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L'animateur Arthur anime une nouvelle émission baptisée "Juge Arthur" ce vendredi soir en deuxième partie de soirée sur TF1. Et va fêter ses 30 ans de carrière dans quelques semaines. Il a également fait partie des premiers à dire son horreur face au 7 octobre. Il est l'invité de Sonia Devillers.

Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-23-novembre-2023-9165155

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Transcription
00:00 - Dès 7h48, Sonia De Villers, votre invité ce matin est animateur et producteur télé.
00:05 - Et il fête ses 30 ans de télévision.
00:08 Visage ultra populaire du petit écran qui a inventé des dizaines et des dizaines de
00:11 formats tantôt plébiscités, tantôt critiqués.
00:14 Une figure publique aussi qui n'a jamais fait mystère de ses origines juives, qui
00:19 n'a jamais hésité à s'engager.
00:21 Le 7 octobre, il a marqué le coup.
00:24 Bonjour Arthur.
00:25 - Bonjour Sonia.
00:26 - Vous avez exprimé immédiatement votre effroi à condamner le projet terroriste du
00:30 Hamas et participer au premier rassemblement à Paris, ce qui vous a valu des tombereaux
00:34 d'insultes antisémites.
00:35 Est-ce que vous vous y attendiez ?
00:36 - J'avais déjà été préparé ces dernières années, mais à ce point, non.
00:41 Je n'aurais jamais imaginé.
00:43 Au point que Méta était obligé de mettre en place un système de mots-clés sur mes
00:48 comptes pour qu'il y ait moins de messages qui arrivent.
00:51 - Méta c'est la maison mère d'Instagram et de Facebook.
00:54 - Oui, oui, c'était, je ne sais pas, 1000 minutes.
00:57 C'est un truc complètement dingue.
00:58 Je ne les ai pas vus.
01:00 Au début, je ne regardais pas.
01:02 Et puis après, c'est vrai qu'ils ont mis en place un système de quarantaine de mots-clés.
01:06 Décapité, mort juive, sale juif, tous les mots que je recevais.
01:10 Ce qui fait que maintenant, il faut être hyper créatif pour que le message arrive jusqu'à
01:14 moi.
01:15 - Un homme vient d'être mis en examen dans le Sud-Ouest.
01:18 Les policiers ont retrouvé sur son téléphone et sur son ordi des menaces de mort qui vous
01:22 visaient vous et Cyril Hanouna, un autre animateur de télévision.
01:27 Dans le couloir, il y a un officier de sécurité.
01:30 Ça veut dire que vous vivez sous protection ?
01:31 - Oui.
01:32 - Depuis quand ?
01:33 - Depuis le 8.
01:34 - Depuis le 8 octobre ?
01:35 - Disons que j'étais jusqu'à présent protégé, mais ça a été renforcé.
01:44 - C'est ça.
01:45 Est-ce que les insultes antisémites qui ont commencé…
01:49 - On est en France.
01:50 - On est en France.
01:51 On est en 2023.
01:52 J'habite Paris, nous sommes en France et j'ai des agentes qui protègent ma famille
01:59 et moi-même parce que je suis juif.
02:01 - En fait, c'est exactement la question que j'allais vous poser, Arthur.
02:04 - C'est linéaire, non ? C'est complètement linéaire.
02:08 On marche sur la tête.
02:09 On marche sur la tête.
02:11 Comment j'explique ça à mes enfants ?
02:15 - Et comment vous dites que c'était déjà le cas avant ? C'est-à-dire qu'en réalité,
02:19 ça fait des années ?
02:20 - Oui, je suis souvent venu chez vous.
02:23 Vous avez vu que j'étais toujours accompagné.
02:24 Mais en fait, je pense qu'il y a plein de formes de racisme, dont l'antisémitisme.
02:30 Et l'antisémitisme était là.
02:32 Il est là.
02:33 Il n'y a pas un nouvel antisémitisme.
02:34 Il était là.
02:35 Mais depuis le 7 octobre, j'ai l'impression qu'il s'exprime en roue libre, au grand
02:42 jour et librement.
02:43 C'est complètement dingue avec des mouvements politiques qui l'encouragent.
02:49 On est en France.
02:52 Je le redis, je discutais avec des amis à l'étranger, encore en téléphone, ils me
02:57 disaient "mais ce n'est pas possible, on est en France, en 2023".
03:02 - Ça ne vous a jamais dissuadé de vous engager publiquement ? C'est-à-dire qu'en 2006,
03:07 vous étiez déjà au premier rang des manifestations après la mort d'Ilan Halimi, qui était
03:12 un jeune homme juif qui avait été torturé et assassiné par le gang des barbares.
03:18 Déjà à l'époque, vous secouiez le cocotier en interpellant toutes les figures publiques
03:26 et en disant "mais vous êtes où ? Pourquoi vous ne vous exprimez pas ? Pourquoi vous
03:30 ne vous serviez pas de votre côté ?"
03:31 - D'abord, moi je m'exprime toujours en tant que citoyen français.
03:34 Parce qu'on parle aujourd'hui, et c'est vrai que c'est la communauté juive qui souffre
03:38 énormément, il y a eu la communauté musulmane.
03:40 Moi je suis un marcheur, j'ai marché pour tout le monde.
03:45 J'ai marché pour les Ouïghours, j'ai marché pour George Floyd, Black Lives Matter, j'ai
03:49 marché pour les femmes iraniennes, afghanes, j'ai marché contre l'homophobie, j'ai marché
03:57 contre toutes les formes de racisme.
03:58 C'est normal, je suis un humaniste.
04:03 Et j'ai été surpris, c'est vrai que peu de gens soient venus marcher avec nous, à
04:08 la fois à la première manifestation, après ce massacre où des femmes, des enfants, des
04:11 bébés ont été torturés, massacrés, éventrés, égorgés, décapités.
04:15 Et il n'y a pas un être humain sur terre qui n'a pas vu une vidéo de ça.
04:19 Et j'étais surpris que mes camarades, j'en ai parlé dans une interview, n'étaient
04:24 pas là.
04:25 Je sais qu'ils ont vu les vidéos, je sais qu'ils sont horrifiés.
04:27 On ne demande pas aux gens "est-ce que vous confirmez que vous êtes horrifiés ?"
04:31 Toute personne naturellement constituée est horrifiée parce qu'on a vu ce qu'on entend.
04:35 J'avais juste besoin de leur dire, nous les français de confession juive, on a maintenant,
04:41 plus que jamais, je crois que c'est une des premières fois dans l'histoire, besoin
04:44 de savoir que vous êtes là, que vous êtes à nos côtés, qu'on a besoin que tous
04:50 ceux que nous aimons, que nous suivons, on va voir vos films, on achète vos disques,
04:55 on va à vos concerts, on a besoin que pour une fois, ce soit vous qui nous désiez,
04:59 que vous vous tenez à nos côtés.
05:00 On a besoin juste d'amour, sentir votre chaleur, ne pas se sentir seul.
05:04 Et moi si je parle, c'est parce que je fais partie d'une communauté, on n'est pas
05:07 beaucoup, il n'y a même pas 400 000 juifs en France.
05:10 400 000 français juifs en France et ces français-là, ils ne se sont jamais sentis aussi seuls.
05:16 Alors vous avez le massacre du 7 octobre et puis dans la foulée, ces actes antisémites.
05:20 Je rappelle que nous représentons 1% de la population et nous subissons 60% des actes
05:25 de violence.
05:26 C'est quand même un problème, on est en France en 2023.
05:31 Sauf que vous êtes bien placé, Arthur, pour savoir ce que ça engendre de s'exprimer
05:36 publiquement quand on est...
05:37 Moi j'ai 57 ans, je ne calcule plus ni pour mon image ou quoi que ce soit.
05:44 Je parle avec mon cœur.
05:46 Je pense à mes enfants, je pense à leur avenir.
05:48 J'aime ce pays, ce pays m'a tout donné.
05:50 J'essaie de lui rendre un peu plus chaque jour.
05:52 Je vous dis juste que je suis un petit peu en colère.
05:55 Et comme c'est le matin, je n'ai pas dormi de la nuit, je suis calme.
05:59 Je suis en colère parce qu'il y a 40...
06:00 Je rappelle que vous êtes arrivé en France quand vous aviez un an, deux ans ?
06:03 Un an et demi.
06:04 Je suis né au Maroc.
06:05 Je viens d'une famille de marcheurs.
06:06 Et que vos parents ont fui le Maroc pendant la guerre d'Essie ?
06:10 Même avant, puisque mes ancêtres ont marché d'Espagne vers le Maroc parce qu'ils ont
06:15 fui l'Inquisition, du côté de mon père.
06:17 Et que du côté de ma mère, ils ont marché du Portugal, pendant l'Inquisition, vers
06:22 la Grèce.
06:23 Ce qu'on appelait les Maranes.
06:24 Et que ma mère a grandi en Israël, et qu'elle est partie en vacances au Maroc, elle a rencontré
06:28 mon père, je suis né là-bas, et au bout de 18 mois, on m'a demandé de marcher, et
06:31 je suis marché en France.
06:32 Et j'ai marché en France.
06:33 Donc moi marcher, je sais faire.
06:34 Donc vos parents ont tout recommencé en France ?
06:36 Oui.
06:37 En 67.
06:38 Et merci la France.
06:39 Mais je ne comprends plus rien, je suis perdu, je vous le dis franchement.
06:43 Je suis venu pour parler d'une émission de télé Sonia.
06:45 Voilà, si vous voulez.
06:46 Mais je voudrais juste rajouter quelque chose.
06:47 Il y a 40 de nos compatriotes qui sont morts.
06:50 Qui sont français.
06:52 Ça fait quoi ? Un mois et demi ? On leur a rendu un quelconque hommage ? Il a fallu
06:57 attendre 42 jours pour que le parisien fasse la une, avec les visages de ces français
07:02 qui ont été enlevés.
07:03 Moi j'ai grandi, on a tous vu les JT avec les noms qui démarraient aujourd'hui, ça
07:07 fait tant de jours que tel journaliste est en otage.
07:09 On n'en parle pas de ces 40 compatriotes ? Il y a 8 français, juifs aussi, mais français
07:15 d'abord, qui sont retenus otages.
07:18 Qu'est-ce qui se passe là ? C'est quoi ce silence ? On n'en parle pas, on ne les
07:24 considère pas, pourquoi ? Parce qu'ils sont juifs avant d'être français ? Non,
07:27 ils sont français.
07:28 S'il y avait eu 40 français assassinés, massacrés à Londres, avec des français
07:33 otages à Londres, on en parlerait ou on n'en parlerait pas à votre avis Sonia ? Il y a
07:38 un vrai problème.
07:39 Une question télé ?
07:43 Ouais, ouais, parce que j'ai pas dormi de la nuit.
07:45 Parce que vous savez que moi je suis en relation avec les familles d'otages.
07:48 Oui vous êtes en relation.
07:49 Avec toutes les familles d'otages.
07:52 Oui, et pas uniquement les familles françaises.
07:54 Y compris des familles qui en réalité ne savent pas si le disparu est otage.
07:59 Franchement, personne ne sait rien.
08:01 C'est terrible.
08:02 Ils ne savent pas si le disparu est otage, ils ne savent pas s'il est en vie.
08:05 Je rappelle qu'il y a encore 200 corps qui ont été tellement démembrés, brûlés,
08:11 tellement mutilés qu'on n'arrive même pas à savoir qui ils sont.
08:14 Donc il y a cette horreur-là.
08:16 Et puis je vais vous rajouter une autre horreur, auxquelles les gens ne pensent pas, c'est
08:19 que dans les jours qui viennent, et je le prie tous les jours, des enfants vont sortir.
08:22 Et parmi ces enfants, il y en a qui, des enfants qui ont passé pratiquement deux mois à vivre
08:28 un cauchemar dans les tunnels.
08:30 Et à ces enfants, la première chose qu'on va leur dire c'est "Ton père, ta mère,
08:33 ton frère et ta soeur sont morts, assassinés cet octobre".
08:36 Est-ce que vous avez conscience du niveau de barbarie dans lequel on est ? C'est pour
08:41 ça que je suis un petit peu en colère.
08:43 Beaucoup même, non ?
08:45 Oui, beaucoup.
08:46 Je pourrais vous en parler des heures.
08:50 Tout m'énerve.
08:51 Il faut que j'aille dormir.
08:53 J'ai une émission très drôle.
08:56 Ça s'appelle "Juge Arthur".
08:58 Il a des larmes aux yeux le producteur.
09:00 Non mais, reconnaissez que ça fait des semaines qu'on a un rendez-vous pour parler de cette
09:06 émission.
09:07 Comment vendre un divertissement ? Mais aussi, la vie doit continuer dans cette torpeur.
09:12 Et c'est notre rôle, nous les producteurs et les animateurs, de faire en sorte qu'on
09:17 s'échappe de ces infos, de ces images, et parce qu'il n'y a pas que le conflit israélo-palestinien.
09:22 Ces images affreuses de ces enfants juifs et de ces enfants palestiniens.
09:27 Parce que, n'oubliez pas, mon cœur saigne exactement de la même manière pour les
09:30 deux.
09:31 Et donc, nous, notre rôle dans ces moments-là, c'est de changer les idées.
09:34 Merci Arthur.
09:35 On parlera télé la prochaine fois.
09:38 Quoi ? C'est fini ? Sérieux ?
09:39 J'ai l'impression que je me suis fait arnaquer sur ce coup-là.
09:42 Dites au moins qu'elle est bien l'émission, dites la vérité.
09:44 C'est ce soir, c'est Arthur en robe, président de séance.

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