• il y a 11 mois
État des glaciers, “des lanceurs d’alerte à protéger”... Un grand entretien consacré aujourd'hui à l'eau de notre planète, celle du présent et celle du futur, avec Jean-Baptiste Bosson, glaciologue, coordinateur du projet Ice&Life et Etienne Klein, physicien, philosophe des sciences.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end

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Transcription
00:00 Dans le grand entretien ce dimanche matin, la glace est la vie des glaciers et des hommes.
00:05 Le Mont Blanc, cette montagne magique, est-elle un château d'eau en sursis ? C'est la question
00:10 cruciale que pose la première édition des perspectives de Combloux dans les Alpes.
00:14 Des enjeux vitaux, économiques, on est en pleine saison de sport d'hiver, écologique
00:19 aussi évidemment, en pleine accélération du réchauffement climatique.
00:23 Vos questions, vos inquiétudes, vos espoirs aussi, chers auditeurs, ce que vous avez pu
00:28 constater en allant en montagne au 01.45.24.7000 ou sur l'application France Inter.
00:34 Et deux invités ce matin avec moi en studio, Etienne Klein et Jean-Baptiste Bosson.
00:39 Bonjour messieurs.
00:40 Bonjour.
00:41 Etienne Klein, vous êtes en vérité à distance puisque vous êtes en duplex depuis les perspectives
00:47 de Combloux dans les Alpes.
00:49 Physicien, philosophe des sciences, producteur de l'émission Culte, la conversation scientifique
00:54 sur France Culture.
00:55 Jean-Baptiste Bosson, vous êtes avec moi en studio, vous êtes glaciologue, chercheur
00:59 au Conservatoire d'Espace Naturel de Haute-Savoie, coordinateur du projet Ice and Life, la glace
01:06 et la vie.
01:07 Etienne Klein, première question, puisque vous êtes depuis Combloux où vous animez
01:11 la première édition de ces rencontres.
01:13 Le Mont Blanc, c'est une cathédrale, une montagne magique.
01:17 Pourquoi se demander si c'est un château d'eau en sursis ?
01:20 C'est une montagne magique en effet, mais elle change.
01:24 Moi je viens à Chamonix depuis pas mal d'années et comme tous ceux qui pratiquent la montagne,
01:29 on voit à quelle vitesse par exemple la mer de glace recule et ça pose la question de
01:34 savoir comment cette évolution va se poursuivre et quel est l'avenir de ces glaciers qui
01:41 constituent une grande réserve d'eau douce.
01:43 J'ai appris, je ne suis pas glaciologue, je ne suis pas climatologue, j'ai appris
01:47 que 70% de l'eau douce qui existe sur Terre est sous forme de glace.
01:52 Et l'histoire de ce grand colloque qui a lieu ce week-end à Combloux, c'est qu'il
01:59 y a quelques mois, au mois de mai, du 21 au 26 mai exactement, avec trois collègues
02:04 du CEA, Roland Lou, qui est astrophysicien, Gilles Ramstein qui est climatologue, Hervé
02:08 Bersegole qui est spécialiste de l'énergie et Sylveste Houé qui est journaliste, on
02:12 organisait un colloque à l'école de physique des Zouches, donc dans la vallée de Chamonix,
02:16 sur la question de savoir comment on peut avoir une approche scientifique des enjeux
02:19 sociétaux.
02:20 La question était de voir comment les décisions politiques sont prises en tenant compte ou
02:25 pas des connaissances scientifiques sur les sujets concernés.
02:28 Et dans la salle, il y avait Christian Jacquier et sa femme François Jacquier, lui est guide
02:33 d'Haute-Montagne, elle était élue à la mairie de Combloux et ils ont eu l'idée
02:38 d'organiser ce colloque sur la question générale de l'eau, notamment la question
02:42 de la fonte des glaces.
02:43 Et c'est passionnant justement, Etienne Klein, vous-même vous êtes alpiniste, ça
02:46 fait plus de 30 ans que vous affrontez la Haute-Montagne et que vous atteignez ce sommet
02:50 pour voir les paysages se transformer.
02:53 Mais Jean-Baptiste Bosson, vous en revenez justement des Alpes et vous revenez de Combloux,
02:59 le thème "le château d'eau en sursis" pour désigner le Mont Blanc, il est énoncé
03:03 avec un point d'interrogation.
03:05 Pourtant ça fait des années que vous lancez l'alarme, les glaciers sont en danger.
03:08 Oui, oui, les glaciers dans le monde entier sont en danger.
03:12 2023 est l'année de tous les records à l'échelle mondiale et évidemment la conséquence
03:18 des masses de neige et de glace sur Terre.
03:19 Les grands glaciers sont largement en train de fonder sur Terre et donc dans le Mont Blanc,
03:24 les vitesses sont très rapides.
03:25 En 2022, on a explosé tous les records de fonte.
03:29 Les bilans de masse, on ne s'attendait pas à avoir des chiffres aussi forts en tant
03:35 glaciologue.
03:36 Donc ça s'accélère et on pourrait enlever une grande partie du point d'interrogation
03:41 dans les Alpes.
03:42 On sait qu'une grande partie des masses de glace vont disparaître dans les Alpes.
03:44 Par contre, le point d'interrogation est colossal au niveau mondial.
03:48 Et nous, on montre très bien, on a publié cet été dans Nature, des modélisations
03:52 de...
03:53 Le magazine Nature qui fait autorité en matière scientifique.
03:55 Exactement.
03:56 Une modélisation future du destin des glaciers dans le monde avec des collègues suisses
04:01 et français.
04:02 Et on montre très bien que si on arrive à piquer la carte Paris avec toute la difficulté
04:05 qu'on connaît, la fenêtre qui se referme et l'engagement colossal que ça demanderait,
04:10 on pourrait vraiment sauver encore d'immenses masses de glace sur Terre.
04:13 Et c'est fondamental de le dire.
04:15 Et à l'inverse, si on ne fait pas grand-chose, si on va vers des scénarios de forte émission,
04:18 on peut perdre en surface sur les 210 000 glaciers de la planète.
04:22 Or les deux calottes glaciaires, or les deux calottes du Groenland et de l'Antarctique,
04:25 on peut perdre la moitié d'ici 2100 des surfaces glaciaires.
04:28 Il faut juste préciser pour nos auditeurs, parce qu'on a tous en tête les accords de
04:31 Paris, ce degré virgule 5 qu'il ne faudrait surtout pas dépasser ou atteindre.
04:36 La température, elle monte deux fois plus vite en montagne que dans les plaines.
04:40 Voilà, quand on dit que le monde s'est réchauffé de 1,1 degré en moyenne depuis 1900, c'est
04:46 que les moyennes mondiales et notamment au-dessus des océans où il y a eu beaucoup plus forte
04:50 énergie thermique.
04:51 En montagne, ça va deux fois plus vite.
04:53 Les Alpes, c'est 2,3, quelque chose de 2,4 comme ça.
04:55 Et pour les glaciers, c'est faible entre guillemets température.
05:02 Pour nous, 1 degré dans la pièce, 2 degrés, ça ne voudrait pas dire grand-chose, on ne
05:05 le ressentirait pas.
05:06 Pour les glaciers alpins, nous on vient de mesurer ça avec les collègues dans le projet
05:09 Ice and Life, c'est à peu près 70%, ce 1 degré global depuis 1900 à peu près, c'est
05:15 à peu près 70% de la surface glaciaire alpine, des Alpes françaises, qui a déjà fondu.
05:20 Donc regardez l'hypersensibilité des glaciers en France.
05:25 Etienne Klein, je le disais, vous êtes alpiniste.
05:28 Vous partagez hier sur vos réseaux des photos de l'aiguille vert du sommet des Grandes
05:33 Jorasses.
05:34 On sait l'importance de l'approche scientifique et on sait à quel point vous êtes un excellent
05:38 pédagogue.
05:39 Mais qu'est-ce que racontent ces images de paysages ? C'est pour montrer à quel point
05:44 ils se transforment et alerter les consciences ?
05:48 Il s'agit d'alerter évidemment, mais aussi d'expliquer.
05:51 C'est-à-dire que moi je suis un militant de la vulgarisation scientifique et j'essaie
05:59 d'en faire le bilan.
06:00 Et je vois bien que ce bilan n'est pas très très bon.
06:03 C'est-à-dire qu'il y a beaucoup d'efforts qui sont faits de la part des chercheurs pour
06:06 expliquer ce qu'ils savent, mais en fait la vulgarisation, et vous me pardonnerez le
06:11 truisme, n'intéresse que ceux qui s'intéressent à la vulgarisation.
06:15 Et je pense qu'on ne peut pas parler de ces questions simplement en émettant des injonctions.
06:21 Il faut, comme le fait Jean-Baptiste Bosson qu'on vient d'entendre, ou bien d'autres
06:25 ici qui sont présents à Combloux, qui prennent le temps d'expliquer ce qu'ils savent,
06:31 pour montrer que ça ne relève pas d'arguments d'autorité, mais que ce sont des résultats
06:35 obtenus par des chercheurs qui travaillent beaucoup, qui appliquent des méthodes très
06:39 sophistiquées et dont les conclusions ne peuvent pas être balayées d'un revers de
06:43 main.
06:44 Et justement, c'est assez frappant de voir qu'il faut mieux connaître nos glaciers.
06:49 C'est absolument indispensable.
06:50 Pour tout simplement comprendre ce grand thème du réchauffement climatique et lui
06:54 donner un visage concret, Jean-Baptiste Bosson, vous dites que les glaciers sont des écosystèmes
06:59 clés de voûte.
07:00 Clés de voûte comme dans une cathédrale.
07:02 Alors qu'est-ce que ça veut dire ? Et comment est-ce que vous l'expliquez ? Les glaciers,
07:06 ça représente 10% de la surface émergée sur Terre.
07:10 Voilà.
07:11 En fait, clés de voûte, en écologie, il y a des espèces ou des écosystèmes clés
07:15 de voûte qui ont une importance fonctionnelle qui est disproportionnée.
07:18 Qu'est-ce que ça veut dire ? Les abeilles par exemple, on dit souvent que c'est une
07:20 espèce clé de voûte et les gens comprennent bien que sans les abeilles, on a de la peine
07:23 à polliniser une bonne partie de la planète et que leur impact écologique est fonctionnel
07:28 sur Terre, il est colossal.
07:29 Pour les glaciers, c'est pareil.
07:31 Ils recouvrent d'immenses surfaces de blanc, ils remboient énormément du rayonnement
07:36 solaire, ils produisent de l'air frais, ils produisent de l'eau fraîche qui conditionnent
07:40 le climat global.
07:41 La Terre a déjà existé sans glaciers pour des raisons naturelles, mais la Terre avec
07:44 des grands glaciers depuis 2,6 millions d'années sur Terre, c'est une Terre qui est "tempérée"
07:51 mais qui a permis à notamment à notre espèce ou en tout cas à la biodiversité telle
07:54 qu'on la connaît de prospérer sur Terre récemment.
07:59 Les glaciers, ils stockent avec les deux calottes continentales l'équivalent de 66
08:03 mètres marins.
08:04 D'ailleurs, si tout fond, le niveau moyen des océans sur Terre augmente de 66 mètres.
08:12 Donc tout le monde peut prendre toutes les cartes mentales qu'il a.
08:15 Donc vous comprenez les seuils du 1,5 degré à ne pas dépasser ou de 2 degrés, c'est
08:19 qu'on a peur qu'au-delà de ces seuils, par exemple la calotte du Groenland, fonde
08:24 de manière irréversible.
08:25 Et si tout fond, comme je dis, à la fin vous prenez toutes les cartes du monde que vous
08:28 connaissez, quasiment tous les traits de côte, toute la distribution entre les océans et
08:33 les continents changent.
08:34 Et dernière chose fondamentale, je pense qu'on peut dire, les glaciers, ils ont l'immense
08:38 intérêt de stocker de la neige puis de la glace dans les moments froids ou dans les
08:42 moments humides.
08:43 Et puis en été, quand il fait chaud et sec, ils redistribuent de l'eau à l'aval.
08:46 Dans la vallée du Rhône, en France, c'est une quinzaine de millions d'habitants qui
08:50 vivent dans la plaine du Rhône, en partie grâce aux glaciers.
08:54 Mais on pourrait prendre le même exemple pour le Pakistan et l'Indus par exemple,
08:56 et c'est 200 millions d'habitants.
08:57 Les gens ont de l'eau potable toute l'année grâce aux glaciers, peuvent irriguer et donc
09:02 manger, peuvent faire de l'hydroélectricité.
09:04 Aujourd'hui, on refroidit les centrales nucléaires.
09:06 On comprend l'intérêt géostratégique des glaciers.
09:08 Moi, je dis souvent ça, on ne se rend pas compte, mais chaque vie de chaque sapiens
09:13 est totalement liée aux glaciers.
09:14 - De chaque sapien, c'est-à-dire de nos vies.
09:17 Ça fait 250 000 ans, nous avons toujours vécu avec de grands glaciers sur Terre, on
09:22 ne sait pas vivre sans les glaciers.
09:24 - En tout cas, on n'a pas ça dans notre ADN.
09:25 On est là depuis 250 000 ans en tant qu'espèce.
09:28 On n'a jamais connu une Terre sans les grands glaciers.
09:30 Et là, le curseur qu'on est en train de dépasser sur le climat, ou qu'on est en train
09:33 peut-être de pousser tellement fort, on va vers une Terre avec une taille des glaciers
09:38 qui est plus petite qu'on n'a jamais connue, bientôt nos aïeux.
09:44 - Avant d'aller au Standard, retrouvez les auditeurs d'Inter, il y a cette année internationale
09:50 de la préservation des glaciers.
09:51 Ce sera en 2025, ça a été décidé et voté par l'ONU.
09:55 On a envie de vous demander, mais bon, 2025, pourquoi attendre puisque l'urgence est si
10:00 forte ? Etienne Klein.
10:01 - Ce qu'on raconte, c'est que tous les exposés des scientifiques qui sont présents proposent
10:08 des constats qui sont glaçants, si j'ose dire.
10:11 Ce ne sont que des mauvaises nouvelles.
10:12 Et puis les perspectives qui sont dressées sont elles aussi toutes inquiétantes.
10:19 Ce qui intéresse, c'est ce constat étant établi, qu'est-ce qu'on fait ? Dans la salle,
10:25 il y a des politiques, il y a des gens qui viennent s'informer, qui viennent discuter.
10:29 Et on voit bien que la question n'est pas simple.
10:31 En fait, la science, ça produit des connaissances, des connaissances scientifiques qui ont une
10:35 objectivité particulière, mais ça produit aussi de l'incertitude au sens où la science
10:40 ne nous dit pas ce que nous devons faire des résultats qu'elle permet d'obtenir.
10:44 Et ça, ça doit être l'objet de discussions, d'un sort de débat démocratique, si j'ose
10:49 dire, qu'on a beaucoup de mal à enclencher et qui, ici à Combloux, essaie de se réaliser
10:56 pour la première fois.
10:57 - Merci de faire ce travail-là.
10:58 On va revenir sur cette année internationale des glaciers avec vous, Jean-Baptiste Bosson,
11:02 mais au standard.
11:03 Bonjour Frédéric !
11:04 - Oui, bonjour à tous, bonjour à nos invités.
11:07 - Merci de nous appeler.
11:08 Alors, non pas des Alpes, mais des belles Pyrénées de Pau ?
11:12 - Absolument, qui sont moyennement enneigées.
11:15 Alors, je voulais demander à nos invités si ce n'est pas la gravité même du problème
11:20 et sa possible aggravation compte tenu de l'inertie du système qui nous empêche de
11:26 l'appréhender sereinement et de l'affronter correctement malgré la lucidité d'une
11:31 humaine énergisante.
11:32 - Merci Frédéric !
11:34 - Votre réponse Jean-Baptiste Bosson ?
11:36 - Je pense que la lucidité chez les scientifiques, on essaie de la garder et l'urgence, elle
11:41 pousse à des fois à avoir des messages un peu plus véhéments.
11:45 Mais non, je pense que la lucidité, elle est là.
11:48 Nous, ce qu'on essaie de mettre sur la table, vraiment, c'est des solutions, notamment
11:51 dans le projet Ice and Life.
11:53 Deux choses, si on veut sauver les glaciers, on doit sauver, comme je dis, c'est pour
11:56 la vivabilité de la planète et puis pour les conditions d'existence de sapiens sur
11:59 la planète, je crois que c'est fondamental.
12:01 Si on veut les sauver, ça se joue sur le climat et ça se joue au niveau global.
12:05 Mais pour ce faire, les glaciers sont nos meilleurs alliés pour un, comprendre et deux,
12:09 catalyser une réaction collective.
12:10 Un bon exemple de ça, c'est la Suisse.
12:12 Moi, je suis moitié suisse.
12:13 En Suisse, il y a trois ans, on a dû voter une loi CO2 pour respecter l'accord de Paris.
12:17 Le peuple a voté Suisse parce que le monde économique a fait très peur, comme d'habitude.
12:20 Grâce aux glaciers, on a lancé une initiative pour les glaciers.
12:24 Et là, la question n'était pas oui, voulez-vous, oui ou non, limiter les émissions de CO2,
12:28 mais voulez-vous, oui ou non, sauver les glaciers de la Suisse ?
12:30 Et là, le peuple a voté oui.
12:31 Donc, c'est grâce aux glaciers en Suisse qu'on applique l'accord de Paris.
12:33 Et juste en parallèle, le miroir de ça et qu'on développe dans Ice and Life, et sur
12:39 lequel l'État français vient de s'engager dans la stratégie nationale biodiversité
12:43 3, c'est la protection in situ des glaciers.
12:46 Ça veut dire respecter ces zones, ça veut dire essayer de ne pas les détruire.
12:50 - Pour sauvegarder la nature, stopper l'effondrement.
12:52 - Voilà.
12:53 Mais déjà, c'est de ne pas mettre de pelleteux sur les glaciers ou d'explosifs comme certaines
12:58 compagnies minières ou domaines.
12:59 Ce qui a peut-être pour nous contribué encore un peu plus à les détruire plus vite via
13:03 des dégradations directes.
13:04 Et en fait, ce faisant, on montre aussi tout l'intérêt de préserver ces zones.
13:08 Et malheureusement, à défaut de glaciers, parce qu'il faut sauver les glaciers, c'est
13:11 la chose numéro un, mais à défaut de glaciers, il va y avoir plein de nouveaux écosystèmes
13:14 qui vont se former, des rivières, des lacs, des forêts, des zones de pelouses qui sont
13:19 fondamentales demain pour séquestrer du carbone, pour servir de refuge et sanctuaire pour la
13:25 biodiversité et aussi pour le cycle de l'eau.
13:26 Donc protéger ces zones, c'est un coup gagnant pour aujourd'hui et évidemment pour les générations
13:30 futures aussi.
13:31 - Jean-Baptiste Bosson, Etienne Klein, on retourne au Standard Inter.
13:34 Bonjour Angelo.
13:35 - Bonjour France Inter.
13:37 - Merci de participer à la matinale.
13:39 Vous avez une question pour nos invités.
13:40 - Oui, une question qui est assez vaste.
13:43 Je voulais savoir comment vous ne vous sentiez pas qu'après l'écologie, il y a eu un grand
13:50 mouvement.
13:51 Là, tout doucement, on est en train de renier finalement en se disant que l'homme finira
13:55 de toute façon par trouver une solution.
13:58 Ça concerne les glaciers mais ça concerne le reste aussi.
14:00 J'en veux pour voir par exemple en France, le ministère de l'écologie, il a rétrogradé
14:05 dans les ordres de priorité.
14:07 Et je trouve ça hallucinant.
14:10 Il y a beaucoup de signes qui nous sont envoyés.
14:12 Un président qui dit "comment pouvait-on prévoir".
14:15 Je suis un vieux maintenant, j'ai 63 balais.
14:18 J'ai lu un jour un livre qui s'appelait "Opération de survie".
14:22 C'était préfacé par Arun Tazieff et Cousteau.
14:25 Il y avait déjà tout dedans.
14:27 Il y avait le club de Rome à l'époque.
14:28 Et tout ce dont vous parlez, il figurait.
14:31 C'était dans les années 70.
14:33 - Et le rapport Médos de 1972.
14:35 Merci Angelo pour votre question.
14:37 Mais c'est vrai qu'il y a eu cette période d'alerte.
14:40 Est-ce qu'il n'y a pas un risque de ras-le-bol, voire de retour en arrière ? Etienne Klein
14:45 puis Jean-Baptiste Bosson.
14:46 Etienne Klein.
14:47 - Il y a deux choses.
14:48 On a parlé tout à l'heure, c'était la question d'auditeurs précédents, d'urgence.
14:52 En fait il y a urgence, mais il faut interroger ce terme.
14:55 Parce qu'en fait, ce que disent les climatologues aujourd'hui, c'est à peu près ce qu'ils
14:57 disaient il y a 40 ans.
14:58 Et en fait, on a développé toutes sortes de stratagèmes intellectuels pour ne pas
15:03 croire ce qu'ils disaient.
15:04 Et tout d'un coup, on réagit.
15:06 Et on réagit peut-être un peu tard.
15:08 Et en plus, on a compris que ce qui va se passer dans les décennies qui viennent, disons
15:12 dans les trois décennies qui viennent, est déjà joué par les activités humaines du
15:15 passé.
15:16 Et donc nos actions vertueuses n'auront d'effet positif que dans quelques décennies.
15:21 Et ça, d'un point de vue politique, j'imagine que c'est difficile à gérer.
15:24 Comment demander aux gens de changer de mode de vie, alors même qu'ils ne verront pas,
15:31 assez rapidement en tout cas, les effets positifs de leur "sacrifice" ?
15:34 Et ça, c'est un exercice assez inédit, qui d'un point de vue politique, est à la
15:39 fois difficile et sans doute passionnant.
15:42 - Et il est absolument passionnant.
15:44 Ce qui est intéressant, c'est qu'on a de nombreux auditeurs qui vous interpellent,
15:48 Etienne Klein et Jean-Baptiste Bosson, sur le ski notamment.
15:52 Puisqu'on est en pleine saison hivernale, qu'il a neigé.
15:55 Il y a Lionel qui vous dit qu'il était à Avoria cet été et qu'il y a constaté qu'une
16:00 des réponses à la fonte des glaces et au réchauffement, c'était l'installation illimitée
16:04 de canons à neige.
16:06 Qu'est-ce que ça vous inspire ? Puisque c'est une question véritablement d'actualité
16:10 dans de très très nombreuses stations, Jean-Baptiste Bosson.
16:13 - Moi, je travaille dans la protection de la nature.
16:16 Donc vous imaginez que je...
16:18 En fait, l'humanité est dans une situation très critique parce qu'on a poursé un peu
16:24 trop, beaucoup trop loin les curseurs de l'artificialisation du sol, du cycle de l'eau.
16:29 - Mais il y a des enjeux économiques là.
16:32 - Oui, mais en fait, les enjeux économiques, il faut aussi bien comprendre que la situation
16:37 critique de la planète sur la biodiversité, sur le climat, sur le cycle de l'eau, ce n'est
16:43 pas quelque chose de trivial.
16:44 Se joue là l'avenir des conditions de vivabilité de la planète.
16:47 Ce n'est pas quelque chose qu'on peut balayer comme ça en disant...
16:49 Et donc, si les conditions économiques d'aujourd'hui mettent en péril la capacité à vivre des
16:55 générations futures, et on parle de sapiens, mais aussi du vivant en général, je pense
17:00 qu'il faut quand même questionner les activités économiques.
17:04 On ne peut pas continuer coûte que coûte à faire quelque chose qu'on sait qui auto-détruit
17:09 la situation globale de la planète.
17:11 - Alors Etienne Klein, quel est votre regard sur cette question, puisque vous aimez la
17:14 montagne, vous aimez le ski, vous savez que c'est une activité qui est indispensable
17:19 à de nombreux écosystèmes, alors au sens économique pour le coup, que ça fait vivre
17:25 des régions entières.
17:26 - Alors, je précise que je suis alpiniste, mais très mauvais skieur.
17:30 Mais ici, ça a été débattu hier après-midi.
17:32 Courbleau, par exemple, c'est un village qui vit essentiellement du tourisme, tourisme
17:36 qui est lié à la montagne et notamment au ski.
17:38 Et la question se pose justement, faisant ce constat, celui que rapportent les glaciologues,
17:44 comment est-ce que la région doit s'adapter ? Et des gens hier proposaient que la région
17:51 s'adapte ou invente de nouvelles pratiques qui la libèrent de cette contrainte économique
17:58 qui vient du fait qu'ici, il y a la possibilité de faire du ski.
18:01 Donc la notion de ski artificiel, moi évidemment, comme Jean-Baptiste Bosson a l'instant dit,
18:07 ça me choque.
18:09 Mais il faut quand même penser à la reconversion au moins partielle des gens qui ici vivent
18:15 du ski.
18:16 - Jean-Baptiste Bosson ?
18:17 - Juste un complément à ça.
18:18 Moi j'ai grandi dans les stations de ski, je suis un enfant des montagnes et je ne suis
18:23 pas pour arrêter le modèle, juste que les choses soient claires.
18:25 Je suis juste pour dire quand il y a de la neige, il faut skier et quand il y a moins
18:28 de neige, il faut faire autre chose.
18:30 En fait, on a besoin de plus...
18:32 La meilleure solution face aux défis sans précédent de la période actuelle de l'anthropocène
18:36 ou des grands défis colossaux du climat, du cycle de l'eau, de la nature, c'est plus
18:41 de nature.
18:42 Y compris pour l'économie.
18:43 Plus de nature fonctionnelle sur Terre.
18:46 Donc c'est pas plus de technologie.
18:48 Comment on artificialise toujours plus le cycle de l'eau ? Comment on utilise toujours
18:52 plus d'énergie et ce faisant se rend toujours plus vulnérable ? Comment à partir de maintenant,
18:56 la meilleure solution c'est baser sur la nature, une nature en bonne santé fonctionnelle
19:01 et ce faisant, on aura beaucoup moins de problèmes.
19:02 Et on a de nombreux témoignages d'auditeurs, notamment de Véronique qui parle de son expérience
19:07 de montagnard justement, chez vous en Suisse, sur le plus grand glacier d'Europe où on
19:13 ne pouvait plus aller en ski de randonnée.
19:16 Et puis il y a, malgré votre discours, des actualités bouleversantes ou en tout cas
19:21 sidérantes.
19:22 On découvre par exemple qu'une start-up danoise qui est installée au Groenland s'est
19:27 lancée dans la récolte de la glace des fjords pour l'expédier, et tenez-vous bien par cargo,
19:32 aux Émirats Arabes Unis.
19:34 Une glace qui va servir à rafraîchir les cocktails dans les bars de Dubaï.
19:40 Qu'est-ce que ça vous inspire messieurs ? Est-ce que c'est anecdotique, dérisoire
19:44 ou franchement scandaleux ? Etienne Klein ?
19:46 - J'ai lu ça dans la presse comme vous et j'ai cru à un canular en fait.
19:50 - Oui, moi aussi.
19:51 - Et ben, elle s'en est pas.
19:52 - Non, ça n'a pas rien, la start-up existe d'elle et bien.
19:55 - Donc quand une information qui ressemble à un canular n'est pas un canular, c'est
19:59 qu'elle est le signe qu'on est un peu dans un régime de folie.
20:03 - Jean-Baptiste Bosson, on est dans un régime de folie.
20:07 Il y a les seuils qui sont franchis, il y a les situations où on ne reviendra plus en
20:14 arrière.
20:15 Vous, vous travaillez également sur ces écosystèmes qu'on appelle post-glacière.
20:20 C'est-à-dire, après que les glaciers ont fondu, il y a de la végétation qui pousse
20:26 et c'est extrêmement précieux pour la biodiversité.
20:29 Ça donne même parfois naissance à de petites forêts.
20:32 Expliquez-nous l'importance de ces écosystèmes-là qui sont assez méconnus.
20:37 - Oui, donc déjà la première chose c'est que rien ne remplace les glaciers d'un point
20:40 de vue fonctionnel là où ils sont.
20:42 Donc là, il faut essayer de les sauver coûte que coûte via le climat global, via l'atténuation
20:45 du climat.
20:46 Mais on montre que tout ce qui naît du retrait glaciaire, en fait, sont en train de naître
20:50 beaucoup d'immenses écosystèmes pionniers primaires en écologie.
20:55 C'est-à-dire qui n'ont pas été dégradés par l'homme.
20:56 Mais ça, c'est très, très, très, très rare sur Terre en 2024.
20:59 Et qui, si on les laisse évoluer librement, si on les préserve, d'où l'intérêt de
21:05 protéger ces zones.
21:06 En fait, comme je disais, ils vont séquestrer du carbone, ils vont servir de refuge pour
21:09 le vivant et aussi pour le cycle de l'eau.
21:11 Demain, c'est de nouvelles zones humides, de nouveaux lacs et on a de l'eau dans les
21:13 territoires.
21:14 Et donc, juste un mot là-dessus, on a modélisé le futur de ces grands écosystèmes dans
21:18 Nature cet été.
21:19 Qu'est-ce qui va apparaître du retrait glaciaire d'ici la fin du siècle ? Si on
21:22 arrive à appliquer l'accord de Paris, donc ça demande un grand engagement, c'est quand
21:26 même la taille du Népal qui apparaît d'ici 2100, de nouveaux écosystèmes.
21:30 Et si on n'applique pas l'accord de Paris, c'est la taille de la Finlande.
21:32 Donc, c'est plus que 350 000 km².
21:34 C'est gigantesque.
21:35 C'est absolument considérable.
21:37 Une dernière question et de très nombreux auditeurs vous la posent et ils m'en voudront
21:41 de ne pas m'en faire le relais, d'un mot Etienne Klein, les JO d'hiver de 2030, est-ce
21:46 que la France doit les organiser ?
21:48 Il y a deux questions.
21:50 Est-ce qu'il faut organiser des JO d'hiver ? Alors, si la réponse est non, on la fait
21:53 régler.
21:54 Si la réponse est oui, il vaut mieux les organiser là où il y a de la neige.
21:57 Par exemple, ici dans les Alpes, plutôt que de les construire artificiellement dans des
22:01 endroits où l'enneigement n'est pas garanti.
22:03 Merci infiniment à tous les deux.
22:06 Merci Etienne Klein d'avoir été en duplex avec nous.
22:08 Merci Jean-Baptiste Bosson, c'était très clair.
22:10 Je vous souhaite une bonne journée et de bonnes rencontres.
22:14 À Comble ou à suivre sur Inter, la revue de presse.

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