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L'ancienne ministre de la Santé publie "Journal, janvier-juin 2020" chez Flammarion, un livre pour raconter six mois qui ont marqué l'histoire de notre pays, avec d'abord les premiers cas de Covid alors qu'elle était ministre puis la campagne des Municipales, lorsqu'elle était devenue candidate au pied levée. Agnès Buzyn répond aux questions de Julien Sellier, Marion Calais et Cyprien Cini pour RTL.
Regardez L'invité de RTL Soir du 28 septembre 2023 avec Marion Calais et Julien Sellier.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Julien Cellier, Marion Calais et Céprien Signy.
00:07 RTL Bonsoir jusqu'à 20h.
00:09 18h et 19 minutes. RTL Bonsoir continue. On s'occupe de vous effectivement jusqu'à 20h. Nous recevons maintenant notre invité événement,
00:16 l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn. Bonsoir. Bonsoir. Votre journal, janvier-juin 2020, sort aujourd'hui chez Flammarion.
00:24 Un livre pour raconter six mois qui ont marqué l'histoire de notre pays. Les premiers cas de Covid, vous étiez ministre,
00:31 puis la campagne des municipales, vous étiez devenue candidate au pied levé.
00:36 Alors vous nous emmenez en coulisses, vous nous donnez à lire par exemple des textos que vous échangiez avec Emmanuel Macron.
00:40 Vous n'êtes pas tendre avec certains scientifiques, pas tendre non plus avec l'Organisation mondiale de la Santé.
00:45 On sent que vous aviez besoin de livrer votre vérité face aux accusations de mauvaise gestion, ce qui est très marquant.
00:52 Ce sont d'ailleurs quasiment les premières lignes. Vous dites que vous avez commencé à écrire ce journal au début du confinement.
00:58 Vous aviez peur en fait de mourir, d'attraper le virus, sans avoir raconté votre version de l'histoire à vos enfants.
01:06 Oui, je suis allée travailler dans un hôpital, dans une salle Covid, et j'avais peur de mourir comme tout le monde en fait.
01:13 Et c'est peut-être la singularité de ce récit, c'est que j'avais trois casquettes au moment où le Covid est arrivé.
01:20 Celle de n'importe quelle citoyenne qui a peur pour sa famille quand le Covid arrive, celle de ministre de la Santé qui agit,
01:28 et celle de médecin qui a un regard particulier. Alors vous dites votre vérité, en réalité je pense que c'est la vérité.
01:36 Ce sont des faits, ce travail il est chronologique, il est factuel, et je pense qu'il permet de prendre conscience
01:48 du fait qu'on a un récit collectif qui n'a pas été fondé sur les bonnes informations.
01:54 Et c'est embêtant quand on veut faire un retour d'expérience, quand on veut comprendre ce qui a dysfonctionné, de ne pas avoir le bon récit.
01:59 Et donc j'ai voulu rendre cette part d'histoire aux Français.
02:04 Alors justement, vous racontez comment vous, ministre, vous découvrez le virus, il faut suivre ce truc, c'est ce que vous écrivez le jour de Noël,
02:11 plus de trois mois avant le confinement. Premier SMS ensuite de mise en garde à Edouard Philippe, on est le 11 janvier,
02:17 et très vite vous présentez le risque, et en fait on a l'impression que personne ne vous prend au sérieux tout de suite.
02:23 Non, alors ce n'est pas exactement la lecture que je ferai du livre en fait.
02:30 C'est qu'il y a un contexte national et international où personne ne prend en compte la potentielle gravité de ce virus.
02:40 Et donc on ne peut pas demander à des politiques qui ne sont pas médecins de comprendre mieux ce qui va se passer,
02:46 que tous les scientifiques du monde, l'OMS ou le CDC européen.
02:50 Oui, l'OMS n'a pas forcément fait son travail d'ailleurs à ce moment-là, c'est ce que vous estimez en tout cas.
02:54 En tous les cas, ils ont évalué le risque de façon différente de ce que je pensais important à l'époque.
03:02 Ils avaient peut-être des données que je n'ai pas, donc je ne peux pas en juger.
03:05 En tous les cas, à l'époque, il y a une dissociation entre ma perception, ça c'est clair, et les recommandations et les avis de l'OMS à l'époque.
03:13 Et vous l'avez ça, vous le racontez dans ce livre, cette conversation téléphonique avec Emmanuel Macron.
03:18 On est le 8 février, 11 cas seulement en France.
03:20 Il vous appelle, vous êtes au cinéma, vous sortez du cinéma, vous êtes dans une impasse, vous lui expliquez la situation.
03:25 40 minutes d'échange, vous le prévenez, un tsunami risque d'arriver et vous avez au bout du fil un président qui est interloqué.
03:33 Le président est très surpris, enfin personne ne s'attend à un discours dystopique où je lui explique qu'on va mettre le monde entier sous cloche,
03:40 que les transports internationaux vont s'arrêter, qu'on va perdre 10 points de PIB mondial.
03:46 En fait, mon discours est pour quelqu'un qui ne sait pas.
03:50 Comme le sable scientifique aurait un jour une pandémie, et quelqu'un qui n'a jamais eu affaire à une grande pandémie mondiale
03:57 parce que ça fait 100 ans qu'on n'a pas eu de pandémie depuis la grippe espagnole, il faut avouer que mon discours est un peu étonnant.
04:03 Et quelques jours plus tard, son bras droit, Alexis Colère, il vous dira "mais tu as fait peur au président".
04:08 Oui, donc je pense que je l'ai interpellé de façon assez violente, probablement lors de cette conversation.
04:15 Mais d'un autre côté, autour de moi, et c'est ce que démontre ce livre, aucun scientifique ne prend ce virus au sérieux.
04:22 Tout le monde appelle ça une grippette. Et donc mon discours n'arrive pas à avoir l'impact que je souhaite.
04:29 Et d'ailleurs, vous allez quitter votre poste alors que la crise s'annonce, puisque le candidat en marche à la mairie de Paris,
04:38 Benjamin Griveaux, jette l'éponge après la diffusion d'une vidéo intime, et tous les ténors, Emmanuel Macron compris,
04:44 vous demandent de le remplacer pour les municipales. Vous n'aviez pas envie, vous, de vous lancer dans cette bataille
04:49 et vous racontez que vous pleurez le soir où vous quittez le ministère.
04:53 Oui, peut-être raconter, parce que ça m'a été beaucoup reproché de partir à Paris. En réalité, la chronologie est invraisemblable.
05:02 Elle a vraiment joué contre moi. C'est-à-dire que je prépare le pays avec le ministère de la Santé, et vraiment,
05:07 je veux rendre hommage par ce livre à l'incroyable travail du ministère de la Santé à l'époque.
05:12 Nous commandons des masques, des respirateurs, nous alertons les hôpitaux, nous faisons plusieurs réunions de crise avec l'ensemble des acteurs.
05:18 Donc vraiment, on est très mobilisés.
05:20 Et à ce moment-là, vous vous dites finalement "je n'ai même plus la place d'être quelque part sur une liste aux municipales".
05:24 Et puis il y a cette vidéo qui tombe, Benjamin Griveaux qui quitte...
05:27 Absolument. Donc je ferme la porte, je dis au couple exécutif "écoutez, j'ai même pas le temps, ça n'est plus possible, je n'irai même pas conseiller sur une liste".
05:35 Et le jour même, l'affaire Benjamin Griveaux éclate, et à l'époque, l'épidémie n'est pas encore sortie hors de Chine.
05:44 Et donc, tout le monde me prend un peu pour une folle, et moi-même, je commence à douter de ma perception et de mon intuition.
05:50 Et donc tout cela fait qu'à la fin, je n'arrive à convaincre personne, ni les scientifiques, ni les médecins, ni le pouvoir.
05:58 Et mon intuition n'est corroborée par les faits que 6 jours après mon départ.
06:06 Si l'épidémie avait commencé en dehors de Chine, c'est-à-dire en Italie, 6 jours avant, rien ne m'aurait fait lâcher le ministère de la Santé. Rien.
06:14 Et vous vous regrettez d'avoir lâché ? Vous le regrettez ce départ ? Vous n'avez pas réussi à dire non ?
06:18 Je le regrette énormément. D'abord parce que mon intuition était la bonne, donc j'étais déjà très préparée psychologiquement à gérer cette crise.
06:26 Et puis parce que ça a été une véritable descente aux enfers ensuite.
06:34 Alors il y a eu ensuite cette bataille pour Paris qui était presque perdue d'avance, les élections dont vous ne comprenez pas d'ailleurs le maintien,
06:40 le premier tour, votre troisième place, le confinement qui est décrété, vous l'avez dit, vous redevenez médecin alors à l'hôpital Percy.
06:46 Il y a la tempête sanitaire et puis il y a à ce moment-là aussi la tempête médiatique qui commence.
06:50 On vous a beaucoup reproché notamment cette phrase "le risque de propagation dans la population est faible", vous le tenez avant que l'épidémie n'arrive vraiment en France.
06:58 Vous dites que bien souvent on oublie le reste de la phrase. Cela peut évidemment évoluer dans les prochains jours.
07:03 Oui, et surtout il faut comprendre, je suis la première au monde, et je l'ai vérifiée, à tenir une conférence de presse si tôt.
07:12 Ce n'est pas pour dire que tout va bien et qu'il n'y a pas de risque.
07:16 Votre homologue allemand n'est presque pas au courant.
07:17 Non, absolument pas, et on voit bien que l'Europe, je mets trois semaines à réussir à obtenir un conseil des ministres européens, donc personne n'y croit.
07:23 Et donc je suis la première au monde à faire une conférence de presse, et évidemment vous ne pouvez pas dans une première conférence de presse le 21 janvier
07:30 commencer à dire aux Français, alors qu'il n'y a même pas encore de preuve de transmission interhumaine, que ça va être grave.
07:36 Je veux faire monter le niveau de connaissance de la population progressivement.
07:41 Et effectivement, cette phrase qui est tronquée est utilisée contre moi, alors que je dis "mais le risque ne peut pas être exclu parce qu'il y a de nombreuses lignes directes avec Wuhan".
07:51 Voilà, une phrase est tronquée, c'est une manipulation de l'opinion, clairement à l'époque, et moi je ne suis plus en état de lutter.
07:59 On a beaucoup vu cette phrase sur les réseaux sociaux, vous avez le statut de témoin assisté dans l'enquête sur la gestion de crise sanitaire,
08:05 votre mise en examen a été annulée, mais la tempête vous a quand même secouée.
08:09 Vous racontez avoir reçu des menaces de mort, des insultes antisémites, votre fils vous disait "maman, fais quelque chose".
08:16 Oui, ça a été extrêmement dur pour mes enfants. Les menaces continuent, j'en ai encore aujourd'hui. Je vis sous protection policière, évidemment.
08:25 Toujours aujourd'hui ?
08:26 Bien sûr, toujours aujourd'hui, parce que les menaces, j'en ai encore tous les jours. Il y a une partie de la France qui est restée fixée sur une théorie complotiste de cette crise,
08:39 et effectivement, dans cette théorie complotiste, je jouerai un rôle central. Heureusement, je pense que la raison est revenue, la majorité des Français, je pense, s'intéressent à savoir comment tout ça nous est arrivé.
08:54 Vous avez aussi payé votre opposition très précoce à Didier Raoult, alors que sa chloroquine était utilisée dans des hôpitaux.
09:01 Vous racontez d'ailleurs que ce polémique médecin était déjà là avec ses seringues, bloquées par les gendarmes, lorsque les rapatriés de Ouen ont été mis en quarantaine dans le sud de la France, le 31 janvier 2020.
09:12 Oui, en fait, l'historique avec Didier Raoult est bien antérieure, en fait. À l'époque où je dirigeais l'Institut national du cancer,
09:20 il publiait déjà des tribunes dans le point qui allait à l'encontre de toutes les campagnes de santé publique.
09:28 Donc j'avais déjà une antériorité en me disant "mais cet homme est vraiment très iconoclaste en fait".
09:33 Mais ce jour-là, le 31 janvier, il est physiquement présent à Caril Rouet, là où les rapatriés de Ouen arrivent ?
09:38 Absolument, son équipe veut forcer l'entrée du centre où les Français sont en quarantaine, qui est gardé par les gendarmes de façon vraiment très stricte.
09:48 Je dis les seringues, évidemment, c'est une vision humoristique, mais ça ne m'étonne pas à l'époque.
09:56 Et donc j'en plaisante effectivement avec Edouard Philippe.
09:59 Dans ce livre, vous publiez des SMS échangés avec Emmanuel Macron, avec Edouard Philippe.
10:03 Est-ce que vous les avez prévenus avant de publier ce livre et donc ces SMS ? Est-ce qu'ils vous en tiennent rigueur ou pas du tout ?
10:09 Non, pas du tout. D'abord, je les ai prévenus que j'allais effectivement utiliser des SMS. Ils ne me l'ont pas interdit.
10:16 Et je leur en ai expliqué la raison. D'abord, je pense que cette histoire est historique.
10:21 Je pense que je rends un morceau d'histoire aux Français. Ce qui nous est arrivé n'est quand même pas banal.
10:26 Et donc c'est important à un moment que les historiens puissent s'approprier la prise de décision publique.
10:32 La deuxième raison, c'est qu'en réalité, tous ces textos, tous ces mails et mon journal ont été aspirés lors de la perquisition chez moi en octobre 2020
10:42 par les magistrats de la Cour de justice de la République. Ils ont été vus par de très nombreuses personnes.
10:47 Les magistrats, les procureurs, les greffiers, les gendarmes. Ils ne sont plus privés en réalité.
10:53 Merci Agnès Buzyn, vous l'ex-ministre de la Santé, d'avoir été notre invité événement aujourd'hui dans RTL Bonsoir.
10:59 Votre journal est en librairie aux éditions Flammarion. Merci d'avoir été notre invité.
11:03 Merci à vous.
11:04 RTL Bonsoir continue dans quelques secondes avec une nouvelle viso conférence. C'est presque l'heure.
11:09 Le bienveillant Alex Vizorek nous rejoint. Quel est le programme ce soir Alex ?
11:13 Je ne l'ai pas fait exprès, mais je vais parler du nouveau ministre de la Santé qui est… qui est… qui est… ?
11:17 Rousseau.
11:18 Bien joué. Je me suis dit, ils ne vont pas le savoir.
11:21 Vous êtes un peu…
11:23 Je vais tenter de vous mettre en défaut.
11:26 Imaginez si on répond mal. Qu'est-ce qui nous arrive après ? On devient la risée.
11:29 Oui, la réponse je pense.
11:31 Et puis il y aura RTL Inside, les reporters de RTL qui vous font vivre l'actu de l'intérieur.
11:35 Et ce soir on vous emmène à Kiev avec notre envoyée spéciale, une capitale ukrainienne qui vous allait l'entendre tente de vivre quasi normalement après un an et demi de guerre.
11:44 À tout de suite.
11:45 RTL
11:47 [SILENCE]

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