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00:00 - On en reparle avec notre invité Jacques Neysi, politologue à l'Université des Antilles,
00:04 chercheur associé au Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe
00:08 et auteur de l'affaire Pétrocaribes en Haïti.
00:10 Merci beaucoup d'être avec nous sur France 24.
00:13 On savait que la situation était déjà extrême à Port-au-Prince en termes sécuritaires.
00:18 Pourquoi ce regain de violence cette semaine ?
00:21 Que se passe-t-il notamment autour du quartier de Solino, au sud de la capitale ?
00:26 - Oui, il y a trois explications qu'on peut avancer.
00:29 La première explication, on peut dire que c'est l'approche du 7 février 2024,
00:35 date à laquelle Ariel Henry s'est engagé à rendre le pouvoir au gouvernement civil
00:41 par l'organisation des élections.
00:43 Or, il n'a jamais réussi à mettre en place des structures de nature
00:48 à faciliter l'organisation des élections.
00:50 Il s'est plutôt taillé une réputation dans la Houbardise
00:54 et aussi dans la construction d'accords de Brick et de Brock
01:00 par des alliances compromettantes avec différentes forces politiques.
01:05 Alors, ce qui a facilité, ce qui explique l'escalade d'aujourd'hui,
01:09 c'est d'abord, comme vous l'avez déjà souligné dans le sujet,
01:12 c'est le retour de Guy Philippe, un ancien haut-gradé de la police et de l'armée
01:17 qui a participé à l'effondrement du régime de Jean-Bertrand à Haïti d'en 2004.
01:23 Il apparaît, malgré le fait qu'il ait été emprisonné aux États-Unis,
01:29 il apparaît comme étant une solution salvatrice
01:32 parce qu'il propose un chambardement général,
01:34 c'est-à-dire la rupture avec le régime politique actuel,
01:39 avec tout ce qu'il représente comme étant un régime prédateur,
01:43 un régime marqué par l'économie criminelle,
01:46 et aussi un régime méprisant, indifférent aux souffrances des populations haïtiennes,
01:50 parce qu'il faut le souligner, ces gangrés en maîtres, en toutes puissances,
01:55 sur la quasi-totalité de l'espace géographique urbain, péri-urbain de Paris-Auprès,
02:00 c'est comme ça a été souligné dans votre sujet,
02:02 et ils tuent, pillent, violent,
02:04 et les populations civiles sont aux abois, sont abandonnées à elles-mêmes.
02:09 Elles ne savent à quel sens ce vrai.
02:11 Et pour cette population, l'arrivée de Guy Philippe apparaît comme une solution de moindre mal,
02:17 c'est-à-dire que ces populations s'accrochent à la moindre solution,
02:21 à la moindre solution, ça leur apprise.
02:24 Quelles sont ses ambitions à Guy Philippe depuis son retour au pays ?
02:28 Il aspire à être président ?
02:31 Alors, il dit qu'il veut accompagner le peuple, la population, comme il dit,
02:36 en vue d'un chambardement général, de ce qu'il appelle une révolution.
02:40 Alors, il dit qu'il n'a pas l'intention de devenir président de la République,
02:45 mais il veut organiser cette révolution, donner, sonner le tocsin.
02:49 Or, on voit bien, il apparaît aujourd'hui comme un sauveur,
02:53 dans la mesure où personne avant lui n'a pu proposer de cette solution,
02:57 ou tout au moins n'a pu s'offrir en holocauste, entre guillemets,
03:01 comme étant un sacrifice,
03:03 et pour engager cette marche en avant de rupture avec les pratiques criminelles.
03:08 Parce que la population est aux abois, comme je l'ai souligné tout à l'heure,
03:12 et cette population, elle vit dans l'indifférence de ce gouvernement,
03:16 et ce gouvernement n'a tant qu'une solution,
03:19 l'arrivée des troupes kenyannes, du Kenya.
03:21 Or, on ne l'espère pas pour aujourd'hui,
03:25 puisque les dons ne sont pas encore réunis
03:29 pour faciliter l'intervention de cette troupe.
03:31 Et la troupe kenyanne, elle aura pour objectif de conforter ce pouvoir.
03:36 Et ce pouvoir, on peut dire quelque part,
03:38 tire aussi des avantages de cette intensification de la violence,
03:42 parce que ce qui l'intéresse, le pouvoir, c'est-à-dire incarné par le régime
03:46 parti Haïti-État-de-Calais depuis Jovenel Moïse,
03:49 ou bien depuis Martelly en passant par Jovenel Moïse,
03:52 puisque Harry Henry a été nommé par Jovenel Moïse,
03:54 donc il représente les intérêts de ces catégories politiques,
03:59 le PHTK, associés aussi à l'oligarchie, à des familles les plus riches,
04:04 et qui tirent aussi des avantages importants
04:07 de ce qu'on appelle l'économie criminelle,
04:09 c'est-à-dire une économie qui est caractérisée par le trafic de la drogue,
04:13 par également le trafic d'armes, des munitions,
04:15 et l'impunité totale des gangs qui sont en connivence
04:19 avec le gouvernement et d'autres forces politiques.
04:21 Merci infiniment Jacques Nézy pour votre éclairage aujourd'hui
04:24 sur la situation sécuritaire en Haïti,
04:26 sur laquelle évidemment on va revenir dans nos prochaines éditions.