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La Secrétaire générale de la CGT répond aux questions du Grand Jury et réagit en exclusivité pour RTL au nouveau gouvernement formé par Gabriel Attal.
Regardez Le Grand Jury du 14 janvier 2024 avec Olivier Bost.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 [Musique]
00:13 Le Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
00:16 Bonjour à tous et bienvenue dans ce Grand Jury en direct sur RTL et à regarder sur Paris 1ère.
00:23 Sophie Binet, bonjour.
00:24 Bonjour.
00:25 Vous êtes secrétaire générale de la CGT, vous êtes invitée par le Premier ministre Gabriel Attal la semaine prochaine à Matignon.
00:33 Alors qu'attendez-vous de ce nouveau gouvernement ?
00:36 Les ministres du Travail, de l'Éducation ou de la Culture provoquent déjà quelques remous, on va en parler.
00:41 Et puis alors que le chômage repart à la hausse, que les salaires peinent à suivre l'inflation, que se loger est très difficile,
00:49 quelles sont les priorités de la CGT après l'échec de votre mobilisation l'année dernière contre la réforme des retraites ?
00:56 Bienvenue dans ce Grand Jury, Sophie Binet.
00:59 À mes côtés pour vous interroger, Pauline Buisson de la rédaction de M6 et Loris Boischaud du Figaro.
01:06 Bonjour.
01:07 Et une première question donc sur le nouveau Premier ministre, Loris Boischaud.
01:10 Sophie Binet, depuis près d'une semaine, Gabriel Attal essaye d'imprimer sa marque à Matignon et répondre à ceux qu'il accuse de manquer d'expérience pour gouverner la France.
01:22 À 34 ans, il a tenté de faire valoir ses priorités, travail, éducation, sécurité également, services publics, il les a cités.
01:31 Est-ce que vous lui faites confiance dans sa nouvelle mission ?
01:34 Écoutez, nous on attend des actes en fait. Le quinquennat d'Emmanuel Macron est un naufrage social, économique et moral.
01:41 Il faut un changement de cap avec ce nouveau gouvernement.
01:44 Et donc quand je vais rencontrer Gabriel Attal, je vais lui poser un certain nombre de questions concrètes.
01:50 Pardonnez-moi, mais naufrage économique, vous n'y allez pas un petit peu fort ?
01:54 C'est pas le quinquennat qui a permis de créer des emplois, a permis de relancer également l'économie ?
02:00 Alors, je veux bien parler de la balance commerciale française qui n'a jamais été aussi déséquilibrée,
02:05 avec des importations qui atteignent un niveau record et notre industrie qui n'exporte plus.
02:10 Et puis là, les défaillances d'entreprises se multiplient et augmentent de 30% par rapport à l'année dernière.
02:15 Donc oui, il y a bien un naufrage économique.
02:18 On nous a imposé des réformes sociales violentes, la réforme de l'assurance chômage, les ordonnances travail qui ont fait reculer les droits des salariés au travail et les droits des représentants du personnel.
02:28 Cette réforme des retraites qui nous a volé deux ans de vie, tout ça pourquoi ?
02:31 Pour un naufrage économique, je le maintiens, avec une balance commerciale déficitaire et des défaillances d'entreprises qui se multiplient.
02:38 Cette année, c'est 55 000 entreprises qui sont en train de fermer.
02:42 - Loris Boîchaud. - Vous attendez donc des garanties de Gabriel Attal.
02:45 Quand est-ce que vous allez le rencontrer ? Il a indiqué qu'il allait recevoir les forces vives de la nation.
02:51 Est-ce que vous avez des nouvelles de lui ?
02:54 Non, alors pour l'instant, on n'a pas encore de créneau. J'imagine que ça va être dans les prochains jours.
02:59 Et donc le premier dossier que je mettrai sur la pile, c'est évidemment la question des salaires.
03:03 Puisqu'en France, le problème qu'on a, c'est que les dividendes explosent.
03:07 Ils n'ont jamais atteint un niveau aussi élevé.
03:10 En 20 ans, les dividendes ont augmenté 10 fois plus vite que l'inflation.
03:14 Ils avaient déjà un niveau record l'année dernière. Là, on a encore plus 20 % cette année.
03:18 Et par contre, on a des salaires qui décrochent, avec, pour de plus en plus de salariés, une impossibilité à boucler les fins de mois, à remplir son frigo, à payer son loyer.
03:27 Aujourd'hui, le problème, c'est que la France est en train de devenir un pays de rentier.
03:31 On ne vit plus de son travail en France.
03:33 Et donc, il faut que le gouvernement cesse de se mettre au service des puissants, au service des plus riches, au service des grandes entreprises,
03:39 mais se mette réellement au service du monde du travail.
03:42 Nous avons des propositions concrètes. La première, c'est d'indexer les salaires sur l'inflation.
03:46 Et puis, la deuxième, bien sûr, c'est de taxer les dividendes et de conditionner les 200 milliards d'aides aux entreprises,
03:52 qui sont consenties chaque année par l'État. C'est un tiers du budget de l'État, quand même, de mettre des conditions et des contreparties.
03:57 On reviendra sur la question des salaires, mais comment vous interprétez cette invitation de Gabriel Attal ?
04:02 C'est normal, en fait. Un Premier ministre arrive, c'est assez logique qu'il reçoive les organisations syndicales et le patronat.
04:09 Il devait recevoir le MEDEF, c'est ça, jeudi, en premier. Quel signal ça vous évoque ?
04:14 Oui, c'était assez particulier, cette journée de jeudi, très brouillonne, avec des annonces qui sortaient dans la presse avant qu'on ait été nous-mêmes informés.
04:23 Donc, effectivement, il faudrait que le Premier ministre comprenne que, d'abord, il faut communiquer directement avec nous avant de communiquer avec la presse.
04:29 Et puis, c'était aussi assez baroque d'avoir une annonce que le MEDEF serait reçu jeudi, avant même la composition du gouvernement.
04:37 C'était assez étrange. Je le dis ici, si l'objectif de Gabriel Attal, c'est d'abord de renouer les fils de l'échange, du dialogue avec le MEDEF,
04:46 pour nous, ça sera un mauvais signal. Ce qu'il faut, c'est renouer avec le monde du travail.
04:50 Aujourd'hui, la rupture, le problème, il est avec le monde du travail. Il faut que le gouvernement envoie un signal aux salariés, au monde du travail.
04:57 Est-ce qu'il y avait un besoin ou une volonté de la part de Gabriel Attal de se réconcilier avec ce qu'on appelle les corps intermédiaires, et notamment vous, c'est-à-dire les syndicats ?
05:06 Est-ce que vous ressentez cette envie ou ce besoin ?
05:09 Je ne sais pas, je ne l'ai pas encore rencontré. Le besoin, oui, il est réel, puisque dans les impasses du gouvernement et du quinquennat d'Emmanuel Macron,
05:17 il y a évidemment une impasse démocratique avec une multiplicité de passages en force, sur la réforme des retraites bien sûr,
05:22 mais on a eu le bras de fer sur l'Agir Carco, qui a été particulièrement violent et scandaleux, avec un gouvernement qui a pris la mauvaise habitude
05:31 de se servir dans les caisses des salariés pour financer sa politique et de piétiner les accords signés par les acteurs sociaux.
05:38 Donc ça fait partie des questions que nous poserons au Premier ministre. Quel respect de la démocratie sociale va porter ce nouveau gouvernement ?
05:46 Tout ne doit pas se décider à l'Elysée.
05:48 Sophie Binet, il y a les rencontres avec les syndicats bien sûr, il y a aussi le grand oral de Gabriel Attal devant les parlementaires.
05:53 C'est son discours de politique générale qui est attendu. Elisabeth Borne ne s'était pas exposée à un vote de confiance après sa nomination.
06:01 Est-ce que vous, vous demandez au nouveau Premier ministre de prendre le risque d'un vote de confiance ?
06:06 Je rappelle qu'en cas d'échec, son gouvernement devrait démissionner.
06:09 Il me semble que c'est la base d'un point de vue démocratique, effectivement, d'avoir un gouvernement qui se soumette à un vote de confiance.
06:14 Même en majorité relative avec le risque que cela représente ?
06:17 Eh bien oui, et justement il faut qu'il y ait une déclaration de politique générale qui soit adaptée à cette situation avec une méthode adaptée.
06:24 Là, aujourd'hui, l'impasse est complète. Nous l'avions annoncé, puisque nous avions dit qu'Emmanuel Macron paierait son passage en force sur les retraites très cher,
06:32 qu'il le paierait cash, si je puis me permettre. Et aujourd'hui on en voit le résultat. Il n'a plus de majorité, ni dans le pays, ni à l'Assemblée nationale.
06:38 Il ne peut plus gouverner. Il le reconnaît lui-même, puisque Emmanuel Macron a annoncé que maintenant il ne ferait quasiment plus de loi.
06:45 Et pour cause, il n'a plus de majorité pour faire passer ses lois. Donc on voit bien que l'impasse est complète.
06:50 Et ce n'est pas en continuant une fuite en avant avec des passages en force qu'on va pouvoir régler ce problème-là. Ce qu'il faut, c'est un choc démocratique.
06:56 Il y a des fois où Emmanuel Macron trouve une majorité, et il l'a trouvé dernièrement avec la droite et avec le Rassemblement national.
07:03 Au prix d'un naufrage moral, et c'est le deuxième sujet que je vais aborder avec Gabriel Attal, en lui disant que si le changement de gouvernement,
07:12 c'est seulement un changement de visage pour continuer ce naufrage économique, social et moral, ce n'est pas la peine.
07:18 Et donc il faut qu'il envoie un signal immédiat sur la question de la loi Asile-Immigration, en demandant au Président de la République,
07:26 comme nous le faisons, de ne pas promulguer cette loi. Nous appelons l'ensemble des Françaises et des Français à manifester le 21 janvier prochain.
07:33 Sur le site 21janvier.fr, il y a toutes les manifestations, tous les rassemblements qui vont être annoncés.
07:37 C'est très important parce que cette loi déshonore la France. C'est une violence en France, pour celles et ceux qui habitent en France,
07:43 mais c'est aussi notre image à l'international qui se joue là. C'est quand même un paradoxe, alors qu'on va accueillir les Jeux Olympiques,
07:50 et donc que le monde va avoir les yeux rivés sur Paris, que dans le même temps, le message que le gouvernement français envoie,
07:55 c'est "on ne veut plus d'étrangers en France", et on se referme, et on rompt avec nos principes républicains.
08:00 Vous parlez d'isolement à l'étranger, vis-à-vis de l'étranger, mais si on regarde au niveau européen, sur cette question de l'immigration,
08:06 nos voisins sont aussi durs, voire plus durs que nous, notamment dans les obligations de quitter le territoire.
08:13 Il y a plus d'étrangers expulsés dans pas mal de nos voisins, chez pas mal de nos voisins,
08:19 donc c'est pas tout à fait... Vous renvoyez une image de dureté de la France, qui n'est pas celle qu'on voit dans les pays...
08:26 Alors, d'abord, il faut regarder tous les chiffres. Et donc, quand on regarde tous les chiffres, on voit que la France n'est pas le pays européen,
08:34 qui accueille le plus de réfugiés et le plus d'immigrés, d'une façon générale, mais notamment de réfugiés au titre du droit d'asile.
08:41 On est un pays qui est assez restrictif, contrairement à ce qu'on raconte. Et puis ensuite, oui, il y a eu d'autres réformes régressives
08:47 dans d'autres pays européens, où on a repris, comme on le fait en France malheureusement, les doctrines, les thèses de l'extrême droite.
08:53 Le résultat, ça a été quoi ? C'est que les électeurs préfèrent toujours l'original à la copie. Et donc, c'est les Pays-Bas,
08:59 pays qui étaient vantés pour son modèle de fermeté sur l'immigration, etc. Les électeurs ont tranché. Ils ont mis directement
09:05 l'extrême droite au pouvoir. Et donc, c'est ça qui est grave avec cette politique-là. C'est profondément mensonger. C'est faire comme si
09:11 l'immigration, c'était un coût pour notre pays, alors que c'est une richesse. Je rappelle qu'en Ile-de-France, c'est 25% des emplois
09:17 qui sont occupés par des étrangers. L'économie ne pourrait pas tourner sans des étrangers. Et en plus, le problème, c'est que ça déroule,
09:24 le tapis rouge à l'extrême droite, en faisant tomber toutes les digues. C'est grave ici, mais c'est pour ça qu'il faut renoncer à promulguer
09:31 cette loi. Dans 10 jours, c'est le Conseil constitutionnel qui va se prononcer sur cette loi. Qu'est-ce que vous espérez ? Que la loi soit détricotée
09:37 par le Conseil constitutionnel ? Et à ce moment-là, vous crierez victoire ? Oui, il faut bien sûr que le Conseil constitutionnel joue son rôle.
09:44 Il y a un certain nombre de dispositions que nous pensons non constitutionnelles. Donc, j'espère que la loi sera largement censurée.
09:50 Après, le Conseil constitutionnel, c'est une instance juridique, ce n'est pas une instance politique. Et donc, dans cette loi, il y a des problèmes juridiques
09:57 parce qu'elle est en rupture complète avec les principes qui fondent notre République, à savoir le droit du sol et l'universalité de la protection sociale,
10:05 puisque la loi instaure la préférence nationale en rupture avec l'héritage du Conseil national de la résistance. Mais il y a aussi des problèmes politiques
10:13 dans cette loi qui, je le crains, ne seront pas tous réglés par le Conseil constitutionnel. Et donc, c'est pour ça que nous appelons au retrait de la loi,
10:21 nous appelons le gouvernement à prendre ses responsabilités. On a une solution toute simple. Le seul problème aujourd'hui qu'il y a à régler en matière d'immigration,
10:29 c'est l'accès à des titres de séjour pour celles et ceux qui travaillent en France. Ça, il suffit d'intégrer cette disposition-là dans une prochaine réforme
10:37 du droit du travail qui est prévue au printemps. – Mais elle est prévue dans la loi. Il y a des dispositions pour faciliter les régularisations.
10:44 – Oui, sauf que ces dispositions sont extrêmement limitatives. – Le principe jusque-là, c'était que quelqu'un qui était en situation irrégulière
10:54 et qui voulait effectivement obtenir un titre de séjour, devait passer par son employeur. Ce principe-là est retiré. J'imagine que c'est une satisfaction pour vous, non ?
11:01 – Sauf qu'en fait, c'est seulement dans les métiers en tension, avec des définitions très discutables et surtout très variables. Qu'est-ce qui se passe si du jour au lendemain,
11:08 votre métier n'est plus en tension ? Ça veut dire que vous n'avez plus de titre de séjour. Ensuite, sur la procédure, c'est les pleins pouvoirs au préfet.
11:14 C'est l'arbitraire total. On le voit aujourd'hui. La CGT a lancé une grande grève des travailleurs et des travailleuses sans-papiers en Ile-de-France avec 500 grévistes.
11:22 Donc, c'était mi-octobre. Au bout de trois jours de grève, ils ont tous obtenu les attestations de leurs employeurs prouvant que ça fait des années
11:29 qu'ils travaillent en France. Ces 500 travailleurs et travailleuses ne sont toujours pas régularisés parce que les préfets ne jouent pas le jeu.
11:34 Donc il faut des dispositions d'ordre public pour dire que quand on travaille en France, on est régularisé. Pourquoi c'est important ? Parce que sinon,
11:42 ça organise le dumping social. Ces travailleurs et ces travailleuses, quand ils n'ont pas de papier, ils ne peuvent pas faire respecter leurs droits par rapport
11:48 aux patrons pour les heures supplémentaires, pour être déclarés, pour avoir un métier qui ne soit pas trop dangereux. Ils sont très exposés à tous les risques.
11:56 Et ça tire les droits de tous les salariés vers le bas. C'est pour ça que c'est un enjeu central pour la CGT. C'est que c'est important pour tous les salariés.
12:02 Vous évoquiez le durcissement des conditions pour que les étrangers accèdent à certaines aides sociales. C'est effectivement ce qui est prévu dans la loi.
12:12 Mais c'est une mesure qui reste plébiscitée par plus de 70 % des Français. C'est ce que révélait un sondage Odoxa Backbone Consulting pour le Figaro.
12:19 Est-ce que rejeter cette mesure comme vous le faites, ce n'est pas prendre le risque d'apparaître en décalage avec la demande de fermeté d'une partie de l'opinion ?
12:27 Écoutez, moi ce que je note d'abord, c'est que les mêmes qui nous prennent ça comme argument l'ont balayé pendant la mobilisation contre la réforme des retraites
12:34 qui recueillait l'unanimité contre elle. Donc je vois que c'est quand même à géométrie variable. Et ensuite, le problème de la conditionnalité des aides,
12:44 c'est qu'on commence par certains publics et puis après on élargit sans fin. On travaille, on cotise et donc on a le droit à un certain nombre de droits,
12:54 d'ailleurs qui ne sont pas des aides mais qui sont des droits, notamment les allocations familiales qui sont financées par notre travail.
12:59 Exclure des personnes parce qu'elles seraient étrangères, c'est en contradiction avec les principes qui fondent la sécurité sociale.
13:06 Et donc c'est pour ça que cette mesure scandaleuse de préférence nationale, elle doit être retirée.
13:10 Contre cette loi immigration, vous appelez à la désobéissance civile. Qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce que ça recouvre exactement ?
13:16 Eh bien, ça veut dire que pour nous, la solidarité ne peut pas être un délit et qu'il faut, on organise un certain nombre de salariés, de travailleuses et de travailleurs
13:26 qui si jamais cette loi était promulguée, ce que je n'espère pas. D'abord, le combat, c'est pour que la loi ne soit pas promulguée.
13:33 Mais ces salariés-là, s'ils sont tenus de dénoncer des personnes sans titre de séjour, de leur couper les aides sociales, etc.,
13:44 on va s'organiser avec eux pour les protéger, pour qu'ils puissent garantir les principes républicains et leur éthique professionnelle.
13:51 On se souvient que pour la réforme des retraites, vous êtes mobilisés un certain nombre de jours. Il y a eu des millions de personnes dans les rues.
13:58 Et la réforme des retraites s'applique aujourd'hui. Est-ce que vous n'avez finalement pas un certain goût, je dirais, pour les combats perdus ?
14:07 Les seuls combats qu'on perd, c'est ceux qu'on ne mène pas. C'est un des principes à la CGT.
14:12 Ensuite, le fait que cette réforme des retraites soit passée, c'est une anomalie démocratique, une anomalie européenne.
14:18 Il n'y a aucun autre pays, enfin très peu de pays européens où ça aurait pu être le cas. Et puis, aujourd'hui, Emmanuel Macron le paye cash.
14:24 Les autres pays européens ont largement réformé le projet de retraite.
14:28 Oui, sauf qu'ils n'ont pas réformé leur retraite sans avoir de vote de leur assemblée et avec des mobilisations aussi massives contre ça.
14:35 Tous nos homologues syndicaux européens nous l'ont dit. Ils nous regardent avec des soucoupes quand on leur parle de la situation.
14:40 Malgré tout, est-ce que ce n'est pas difficile de mobiliser quand vous avez effectivement ce précédent de la réforme de retraite ? Malgré votre mobilisation, ça n'a pas l'air facile.
14:47 Non, la stratégie du patronat et du gouvernement, c'est de démobiliser, d'installer le fatalisme dans les têtes.
14:53 C'est très grave parce qu'en fait, c'est sur la désespérance sociale que progresse l'extrême droite.
14:58 C'est pour ça que nous avons exhorté le président de la République de nous entendre et d'entendre la mobilisation sur la réforme des retraites.
15:06 Et qu'en passant en force, encore une fois, il contribue à dérouler un tapis rouge à l'extrême droite.
15:10 Mais ce que je veux dire ici, c'est que chaque jour, nous avons des exemples de mobilisation de salariés qui gagnent.
15:16 Par exemple, en décembre, les salariés d'Honnête, donc une entreprise de propreté des ouvrières qui nettoie les bureaux notamment, ont fait grève.
15:26 Et elles ont arraché des augmentations de salaire. Et ça, j'ai des dizaines d'exemples de ce type-là.
15:30 Aujourd'hui, les salaires baissent, sauf quand les salariés de ce syndic s'organisent et font grève pour faire entendre leurs revendications.
15:38 Et nous appelons à ce que ce soit le cas dans toutes les entreprises.
15:40 Vous parliez de l'extrême droite. La question n'est pas de savoir si nous allons arriver au pouvoir, mais quand, dit Jordan Bardella ce dimanche dans le JDD.
15:48 Plus on se rapproche du pouvoir, plus on s'y prépare, dit aussi le patron du Rassemblement national.
15:53 Est-ce que l'arrivée au pouvoir de Marine Le Pen vous semble inéluctable ?
15:57 Non, le pire n'est jamais certain, y compris notre histoire le montre.
16:02 En février 1934, il y a eu une tentative de prise de pouvoir de l'extrême droite.
16:06 C'est ce qui s'était passé en Allemagne peu de temps avant, en 1933.
16:11 Et c'est grâce à la mobilisation de la CGT, notamment, qui le 12 février 1934 avait appelé à de grandes grèves,
16:16 que ça ne s'est pas produit et qu'au contraire, on a eu le Front populaire en France.
16:20 Rien n'est jamais écrit d'avance, même si malheureusement, à cause de la politique scandaleuse du gouvernement,
16:26 les digues sautent une à une et que nous sommes très inquiets,
16:29 puisque effectivement, ce qui jusque-là était impossible, l'est aujourd'hui,
16:34 étant donné qu'on est dans une faillite morale complète.
16:38 Est-ce que vous êtes aussi ferme que votre prédécesseur, Philippe Martinez,
16:42 qui disait "une adhésion au Rassemblement national vaut une exclusion immédiate de la CGT" ?
16:47 Oui, tout à fait. Dès qu'il y a des syndiqués ou des responsables de la CGT
16:52 qui affichent des orientations au Rassemblement national, effectivement, il y a des mesures qui sont prises.
16:56 Est-ce que ça veut dire beaucoup de départ, ça ?
16:59 Non, à ce stade, non. D'ailleurs, depuis que je suis arrivée, je n'ai pas eu ce type de cas à gérer.
17:04 Alors, on va revenir sur le nouveau gouvernement et parmi les premières polémiques, il y a celle sur l'éducation.
17:11 Amélie Oudéa Castera, la nouvelle ministre de l'Éducation nationale, a justifié son choix
17:15 de mettre ses enfants dans une école privée.
17:18 "On en a eu marre des paquets d'heures de cours qui n'étaient pas sérieusement remplacées", a-t-elle dit.
17:23 Et elle a ensuite voulu éteindre la polémique en promettant aux enseignants du public d'être toujours à leur côté.
17:29 Comment avez-vous pris ces déclarations ?
17:33 Ce sont des déclarations d'une grande violence en direction des enseignants
17:37 qui se sentent stigmatisés, comme s'ils étaient absents tout le temps.
17:40 En fait, quand on regarde les chiffres, ils sont clairs.
17:42 Les enseignants sont beaucoup moins absents que la moyenne des salariés du privé.
17:46 Donc, d'abord, c'est complètement caricatural.
17:48 15 millions d'heures perdues tout de même chaque année, et à peine 15% des absences remplacées.
17:53 Est-ce qu'il y a un sujet pour vous tout de même ?
17:55 Ah oui, il y a un problème. C'est l'austérité dans l'éducation nationale.
17:58 Le fait qu'on ne recrute plus assez d'enseignants.
18:01 Le fait que les carrières ne sont plus assez attractives.
18:03 Donc, il y a beaucoup de jeunes qui ne se tournent plus vers ces métiers.
18:06 Et pour cause, parce que c'est tellement mal payé.
18:08 Et donc, ça, c'est le premier sujet qui est sur le bureau de la ministre de l'Éducation nationale.
18:12 Vous avez commencé par relativiser ces absences, en disant "c'est pas si important".
18:16 En fait, le problème, ce que je veux dire par là, c'est que ces propos ont été vécus comme très stigmatisants pour les enseignants.
18:22 Comme s'ils passaient leur temps à rien faire et à ne pas assurer leurs cours.
18:25 Donc, ils ne sont pas plus absents, et d'ailleurs, ils sont moins absents que les salariés du privé.
18:28 Par contre, le problème, c'est que ces absences ne sont pas remplacées parce qu'il n'y a pas assez d'enseignants.
18:32 Et ça, c'est la responsabilité du gouvernement auquel appartient Amélie Oudéa Castera depuis de longues années.
18:38 Donc, c'est quand même se moquer du monde que de reprocher ça à l'éducation nationale,
18:41 alors que c'est leur politique qui organise l'austérité.
18:44 - Est-ce que c'est seulement une question de moyens ? Vous parlez d'austérité.
18:46 Ou bien, est-ce qu'il y a une question de gestion des ressources humaines ?
18:48 - Non, c'est d'abord un problème de moyens, puisque quand on fait le tour des académies,
18:52 on voit qu'il manque des postes d'enseignants, qu'on est obligé de recourir massivement à des enseignants contractuels
18:58 qui n'ont pas le concours, ont un statut au rabais, et donc, ont moins la possibilité d'avoir un travail qualitatif.
19:04 Puis en plus, ils sont payés au lance-pierre et risquent de ne pas être conduits d'année en année.
19:08 Donc, oui, il y a un problème de moyens.
19:11 Mais au-delà de ces propos qui sont catastrophiques, en fait, il y a un problème de fond.
19:16 C'est que, depuis 150 ans, l'école publique, c'est une bataille.
19:21 C'est une bataille parce que c'est la bataille de la laïcité, c'est la bataille de la gratuité, c'est la bataille de la mixité sociale.
19:27 Et avec ces propos désinvoltes, en fait, la ministre de l'éducation nationale,
19:31 elle a balayé tout cet héritage et tout ce combat qu'elle devrait porter comme ministre,
19:36 en banalisant le fait de mettre ses enfants dans le privé.
19:39 Ça veut dire que vous doutez de sa volonté de mener ce combat ?
19:42 Avec des propos comme ça, c'est sûr que ça interroge.
19:45 Et donc, il y a besoin d'avoir une clarification, ce d'autant qu'aujourd'hui, on est sur un grave retour en arrière.
19:50 L'enseignement privé n'a jamais été aussi important en France depuis de longues années.
19:54 La ségrégation sociale n'a jamais été aussi importante.
19:57 De plus en plus, on a les parents qui en ont les moyens, scolarisent leurs enfants dans le privé
20:03 pour ne plus qu'ils se mélangent avec les autres enfants.
20:06 On a un problème de mixité sociale en France.
20:08 Si je vous pose une autre question, est-ce que le fait que la ministre de l'éducation nationale ait ses enfants dans le privé
20:14 est à vos yeux un problème ou pas ?
20:15 Ah bah oui, bien sûr !
20:17 Forcément, on doit être exemplaire quand on est dirigeant politique.
20:22 Donc tout ministre de l'éducation nationale doit avoir ses enfants dans le public,
20:25 ce n'est pas une question de choix individuel selon vous ?
20:28 Non, surtout, en plus, quand c'est les mêmes ministres qui nous font des leçons sur la laïcité,
20:32 je rappelle que le problème de l'enseignement privé, c'est deux choses.
20:36 Ça n'est pas laïque, c'est un enseignement religieux.
20:38 Et ensuite, ce sont des écoles dans lesquelles on ne se mélange pas,
20:41 où il faut payer et être sélectionné pour y accéder.
20:44 Et donc, ce ne sont pas des écoles de la République.
20:46 Oui, donc effectivement, bien sûr que tout ministre de l'éducation nationale devrait scolariser ses enfants dans le public.
20:50 Elles sont en contrat avec l'éducation nationale, elles respectent le programme.
20:53 Oui, mais ce sont des écoles religieuses.
20:56 En l'occurrence Stanislas, c'est une école catholique.
21:00 Et donc, je vois quand même qu'il y a une laïcité à géométrie variable et des indignations à géométrie variable.
21:05 Vous, vous êtes contre cette forme de liberté, qui est une liberté individuelle,
21:09 de vouloir placer ses enfants où on veut.
21:12 Et pour vous, ça ne relève pas de l'avis privé pour une ministre ?
21:15 De fait, quand on est ministre, on a des obligations d'exemplarité.
21:19 Et derrière, c'est quoi la crédibilité de la ministre de dire aux enseignants
21:24 qu'elle va défendre l'enseignement public si elle, elle ne le fait même pas pour ses enfants ?
21:28 C'est ça le souci.
21:29 Les enseignants dans le privé sont sous contrat de l'éducation nationale.
21:33 Oui, sauf que c'est ce que je disais tout à l'heure.
21:36 Le ministère de l'éducation nationale, ce n'est pas n'importe quel ministère.
21:39 C'est un ministère de combat pour défendre l'école de la République,
21:43 une école laïque, publique, ouverte à tous.
21:46 Donc, ce n'est pas juste on s'occupe des enseignants du privé,
21:49 des écoles privées comme des écoles publiques.
21:52 On est là pour favoriser l'école publique parce que c'est le creuset républicain.
21:56 C'est là où on étudie ensemble et où on fait société ensemble.
22:00 Donc, accepter juste comme c'est un choix individuel et le dépolitiser, c'est grave.
22:05 Vous vous excluez à titre purement personnel, pour le coup, un jour, de mettre vos enfants dans le privé ?
22:10 Ah oui, je ferai toujours en sorte de scolariser mes enfants dans le public.
22:16 Et sur les remplacements, mettre un prof devant chaque élève,
22:19 c'était le cap qui était fixé par Gabriel Attal, encore ministre de l'éducation nationale à ce moment-là.
22:24 On sait que cette promesse n'a pas été tenue à la rentrée.
22:27 Est-ce que vous pensez qu'Amélie Woudea Castera peut tenir cet objectif ?
22:32 Celui de toutes les heures perdues, remplacées.
22:35 Elle le doit et donc elle doit s'en donner les moyens.
22:37 Ça veut dire un investissement budgétaire conséquent
22:40 et ça veut dire aussi des revalorisations salariales conséquentes pour les enseignants.
22:44 Et justement, si on regarde depuis 2017, pour le coup, le budget de l'éducation nationale a très fortement augmenté,
22:50 notamment pour des augmentations de salaires.
22:54 Est-ce que finalement c'est une question de budget ?
22:57 Oui, c'est une question de budget parce que ces augmentations salariales sont à relativiser
23:02 du fait de l'énorme inflation qu'on a vécue et donc elles ont été quasiment totalement absorbées par l'inflation.
23:07 Et puis la deuxième chose, c'est qu'on part de très très bas avec des enseignants français
23:11 qui sont parmi les moins bien payés de l'OCDE.
23:13 Plus largement, comment est-ce qu'on peut enrayer la baisse du niveau des élèves ?
23:17 Un certain nombre de propositions et de projets sont en cours,
23:21 notamment regrouper les élèves en fonction de leur niveau au collège,
23:24 conditionner l'entrée au lycée à la réussite à l'examen du brevet.
23:28 Au-delà des questions salariales, de conditions de vie des enseignants,
23:31 est-ce que sur ces mesures d'organisation de la vie au collège et pour arriver au lycée,
23:36 est-ce que vous soutenez ces mesures ?
23:38 En fait, pour améliorer le niveau des élèves, il faudrait commencer par écouter les chercheurs
23:44 en sciences de l'éducation et s'inspirer des exemples étrangers dans les pays qui réussissent bien.
23:49 Et en fait, les pays qui réussissent bien font tout l'inverse de la réforme que Gabriel Attal a commencé à mettre en place.
23:55 C'est-à-dire qu'ils développent la mixité sociale, ils encouragent l'individualisation de l'enseignement
24:02 et ils ne renforcent pas le caractère sélectif de l'enseignement.
24:06 On sait qu'en France, on a une école qui met sous pression ses élèves et ses enseignants.
24:11 Et avec ces annonces-là, ça ne fait que le renforcer et accentuer la relégation d'un certain nombre d'élèves
24:18 qui, dès le collège, seraient mis sous le banc de touche et enfermés dans des classes stigmatisantes.
24:24 Donc c'est tout l'inverse de ça qu'il faut faire.
24:26 La première mesure simple à faire, ce serait de renforcer considérablement la formation des enseignantes et des enseignants
24:33 et leur accompagnement à la pédagogie.
24:35 Avant de revenir sur pas mal de dossiers qui concernent la CGT dans la seconde partie de ce Grand Jury,
24:41 un mot sur celle qui sera votre principale interlocutrice, Catherine Vautrin,
24:45 ministre du Travail et de la Santé et des Solidarités.
24:49 Quelle a été votre réaction à sa nomination ? Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
24:54 Elle est peu connue dans le monde du travail.
24:57 Évidemment, ses prises de position passées nous inquiètent
25:01 parce que la question des droits des LGBT, c'est aussi important au travail.
25:05 Il y a des discriminations très importantes pour les personnes LGBT au travail.
25:08 Elle s'était opposée au mariage pour tous et depuis a fait amende honorable en disant que c'était une erreur.
25:12 On attendra des actes sur ces questions-là parce qu'aujourd'hui,
25:16 les personnes LGBT sont discriminées au travail et la ministre du Travail doit agir sur ces questions-là.
25:22 Et puis surtout, on attend un changement de cap radical par rapport à celui du précédent ministre du Travail.
25:28 La première chose, c'est la réforme de l'assurance du chômage
25:31 qui a considérablement baissé les droits des personnes privées d'emploi.
25:35 Le gouvernement nous l'avait vendu en nous disant qu'il y a de moins en moins de chômeurs,
25:39 ça va mieux d'un point de vue économique, donc on baisse les droits des chômeurs.
25:43 Aujourd'hui, c'est l'inverse. On voit que le chômage repart à la hausse.
25:46 Donc, il n'y a plus aucune raison de baisser les droits des personnes privées d'emploi.
25:49 Or, le gouvernement continue à faire des économies sur le dos des personnes privées d'emploi.
25:53 C'est plus de 60% des personnes qui sont inscrites à Pôle emploi qui n'ont plus d'indemnités.
25:59 Donc, il faut changer de braquet de ce point de vue-là.
26:02 Ensuite, le deuxième sujet très concret, c'est qu'il y a aujourd'hui au travail une grave épidémie.
26:07 La France est championne d'Europe en matière de mortalité au travail et d'accidents du travail.
26:12 C'est chaque jour trois ouvriers qui meurent au travail.
26:14 Il faut mettre en place une politique concrète de lutte.
26:17 Le fait de cumuler le travail et la santé, vous en pensez quoi ?
26:21 C'est le double titre de la ministre.
26:23 Oui, nous sommes très inquiets.
26:25 Pourquoi ?
26:26 Parce que la santé est en crise.
26:30 Ça fait des années que les soignantes et les soignants appellent à l'aide.
26:34 Là, c'est plus s'il ne se passe rien, ça va mal finir.
26:37 C'est on y est déjà avec des soignantes et des soignants qui nous disent dans plein d'endroits
26:41 les chances de vie ne sont plus les mêmes.
26:44 Et le manque de moyens fait qu'on est obligé de mal soigner avec des patients qui perdent des chances de vie
26:50 et qui ne peuvent plus se faire soigner.
26:52 Et donc, le fait de ne plus avoir de ministre de la santé, c'est très grave.
26:55 Une nouvelle vague de nomination est attendue dans une dizaine de jours.
26:59 Vous aurez sans doute les forts problèmes que vous ayez un ministre délégué chargé du travail.
27:05 C'est la moindre des choses.
27:07 C'est la moindre des choses, mais ce n'est pas la même chose d'avoir un ministre délégué ou un ministre de plein exercice.
27:12 Le ministère de la santé, c'est un ministère qui est extrêmement important.
27:15 En fait, le problème dans la composition de ce gouvernement, c'est que sur toutes les priorités des Françaises et des Français,
27:20 il n'y a plus de ministre.
27:21 Il n'y a plus de ministre de la santé.
27:23 Le ministre de l'Éducation nationale est noyé dans un grand ministère des Sports.
27:26 Il n'y a plus de ministre de l'Industrie.
27:28 Il n'y a plus de ministre du Logement alors qu'on est dans la plus grave crise du logement.
27:31 Il n'y a plus de ministre de la Transition environnementale.
27:34 Donc là, on ne voit pas bien comment on va réagir.
27:37 On va reparler de la composition de ce nouveau gouvernement et notamment du ministère de la Culture.
27:43 Autre sujet de réaction.
27:45 A tout de suite pour la seconde partie de ce Grand Jury.
27:47 [Musique]
27:57 Suite du Grand Jury, présenté par Olivier Bost.
28:00 Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, est notre invitée ce dimanche.
28:05 La composition du nouveau gouvernement par Emmanuel Macron a réservé quelques surprises.
28:10 Pauline Buisson.
28:11 Oui, Sophie Binet.
28:12 La nomination de la nouvelle ministre de la Culture, Rachida Dati, a fait réagir.
28:17 On connaît son parcours proche de Nicolas Sarkozy, ancienne garde des Sceaux.
28:22 Quelle a été votre réaction quand vous l'avez appris ?
28:25 J'ai été surprise qu'une personne mise en examen puisse être nommée ministre.
28:30 Parce que quand on est ministre, il y a un devoir d'exemplarité et que c'est problématique.
28:35 Jusque là, la doctrine, c'était quand même que les ministres mis en examen démissionnent.
28:39 Emmanuel Macron a enterré cette doctrine. De là à nommer des personnes mises en examen ministre,
28:44 c'est très problématique en termes d'exemplarité.
28:46 Gabriel Attal a mis en avant la présomption d'innocence.
28:48 Il a été immédiatement interrogé sur ce sujet le soir de la nomination de Rachida Dati.
28:52 Oui, bien sûr. Mais je pense que quand on est mis en examen,
28:54 on doit pouvoir concentrer tout son temps et toute son énergie à assurer sa défense.
28:58 Après, j'ai écouté avec intérêt les premières déclarations de Madame Dati.
29:02 Elle a mis en avant sa capacité à mener des combats.
29:06 Et je pense que quand on est ministre de la Culture, oui, on doit mener des combats,
29:10 notamment sur la question de l'austérité.
29:12 Et donc, elle est attendue au tournant par le secteur de la culture.
29:16 Je pense que son premier déplacement doit se faire à Beaubourg,
29:19 où les salariés sont en grève depuis plusieurs mois, avec une grève qui s'intensifie,
29:24 face à l'annonce de la fermeture pour travaux de Beaubourg.
29:27 Ils n'ont toujours pas de réponse de la direction sur le maintien de l'activité,
29:32 les perspectives de transformation du musée, etc.
29:34 Et donc, il faut que la ministre de la Culture aille immédiatement rencontrer les personnels de Beaubourg.
29:39 Ce matin, je reviens sur sa nomination dans les colonnes du Parisien.
29:42 Elle dit "je montre à une partie de la France que tout est possible".
29:45 Elle voit dans les commentaires sur sa nomination du mépris de classe.
29:48 Est-ce que c'est aussi l'analyse que vous faites ?
29:50 Je n'ai pas suivi tous les commentaires à sa nomination.
29:53 Certains ont dit qu'elle n'avait jamais eu de livre, ou se sont en tout cas interrogés.
29:57 Oui, ses commentaires sont scandaleux, ça c'est clair.
29:59 Moi, ce qui m'interroge, c'est plutôt autre chose, c'est son parcours judiciaire, disons.
30:03 Mais je pense que comme ministre de la Culture, elle doit envoyer tout de suite des signaux sur le fond.
30:10 J'ai parlé de la question de Beaubourg.
30:12 Il y a la question de l'audiovisuel public qui est en grande difficulté financière du fait des réformes du gouvernement.
30:19 Et puis le spectacle vivant qui est en difficulté du fait de l'austérité imposée aux collectivités territoriales.
30:25 Il faut que la ministre de la Culture pose des actes très forts en disant que la culture, ça n'est pas un coût,
30:31 c'est indispensable pour le vivre ensemble de notre société.
30:35 L'audiovisuel public voit son budget augmenter, si je peux me permettre au passage.
30:39 Mais sur les intermittents, Rachida Detti a envoyé...
30:43 C'est RTL qui le dit, je sens que la concurrence joue sur ce plateau.
30:47 Mais l'audiovisuel public, le problème c'est que son mode de financement qui lui garantissait une sécurisation de son financement
30:53 a été remis en cause avec la suppression de la taxe qui allait financer l'audiovisuel public.
30:58 Mais les budgets n'ont pas baissé pour autant.
30:59 Le problème il est là parce que du coup le financement est fragilisé.
31:02 La CGT est un syndicat fort chez les intermittents.
31:05 Rachida Detti, est-ce qu'elle vous a rassurée lorsqu'elle dit dans Le Parisien ce matin
31:09 "Sans les intermittents, tout un pan de la culture française n'existerait plus.
31:13 L'exception culturelle française tient aussi en ses intermittents."
31:16 C'est important qu'elle fasse cette déclaration-là, effectivement,
31:19 parce que le statut des intermittents c'est un combat permanent.
31:22 On sait que certains au gouvernement ou au niveau du patronat veulent y mettre fin
31:28 et que chaque année il y a des tentatives pour y mettre fin
31:31 alors que ce statut est indispensable pour le rayonnement culturel du pays.
31:35 Hors de question pour vous d'y toucher.
31:36 Ah oui, hors de question.
31:37 Ça c'est une ligne rouge absolue, je pense que tout le monde le sait,
31:40 donc je le martèle ici, s'ils ont envie d'avoir un grand mouvement social
31:43 qu'ils touchent au statut des intermittents.
31:44 Tous les régimes chômage notamment ont été touchés,
31:49 mais celui-là ne devra jamais jamais être revu.
31:52 Mais en fait c'est surtout le droit des autres privés d'emploi.
31:56 Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est un énorme problème qu'on ait imposé
31:59 ces deux réformes violentes aux personnes privées d'emploi
32:02 qui sont aujourd'hui de plus en plus précaires et fragilisées
32:05 avec des contrôles incessants et bien souvent plus d'allocations pour vivre.
32:09 On a une pauvreté qui explose en France
32:11 et donc il faut revoir ces réformes et rétablir des droits pour l'ensemble des privés d'emploi.
32:16 Ce n'est pas normal que 60% des personnes inscrites à Pôle emploi
32:19 n'aient plus d'allocations chômage.
32:20 Alors autre régime, celui des fonctionnaires.
32:22 Le gouvernement veut mettre en place en début d'année
32:24 le principe d'une rémunération au mérite pour les fonctionnaires.
32:28 On sait que c'est un sujet sensible.
32:30 Est-ce que vous êtes prêts à l'étudier ou pas ?
32:33 Non, parce que l'individualisation de la rémunération
32:36 c'est un facteur qui augmente les inégalités entre les femmes et les hommes.
32:42 Parce que dès lors qu'on sort d'un cadre collectif la définition de la rémunération...
32:47 Ça peut être le moyen de motiver les gens aussi.
32:50 Oui, les fonctionnaires sont déjà très motivés.
32:52 Il y a un problème de motivation ou en tout cas de sens aujourd'hui
32:55 pour un certain nombre de fonctionnaires.
32:56 Est-ce que ce n'est pas un moyen d'améliorer les choses ?
32:58 Non, pas du tout.
32:59 Les fonctionnaires sont déjà très motivés
33:00 et c'est grâce à ça que nos services publics fonctionnent encore.
33:03 Et je veux saluer ici leur engagement.
33:05 On sait que dans nos hôpitaux, par exemple,
33:07 si les soignantes et les soignants chaque jour n'en faisaient pas
33:10 beaucoup plus que ce qu'ils et elles devraient faire,
33:12 les hôpitaux ne tourneraient plus.
33:14 Donc expliquer qu'il faut les rémunérer au mérite pour les motiver,
33:17 c'est pareil dans les écoles et dans l'ensemble des services publics,
33:19 c'est encore une gifle au visage de tous ces fonctionnaires
33:22 grâce à qui le pays tourne et qu'on était bien contents d'avoir pendant le Covid.
33:25 Ce qu'il faut, c'est revaloriser et reconnaître les qualifications
33:28 puisqu'on a un problème d'attractivité de la fonction publique
33:31 avec des salariés qui sont extrêmement qualifiés
33:34 et dont les diplômes ne sont pas reconnus.
33:36 Donc l'attractivité, ça ne passe pas par le fait
33:38 qu'on puisse reconnaître des compétences
33:41 par des augmentations de salaires différenciées ?
33:44 Non, justement, puisque ça, ça doit être des augmentations de salaires
33:46 basées sur la reconnaissance de la qualification.
33:48 Pourquoi est-ce que je disais que c'est discriminant pour les femmes ?
33:51 En fait, il y a plus d'inégalités entre les femmes et les hommes
33:54 dans le privé que dans le public, parce que dans le privé,
33:57 il y a moins de grilles salariales et de progression de carrière collective.
34:00 Donc on sait que l'individualisation de la rémunération,
34:03 ça creuse les inégalités entre les femmes et les hommes, c'est très inégalitaire.
34:06 Sur la propos du gouvernement,
34:09 gouvernement resserré autour du Premier ministre,
34:12 7 hommes, 7 femmes, paritaires mais pas vraiment égalitaires
34:17 puisque les principaux postes régaliens, comme on dit,
34:22 sont occupés par des hommes. Est-ce que ça, ça vous préoccupe ?
34:25 Oui, c'est un problème. C'est un problème.
34:28 Là, c'est un signal très négatif qui est envoyé aux femmes,
34:31 de la même manière que le positionnement du chef de l'État
34:35 sur Gérard Depardieu était très violent pour les femmes.
34:39 Donc on voit que la grande cause nationale, elle est bien loin.
34:42 Est-ce que vous diriez qu'Emmanuel Macron est en décalage avec son époque
34:45 sur ces questions d'égalité femmes-hommes ?
34:48 Oui, de plus en plus, on voit que son électorat se resserre sur des retraités,
34:52 et donc qu'il parle aux personnes les plus âgées dans la société.
34:56 Il est en décalage avec les aspirations des jeunes,
34:58 avec le changement de conscience,
35:00 le fait que c'est beaucoup progressé ces questions dans la société,
35:03 c'est très positif, mais le problème, c'est que ça ne suit pas
35:06 d'un point de vue législatif et dans les entreprises.
35:09 En matière de violences sexistes et sexuelles, par exemple,
35:11 il n'y a toujours aucune disposition pour imposer aux entreprises
35:15 d'avoir des plans de prévention.
35:17 On a 80% des entreprises qui n'ont pas de prévention
35:19 en matière de violences sexistes et sexuelles.
35:21 Vous êtes en train de dire que les personnes âgées
35:23 ne sont pas sensibilisées à la question des femmes,
35:25 des conditions des femmes, des violences contre les femmes ?
35:27 Elles sont sensibilisées, mais...
35:30 C'est générationnel pour vous ?
35:33 Il y a quand même des éléments générationnels, oui, je pense que c'est sûr.
35:38 Après, les personnes âgées sont sensibles aux questions d'égalité
35:41 entre les femmes et les hommes et elles trouvent que ce n'est pas normal
35:43 qu'il y ait des inégalités.
35:45 En fait, personne, en France aujourd'hui, très majoritairement,
35:48 c'est d'ailleurs la première revendication du monde du travail
35:51 retraitée comme salariée, c'est le fait de supprimer
35:54 les inégalités de salaire.
35:56 Et le problème, c'est que comme le gouvernement ne veut rien imposer
35:59 de contraignant au patron, il ne met pas de sanctions
36:02 pour les entreprises qui discriminent.
36:04 Alors, quand on regarde le gouvernement tel qu'il a été présenté,
36:07 on voit que l'énergie, qui est un portefeuille stratégique,
36:10 revient dans le giron du ministère de l'Economie.
36:15 Certaines associations de lutte pour la protection de l'environnement
36:18 le regrettent, elles parlent d'un retour en arrière,
36:20 elles disent qu'il sera plus difficile de mettre en oeuvre
36:23 des politiques de sortie des énergies fossiles,
36:26 ce que dément le gouvernement. Qu'est-ce que vous en pensez ?
36:28 C'est un problème d'aborder les enjeux énergétiques
36:31 sous le prisme budgétaire.
36:33 Les enjeux énergétiques doivent être abordés
36:35 sous le prisme de la transformation environnementale.
36:38 Là, on n'a plus de ministre sur la transformation environnementale.
36:41 Je rappelle que l'année 2023 n'a jamais été aussi chaude.
36:45 Il y a toujours un ministre à la transition écologique.
36:47 Oui, mais qui n'a plus dans son périmètre les questions énergétiques.
36:50 Je ne vois pas comment on peut mettre en place une transition écologique
36:53 si on ne traite pas la question centrale de la décarbonation de l'énergie.
36:57 Parce que l'énergie est aussi une question de souveraineté,
37:00 d'indépendance vis-à-vis d'autres pays,
37:02 et puis aussi une question économique.
37:04 C'est le coût de l'énergie.
37:06 Le prix de l'électricité devrait prendre 10% au 1er février.
37:10 Il y a bien quelques raisons pour le mettre au ministère de l'économie, non ?
37:13 Oui, d'ailleurs le gouvernement devrait répondre au fond.
37:16 Puisque qu'est-ce qui explique le naufrage économique de la France ?
37:20 C'est que les prix de l'énergie augmentent,
37:23 et donc ça met en difficulté des dizaines d'entreprises
37:25 qui sont obligées de fermer.
37:26 Or, aujourd'hui, les décisions qui sont prises ne sont pas les bonnes,
37:29 puisque ça ne va pas s'améliorer cette question-là.
37:32 La CGT propose de revenir aux prix réglementés
37:35 qui permettaient aux entreprises comme aux ménages
37:37 d'échapper à la spéculation et de pouvoir anticiper au long terme
37:40 sur les prix du gaz et de l'énergie.
37:41 L'énergie qui passe au ministère de l'économie,
37:43 c'est notamment pour accélérer le développement du nucléaire.
37:47 Il y a un programme de lancement de 6 nouvelles centrales nucléaires
37:50 au minimum d'ici 2035.
37:53 Est-ce que la CGT est toujours pour le nucléaire ou pas ?
37:57 La CGT est favorable à la décarbonation de l'énergie.
38:00 C'est la priorité.
38:02 On sait que si on regarde les choses de façon globale,
38:05 on va avoir besoin de beaucoup plus d'électricité en France,
38:08 puisque c'est les transports qui vont être électrifiés
38:12 avec les voitures, les transports collectifs,
38:14 que l'hiver dernier, on n'arrivait même plus à couvrir nos besoins actuels.
38:18 Donc il faut augmenter considérablement notre production électrique.
38:21 Ça, ça repose sur un mix énergétique,
38:24 donc avec plus de nucléaire,
38:27 mais aussi et surtout plus d'énergie renouvelable.
38:29 Et là-dessus, il y a des retards français qui sont très inquiétants,
38:32 sur lesquels il faut qu'on ait une stratégie industrielle.
38:34 Ce n'est pas normal que la filière renouvelable soit d'abord contrôlée
38:38 par les Chinois pour ce qui concerne les panneaux solaires
38:41 et les Nordiques pour ce qui concerne l'éolien.
38:43 Il faut qu'on ait une stratégie.
38:45 Et le dépeçage d'Alstom par Emmanuel Macron,
38:48 évidemment, a joué très négativement là-dessus.
38:50 À propos du ministère de l'Économie,
38:52 toujours l'objectif du plein emploi ne pourra pas être atteint
38:55 à modèle social constant.
38:57 C'est ce qu'a dit Bruno Le Maire, ministre de l'Économie.
39:00 C'était en début de semaine lors de ses voeux aux forces économiques.
39:03 Comment avez-vous interprété cette phrase ?
39:06 En fait, c'est toujours la même chose.
39:07 On nous explique qu'il faut faire des réformes sociales violentes,
39:10 et on en a subi beaucoup.
39:12 La réforme de l'assurance chômage,
39:13 la remise en cause d'un certain nombre de droits au travail,
39:15 la facilitation des licenciements,
39:17 qui n'ont jamais été aussi faciles qu'aujourd'hui,
39:19 la réforme des retraites.
39:20 Et à chaque fois, on nous vend ces réformes en nous disant
39:22 que c'est pour atteindre le plein emploi,
39:23 c'est pour améliorer la situation économique.
39:25 On voit qu'il n'en est rien, puisque malgré ces réformes violentes,
39:28 le chômage repart à la hausse.
39:30 L'objectif est mauvais, selon vous ?
39:31 Ce n'est pas le bon objectif ?
39:32 Le plein emploi, si, c'est un bon objectif.
39:34 Le problème, c'est les moyens qui sont mauvais.
39:36 Pour faire reculer le chômage en France,
39:39 ce qu'il faut, c'est une stratégie industrielle,
39:42 des investissements massifs pour faire face
39:44 à la transformation environnementale,
39:46 une politique de la demande.
39:48 Pourquoi est-ce que les défaillances d'entreprises se multiplient ?
39:51 C'est parce que les salaires baissent,
39:52 et les gens n'ont même plus les moyens de se nourrir
39:54 avec une chute de la consommation dans le secteur alimentaire.
39:58 C'est là-dessus qu'il faut agir.
40:00 Il faut aussi agir sur l'accès au crédit
40:02 pour les entreprises et les ménages.
40:04 On est confrontés à une stratégie suicidaire
40:06 de la Banque Centrale Européenne
40:08 d'augmenter sans cesse ses taux,
40:10 qui mettent en difficulté le logement social
40:12 et beaucoup d'entreprises pour se financer.
40:14 Il faut que les banques françaises soient mises à contribution
40:17 pour enfin servir à financer l'économie,
40:19 au lieu d'organiser la spéculation.
40:21 Est-ce que les alertes se multiplient
40:23 dans les entreprises où la CGT est présente ?
40:25 On voit que le chômage repart à la hausse,
40:28 un peu plus de 7%.
40:30 Est-ce que les alertes se multiplient autour de vous ?
40:33 Oui, tout à fait.
40:34 C'est pour ça qu'on a besoin d'avoir un vrai ministre de l'industrie
40:36 avec une vraie stratégie industrielle.
40:39 Les défaillances d'entreprises ont augmenté d'un tiers cette année,
40:42 notamment dans le secteur industriel.
40:44 Par exemple, la situation de l'automobile est catastrophique
40:47 puisqu'on a une transition environnementale qui est imposée à marge forcée
40:52 sans prendre en compte les conséquences sociales
40:54 et qui va servir aux constructeurs automobiles
40:57 à encore augmenter leurs marges et à encore faire reculer le "made in France".
41:00 Vous n'êtes pas en train de dire que la voiture électrique, ça va trop vite ?
41:02 Non, ce que je veux dire, c'est que c'est organisé
41:05 sans prendre en compte la situation sociale.
41:09 Pour que la transformation de l'industrie automobile se passe bien,
41:13 ce qu'il faut commencer par faire, c'est sécuriser la situation des salariés
41:16 en disant qu'on maintient les droits, le travail des salariés,
41:21 qu'on les forme pour qu'ils puissent transformer les modes de production
41:25 et qu'on maintient le niveau de production automobile en France.
41:28 Or, le nombre d'emplois dans l'automobile a énormément chuté ces dix dernières années
41:34 et là, avec l'électrique, ça va encore augmenter.
41:37 Pourquoi ? Parce que le seul objectif des constructeurs,
41:39 c'est d'augmenter leurs marges et d'augmenter les dividendes.
41:41 Et on voit que là, c'est la double peine, enfin même la triple peine.
41:44 Les véhicules ne sont plus produits en France,
41:47 ils sont vendus à des prix prohibitifs pour les Françaises et les Français.
41:50 Et en plus, d'un point de vue environnemental, ils ont un bilan très discutable
41:53 parce qu'il y a une stratégie d'aller miser sur des gros véhicules
41:57 et beaucoup plus polluants.
41:59 Il est une entreprise pour laquelle vous mobilisez beaucoup en ce moment,
42:01 c'est l'entreprise Valdun, dernier fabricant français de roues et d'essieu
42:05 pour les métros et les tramways.
42:07 Vous avez signé un texte commun rassemblant plusieurs personnalités de tous bords.
42:11 Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France,
42:13 Fabien Roussel du Parti Communiste, François Ruffin de la France Insoumise.
42:17 Valdun, c'est près de 300 salariés et aucun repreneur pour l'ensemble des sites.
42:21 Quelle solution attendez-vous précisément ?
42:24 Nous attendons une solution qui garantisse l'avenir industriel de Valdun.
42:29 En fait, ce que j'ai dit à Emmanuel Macron quand je l'ai rencontré fin août,
42:33 c'est que Valdun, ça serait le test de sa politique industrielle.
42:37 Si l'avenir de Valdun n'est pas garanti, cela confirmera ce que nous pensons aujourd'hui,
42:42 à savoir que l'État n'a pas de stratégie industrielle.
42:45 On ne peut pas échouer sur ce dossier-là.
42:47 Pourquoi ? Parce que d'abord, c'est une industrie d'avenir.
42:50 On a besoin de plus de roues et de plus d'essieu de train.
42:53 Parce qu'ensuite, on a tous les leviers à notre disposition,
42:55 puisque l'entreprise, elle fonctionne pour l'essentiel à partir de commandes quasiment publiques,
43:00 c'est-à-dire la commande de la SNCF, de la RATP, de Voies Navigables de France,
43:03 puisqu'elle fabrique aussi des outils pour les écluses.
43:05 Et parce qu'enfin, nous avons des acteurs industriels français,
43:08 un champion industriel qui s'appelle Alstom, et qui pourrait tout à fait reprendre Valdun.
43:13 C'est la proposition que fait la CGT.
43:15 Malheureusement, le gouvernement, le président de la République,
43:18 ne souhaite pas imposer ça à Alstom.
43:20 Il le pourrait.
43:21 Et donc, aujourd'hui, on a deux premières offres de reprise,
43:24 enfin une en fait, qui ne reprend qu'un seul des deux sites.
43:28 Donc, ça n'est pas suffisant, que nous sommes en train d'expertiser.
43:32 Donc, ce que nous voulons, c'est que pour sécuriser l'avenir de Valdun,
43:36 l'État s'engage de façon très claire,
43:39 un, à rentrer au capital, quel que soit le repreneur,
43:42 c'est ça qui garantit qu'il y aura un droit de regard sur la suite.
43:45 C'est ce que vous demandez ?
43:46 C'est ce que nous demandons.
43:47 Et la deuxième demande, c'est que nous voulons que l'État impose
43:51 qu'il y ait des administrateurs salariés, que nous soyons au conseil d'administration,
43:54 pour pouvoir suivre les choix stratégiques qui vont être faits,
43:57 puisque nous avons été échaudés par la reprise de l'entreprise il y a dix ans,
44:01 par un actionnaire chinois, qui l'a mené dans la situation dans laquelle ils sont aujourd'hui.
44:05 On ne veut pas revivre cette catastrophe-là.
44:07 Vous avez entamé, il y a quelques semaines, la CGT,
44:10 des négociations avec les représentants patronaux sur l'emploi des seniors,
44:14 ça fait suite à la réforme des retraites.
44:16 Comment travailler jusqu'à 64 ans ? C'est la question que vous devez résoudre.
44:20 À peine plus d'un Français sur trois, entre 60 et 64 ans, travaille aujourd'hui.
44:26 C'est beaucoup moins que la moyenne européenne.
44:28 Où est le mal français ?
44:30 D'abord, ce que je veux dire, c'est qu'on a fait les choses à l'envers.
44:33 Au lieu de commencer par se poser cette question-là,
44:36 on a imposé par la force une réforme violente qui impose de travailler deux ans de plus,
44:40 alors qu'on voit qu'aujourd'hui...
44:41 Ça, ça s'est fait.
44:42 Oui, mais c'est un problème.
44:44 Je le dis, je le redirai à Gabriel Attal,
44:47 pour sortir par le haut de cette situation, il faut faire un référendum sur les retraites
44:52 pour permettre aux Françaises et aux Français d'enfin donner leur avis
44:55 et que leur avis soit pris en compte sur cette réforme.
44:58 Sur la question des seniors plus particulièrement,
45:00 est-ce que vous avez des pistes pour que les employés, les employeurs les gardent en emploi ?
45:04 La première chose, c'est d'abord qu'il faut des mesures contraignantes.
45:07 Nous avons une négociation actuellement avec le patronat.
45:09 On ne se satisfera pas de pétitions de principes, de recueils de bonnes intentions.
45:14 Il faut des mesures contraignantes.
45:15 Qu'est-ce que ça veut dire, contraignantes ?
45:16 Est-ce qu'il faut interdire les licenciements au-delà d'un certain âge ?
45:19 Ça veut dire effectivement qu'il faut limiter,
45:23 renchérir les licenciements au-delà d'un certain âge,
45:26 donc ne pas les interdire mais les rendre plus coûteux ?
45:29 Oui, il y a des choses qu'il faut interdire.
45:31 Les ruptures conventionnelles collectives, il faudrait les interdire pour tous les salariés,
45:34 mais notamment pour les seniors.
45:36 On voit que dans les plans de ruptures conventionnelles collectives,
45:39 c'est d'abord les seniors qu'on fait sortir de l'entreprise.
45:41 C'est ce qu'a voulu faire Orange, par exemple, il y a quelques mois.
45:44 La deuxième chose, c'est qu'il faut imposer à ce que les entreprises
45:49 puissent créer des plans de fin de carrière,
45:54 pour permettre à ce qu'il y ait des aménagements de fin de carrière pour les seniors,
45:58 avec un travail à temps partiel, que les seniors puissent travailler à temps partiel
46:02 tout en cotisant à temps plein, et que ça soit pris en charge par l'employeur,
46:06 qui est des aménagements des postes de travail.
46:08 Vous pensez que vous pouvez tomber d'accord avec le patronat sur ces propositions-là ?
46:12 Parce que c'est le gouvernement qui reprend la main, si vous ne tombez pas d'accord.
46:15 Le problème, c'est qu'aujourd'hui le patronat dit qu'il ne veut pas de mesures contraignantes.
46:19 Donc on a déjà un point de difficulté de ce côté-là.
46:22 Ensuite, il y a eu une négociation, et donc nous on va pousser le rapport de force
46:26 et pousser ces propositions dans la négociation.
46:28 Et puis après, évidemment, je l'ai dit et martelé, c'est la responsabilité du gouvernement.
46:33 C'est lui qui a imposé cette réforme par la force, et donc c'est à lui de faire en sorte
46:37 que les seniors puissent travailler jusqu'à l'âge de la retraite.
46:40 C'est quand même se moquer du monde que de nous dire qu'il faut travailler jusqu'à 64 ans
46:44 pour laisser les entreprises multiplier les plans de départ des seniors.
46:47 Et puis le dernier point dans cette négociation que nous allons porter très fortement,
46:50 c'est la question de la pénibilité.
46:52 Le problème, c'est qu'aujourd'hui le mot même de pénibilité est un mot tabou.
46:56 Le patronat, le gouvernement ne le prononce plus.
46:58 On parle maintenant pudiquement d'usure professionnelle.
47:00 Je suis désolée, il y a 40% des emplois aujourd'hui en France qui sont pénibles.
47:05 Il faut mettre en place des mesures d'aménagement de ces emplois
47:08 pour limiter la pénibilité, c'est possible.
47:11 Mais il faut mettre en place des mesures de réparation.
47:14 Pourquoi vous ne voulez pas appeler ça usure professionnelle ?
47:16 Parce que l'usure professionnelle, on a l'impression que les gens y sont usés d'un point de vue personnel.
47:20 Ça ne vient pas d'un point de vue personnel.
47:22 Physiquement, on peut être usé professionnellement.
47:25 Oui, sauf que c'est parce qu'on exerce un métier pénible
47:28 qu'on a un impact sur la santé qui n'est plus à démontrer.
47:32 C'est l'évidence.
47:34 S'il y a une différence de vie entre les cadres et les ouvriers,
47:38 les ouvriers meurent 7 ans plus tôt que les cadres.
47:41 Ce ne sont pas les études supérieures qui protègent l'espérance de vie.
47:45 C'est le travail qui tue et qui fait mal.
47:47 On le voit à travers la mortalité au travail.
47:49 Donc il faut des mesures de prévention de la pénibilité.
47:52 Il faut aussi des mesures de réparation et donc de vrai départ anticipé.
47:57 Le problème, c'est qu'en France, il y a seulement 3000 personnes chaque année
48:00 qui peuvent partir de façon anticipée pour pénibilité
48:03 alors que 40% des emplois sont pénibles.
48:05 Certains imaginent la création de CDI senior ou de CDD senior.
48:09 Le principe, ce serait un contrat de travail qui prendrait fin
48:12 au moment où le salarié atteint le taux plein pour prendre sa retraite.
48:17 Est-ce que c'est une idée à explorer ou pas ?
48:19 En général, on est plutôt réticent sur les contrats de travail dérogatoires
48:23 liés à l'âge parce que ça devient vite discriminant.
48:25 Et puis une réticence aussi...
48:27 Aujourd'hui, une entreprise ne sait pas quand le salarié peut partir
48:30 et il peut partir jusqu'à ses 70 ans.
48:33 Est-ce que ça, c'est un sujet ou pas ?
48:35 Nous, on serait d'accord pour que ça, ça s'abaisse
48:38 puisque nous, on est pour la retraite à 60 ans.
48:40 Donc, si le patronat souhaite ça, la CGT est tout à fait d'accord
48:43 pour rétablir la retraite à 60 ans.
48:44 Ça sera avec grand plaisir.
48:46 D'accord, mais le fait qu'il y ait des contrats où on se dise
48:48 à partir du moment où on a un taux plein, on quitte son emploi,
48:51 ça, vous n'y êtes pas favorable ?
48:54 En fait, il faut que les contreparties soient à la hauteur pour les salariés.
48:58 Et ce qui est en général porté sur les contrats seniors,
49:01 c'est de tirer leur salaire vers le bas
49:03 puisque ce que disent les patrons pour justifier les licenciements de seniors,
49:07 c'est qu'ils coûteraient trop cher étant donné que leur qualification,
49:10 leur expérience est payée.
49:12 Et c'est quand même la moindre des choses.
49:14 Je le redis, avoir des seniors dans une entreprise, c'est une richesse.
49:17 Ils ont une expérience accumulée et donc il faut pouvoir l'utiliser
49:20 pour l'entreprise, notamment en matière de formation,
49:22 au lieu de leur renvoyer à la figure qu'ils coûtent trop cher.
49:25 Une dernière question, on l'a évoquée tout à l'heure,
49:27 mais rapidement sur les salaires.
49:29 Les augmentations de salaires ont presque suivi l'inflation en 2002 et 2023.
49:34 L'inflation est en train de baisser.
49:36 Comment on peut augmenter les salaires encore sans faire augmenter les prix ?
49:42 En fait, aujourd'hui, les prix explosent et les salaires baissent.
49:47 Donc on voit bien que l'augmentation des prix n'est pas liée à l'augmentation des salaires.
49:52 L'augmentation des prix est liée à l'explosion des profits et à l'explosion des dividendes.
49:56 Et ça, même le FMI le dit.
49:59 Aujourd'hui, le problème, ce n'est pas la boucle prix-salaires qui n'existe pas,
50:01 c'est la boucle prix-profits.
50:03 Il y a eu des questions géopolitiques, il y a eu des questions de prix de matière première.
50:05 Oui, mais ce n'est plus le sujet là.
50:07 Ce n'est plus le sujet.
50:08 Toutes les études économiques montrent que ça a été instrumentalisé
50:10 pour maintenir des prix élevés et pour pouvoir augmenter les profits.
50:13 Moi, ce que je veux redire ici, c'est qu'il y a des millions de salariés
50:17 qui ne peuvent pas vivre avec leur salaire.
50:19 Par exemple, les aides à domicile, salaire moyen des aides à domicile,
50:23 890 euros par mois.
50:25 Expliquez-moi comment on peut vivre avec ça.
50:27 Et les aides à domicile, on a par exemple des aides à domicile dans la Drôme
50:31 qui viennent de se lancer dans une grève reconductible
50:33 pour dénoncer cette situation-là.
50:35 Donc, un grand soutien parce que c'est rare.
50:38 Et puis, une interpellation de l'État qui est responsable de la situation,
50:41 des aides à domicile, puisqu'il ne compense pas et qu'il ne donne pas des aides à la hauteur
50:45 pour les conseils départementaux et pour les associations.
50:47 Merci beaucoup Sophie Binet pour ce grand jury.
50:50 Bon dimanche à tous et à la semaine prochaine.
50:51 les semaines prochaines.
50:52 [SILENCE]