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00:00 En tout cas, revenir sur cette annonce avec Christian Lequen,
00:02 professeur à Sciences Po Paris, spécialiste des questions européennes.
00:06 Merci d'être avec nous, Christian Lequen.
00:08 Alors aujourd'hui, il y a eu cette annonce.
00:11 On ne l'attendait pas d'ailleurs aussitôt dans ce sommet.
00:14 Vous avez vous-même été surpris ?
00:15 Non, parce qu'on avait depuis quelques jours quand même le sentiment
00:22 que M. Orban faisait un peu monter les enchères, si vous voulez,
00:26 pour qu'on débloque de l'argent qui revient à la Hongrie
00:32 en contrepartie de sa neutralité.
00:38 Et il est habitué à faire ça, si vous voulez, Orban.
00:41 Vous savez, il a quand même réussi à critiquer à chaque fois
00:46 qu'il y a eu des sanctions à l'égard de la Russie,
00:48 ces sanctions, tout en les votant.
00:50 En fait, ce qui l'intéresse beaucoup, c'est de ne pas perdre l'argent
00:54 qui doit revenir à la Hongrie.
00:57 Bien sûr, sur le fond, il n'est pas convaincu par l'entrée de l'Ukraine
01:02 parce qu'il est très proche de Moscou.
01:06 Mais en même temps, on savait, comme toujours, qu'il bluffait
01:11 et qu'à un moment, il allait lever son veto.
01:19 Ce sont les 11 milliards débloqués hier par l'Union européenne
01:22 qui l'ont convaincu, d'après vous ?
01:24 C'était un des objectifs qu'il visait.
01:28 Vous savez, lui, il vise deux choses.
01:31 D'abord, c'est de ne pas perdre pour les intérêts de la Hongrie
01:34 les fonds structurels et tout l'argent qui provient du budget de l'Union européenne.
01:40 Et puis, il y a un autre élément qui est toujours important chez les populistes,
01:45 c'est de donner l'impression à l'électorat, à son électorat hongrois,
01:52 que finalement, il a une vraie capacité de résistance.
01:56 C'est de dire "Vous voyez, ces Européens, on les a tenus et finalement, j'ai lâché,
02:04 mais on a quand même bien résisté et donc la Hongrie est un grand pays, etc."
02:10 Ça fait partie de la rhétorique nationaliste.
02:13 L'Ukraine, pour autant, n'est qu'au début du processus.
02:16 A quelle importance, finalement, cette annonce aujourd'hui,
02:18 sachant que le processus en lui-même est aléatoire ?
02:20 Vous pensez qu'il dure longtemps, l'adhésion pour l'adhésion pleine et entière à l'Union européenne ?
02:25 Vous avez tout à fait raison. L'ouverture de négociations d'adhésion ne veut pas dire l'adhésion.
02:29 C'est ensuite un processus très complexe où il faut des années, vraisemblablement.
02:37 Ça a toujours été des années pour les pays qui se sont présentés dans le passé.
02:43 Mais ce qui est très important, si vous voulez, dans le cas de l'Ukraine,
02:47 c'est que ça fixe un cap politique qui est l'ancrage dans l'Europe.
02:52 Et c'est ce message politique-là que les chefs d'État et de gouvernement ont voulu adresser.
03:00 À défaut d'être dans l'OTAN, et ça, c'est vraisemblablement pas pour demain,
03:06 il y aura quand même un ancrage institutionnel dans le camp occidental
03:11 via ce processus d'élargissement de l'Union européenne.
03:16 Il y aura aussi des gages à donner, on l'imagine.
03:18 L'Ukraine, y compris durant la guerre, n'a pas hésité à purger une partie de son administration.
03:23 Pour autant, Victor Orban le disait encore la semaine dernière lors de sa visite à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron,
03:28 elle ne remplit pas aujourd'hui les critères, à commencer par le niveau élevé de corruption qu'il éloigne, disait-il, des standards européens.
03:36 Oui, d'ailleurs, si M. Orban présentait la candidature de la Hongrie, ça serait exactement la même chose aujourd'hui.
03:44 Il ne remplirait vraisemblablement pas les critères, puisqu'il s'en est quand même détourné depuis que la Hongrie est entrée dans l'Union.
03:53 Ceci étant, bien sûr qu'il y a énormément de problèmes à régler avec l'état de droit, avec la stabilisation de l'économie, c'est énorme.
04:04 Mais en même temps, il faut laisser à l'Ukraine sa chance.
04:08 La société ukrainienne résiste, et elle résiste au nom des valeurs de l'Europe.
04:15 On n'allait pas lui dire non.
04:17 Donc ça va être un long, long processus.
04:22 Il ne faut pas être naïf.
04:24 Enfin, je veux dire, on part de loin.
04:27 Mais ce qui est important, c'est qu'il y ait une marge de progression.
04:32 Et il n'y a aucune raison de faire un procès d'intention à l'Ukraine en disant que l'Ukraine n'y parviendra pas.
04:38 C'est aussi une grande puissance agricole qui, à terme, pourrait venir percuter la politique agricole commune.
04:44 Absolument.
04:45 Et ce sera d'ailleurs un sujet qui animera beaucoup les actuels pays d'Europe centrale et orientale, notamment la Pologne,
04:59 qui ont été traditionnellement les soutiens de l'adhésion ukrainienne.
05:05 Mais là, quand on va entrer dans le concret de la concurrence agricole, avec ces grandes exploitations céréalières qui ont une capacité d'exportation mondiale,
05:18 il va de soi qu'il va y avoir des résistances.
05:21 Mais ce qui est très intéressant, justement, c'est qu'on va voir que ces résistances seront partout,
05:26 et pas seulement dans les anciens États membres de l'Union européenne, comme on l'a dit parfois.
05:32 Là aussi, il y aura des résistances dans les pays qui ont rejoint l'Union européenne en 2004-2007.
05:38 Dites-nous, Christian Lecadou, qui est un fin connaisseur des questions européennes,
05:41 c'est l'intervention d'Emmanuel Macron qui, la semaine dernière, on le disait, a demandé à Viktor Orbán de venir à l'Elysée,
05:51 qui a eu ce dîner avec lui, qui a finalement convaincu, qui a vaincu les réticences du Premier ministre hongrois, d'après vous.
05:56 Vous savez, c'est difficile à dire, mais je ne crois pas.
06:01 Je pense que le Premier ministre hongrois a surtout fait un calcul qui est un calcul très égoïste pour la Hongrie.
06:10 Il s'est dit que ce serait quand même bien embêtant pour ses finances publiques de se voir privé d'une partie des fonds qui lui sont alloués.
06:20 Et je pense que c'est ce calcul rationnel, très tourné vers l'intérêt budgétaire, qui a fait bouger M. Orbán.
06:31 Je pense que c'est plus important que l'intervention d'un quelconque chef d'État et de gouvernement.
06:37 Merci Christian Lecaine d'avoir été avec nous, qui enseigna à Sciences Po.