• il y a 11 mois
Thomas Sotto reçoit  François Villeroy de Galhau, gouverneur de la banque de France, sur le plateau des 4 Vérités. 

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Transcription
00:00 [Générique]
00:03 Bonjour et bienvenue dans l'EKV, François Villeroy de Gallo.
00:05 Bonjour Thomas Soto.
00:06 Vous êtes un peu l'horloger de notre économie.
00:08 Alors avant de rentrer dans le détail, je voudrais une impression générale.
00:10 Est-ce que vous trouvez que globalement, notre économie tournera en ce moment ?
00:14 Écoutez, nous venons de publier un bulletin de santé de l'économie française en ce début 2024
00:20 à partir d'une enquête de terrain qui est réalisée par les hommes et les femmes de la Banque de France
00:23 auprès de 8000 entrepreneurs.
00:25 Alors l'économie française ralentit, bien sûr,
00:28 mais elle apparaît quand même plus robuste qu'on ne pouvait le craindre.
00:32 Nous venons d'estimer que la croissance au dernier trimestre 2023,
00:37 nous l'avons remontée à 0,2%.
00:39 Ce n'est pas un chiffre très élevé.
00:41 0,2% ? Vous espériez 0,1%, c'est ça ?
00:43 Jusqu'à présent, on disait 0,1%.
00:45 Et si on continue cette tendance à 0,2% par an,
00:49 ça confirme notre prévision pour l'année 2024 de 0,9%.
00:53 Donc c'est une croissance ralentie, mais je le souviens, c'est une croissance positive.
00:57 Souvenez-vous, il y a un an, on craignait beaucoup la récession.
01:00 La France n'aura pas de récession, sauf choc, sur Pologne.
01:03 Pas de récession en 2024 ?
01:04 Non.
01:05 Une croissance de 0,9%, ce n'est pas une croissance de tigre asiatique non plus.
01:08 Non plus.
01:09 Qu'est-ce qu'on peut faire avec une croissance comme ça ?
01:11 C'est une croissance qui permet à peu près de maintenir l'emploi.
01:15 C'est une croissance aussi qui s'accompagne d'une baisse de l'inflation.
01:20 Ça, c'est la bonne nouvelle qui se confirme en ce début 2024.
01:24 L'inflation, ça reste la première préoccupation des Français.
01:27 Souvenez-vous, il y a un an, elle était à peu près à 7%.
01:30 On est descendu aujourd'hui en France à 3,7%.
01:34 Donc on a divisé à peu près par deux, mais c'est encore trop.
01:38 Quelle est la tendance sur l'inflation ?
01:40 Quand est-ce qu'on en sort ?
01:41 On va projeter un peu.
01:42 Les distributeurs racontent tous un peu ce qui les arrange.
01:44 Si je regarde l'inflation dans son ensemble, puis après il faudra regarder selon les différents produits,
01:48 mais l'inflation devrait descendre sous 3% d'ici quelques mois.
01:52 C'est quoi d'ici quelques mois ?
01:54 D'ici quelques mois, ça peut dépendre des variations du prix du pétrole, etc.
01:58 Mais avant la moitié de l'année, 2024, l'inflation reviendra à 2% d'ici 2025, d'ici l'an prochain.
02:06 Ça, c'est une certitude pour vous ?
02:07 Ça, c'est un engagement.
02:08 Avoir des certitudes dans un monde où il peut y avoir des chocs,
02:11 je crois que ça serait hors de saison, mais c'est l'engagement que nous prenons.
02:14 Parce que nous, Banque de France, Banque centrale européenne,
02:17 nous sommes responsables de l'inflation à travers ce qu'on appelle la politique monétaire,
02:20 c'est-à-dire les décisions sur les taux d'intérêt.
02:22 Alors, moins d'inflation, c'est évidemment une bonne nouvelle pour les Français,
02:26 c'est aussi une bonne nouvelle pour l'économie,
02:28 parce que ça veut dire plus de pouvoir d'achat et ça veut dire plus de consommation.
02:32 Donc, nous voyons l'économie accélérer l'an prochain et en 2026.
02:36 Alors, moins d'inflation, ça veut dire, attention, il ne faut pas se tromper,
02:38 que les prix continuent à augmenter, mais qu'ils vont augmenter moins vite.
02:41 Absolument.
02:42 Ça ne veut pas dire qu'ils vont baisser.
02:43 Alors, certains prix vont baisser, on l'a vu parfois sur le prix de l'essence à la pompe,
02:48 mais c'est vrai que c'est une moindre augmentation des prix,
02:51 mais pendant ce temps-là, les salaires, les retraites, les prestations sociales
02:54 ont augmenté eux aussi et il n'est pas question qu'ils baissent.
02:57 Je veux juste revenir d'un mot sur la croissance.
02:59 Vous nous disiez 0,9% de croissance pour 2024,
03:03 ça veut dire que le gouvernement a construit un budget sur une hypothèse de croissance
03:06 un peu trop optimiste, parce qu'il a tout construit, il a basé sur 1,4.
03:10 Alors, c'est un écart qu'on connaît depuis l'automne dernier.
03:13 Entre nous, il est assez classique, quelles que soient les gouvernements,
03:16 la prévision du budget est souvent un peu plus volontariste
03:19 et celle de la Banque de France plus prudente.
03:22 L'écart n'est pas beaucoup plus fort cette année, nous nous confirmons le 0,9,
03:26 je vous dis à partir de 0,2% par trimestre.
03:29 Maintenant, il faut s'occuper dans la durée d'augmenter ces croissances.
03:33 Il y a un certain nombre de réformes de fonds.
03:36 Quelles sont pour le gouverneur de la Banque de France les réformes principales ?
03:39 Je crois qu'il y a trois grandes transformations qu'il faudrait réussir,
03:41 c'est la transformation du travail, comment il peut être plus qualifié
03:44 et qu'on aille vers le plein emploi.
03:46 Thomas Soto, on est à un peu plus de 7% de chômage aujourd'hui,
03:49 je pense que dans la décennie qui vient, on peut aller au plein emploi, c'est-à-dire 5%.
03:53 Et ça, c'est la première fois depuis 40 ans, c'est une chance historique,
03:57 continuons dans cette direction avec plus de formation, d'apprentissage, etc.
04:01 Il y a la transformation numérique, faire plus d'innovation,
04:04 puis il y a bien sûr la troisième grande transformation,
04:06 c'est la transformation écologique, climatique.
04:08 La Banque de France va d'ailleurs y aider les entreprises
04:11 en mettant à leur disposition un indicateur climat à partir de l'an prochain.
04:14 Donc ça change certaines politiques, et vous, vous répondez aux questions.
04:17 Donc on va continuer, si vous voulez bien, François Villeroy de Gallo, sur l'épargne.
04:20 À quoi il faut s'attendre, notamment sur les deux livrets
04:22 qui sont quasiment les préférés des Français, à savoir le Livret A et le Livret d'épargne populaire ?
04:25 Alors, sur ce qu'on appelle l'épargne réglementée, d'abord sur le Livret A,
04:29 on a 3% aujourd'hui.
04:31 Nous l'avions annoncé, Bruno le met en juillet dernier, il y a une garantie de taux,
04:34 c'est-à-dire qu'on va maintenir 3% jusqu'en janvier de l'année prochaine.
04:37 Et ça, c'est un taux de plus en plus intéressant, puisque comme je le disais,
04:40 l'inflation va passer sous les 3% d'ici quelques mois.
04:43 Au passage, avoir maintenu le taux du Livret A à 3%, ça a permis de relancer le logement social,
04:48 parce que le Livret A finance le logement social, avec une bonne nouvelle,
04:51 que je vous ai dit ce matin, c'est que la production de prêts au logement social
04:54 a augmenté de 9% l'an dernier.
04:56 Ça veut dire quoi, la production de prêts au logement social ?
04:58 C'est les prêts qui sont faits par la Caisse des dépôts aux organismes HLM
05:01 et qui permettent de construire des logements sociaux, très directement.
05:04 Alors après, il y a l'autre produit, vous avez raison d'en parler,
05:07 parce qu'il est quelques fois moins connu, c'est le Livret d'épargne populaire.
05:09 Alors ça, c'est vraiment le produit phare pour l'épargne populaire.
05:12 Lui, il est rémunéré à 6%.
05:14 Je vais proposer dans les prochains jours au ministre le nouveau taux
05:18 applicable à compter du 1er février prochain.
05:21 Qui sera de combien ?
05:22 Je ne peux pas encore donner le chiffre, mais je peux dire que ce chiffre sera très supérieur
05:25 à l'inflation dont nous parlions tout à l'heure.
05:28 Donc, on sera au-dessus de 3% ?
05:30 Ça sera plus de 3%.
05:31 Et ça sera moins de 6% aujourd'hui ? Ça sera entre les deux, c'est ça ?
05:33 On verra exactement ce que ça donne, mais ça devrait être effectivement entre les deux,
05:37 mais très supérieur à l'inflation.
05:39 Alors j'insiste sur ce produit parce qu'il est en train de se développer très rapidement.
05:43 C'est une bonne chose.
05:44 Il y a 10,7 millions de livrets aujourd'hui qui sont ouverts.
05:48 C'est 3 millions de plus de l'EHP qui a deux ans.
05:50 Mais on peut aller encore plus loin, puisqu'il y a 19 millions de Français qui y ont droit.
05:55 Nous avons par ailleurs relevé le plafond à 10 000 euros.
05:58 Donc, je le dis, c'est le produit de loin le plus intéressant pour l'épargne populaire.
06:03 D'autant que cette année, il sera rémunéré à ?
06:05 Il sera rémunéré à nettement plus que l'inflation.
06:08 Non, ok, j'y arriverai pas.
06:09 Et je le souligne, Thomas Soto, c'est un avantage qui existe en France
06:13 qui n'existe pas chez nos voisins européens.
06:15 Donc, c'est une très bonne chose.
06:16 Vous évoquiez le logement social.
06:17 Le problème, c'est que ça fait des mois et des mois que les Français
06:20 qui veulent investir dans l'immobilier, quel qu'il soit,
06:22 n'y arrivent pas avec une chute vertigineuse des crédits.
06:25 Comment voyez-vous évoluer cette crise immobilière ?
06:27 Alors, il y a plusieurs raisons à la crise du logement.
06:31 Une des raisons étant d'ailleurs que les ménages ont beaucoup acheté
06:36 de logement jusqu'à 2022, quand les taux étaient très bas.
06:39 Il y a aussi que les banques ne donnent pas suffisamment de crédit.
06:41 Alors, on va revenir sur les banques.
06:42 Mais je souligne que déjà du côté des ménages, il y a un certain attentisme
06:45 qui devrait se dissiper d'ailleurs progressivement puisque les prix
06:48 de l'immobilier ont commencé à se stabiliser, voire à baisser.
06:50 Alors, du côté des crédits, je crois qu'on est à un point bas.
06:53 On est autour de 9 milliards d'euros de production de nouveaux crédits
06:57 chaque mois et que ça devrait repartir parce que, y compris les taux du crédit,
07:04 sont en train de se stabiliser.
07:06 Est-ce qu'ils vont baisser ?
07:07 Les taux de la Banque Centrale Européenne que nous fixons ne vont plus augmenter.
07:11 Les taux du livret A, on le disait, sont stabilisés.
07:14 Donc, il y a un certain nombre d'éléments favorables.
07:16 Certaines banques ont commencé à baisser.
07:18 Alors après, il y a la question que vous posez, c'est est-ce que les banques
07:21 ont toujours la volonté de prêter ?
07:23 On le voit, on l'entend, on le voit dans les reportages.
07:25 Beaucoup de banques ne jouent pas le jeu.
07:26 Alors, on va le dire, je sais qu'il y a un doute là-dessus.
07:29 Les banques, me semble-t-il, ont la volonté de prêter et l'ont à nouveau
07:33 de plus en plus. Je vois d'ailleurs un certain nombre de campagnes
07:35 de publicité qui sont bienvenues. Mais, Thomas Soto…
07:38 Parfois, entre la publicité et la réalité, il y a la mer.
07:40 La meilleure façon de dissiper ce malentendu ou cette ambiguïté
07:44 sur la volonté des banques de prêter, je crois que c'est quelque chose
07:47 que j'avais proposé, que Bruno Le Maire aussi a souhaité,
07:50 c'est que les banques mettent en place très vite une procédure
07:53 de réexamen amiable de demandes apparemment solvables
07:57 et qui auraient été refusées.
07:58 Donc, nous y travaillons avec les banques.
07:59 Ça veut dire une deuxième chance.
08:00 Nous y travaillons avec les banques. J'espère que ça peut se mettre en place
08:02 dans les prochaines semaines.
08:04 Vous souhaitez que ça devienne obligatoire dans toutes les banques
08:06 qu'on puisse avoir un deuxième tour, c'est ça ?
08:07 Oui, alors pour les dossiers solvables, il y a des refus qui sont parfaitement légitimes
08:12 parce qu'on ne rend pas service à une personne en la mettant en risque
08:15 de sur-endettement. Mais je crois que ça peut être quelque chose
08:17 de simple et de rapide et qu'il serait très souhaitable
08:20 que ce soit finalisé dans les prochaines semaines.
08:22 Rapidement, il paraît que vous ne voulez plus que les banques
08:24 nous envoient les chéquiers par la poste. J'ai eu ça dans les échos ce matin.
08:27 Oui, alors j'ai lu cet article, je pense que l'interprétation est un peu excessive
08:31 si vous me permettez de préciser là-dessus.
08:34 Rapidement, vraiment.
08:35 Très vite. Ce qui est vrai, c'est que nous travaillons avec les banques
08:39 constamment pour réduire les risques de fraude au chèque
08:41 parce que c'est l'instrument de paiement le plus fraudé.
08:44 Par contre, ce que nous souhaitons, c'est une alternative
08:47 et pas une interdiction, pour le dire autrement.
08:49 C'est que les clients puissent retirer gratuitement leurs chéquiers en agence
08:54 et ne pas se voir imposer simplement l'envoi par courrier
08:57 qui lui présente plus de risques.
08:59 François Villeragalo, je pourrais vous remercier et vous souhaiter une bonne journée.
09:02 Mais juste avant quand même, on est en plein remaniement,
09:04 est-ce que vous souhaitez que Bruno Le Maire reste à Bercy ?
09:06 Alors Thomas Soto, je vais beaucoup vous surprendre.
09:09 La Banque de France est indépendante de tout pouvoir politique
09:12 et donc je n'ai pas l'habitude de faire des commentaires de ce type.
09:14 Je vais juste faire un commentaire très républicain.
09:17 Je souhaite bonne chance au futur gouvernement de la France.
09:20 Vous aurez répondu à presque toutes les questions.
09:22 Merci beaucoup à vous d'être venu, en tout cas, et bonne journée.
09:24 Je vous invite à regarder la télévision ce soir,
09:26 puisque juste après le 20h d'Anne-Sophie Lapix,
09:28 c'est Christine Lagarde qui sera l'invité exceptionnel de l'événement "L'Interview",
09:31 la patronne de la Banque Centrale Européenne,
09:33 qui répondra aux questions de Caroline Roux.
09:35 Merci et bonne journée à vous, monsieur le gouverneur.
09:37 Merci, c'est une grande journée pour les banques centrales, vous voyez.
09:39 Et une grande journée pour Télé Matin également.
09:41 Merci à tous les deux, merci à Sophie Charmé qui a traduit cette interview en langue des signes.

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