• il y a 11 mois

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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Marguerite Caton, je vous salue.
00:08 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:10 Un nounours, un t-shirt, deux téléphones en volée.
00:13 Voilà, en quelques mots le résumé de l'histoire du Boeing 737 Max 9 qui a perdu vendredi
00:19 une porte en plein vol.
00:21 Vous en avez forcément entendu parler, l'avion reliait Portland et la Californie, il volait
00:25 encore à basse altitude.
00:27 L'équipage a pu faire demi-tour et se poser sans autre dommage dans l'Oregon.
00:31 Alors depuis, chaque compagnie inspecte frénétiquement ses appareils, Boeing sait-il encore construire
00:37 des avions ? Bonjour Olivier Jammes.
00:39 Bonjour.
00:40 Vous êtes journaliste à l'usine nouvelle, spécialiste de l'aéronautique.
00:43 Quelques mots pour commencer sur l'accident de vendredi.
00:45 Sait-on précisément ce qui s'est passé ?
00:47 Non, pas encore à ce stade.
00:50 Le NTSB qui est l'organisme qui mène ce type d'enquête dans l'aviation aux Etats-Unis
00:56 est au début de cette enquête.
00:58 Ce qu'on sait c'est que la porte a été retrouvée dans un jardin d'un particulier
01:02 à Portland.
01:03 Les boulons, eux, n'ont pas été retrouvés.
01:06 C'est pas sûr qu'on arrive à les retrouver un jour.
01:09 Ce qu'on sait, c'est qu'une porte s'est arrachée.
01:13 Attention, ce n'est pas une porte d'évacuation classique, c'est-à-dire avec un bras qui
01:19 permet à la porte de pivoter.
01:20 Non, c'est ce qu'on appelle dans la presse américaine, le « plug door », c'est-à-dire
01:23 une porte-bouchon.
01:25 C'est une porte qui obstrue un trou où on peut installer une porte d'évacuation,
01:30 mais qui est totalement invisible de l'intérieur, tout simplement parce qu'elle est recouverte
01:34 par une paroi de la cabine, elle-même équipée d'un hublot.
01:36 Ce qu'on sait, c'est qu'on ne parle là que de 171 avions avec une telle configuration,
01:47 pas du tout de l'ensemble de la flotte de 737 MAX qui est à peu près de 1500 avions
01:52 dans le monde.
01:53 A l'insuite de l'accident, des vérifications ont eu lieu sur les autres appareils du même
01:57 type.
01:58 On a repéré, dans United Airlines et Alaska Airlines, sur certains de leurs appareils,
02:04 des boulons mal serrés eux aussi.
02:06 Donc ce n'est pas un cas isolé.
02:07 Est-ce qu'on sait qui a la responsabilité de serrer ces boulons et qui a la responsabilité
02:11 de vérifier qu'ils sont bien serrés ?
02:13 Alors évidemment, c'est toute la question avec ce qui vient de se passer.
02:16 Pour ce que l'on sait, cette porte est fabriquée par un groupe américain qui s'appelle Spirit
02:22 Aérosystems.
02:23 En France, ça ne nous dit pas grand-chose.
02:25 C'est pourtant l'un des plus grands acteurs industriels du monde aéronautique.
02:29 La porte est fabriquée par cet industriel qui achemine cette porte dans les lignes d'assemblage
02:34 de Boeing qui se trouve près de Seattle à Renton.
02:38 Cette entreprise participe à poser la porte.
02:40 Mais de fait, la responsabilité finale, c'est bien celle de Boeing.
02:46 Malgré tout, on ne sait pas si c'est un salarié de Boeing qui a mal fait le travail.
02:52 Est-ce que le contrôle qualité n'a pas été également défaillant ?
02:55 Est-ce que l'Organisme de certification FA n'est pas également en cause à ce stade ?
03:02 On ne sait pas qui précisément.
03:04 Mais quoi qu'il en soit, c'est un avion Boeing.
03:06 La responsabilité, c'est Boeing.
03:08 Alors on se souvient qu'en 2018 et 2019, à quelques mois d'intervalle, deux Boeing
03:12 737 Max s'étaient écrasés peu après le décollage en Indonésie et en Ethiopie.
03:17 Ça avait quand même entraîné la mort de 346 personnes.
03:20 Est-ce que ce modèle est particulièrement peu fiable ?
03:22 C'est difficile comme ça de se prononcer.
03:29 Ce qu'on constate, c'est que oui, effectivement, il y a eu ces deux crashs.
03:32 Depuis, on pouvait espérer qu'avec tout ce qui s'était passé, tout ce qui, à
03:38 l'époque, vous l'avez rappelé, 2018-2019, ça commence à dater, il avait été pointé
03:44 du doigt un certain nombre de dysfonctionnements au sein de Boeing.
03:47 On constate que depuis cette époque, les problèmes continuent finalement.
03:51 On ne parle pas de crash, mais on parle là de boulons visiblement mal serrés, voire
03:58 on n'en sait rien encore, peut-être tout simplement absents.
04:00 Il y a quelques mois encore, avec Spirit, on parle de pièces également mal fixées.
04:06 Mais sur le 737 Max ?
04:07 Toujours sur le 737 Max.
04:09 De trous mal faits.
04:12 Il y avait eu des problèmes de câblage électrique il y a deux ans.
04:16 Les problèmes continuent.
04:18 Donc, est-il peu fiable ?
04:20 On a quand même envie de répondre oui.
04:23 Oui.
04:24 Essayons maintenant de rentrer un peu dans l'analyse des causes de ces dysfonctionnements.
04:28 Comment comprendre que ces problèmes techniques ne soient pas repérés et réparés au fur
04:33 et à mesure de la fabrication ?
04:34 On lit ici et là, Olivier Jammes, que l'entreprise souffre d'un problème de culture interne.
04:40 De quoi s'agit-il ?
04:41 Alors, effectivement, depuis les crashes, c'est ce qu'ont révélé un certain nombre
04:46 d'enquêtes, notamment la presse américaine, qui est quand même bien placée pour faire
04:50 ce type d'investigation.
04:51 On a observé chez Boeing depuis plusieurs années, sans doute en raison d'une course
04:59 à la réduction de coûts, à la volonté de ne pas perdre de terrain face à l'adversaire,
05:05 l'européen Airbus, une stratégie qui viserait à faire le moins cher possible.
05:13 Ce qui entraîne en termes de management la volonté clairement de mettre sous le tapis
05:17 un certain nombre de problèmes.
05:18 Et quand on parle d'avions et donc de sécurité aérienne, ça commence à poser problème.
05:23 Donc oui, le management, il y a un problème culturel de management dans cette entreprise,
05:30 sans doute exacerbé également par la crise Covid.
05:32 Pourquoi ?
05:33 Parce que contrairement à ce qui s'est passé en Europe et en particulier en France,
05:37 on a énormément licencié dans l'industrie américaine, y compris dans l'industrie
05:42 aéronautique.
05:43 Or, aujourd'hui, ce secteur se retrouve face à un mur de production.
05:47 Les cadences de production sont très, très élevées du fait de la reprise du trafic aérien.
05:52 Or, qu'est-ce qu'on constate ?
05:53 Que Boeing, comme ses sous-traitants, manque de compétences, manque de bras, manque de
05:58 savoir-faire.
05:59 Donc, on a un peu un double effet qui explique aujourd'hui que le groupe semble toujours
06:05 englué dans ces problèmes industriels qui, ensuite, ont pour conséquence des problèmes
06:12 de sécurité aérienne.
06:13 - C'est assez dramatique quand même ce que vous décrivez.
06:15 Un manque de compétences et en plus aucune volonté de s'en sortir, voire même on met
06:20 les choses sous le tapis.
06:21 Et ça, c'est la concurrence exacerbée avec Airbus qui l'entraîne ?
06:26 - Alors, oui.
06:27 Ça l'entraîne.
06:29 La concurrence avec Airbus n'explique pas tout.
06:32 D'abord, le 737 MAX n'est pas le seul en cause des problèmes.
06:35 Il y en a sur à peu près tous les programmes civils de Boeing.
06:39 Aussi sur certains programmes militaires.
06:42 Certains experts estiment que le groupe délaisse quelque peu sa partie civile.
06:47 D'ailleurs, on le voit que le siège social a déménagé récemment et n'est plus là
06:51 où il était à Seattle, mais plutôt du côté de Washington, là où se trouve la
06:55 politique et aussi les boîtes du spatial et de la défense, qui est quand même un
07:00 bon indicateur.
07:01 Donc, oui, voilà.
07:04 Ça pose question et ce qui pose vraiment question, c'est que ça semble durer.
07:10 Et pour revenir, pardon, à la concurrence avec Airbus, il faut aussi se rappeler que
07:15 ce 737 MAX est également un avion, on peut quand même dire, mal né.
07:19 Il a été lancé en 2011 en réaction à l'Airbus A320neo, qui était une version
07:26 remotorisée de l'Airbus A320.
07:28 Boeing s'est dit "non, nous on veut faire un avion tout neuf".
07:32 Ils ont vu que l'A320neo se vendait comme des petits pains.
07:35 À leur tour, ils ont utilisé les mêmes moteurs.
07:37 Sauf que l'avion, le 737, date des années 60, quand l'Airbus A320 date des années
07:44 80.
07:45 Autrement dit, ils ont voulu faire du neuf avec non pas du vieux, mais du très, très
07:48 vieux.
07:49 Mettre des moteurs de Rolls-Royce sur une de chevaux et ça coince.
07:53 Donc vraiment, la construction à moindre coût peut expliquer ces accidents.
07:58 Merci beaucoup Olivier Jammes de toutes ces précisions.
08:00 Je rappelle que vous êtes journaliste à l'usine nouvelle, spécialiste de l'aéronautique.
08:03 Merci.

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