Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui Marie Estelle Dupont, psychologue clinicienne est l'invitée de l'émission à l'occasion de la sortie de son livre "Être parents en tant de crise" chez Guy Trédaniel Editeur.
Vous voulez réagir ? Appelez-le 01.80.20.39.21 (numéro non surtaxé) ou rendez-vous sur les réseaux sociaux d’Europe 1 pour livrer votre opinion et débattre sur grandes thématiques développées dans l'émission du jour.
Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Pascal Praud et vous la suite sur Europe 1-2, 11h à 13h, vous écoutez Pascal Praud, vous avez aussi la parole appelée au 01-80-39-21.
00:09 Être parent en temps de crise, comment restaurer l'équilibre psychique de nos enfants ?
00:13 Marie-Estelle Dupont, j'ai envie de dire qu'on est tout le temps en temps de crise, ça fait 40 ans qu'on est en temps de crise.
00:17 Absolument Pascal, l'idée de ce livre est partie de ce constat, ça fait 40 ans qu'on est en temps de crise.
00:22 Donc quand on est parent, est-ce qu'il faut dire aux enfants, par exemple, est-ce qu'il faut dire aux enfants, comment leur expliquer, vous avez des jeunes enfants ?
00:27 Oui, j'ai trois enfants.
00:28 Est-ce que vous leur avez dit ce qui s'est passé vendredi dans une école ?
00:32 Alors celui qui est au collège bien sûr, ceux qui sont en petite section de maternelle non.
00:36 Mais celui qui est au collège évidemment, je lui ai expliqué, mais il y a trois ans quasiment jour pour jour, Pascal, j'étais à France 2 pour parler de Samuel Paty.
00:46 Donc on a tous un sentiment d'écœurement et je crois qu'il ne faut pas mentir à nos enfants et mettre la tête dans le sable parce que toute émotion refoulée est une émotion qui va revenir.
00:55 En lui disant voilà ce qui s'est passé dans cet établissement, voilà pourquoi tu vas certainement avoir un déploiement d'un plan Vigipirate dans le collège.
01:04 Actuellement, moi ta mère, je souhaiterais que tu évites ceci ou cela par mesure de vigilance.
01:13 Maintenant lui n'est pas gagné par l'anxiété, donc je crois que chaque parent fait en fonction de l'âge, de la maturité, de la sensibilité de son enfant.
01:21 Évidemment la première chose à faire c'est de ne pas leur montrer d'image.
01:25 Donc pardon si je dis ça dans un média, je vous fais de la contre-publicité, mais pour les enfants pas d'image à la télé, pas de Twitter, pas de réseau sociaux là-dessus.
01:32 On n'en montre pas à la maison.
01:34 En revanche, on remet de la parole, puisque l'image elle sidère la pensée, la parole elle remet en route de la réflexion.
01:40 Donc voilà, je t'explique, le terrorisme c'est pas la guerre, là c'est un acte d'un psychopathe qui veut détruire mais qui veut non seulement tuer quelqu'un mais faire peur à tous les autres.
01:47 - Vous dites un psychopathe ?
01:49 - Ah bah oui, il faut qualifier, enfin je veux dire, il faut dire vraiment que ce sont des psychopathes les gens qui font des gestes barbares.
01:56 Ils sont psychopathes au sens où il n'y a absolument pas d'empathie et il y a un véritable désir en fait d'effrayer, c'est la base du terrorisme.
02:03 Donc je crois qu'expliquer aux adolescents qu'il y a une différence entre le terrorisme et la guerre, que le peuple n'est pas le gouvernement, que le gouvernement n'est pas l'organisation terroriste,
02:11 c'est pas de mettre chacun en fait à sa place, c'est leur donner des éléments de langage pour penser quelque chose qui à un moment donné devient très effractant pour leur psychisme.
02:19 - Je vous propose d'écouter le ministre de l'éducation nationale qui vient de s'exprimer au lycée Charlemagne à Paris ce matin, Gabriel Attal.
02:25 - Ils demandent plus de sécurité, de sécurité physique évidemment, de sécurité intellectuelle aussi, pour ne jamais avoir à s'auto-censurer par crainte de réaction ou de représailles face à leurs enseignements.
02:39 Et évidemment je vais me battre, je vais me battre pour renforcer cette sécurité à l'école. On se sent toujours plus en sécurité à l'école qu'à l'extérieur de l'école.
02:50 J'ai ensuite échangé avec des élèves d'une classe de 3ème, avec leur enseignante de lettres, on a lu un texte de Victor Hugo sur le rôle de l'école, un texte qui finalement dit que l'école est plus forte que tout.
03:05 C'est aussi le message que je suis venu adresser ce matin. Nous sommes le 16 octobre, c'est une journée évidemment particulière.
03:13 Il y a 3 ans, Samuel Paty était assassiné parce qu'il enseignait. Il y a 3 jours, Dominique Bernard a été assassinée parce qu'il enseignait.
03:25 Cette journée, c'est une journée absolument majeure où l'école se tient debout, je l'ai dit.
03:32 Brigitte Macron a aussi pris la parole ce matin.
03:35 C'est un métier de vocation. C'est un métier de vocation et je veux leur dire à quel point nous sommes tous solidaires. Mais je pense qu'ils le savent.
03:43 Ils le savent, c'est très important qu'on le soit dans des moments comme aujourd'hui, que nous restions unis et que si nous nous restons unis, il y a des chances que le reste du monde le soit aussi.
03:52 Restons unis, ce sont les paroles d'Emmanuel Macron également, ce qu'il avait dit après dans son allocution jeudi soir. Brigitte Macron qui a parlé aussi du sujet de la laïcité.
04:03 Ça n'est pas être contre la laïcité. C'est véritablement, il faut bien expliquer ce que c'est parce que je pense que c'est mal compris.
04:10 On ne s'élève pas contre quelque chose et on explique comment on voit le monde.
04:17 On a marqué une pause à 12h09 avec Marie-Estelle Dupont. Si vous nous écoutez, vous pouvez d'ailleurs l'interroger peut-être Marie-Estelle Dupont parce que vous êtes parent.
04:26 On ne sait pas toujours les mots que nous devons dire pour des enfants.
04:31 Vous disiez tout à l'heure collégiens. Collégiens, ça va de la sixième à la troisième. On ne parle peut-être pas un enfant de 12 ans comme un enfant de 15 ou 14.
04:38 Je retiens quand même ce langage de vérité que vous avez mis en place de dire les choses telles qu'elles sont.
04:44 Il faut dire la vérité. Il faut éviter deux écueils quand on est parent. Le déni et la panique.
04:49 On gère nos émotions, on gère notre angoisse et on pose des mots et on dit la vérité.
04:54 Parce qu'un enfant, si on lui ment, on ne lui donne aucune clé. On l'enferme dans quelque chose.
04:58 La pause et nous revenons tout de suite.
05:00 Et de 11h à 13h, vous écoutez Pascal Proz sur Europe 1.
05:03 Europe 1.
05:04 Pascal Proévou. 0180 20 39 21. C'est le numéro que vous composez dans Pascal Proévou.
05:09 Pascal Proévou de 11h à 13h pour poser vos questions à Marie-Estelle Dupont qui est avec nous, psychologue, clinicienne.
05:14 Elle a sorti "Être parent en temps de crise", son dernier ouvrage, chez Guy Trenadiel, éditeur.
05:19 Et c'est vrai que les enfants aujourd'hui subissent...
05:23 Alors, toujours une question d'ailleurs. Est-ce que les enfants subissent aujourd'hui plus d'agressions qu'ils ne subissaient il y a un siècle, il y a 50 ans ou il y a 10 ans ?
05:34 Ce que j'essaie d'expliquer dans le livre, c'est que la problématique récurrente dans le modèle de société dans lequel on est, c'est que l'enfant n'est plus à sa place d'enfant.
05:42 Et ça, c'est une agression.
05:44 C'est-à-dire que quand je décris ce qu'est un traumatisme dans le livre,
05:48 et en quoi les mesures qu'on a pu prendre pendant la crise Covid ont été à l'origine d'une vague pédopsychiatrique,
05:54 ce n'est pas la difficulté qui traumatise des difficultés, il y en a à toutes les époques.
05:59 C'est le fait que l'enfant ait perdu sa place d'enfant.
06:02 Que toutes les places aient été confuses.
06:05 Quand on a déstructuré tous les repères, tous les cadres, toutes les figures d'autorité,
06:09 que alors que l'école devient un lieu où on check le virus, que les parents sont eux-mêmes infantilisés par les mesures extérieures, etc.,
06:17 tout est confus pour un enfant. Il ne peut pas se positionner et c'est contraire évidemment à son développement.
06:21 - Mais est-ce que c'est nouveau ? C'est ça qui m'intéresse, parce qu'il y a un siècle vous aviez des enfants qui travaillaient à l'âge de 9 ans, 10 ans, 11 ans,
06:27 peut-être pas il y a un siècle d'ailleurs, il y a 150 ans.
06:30 Donc est-ce qu'il y a quelque chose de nouveau dans notre époque pour les enfants ?
06:35 - Ce qui est nouveau dans notre époque, ce que je dis dans le livre, c'est que finalement, il ne faut pas prendre la crise sanitaire comme le début de quelque chose.
06:42 Je pense que c'est l'aboutissement d'un processus, la manière dont on a géré les choses, qui est à l'œuvre depuis 40 ans.
06:47 C'est-à-dire que je pense que depuis 40-50 ans dans notre société, on a la mauvaise anthropologie.
06:52 Et si on a une mauvaise anthropologie, forcément on fait des erreurs dans toutes les autres sciences sociales, la sociologie, l'histoire, l'éducation, la psychologie.
06:59 - La psychologie aussi, je m'inclus dedans.
07:02 On a redéfini l'être humain, on a redéfini la santé déjà comme un chiffre de circulation virale.
07:06 La santé c'est devenu des statistiques, il n'y en a plus de vision globale et holistique de l'équilibre humain,
07:12 ce qui est pourtant la définition même de l'OMS, de la santé.
07:15 Et on a redéfini l'homme, comme le disait Bernanos, comme un consommateur contribuable,
07:20 c'est-à-dire comme avec une définition exclusivement matérialiste de l'être.
07:23 Donc on a totalement vidé finalement la société de sa dimension spirituelle.
07:26 Or dans les périodes difficiles, c'est évidemment le recours à la spiritualité qui permet de faire face.
07:31 Donc qu'est-ce qui s'est passé ? Les gens ont basculé dans la peur.
07:34 Parce que quand vous faites croire à l'homme qu'il est tout puissant, qu'il n'y a rien au-dessus de lui,
07:37 dès qu'une difficulté arrive, il a besoin de se raccrocher à une croyance.
07:40 Et si on n'a pas une croyance spirituelle, on a trop de croyance, on attend trop de la technologie, on attend trop de la médecine, etc.
07:48 Donc les gens ont basculé dans la peur.
07:50 Et quand on a peur, on ne discerne plus, on tombe dans une pensée binaire.
07:53 Et c'est ce qui s'est passé pendant la crise sanitaire.
07:55 C'est-à-dire qu'on a eu une hystérisation du débat, rappelez-vous Pascal, qui était très préoccupante, il n'y avait plus de nuance.
08:00 - Alors on est avec Pierre. Bonjour Pierre, qui est peut-être concerné par ces questions-là,
08:06 parce que vous avez des jeunes enfants à la maison ou des adolescents chez vous. Bonjour Pierre.
08:10 - Oui bonjour Pascal. J'ai effectivement un garçon avec moi qui a 11 ans et qui est en 6ème.
08:17 - D'accord. Et vous lui avez parlé par exemple de l'attentat terroriste de vendredi ?
08:22 - Alors effectivement, moi je suis régulièrement les informations, je lis des journaux et des hebdomadaires, des mensuels.
08:33 Et notamment je regarde la télévision, donc forcément mon fils est baigné dedans.
08:37 Donc il est au courant de l'actualité, il a vu ce qui s'est passé en Israël, il a vu l'attentat de vendredi.
08:42 - Il a vu, dites-vous. Et Marie-Estelle disait, il ne faut pas montrer peut-être les images.
08:47 Est-ce que, fort de ce que dit Marie-Estelle Dupont, vous allez aujourd'hui hésiter à mettre votre fils devant les informations ?
08:56 Il a 11 ans, c'est très jeune.
08:58 - Oui, il a 11 ans. Alors justement, moi j'ai considéré que comme les images étaient quand même floutées
09:04 et avaient été diminuées dans leur violence, on va dire, j'ai pensé que c'était tout à fait possible qu'il les voie.
09:11 Et de toute manière, il a fallu que moi j'évoque avec lui ce qui s'était passé en Israël.
09:17 Et les mots même, pour expliquer ce qui s'était passé, les mots sont violents.
09:21 Donc je ne pense pas que l'image rajoute de la violence.
09:24 Mais bon, ceci dit, moi ce n'est pas sur ce terrain-là que je me pose la question,
09:28 c'est plutôt sur les interrogations de mon fils.
09:32 Lui, il est métis, j'ai un garçon métis, sa maman est mahoraise de Mayotte.
09:37 Et donc il est vraiment confronté au problème de la religion, au problème des difficultés, du racisme, tout ça.
09:45 Donc je suis obligé de parler de ça avec lui, en fait.
09:49 Voilà.
09:51 - Et peut-être avez-vous une question ou un conseil à demander à Marie-Estelle,
09:55 à moins qu'elle-même souhaite vous poser une question ?
09:58 - Euh... Non, je n'ai pas de question à lui poser, non, non.
10:03 Non. Tout va bien.
10:05 - D'ailleurs, je pense que ça ne va pas qu'il y ait à côté de son fils, en fait.
10:09 - Bah merci, merci.
10:12 - Merci de votre témoignage.
10:14 - Oui, enfin, moi je voulais témoigner surtout par rapport à autre chose,
10:17 je ne sais pas si on vous a bien transmis l'information,
10:19 c'était par rapport au climat aujourd'hui, suite à l'organisation de la journée à l'école
10:27 et le plan qui a été défini par le ministre Attal.
10:30 Moi je suis professeur, je suis enseignant.
10:32 Et c'est pour ça que je voulais témoigner, en fait.
10:34 Donc je ne sais pas si c'est dans le cadre de votre...
10:36 - Mais non, mais je vous en prie, au contraire.
10:38 Vous pensez que ce n'est pas une bonne chose ce qui a été mis en place aujourd'hui ?
10:42 La minute de silence à 14h, parler avec les élèves le matin ?
10:47 - Alors, écoutez, moi je vous dis simplement, je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit le ministre.
10:52 Moi-même, l'autre jour, quand il y a eu le massacre de bébés en Israël,
10:57 dès le lendemain, j'ai proposé, et je dis bien proposé, à mes élèves de 3e, une minute de silence.
11:03 Je leur ai proposé, ils ont accepté.
11:05 On avait un peu eu d'instruction, moi je n'ai pas parlé de politique,
11:09 j'ai dit qu'il y avait eu un massacre horrible avec des enfants,
11:11 ils étaient au courant pour la plupart, les élèves.
11:13 Donc ils m'ont dit "on est d'accord, c'est horrible, on a fait une petite minute de silence".
11:17 Suite à ça, j'ai constaté dans mon établissement que
11:22 un certain nombre de professeurs relativisait ce massacre,
11:27 justifiaient plus ou moins, on va dire,
11:30 que Israël était un État avec un gouvernement d'extrême droite,
11:33 que donc une minute de silence ne serait pas nécessaire.
11:36 Enfin en gros, ça revenait à dire "ils sont morts, mais c'est pas grave parce que c'est un État fasciste".
11:43 Donc moi, ça m'a confirmé dans l'idée que, aujourd'hui, ce qui se passe dans l'éducation nationale,
11:48 et j'en ai eu encore la preuve aujourd'hui,
11:50 on a un certain nombre de nos collègues qui sont dans l'idéologie qu'on pourrait appeler
11:57 "islamo-gauchiste" ou "gauchiste",
12:00 qui fait qu'ils n'ont même pas besoin de s'auto-censurer en réalité,
12:05 parce qu'ils partagent à la base des conceptions de cette idéologie dominante.
12:09 On dit toujours qu'il y a 50% des professeurs qui s'auto-censurent
12:12 pour ne pas aborder des points litigieux.
12:15 Mais pourquoi les autres ne le font pas ?
12:17 Parce que tout simplement, ils n'ont pas besoin de le faire.
12:20 Ceux qui s'auto-censurent, c'est des profs comme moi
12:22 qui ne partagent pas cette idéologie et qui...
12:26 - J'espère que 50% des profs ne partagent pas l'idéologie de l'ultra-gauche en France
12:33 et ne considèrent pas par exemple que le Hamas n'est pas une organisation terroriste.
12:37 J'espère maintenant.
12:38 Vous êtes professeur de quoi, Pierre ?
12:40 - Je suis professeur d'allemand et c'est pour ça que...
12:43 - Et vous êtes dans quelle région ?
12:44 - Dans le Finistère.
12:46 Alors voilà, le Finistère, c'est vrai qu'ici, là où je suis,
12:49 c'est très à gauche historiquement.
12:51 - C'est vrai.
12:52 Mais c'est vrai que dans le temps, les terres de gauche,
12:55 qui étaient la gauche républicaine du PS,
12:57 sont devenues parfois très éléfistes, disons-le.
12:59 On marque une pause, restez avec nous.
13:01 Et on termine cette petite discussion, on s'en va tout de suite.
13:04 - Et vous continuez de réagir au 01.80.20.39, 21h-11h, 13h.
13:07 Vous écoutez Pascal Praud sur Europe 1.
13:09 - Pour réagir et donner votre avis sur Europe 1.
13:11 - Rendez-vous sur la page Facebook de Pascal Praud et vous.
13:14 Europe 1, Pascal Praud.
13:17 - Merci de nous rejoindre, vous écoutez Pascal Praud sur Europe 1,
13:19 de 11h à 13h.
13:21 Pierre, qui est professeur d'allemand dans le Finistère,
13:23 qui nous dit quand même quelque chose d'effrayant.
13:25 Il nous dit que les professeurs n'ont pas besoin forcément de se censurer,
13:28 puisqu'ils partagent cette idéologie d'extrême-gauche.
13:33 Et j'imagine quand même qu'il faut apporter des nuances à tout cela.
13:38 Vous êtes dans un établissement public, Pierre ?
13:40 - Oui, je suis dans un établissement public.
13:43 Je tiens à signaler quelque chose d'important, si vous voulez.
13:46 C'est que j'ai été enseignant outre-mer pendant très longtemps.
13:50 Et ça fait que deux ans que je suis en métropole.
13:52 Et quand j'étais en outre-mer, je ne vais pas donner de lieu,
13:55 parce que je n'ai pas envie que certaines personnes me reconnaissent
13:57 ou réagissent forcément.
13:59 Mais il n'y avait pas ce problème.
14:01 On n'avait pas de problème de racisme, d'hystérie au niveau des discussions politiques.
14:06 On avait une liberté de parole.
14:08 Chacun pouvait dire ce qu'il voulait, évaluer le pour, le contre, etc.
14:13 Depuis que je suis en France, je sens que je dois marcher sur des œufs.
14:17 Et que chaque chose que je dis peut être critiquée et écrite.
14:21 - C'est vrai aussi pour les journalistes, vous avez parfaitement raison.
14:23 On est très prudent parce que la société française est fracturée.
14:26 Donc on le sait bien sur ces sujets-là.
14:28 Et on le voit bien.
14:30 La difficulté, c'est de savoir si cette idéologie est absolument minoritaire
14:39 ou elle est portée par une poignée d'intégristes islamistes.
14:44 Ou si aujourd'hui, elle s'est répandue, notamment parmi les jeunes, d'une manière plus importante.
14:50 Mais cette question, je ne sais pas si vous pouvez vous-même mesurer
14:54 dans le Finistère avec les élèves que vous avez dans votre classe.
14:59 - Au niveau des élèves, je dirais plutôt qu'ils sont tout à fait prêts à débattre.
15:03 J'ai même fait ce matin, suite aux instructions du ministre,
15:06 un débat d'une heure avec des élèves de classe de cinquième
15:10 qui se sont montrés très ouverts et pas du tout dans l'excès.
15:14 La discussion a porté sur ce qu'est la religion,
15:17 comment on peut comprendre que des gens se radicalisent, etc.
15:21 Ça s'est très bien passé. Aucun débordement, aucun propos excessifs.
15:24 Par contre, au niveau de mes collègues, pour répondre à votre question,
15:27 au doigt mouillé, je vous dirais qu'il y a au moins un bon tiers de collègues
15:32 qui sont clairement dans une idéologie, une mouvance, une sensibilité
15:37 qu'on pourrait qualifier de très, très, très à gauche.
15:40 C'est le moins qu'on puisse dire.
15:41 - Non, mais c'est vrai que ça existe dans l'éducation nationale.
15:43 Alors après, au doigt mouillé, comme vous dites.
15:45 - Mais je peux vous donner quelques exemples.
15:47 J'arrive en cours le lendemain, le lundi, suite aux attentats d'Israël.
15:53 Donc lundi dernier, j'arrive, salle des professeurs.
15:56 Au début de la journée, aucune réaction, aucune discussion.
16:01 Comme si la vie continuait de tous les jours.
16:03 On parle du jardin, du jardinage, de ceci, de cela.
16:07 Aucun propos sur ce qui s'est passé en Israël.
16:09 Ensuite, l'autre jour, on a cet assassinat de ce professeur à Arras.
16:14 J'arrive ce matin, j'arrive ce matin en classe, aucune discussion, rien.
16:19 - Oui, mais ça dépend comment on l'interprète.
16:23 C'est peut-être une volonté entre professeurs
16:26 de ne pas parler de sujets sur lesquels les uns et les autres ne seraient pas d'accord
16:29 et de ne pas faire entrer la politique dans une salle de prof.
16:31 On peut l'interpréter de différentes manières.
16:34 Marie-Estelle Dupont.
16:37 - L'important, c'est de savoir quelle est la proportion de gens
16:40 qui ont cette idéologie à l'école.
16:43 Mais en fait, je crois que si on dézoome un peu,
16:45 la question qui est importante aujourd'hui, à la fois pour nos enfants et pour la démocratie,
16:48 c'est qu'est-ce qui se passe pour qu'on ait régressé à une pensée tellement binaire
16:52 que dans tous les domaines, qu'on parle d'Israël, qu'on parle du climat, qu'on parle du Covid,
16:56 ça n'est plus possible d'avoir un débat.
16:58 Il y a une espèce de dystérisation de tout, de victimisation.
17:01 - Et quelle est votre explication, votre analyse ?
17:03 - Il y a cette tendance victimaire qui rend les choses extrêmement binaires
17:09 et on est désigné comme salaud sartrien si on n'est pas dans la doxa du régime.
17:14 - Et votre analyse, pourquoi ?
17:15 - Parce que je crois que c'est ce que décrivait déjà Tocqueville,
17:18 en démocratie, on ne va pas faire comme en dictature,
17:22 on ne va pas envoyer à l'échafaud celui qui n'est pas d'accord,
17:24 mais celui qui n'est pas dans le narratif officiel, finalement,
17:27 on va l'ostraciser et on voit bien que pendant le Covid, par exemple,
17:30 l'enfant qui n'avait pas son masque ou celui qui posait une question
17:34 "mais est-ce que vous ne croyez pas que telle mesure a aussi des répercussions négatives sur les enfants ?"
17:38 C'était le méchant, c'était le salaud sartrien et c'est ça qui est préoccupant.
17:42 À quoi je l'attribue ? Déjà, je l'attribue à la baisse du niveau d'instruction.
17:45 C'est-à-dire que je pense que moins les gens sont instruits,
17:47 moins ils sont en capacité d'exercer leur discernement
17:49 et d'avoir un débat structuré, thèse, antithèse, synthèse,
17:52 et donc de tolérer des contre-arguments,
17:54 parce que finalement, si vous n'avez pas d'argument à opposer,
17:56 c'est très énervant que l'autre ne soit pas d'accord avec vous.
17:58 Donc il y a la baisse du niveau d'instruction,
18:00 et puis il y a cette espèce de management de la population à la peur
18:04 où en fait la communication veut lisser toute conflictualité dans le débat
18:08 et finalement les gens fonctionnent par conformisme.
18:12 Il ne faut pas être marginalisé. Voilà, donc il y a ça aussi.
18:15 - Pierre, vous restez encore avec nous un petit peu ?
18:18 - Je voudrais juste terminer, non je ne vais pas pouvoir,
18:20 mais je voudrais rebondir. - Ah, quel dommage !
18:22 - Je suis d'accord avec ce que vient de dire Marie-Estelle Dupont.
18:24 C'est essentiel, nous sommes en train dans l'éducation nationale
18:27 de fabriquer ce que d'autres ont appelé des "crétins diplômés"
18:31 ou des "crétins moralisateurs", c'est la morale systématique.
18:34 Et en fait, bien, mal, noir, blanc, mais c'est tout, ça ne va pas plus loin.
18:38 - Eh bien merci beaucoup Pierre de votre témoignage.
18:41 On est beaucoup à avoir fait allemand, première langue,
18:43 ce qui était mon cas, parce que dans les années 70,
18:46 nos parents pensaient qu'il fallait faire allemand première langue
18:48 parce qu'on était dans les classes de bons élèves.
18:50 - Oui, ils aimaient toujours. - Donc moi j'ai dû faire sept ans d'allemand
18:52 et je suis incapable de dire un mot.
18:54 Donc je voudrais que vous m'aidiez et que vous m'expliquiez.
18:57 "Wenn ich ein kleines Kind lerne ich Deutsch, aber vergesse ich alles."
19:03 - Qu'est-ce que ça veut dire ?
19:05 - Je crois que ça veut dire "quand j'étais un enfant, j'ai appris l'allemand,
19:08 mais j'ai tout oublié". - C'est très bien.
19:11 - J'ai bien accordé parce que la déclinaison "Wenn ich ein kleines Kind",
19:16 je crois que la déclinaison est bonne.
19:20 Restez avec nous quelques secondes, juste deux secondes,
19:22 et puis après on revient après la pause.
19:24 - Avec vous au 01.80.20.39.21, vous écoutez Pascal Praud de 11h à 13h.
19:28 - Europain. - Pascal Praud et vous.
19:32 - Vous écoutez Pascal Praud jusqu'à 13h et vous témoignez au 01.80.20.39.21
19:36 comme Pierre Pernod-Téléphone. - Mais non, il est parti Pierre,
19:38 vous avez fait "mais oui" parce que je ne sais pas pourquoi il est parti.
19:40 - Mais il devait rester quelques secondes pour nous aider en allemand.
19:43 - Bien sûr. - J'avais trois de moyenne en allemand.
19:45 - Ah, la catastrophe.
19:47 - "Ich kann nicht überlegen Gott in der Öserei preis und er und Freunde Menschen,
19:50 die ich zu mir er."
19:52 Il est vraiment parti, Monsieur Olivier ?
19:55 - Peut-être qu'il a court, c'est la cantine.
19:57 - Il n'est plus là du tout Olivier.
19:59 Qu'est-ce que vous avez dit ?
20:00 - Peut-être qu'il a court à 12h30 ou c'est la cantine aussi, c'est l'heure.
20:03 - Bon, nous allons remercier Marie-Estelle qui est venue.
20:06 "Être parent en temps de crise, comment restaurer l'équilibre psychique de nos enfants ?"
20:12 - Je pense qu'il faut dire aux gens que c'est un ouvrage assez hétéroclite.
20:16 C'est-à-dire qu'il y a une part essai politique,
20:18 il y a une réexplication psychologique de ce que c'est que le traumatisme,
20:21 il y a un bilan épidémiologique de la crise sanitaire sur le plan psychologique,
20:24 et puis il y a des clés pour les parents,
20:26 pour expliquer certaines choses aux enfants du monde dans lequel ils vivent.
20:30 - Et puis vous pensez aux jeunes gens qui sont dyslexiques,
20:34 qui ont tous les 10, et ça c'est important parce qu'il faut en parler,
20:38 durant cette période du Covid ils ont tous perdu les acquis des prises en charge précédant la crise.
20:44 - Bien sûr, je le rappelle dans le livre que pour les enfants qui étaient déjà en difficulté,
20:47 ça a été extrêmement compliqué.
20:49 - Des patients étudiants à HEC ou à Sciences Po vous ont dit
20:54 qu'ils n'avaient pas retenu une seule phrase des cours appris en ligne
20:57 pour tenter de valider leur année.
20:59 - Oui, j'en recevais tellement découragés qu'ils s'allongeaient en fait dans le sofa
21:04 en pleurant et en me disant "les cours en virtuel, les cours en distanciel,
21:09 en fait j'ai rien mémorisé, j'ai validé mon année,
21:11 je ne sais même pas vous dire de quoi j'ai parlé dans ma copie".
21:15 - C'est vrai que ça a été une période notamment pour ces jeunes gens
21:19 qui n'ont pas pu aller à l'école physiquement.
21:22 - Donc il faut leur redonner une espérance là,
21:24 parce qu'ils n'arrivent plus à se projeter pour beaucoup,
21:26 et ceux qui vont bien c'est aussi ceux dont les parents,
21:28 c'est pour ça que j'écris ce livre, c'est "Retrouvons-nous les manches"
21:30 parce qu'on peut quand même, si on fait notre maximum pour nos enfants,
21:32 même si le monde autour est anxiogène, ça fait une grande différence pour eux.
21:36 - Bon, pour vous suivre depuis longtemps,
21:38 c'est vrai que j'apprécie beaucoup ce que vous dites, votre analyse,
21:41 et puis je pense qu'il y a des gens qui vous écoutent régulièrement
21:44 et qui sont convaincus, je trouve un poil parfois pessimiste,
21:48 et un poil plus précisément, je trouve que les gens peuvent aussi
21:54 se prendre un peu en main.
21:56 - C'est exactement l'objet du livre.
21:57 - Oui, mais quand vous parlez de ces étudiants
22:00 qui arrivent sur votre sofa et qui pleurent,
22:02 je me dis qu'ils peuvent aussi prendre leurs responsabilités.
22:06 - Pas quand tout est interdit, pas quand ils n'ont pas le droit d'aller en cours,
22:08 pas le droit d'aller au sport, pas le droit de sortir de leur écran
22:10 et qu'on leur prescrit de faire, pour être un bon citoyen,
22:14 tout l'inverse de ce qu'ils ont besoin de faire pour être un adulte équilibré.
22:17 Ils étaient quand même enfermés chez eux dans 10 mètres carrés,
22:19 et on leur disait que s'ils sortaient de chez eux, c'était des criminels.
22:21 Cette infantilisation et cette culpabilisation est toxique pour eux,
22:24 c'est ça que je rappelle, que la société a été...
22:26 - C'est les arguments d'un centaure.
22:27 - Cette société a été toxique avec les jeunes, parce qu'on a inversé les places,
22:30 on a demandé aux jeunes de porter les adultes,
22:32 mais je ne dis pas qu'il ne faut pas se prendre en main,
22:33 puisque j'écris justement un livre en disant que
22:35 si nous les parents on fait tout ce qu'on peut pour eux,
22:37 ça va aller, et beaucoup s'en sortent très bien.
22:39 - Merci en tout cas Marie-Estelle Dupont.
22:41 - Le pessimisme c'est le début de l'action, Pascal,
22:43 il faut faire les constats négatifs pour agir et transformer.
22:45 Si on dit que tout va bien, on ne fait rien.
22:47 - Chère Marie-Estelle, c'est toujours un plaisir d'échanger avec vous,
22:51 et je sais votre qualité de rhétoricienne.
22:54 Il est 12h35 sur Europe 1.