer des blackouts,
04:03 comme on le redoute souvent en matière de conflit ?
04:06 Donc effectivement on va avoir différents types d'attaques.
04:09 Il peut y avoir des attaques qui vont cibler des infrastructures,
04:12 des infrastructures par exemple de télécommunications,
04:15 ça on peut le voir dans le cadre du conflit plutôt Russie-Ukraine,
04:18 donc on l'a vu récemment.
04:21 Et puis on aura également des attaques de type désinformation,
04:24 pas uniquement dans le cadre des conflits géopolitiques,
04:26 mais de façon générale lorsqu'il y a un enjeu économique, sociétal,
04:31 il peut y avoir des campagnes de désinformation,
04:33 où on a différents types d'acteurs qui vont s'orienter autour d'un narratif,
04:38 se mettre d'accord sur un narratif et promouvoir ce narratif à travers les réseaux sociaux,
04:43 à travers des sites web dédiés.
04:45 Comment est-ce que vous les repérez ?
04:47 C'est parce que quoi, d'un seul coup il y a un afflux de bots qui publie des choses de manière automatique ?
04:52 Quels sont pour vous les indicateurs qui vous permettent de dire
04:55 "là on est face à des cyberattaques de grande ampleur liées à un conflit géopolitique" ?
05:00 Alors pour répondre à la question sur la désinformation,
05:03 pour repérer les attaques relatives à la désinformation,
05:06 c'est quelque chose de très compliqué.
05:08 Souvent on les constate a posteriori, une fois qu'elles ont eu lieu,
05:11 et on est en capacité de reconstituer ce qui s'est passé.
05:15 Après pour les détecter, on va pouvoir s'appuyer sur des critères spécifiques
05:20 qui vont nous permettre d'identifier que tel compte de réseau social est plutôt un bot,
05:25 et pas une personne, parce que ce compte aura un comportement qui est relativement automatisé,
05:31 parce que le contenu de ces publications sera repris en masse à l'identique sur plusieurs comptes.
05:38 On a des comptes qui sont créés par exemple très récemment, etc.
05:41 Et tout ça ce sont des éléments qui vont alimenter un faisceau d'indices
05:44 pour nous permettre de dire, de conclure, qu'il s'agit probablement de bots qui sont là pour propager de la désinformation.
05:53 Et après pour la partie de la question sur la détection des attaques de grande ampleur,
05:58 on va s'appuyer sur des capteurs qu'on va positionner en source ouverte,
06:03 des capteurs techniques, par exemple pour détecter des infrastructures d'attaque.
06:08 On va suivre par exemple à partir d'un mail de phishing qui a été envoyé,
06:13 on va reprendre les éléments techniques de ce mail de phishing,
06:17 donc l'adresse mail qui a envoyé le mail, l'adresse IP à partir de laquelle ce mail a été envoyé,
06:22 des liens à cliquer qui pourraient y avoir dans le mail,
06:26 ou alors des documents qui sont en piège-jointe.
06:28 Et on va travailler à partir de tout ça et traquer les autres documents qui ont les mêmes caractéristiques.
06:34 Merci beaucoup Barbara-Louise Sidney d'avoir répondu à mes trois questions.
06:39 Vous êtes responsable, je le rappelle, du CERT-ON. Merci encore.
06:42 Merci à vous.
06:43 On enchaîne avec notre talk, on va s'intéresser aux médias et à leur utilisation de l'intelligence artificielle.
06:47 L'utilisation de l'intelligence artificielle par les médias,
06:54 c'est notre talk avec deux experts.
06:56 Pierre Petillot, directeur de l'Alliance de la presse d'information générale.
07:00 Bonjour.
07:01 Bonjour.
07:02 Principale organisation française d'éditeurs de presse,
07:04 vous pilotez notamment les négociations avec les plateformes numériques,
07:09 j'allais dire les géants du numérique et les éditeurs autour du droit voisin.
07:13 Vous avez précédemment exercé des fonctions au CSA devenu l'ARCOM,
07:16 dans le domaine de la régulation et de la concurrence.
07:19 Merci beaucoup d'être avec nous sur ce sujet.
07:21 Avec vous, Claude Deloupy, docteur en informatique appliqué au traitement automatique des langages
07:26 et à la gestion de l'information. Bonjour Claude.
07:28 Bonjour Delphine.
07:29 Co-fondateur de Syllabs.
07:30 Syllabs, moteur de rédaction qui permet de transformer des données brutes en texte
07:36 et qui est particulièrement utilisé depuis plusieurs années par des grands médias
07:40 comme Le Monde ou Radio France.
07:42 Je voulais savoir déjà que vous inspirez cette vidéo de lancement qui a beaucoup tourné
07:46 de Channel One AI qui promet une chaîne entièrement présentée, animée
07:52 par des personnages virtuels, par des avatars et dont les données sont aussi compilées par des IA.
07:59 Est-ce que ça vous a paru complètement loufoque ?
08:02 Vous avez dit que c'est le futur. Comment avez-vous réagi ?
08:05 Allez Claude.
08:06 Ce sont des choses qui sont faisables technologiquement.
08:11 En tant que technicien, c'est vrai que ce sont des choses que je trouve assez fascinantes
08:14 et assez intéressantes.
08:16 Après, en tant que citoyen, c'est beaucoup plus discutable évidemment.
08:20 Le fait d'avoir encore des présentateurs virtuels, pourquoi pas, je trouve que ça manque un petit peu de vie.
08:27 Mais le fait d'avoir des données traitées automatiquement, si elles ne sont pas vérifiées par des journalistes
08:32 et ne sont pas traitées par des journalistes, je trouve ça extrêmement dangereux.
08:35 Alors, on ne sait pas trop ce qui se passe derrière cette chaîne pour l'instant.
08:39 On n'a pas énormément d'éléments.
08:41 Ce qui est intéressant aussi, c'est la promesse de présentateurs et de journalistes de terrain virtuel
08:47 qui sont capables de parler toutes les langues et donc d'offrir une information ultra personnalisée.
08:52 Qu'en avez-vous pensé ?
08:53 Un petit peu la même chose que Claude.
08:55 Mais comme vous le dites, on ne sait pas très bien ce qu'il y a derrière.
08:58 C'est un petit peu ça le sujet.
08:59 Ça soulève tout de suite la question de la transparence.
09:01 C'est sans doute une des grandes questions qui est soulevée aujourd'hui par les IA Génératives
09:05 et leur développement accéléré.
09:07 À quel moment il y a eu un humain derrière ?
09:09 À quel moment il y a eu des journalistes impliqués ?
09:11 Et la réalité est quand même que pour qu'une IA Générative produise un contenu,
09:15 que ce soit un contenu écrit, un contenu vidéo,
09:17 à un moment il y a eu des contenus produits par des vrais humains.
09:19 Elle s'est inspirée de vrais contenus produits par des vrais humains.
09:22 Donc la question c'est à quel moment, qu'est-ce qu'elle en a retenu
09:25 et est-ce qu'il y a eu, comme disait Claude, derrière, un contrôle, une relecture par des journalistes du contenu ?
09:30 Alors, Pierre et Claude, je vais vous demander aussi de répondre à une question d'un téléspectateur, Fabien Reynaud,
09:35 qui nous pose la question de comment l'IA est-elle utilisée déjà aujourd'hui
09:40 pour faciliter ou améliorer le travail des journalistes,
09:43 pour le travail de recherche d'information,
09:45 les sources sont-elles vérifiées, autrement dit,
09:47 comment s'assurer que ce n'est pas une hallucination de l'IA ?
09:50 Il va un petit peu plus loin dans sa question que ce qui s'affiche.
09:53 Alors là-dessus, ça fait très longtemps que les médias utilisent l'intelligence artificielle,
09:58 ça c'est pas quelque chose de nouveau.
10:00 Effectivement, rien qu'utiliser un moteur de recherche sur le web comme Google,
10:03 c'est de l'intelligence artificielle au sens strict du terme.
10:06 Mais après, j'imagine que là on parle un petit peu plus des derniers,
10:10 de la génération de textes par exemple, des IA génératives.
10:13 Donc effectivement, là-dessus, nous, ça fait maintenant 12 ans qu'on travaille là-dessus,
10:18 et depuis 2015 qu'on génère des contenus pour les médias,
10:21 donc avec Le Monde pour les élections en 2015.
10:24 Mais pas en utilisant justement les IA génératives.
10:28 C'est ça, c'est pas les mêmes types de technologies.
10:30 Nous effectivement, alors du coup rapidement, je vais faire une petite comparaison.
10:34 L'avantage qu'on a, c'est que nous c'est une IA qui est totalement explicable et transparente,
10:38 donc on peut tout expliquer sans problème, et on peut garantir le résultat.
10:44 C'est-à-dire qu'on sait quelles données on a mis en entrée dans cette technologie,
10:51 et expliquer le résultat à la sortie.
10:53 Expliquer le résultat et garantir que ce résultat sera conforme à ce qu'on en attend.
10:57 C'est pour ça que les médias peuvent publier.
11:00 On a publié 350 000 contenus en 4 heures lors des dernières élections législatives,
11:07 et évidemment aucun média ne les a relus.
11:10 Là-dessus, donc nous on garantit.
11:12 Maintenant, on est un peu moins souple que les nouvelles technologies génératives.
11:16 L'avantage de ces technologies, c'est qu'elles peuvent parler de n'importe quoi sans configuration.
11:20 On pourra parler des problématiques de copyright, bien évidemment.
11:22 Donc pour les résultats d'élection, on comprend, c'est assez simple finalement.
11:25 Vous allez récupérer, vous allez collecter l'ensemble des résultats de tous les bureaux de vote,
11:29 et ensuite c'est transformé en un texte.
11:32 J'imagine un canevas général dans lequel on remplace les résultats, et les noms des communes.
11:38 C'est ça, ce n'est pas des textes à trous, parce qu'il y a vraiment une scénarisation de l'information,
11:42 mais c'est un peu ça.
11:44 Quand on passe aux IA génératives, pour répondre quand même à Fabien qui nous demande
11:48 comment est-ce qu'on évite ce phénomène d'hallucination ?
11:51 Le problème, c'est qu'on ne peut pas l'éviter sur les IA génératives.
11:54 Je précise aussi que "hallucination" maintenant, c'est là qu'on l'utilise,
11:57 mais ce n'est pas le bon terme, on pourrait plutôt parler de "affabulation".
12:00 C'est-à-dire que le système a besoin de parler, et quoi qu'on lui donne,
12:03 il y parlera même si c'est faux, parce qu'il a besoin de parler.
12:06 Mais on ne peut pas garantir à l'heure actuelle que ces systèmes ne publient pas quelque chose de faux.
12:11 C'est impossible.
12:13 Peut-être déjà sur la première partie, quel est le niveau d'utilisation de l'IA par les médias ?
12:21 On va dire que par les médias, en tout cas pour la presse d'information que je représente,
12:25 où je représente une partie, il y a énormément d'intérêt pour l'utilisation des IA génératives par les rédactions.
12:31 Il y a aussi beaucoup de prudence.
12:33 Il y a beaucoup de tâches, de cas d'usage aujourd'hui qui relèvent du travail des journalistes
12:38 qui peuvent être effectués par une IA générative sans beaucoup de dommages sur le contenu,
12:42 sur l'éditorial, pour peu encore une fois qu'il y ait une relecture, une vérification.
12:45 Par exemple ?
12:46 Par exemple, ce qu'on appelle en bon franglais le "text to speech", le "speech to text",
12:50 c'est la tâche d'aller saisir un fichier audio ou inversement.
12:54 Ce sont des tâches, pour ceux qui les ont déjà pratiquées, qui sont très rébarbatives,
12:57 pas très passionnantes et qui prennent beaucoup de temps.
12:59 Donc quand le journaliste va tendre son téléphone pour enregistrer les réponses d'un invité,
13:06 plutôt que de retaper cette transposition lui-même, il confie ça à une IA ?
13:11 Exactement. On peut imaginer aussi des tâches de documentation, d'agrégation de données,
13:15 comme vous le soulignez à l'instant.
13:17 Il y a tout un ensemble de tâches qui ne sont pas journalistiques au sens strict,
13:21 mais qui sont effectuées par les journalistes, dont on peut les libérer grâce aux IA génératives.
13:24 Pour autant, il y a évidemment une question sociale qui se pose d'abord dans les rédactions,
13:28 dans la relation des éditeurs avec les journalistes.
13:30 Donc les éditeurs y vont avec beaucoup de prudence, c'est une évidence.
13:33 En tout cas en France, dans d'autres pays, ce n'est pas forcément la même chose.
13:37 Et puis derrière, il y a encore une fois une question de transparence.
13:40 Ce qui fait votre métier de journaliste, c'est la capacité, et le métier des éditeurs de presse,
13:43 c'est la capacité à s'engager sur ce qu'on publie et sur ce qu'on écrit,
13:46 c'est la prise de responsabilité, y compris si nécessaire, pénale.
13:50 Donc il faut préserver ça, c'est la valeur ajoutée du journalisme et de la presse.
13:54 Et aujourd'hui, c'est quelque chose qu'une IA générative n'apporte pas.
13:57 Donc encore une fois, les éditeurs restent prudents,
13:59 et ceux qui utilisent les IA génératives, et il y a un intérêt aussi des journalistes, des rédactions, il faut le dire,
14:03 garantissent qu'il y ait de toute façon intervention d'un journaliste et relecture avant toute publication.
14:08 C'est encore une fois ce qui fait notre valeur ajoutée.
14:10 Mais donc contre ces affabulations, vous avez raison, c'est plus pertinent d'employer ce terme,
14:15 pour éviter ces affabulations, ça veut dire qu'il faut aller tout vérifier,
14:19 est-ce que finalement on ne démultiplie pas le travail journalistique ?
14:23 Encore une fois, rien ne remplacera le travail journalistique de recherche de l'information,
14:29 de recoupage, d'élaboration de l'information.
14:31 Vérification des sources.
14:33 Vérification des sources. Ce que je pointais, c'est vraiment des tâches un petit peu techniques,
14:36 annexes au journalisme, qui peuvent être assez facilement, encore une fois, remplacées par une IA générative.
14:41 Mais dans tous les cas, oui, il faut être capable de recouper et de s'engager sur ce qu'on écrit.
14:45 Sur la démultiplication des tâches ou de nouvelles tâches ?
14:49 En fait, moi j'irais quand même un petit peu plus loin,
14:51 parce qu'effectivement, ces IA qui prolongent des choses qui existaient déjà avant,
14:55 texte ou speech et autres, mais ces IA, en fait, pour moi, sont extrêmement utiles pour faciliter le travail,
15:00 même un travail intellectuel complexe.
15:02 Un journaliste qui doit préparer une interview sur un sujet très technique,
15:06 qui n'y connaît rien, et c'est normal, ça fait partie du boulot.
15:09 En utilisant ces IA, on peut aller beaucoup plus vite dans la préparation du travail,
15:14 dans la compréhension du domaine en question.
15:17 Donc pour moi, ce n'est pas simplement pour des tâches de petite main qui ne seraient pas un travail journalistique.
15:23 Je pense que ces outils devraient être utilisés, devraient même être enseignés en école de journalisme,
15:28 pour justement aller plus vite, plus efficacement et plus loin.
15:31 À condition, effectivement, de bien prévenir que le journaliste reste totalement responsable de ce qu'il fait
15:38 et s'il y a fait une erreur et s'il la retranscrit, c'est la faute du journaliste.
15:43 Alors, il y a aussi le cas de vidéos qui sont créées, produites par des IA génératives,
15:47 à partir d'informations produites par des journalistes.
15:50 Je pense à Brut, qui s'est lancé dans ces vidéos générées par des IA génératives.
15:53 Quel est votre regard là-dessus, à tous les deux, Pierre ?
15:57 C'est un peu tôt pour dire ce qu'il y en a.
15:59 Alors moi, je représente surtout la presse écrite, qui se met aussi de plus en plus à faire de la vidéo,
16:03 mais qui n'en est pas là, en tout cas, qui aujourd'hui produit de la vidéo faite par des humains
16:07 et pas par des IA génératives.
16:08 Donc, on verra ce que ça donne avec le travail de Brut, mais il est un peu tôt pour se prononcer.
16:12 Pourquoi pas, c'est une expérience intéressante.
16:14 À partir du moment où on le flague, enfin en tout cas, où on le précise, bien évidemment.
16:19 Oui, à partir du moment où les choses sont totalement contrôlées,
16:23 oui, c'est mieux de le préciser. Est-ce que c'est absolument nécessaire ?
16:27 Ah, vous ne dites pas forcément ?
16:28 C'est toujours pareil. En fait, c'est l'éternelle discussion qu'on a eue, nous, en interne.
16:33 Est-ce qu'on devait forcer nos clients à préciser que les textes qu'on génère sont publiés par une machine ?
16:37 À partir du moment où, dans les médias, il y a des sujets qui ne sont pas importants, qui ne sont pas signés,
16:43 si nos sujets ne présentent pas une opinion...
16:47 Mais ils sont quand même toujours signés, ou par la rédaction, ou par une dépêche.
16:51 Non, pas forcément. Un bulletin météo n'est pas forcément signé dans un média.
16:56 Donc, nous, on produit des bulletins météo. Pourquoi faudrait-il dire que ça a été produit par une machine ?
17:01 Donc, le point, c'est de savoir ce que véhicule la vidéo.
17:05 Si la vidéo véhicule, effectivement... Nous, on a, par exemple, toujours refusé de faire des textes
17:08 ayant une opinion politique, même pour des résultats, même pour un média qui avait une orientation politique.
17:13 Donc, si on reste sur quelque chose d'extrêmement neutre et qui n'a pas de conséquences dans ce qui est dit,
17:20 à voir, est-ce qu'il faut que ce soit précisé ? Je ne me prononcerai pas là-dessus.
17:24 Alors, on a trois questions de Karine Nadarajan.
17:30 Elle sort peut-être un peu du domaine des médias, mais dans les médias, on a aussi des RH.
17:34 Elle nous demande "Quel est l'avenir de l'IA dans la fonction des ressources humaines ?"
17:38 C'est intéressant parce que, moi, j'ai reçu, par exemple, une proposition de poste en tant que journaliste IA.
17:44 J'ai regardé, finalement, ce qu'on attendait d'un journaliste IA.
17:49 C'est vraiment, surtout, utiliser l'IA pour augmenter l'efficacité de la rédaction, automatiser des tâches.
17:57 Alors, est-ce que les RH doivent, aujourd'hui, inclure ce type de profil spécifique dans les rédactions ?
18:04 Si je peux là-dessus. Alors, nous, en fait, dans notre métier, on a un type de ressources humaines qui suivent une formation dite de linguiste informaticien.
18:17 C'est-à-dire, ce sont des gens qui ont une formation de linguiste et qui, ensuite, basculent pour faire de l'informatique appliquée à la linguistique.
18:23 Et c'est une ressource absolument essentielle dans le traitement des langues, dans notre type de travail, parce qu'il y a, justement, cette double compétence.
18:30 Et je dis toujours, typiquement, que, effectivement, ça fait des années que je le dis, chez les journalistes, il faudrait qu'il y ait des formations de journalistes informaticiens pour, justement, travailler là-dessus.
18:39 Par rapport à l'intelligence artificielle, je pense qu'on devra arriver là. Il ne faut pas que tous les journalistes soient spécialistes en IA et sachent l'utiliser.
18:49 Pour moi, il faut qu'il y ait des journalistes qui sachent utiliser ça. Et je dirais que c'est probablement pareil dans toutes les professions, y compris les RH.
18:55 Mais, effectivement, c'est très dangereux, le côté RH. On a vu des problématiques de sélection de catégorisation automatique qui...
19:02 Et je ne sais pas si on doit en parler, mais le problème des biais est gigantesque. Et la question des biais en ressources humaines, ça devient très dangereux.
19:12 C'est un sujet éthique. Karine nous demande aussi, l'IA est-elle une menace ou une opportunité ? Alors, j'ai envie de vous demander, du côté des médias, comment est-ce qu'on répond à cette question, aujourd'hui ?
19:24 Qu'est-ce qu'ils en disent, les éditeurs de presse, de l'IA ?
19:27 La tentation peut être de voir tout de suite le verre à moitié vide. Et c'est vrai qu'il y a pas mal d'éléments qui vont dans ce sens.
19:33 Si on dessine un scénario un petit peu apocalyptique, je dirais pour les médias, demain, effectivement, on risque d'avoir beaucoup de contenus générés par des IA qui pourraient prendre leur place auprès du public.
19:45 On sait qu'il y a des grandes plateformes numériques qui réfléchissent à la production de contenus qui viendraient un peu remplacer ceux qui sont aujourd'hui téléchargés par les utilisateurs
19:53 ou qu'elles viennent référencer dans leur moteur par des contenus générés par les IA. Donc, ça, c'est vraiment... C'est un risque. Il y a un risque de désintermédiation.
20:00 On peut, alors quand je dis scénario apocalyptique, on pourrait imaginer effectivement demain que les gens ne s'informeraient plus que par des contenus générés par des IA via des grandes plateformes numériques
20:09 et puis derrière, des petites mains au statut social sans doute dégradées qui seraient chargées d'alimenter, des espèces de sous-journalistes qui seraient chargées d'alimenter ces IA génératives.
20:16 Ça, c'est le scénario catastrophe.
20:18 C'est-à-dire qu'on n'aurait plus besoin d'aller sur le site du Média, finalement, pour s'informer. Les résultats seraient donnés directement par nos assistants virtuels.
20:25 Exactement. C'est la tentation sans doute des plateformes numériques. Ça répond sans doute aussi à une certaine évolution des capacités cognitives du public, un moindre intérêt pour la lecture, ce genre de choses.
20:36 En même temps, comme je disais tout à l'heure, la question de la transparence et de la responsabilité, enfin, les questions, sont essentielles.
20:43 Et pour que demain, il y a soit un succès public, un succès d'usage et aussi une création de valeur, un succès économique, il faudra s'engager sur ce qu'elle produit.
20:52 Et c'est pas le cas aujourd'hui. Les gens utiliseront certes les contenus des IA génératives.
20:56 S'ils s'aperçoivent qu'effectivement, il y a des affabulations à tous les étages et que le fournisseur de l'IA ne s'engage absolument pas là-dessus et leur laisse toute responsabilité,
21:03 à un moment, il y aura assez peu de valeur économique créée, à mon avis.
21:06 Donc, si on veut dépasser ça, il faut de la transparence, si on veut créer de la valeur en commun.
21:10 Et si on voit maintenant le verre un petit peu à moitié plein, encore une fois, le fait même que les IA s'appuient sur les contenus de tierces personnes et ne s'engagent pas, ne prennent pas de responsabilité,
21:19 est quelque part une opportunité, une opportunité de revaloriser le métier de journaliste et d'éditeur de presse, cette capacité à s'engager, à vérifier l'information, à prendre ses responsabilités tout simplement.
21:28 Alors, Karine Ancor qui nous demande "Quelle mesure prenez-vous pour assurer la transparence dans les décisions prises par des systèmes basés sur l'IA ?"
21:35 Vous avez un petit peu commencé à y répondre, Claude.
21:38 Mais c'est vrai que ça va aussi dans le sens de cette inquiétude des Français qu'on a vu notamment au travers d'un sondage La Croix.
21:45 Les Français n'accorderaient pas leur confiance aux médias utilisant cette technologie pour choisir les sujets à traiter à 58% quand même.
21:52 Oui, c'est exactement ce que disait Pierre.
21:57 Ce que représente le média, c'est effectivement, normalement, quelque chose, une source d'information à laquelle on peut avoir confiance parce qu'il y a vérification et il y a traitement d'une information, souvent, on espère, à la source.
22:12 Après, il peut y avoir évidemment plein de défauts, plein d'erreurs, on le sait, mais ce n'est pas pour ça que la source en entier doit être flaguée comme étant dangereuse.
22:21 Si on est sur des éléments où il n'y a pas de vérification intermédiaire, s'il n'y a pas de contrôle humain avec une charte journalistique appliquée dessus, on ne sait pas du tout ce que ça peut donner.
22:32 Donc forcément, on a un risque.
22:34 Il va falloir aussi bien l'expliquer pour que les Français continuent à garder leur confiance ou retrouvent peut-être leur confiance parce qu'elle est déjà quand même pas mal entamée.
22:42 Elle est très entamée. Mais au contraire, c'est effectivement là où il y a l'opportunité.
22:45 Peut-être que c'est effectivement une opportunité. On n'a plus que 30 secondes peut-être pour nous dire un mot sur ce projet Spinoza, RSF et l'Alliance de la presse, partenaires pour développer un outil d'IA pour les journalistes.
22:57 Tout à fait. Modestement, ce projet Spinoza va être un prototype d'IA générative. C'est un partenariat entre l'Alliance et RSF.
23:05 L'idée est de montrer qu'on peut fournir aux journalistes un outil d'IA générative dédié sur un thème qui est un thème d'actualité, qui est la transition écologique, et qui fonctionne précisément de façon transparente sur ses sources et sur le partage de la valeur éventuelle qu'on fait ensemble.
23:18 Donc un outil qui leur apporte de l'information.
23:19 Voilà.
23:20 Merci beaucoup, Pierre Petillot. On arrive à la fin de ce débat. Je vous avais dit que ça passerait très vite.
23:25 Le directeur général de l'Alliance de la presse est Claude Deloupy, cofondateur de Cilavs. Merci encore.
23:29 On part du côté du biomimétisme tout de suite.
23:32 On termine cette édition avec notre rendez-vous avec le biomimétisme et Clément Norodome qui est à distance.
23:43 Bonjour Clément, spécialiste R&D bio inspiré chez Bioxigy.
23:46 Alors aujourd'hui, vous n'avez pas nous parlé de comment réduire le bruit des perceuses quand on est à côté de travaux malheureusement, mais de comment réduire les frottements en s'inspirant des grenouilles.
23:56 Exactement Delphine, puisque comme vous le savez, la friction c'est un phénomène qui est omniprésent, qui cause beaucoup de problèmes dans l'industrie, de l'usure, de l'échauffement des pièces.
24:07 On ne s'en rend bien compte, on se rend bien compte, il fait froid, quand on se frotte les mains, on frotte et ça chauffe.
24:11 En l'occurrence, là ça nous avantage, mais dans plein d'autres applications c'est plutôt un problème.
24:16 La friction, on estime qu'il y a à peu près 20% de l'énergie produite dans le monde qui sert à la vaincre.
24:22 Donc finalement, la réduire ça reviendrait à produire moins d'énergie, être plus efficace et donc évidemment être plus écologique au global dans tout un tas d'industries.
24:31 En France, on estime que l'usure liée à la friction c'est 3 à 4% du PIB qui passe par changer les pièces, arrêter les machines pour la maintenance, etc.
24:41 Donc c'est évidemment une problématique d'intérêt pour les industriels.
24:44 Pourquoi le bioéconomie intéressant ?
24:47 Les grenouilles finalement, on va s'inspirer des grenouilles en l'occurrence, certaines grenouilles en tout cas qui sont capables d'adhérer aux parois, aux murs, aux arbres,
24:56 notamment des grenouilles arboricoles en Amazonie.
24:59 Ces grenouilles-là, comment elles font pour adhérer sur les parois ?
25:01 Elles vont sécréter un petit peu d'eau, une sorte de mucus, mais globalement c'est de l'eau, sur leurs doigts.
25:07 Et ces doigts, ils ont une texture microscopique qui est hexagonale avec des micro-canaux qui permettent de bien répartir cette eau sur tout le doigt.
25:16 Cette eau va agir comme une sorte de colle finalement, par les forces de capillarité,
25:21 un petit peu comme quand on laisse sécher une tasse à l'envers sur une table, vous savez,
25:25 on a un tout petit peu d'eau qui se dépose sur les bords de la tasse et quand on essaie de la soulever, on sent un tout petit peu de résistance.
25:32 La grenouille exploite ce phénomène-là pour adhérer sur des parois grâce à l'eau qu'elle sécrète et qu'elle stocke finalement sur ses doigts, sur ses pattes.
25:40 C'est exactement le problème inverse finalement, puisque nous on cherche à réduire le frottement, on cherche à ne pas adhérer.
25:45 Mais quelque part, on va exploiter quand même ce mécanisme de la grenouille qui arrive à répartir efficacement l'eau sur son doigt,
25:51 sauf qu'au lieu de mettre de l'eau, on va mettre une substance lubrifiante de l'huile typiquement.
25:56 Ça, c'est un des travaux qui ont été menés par tout un tas de chercheurs, en particulier par exemple dans l'université de l'Arkansas en 2021,
26:03 des chercheurs ont appliqué une micro-texturation sur du métal, notamment pour des pistons de moteur de voiture,
26:09 et ils se sont rendus compte qu'avec de l'huile, on arrivait à réduire la friction d'en moyenne 18%, voire jusqu'à 39% dans certains cas.
26:17 Évidemment, tout ça, c'est de l'essence en moins, et donc c'est de la pollution en moins dans le moteur.
26:22 - Eh bien super, merci beaucoup. Clément Neurodeau, vous alliez nous parler d'une autre surface anti-friction, ou vous avez fait le tour des solutions ?
26:32 - Non, c'était tout sur cette surface inspirée de la grenouille.
26:35 - J'ai eu peur de vos interrompre.
26:37 - Aucun problème.
26:39 - Allez-y.
26:41 - Je peux continuer. Il y a effectivement plus largement, au-delà de cette étude particulière sur la grenouille,
26:47 d'autres études menées avec d'autres texturations de surface, inspirées notamment des serpents, de certaines feuilles d'arbres,
26:54 qui permettent aussi de réduire la friction, mais ce sont d'autres mécanismes qui vont rentrer en jeu.
26:59 - Très bien. Merci beaucoup Clément Neurodeau. Je rappelle que vous êtes responsable R&D de l'Université de l'Arkansas.
27:06 - Oui, je suis responsable R&D chez Bioxégie, un spécialiste de la bio-inspiration et du biomimétisme.
27:12 C'était Smartech. Merci à tous de nous suivre avec une grande fidélité.
27:15 Vous pouvez nous retrouver sur la chaîne BeeSmart, mais également en podcast et sur les réseaux sociaux.
27:20 A très vite pour de nouvelles discussions sur la tech.
27:22 [Musique]