• il y a 10 mois
À la veille de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, RTL reçoit Katia Guiragossian, la petite-nièce de ce couple qui s'apprête donc à rejoindre les grands hommes, et Denis Pechanski, historien, directeur de recherche au CNRS et co-auteur d'un très beau livre intitulé "Manouchian" aux éditions Textuel.
Regardez L'invité de RTL Soir du 20 février 2024 avec Marion Calais et Cyprien Cini.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 Alexandre de Saint-Aignan, Cyprien Sini, RTL bonsoir jusqu'à 20h.
00:08 Allez Arcel, bonsoir, se poursuit avec nos invités,
00:12 événements à la veille de la panthéonisation de Missaq et Emeline Manouchian.
00:16 Bonsoir Katia Guiragosian.
00:19 Bonsoir.
00:19 Vous êtes la petite nièce de ce couple qui s'apprête donc à rejoindre les grands hommes.
00:25 Bonsoir également à vous Denis Péchanski.
00:27 Bonsoir.
00:27 Vous êtes historien, directeur de recherche et mérite au CNRS et co-auteur d'un très beau livre intitulé Manouchian aux éditions textuelles.
00:35 Katia Guiragosian, d'abord on imagine que ce sont 24 heures intenses qui s'annoncent pour vous,
00:41 car l'hommage à Missaq Manouchian, ce résistant arménien dont on va retracer le parcours, il débute en fait en ce moment.
00:48 C'est donc pour cela que nous avons enregistré cet entretien cet après-midi,
00:51 pour vous permettre ensuite de filer au Mont Valérien où la dépouille de Missaq Manouchian va être veillée,
00:57 là même où il a été fusillé le 21 février 1944, un site devenu mémorial de la France combattante.
01:04 C'est un premier symbole fort pour vous ?
01:06 C'est un premier symbole très fort, d'autant qu'il va revenir là où il a été exécuté,
01:10 et de ce fait il revient quelque part en vainqueur là où il est tombé.
01:16 Donc oui c'est un symbole très très fort.
01:19 Demain Missaq Manouchian va donc entrer au Panthéon,
01:21 lui l'orphelin apatride suite au génocide arménien,
01:24 l'ouvrier aussi, le poète, le communiste, le résistant,
01:28 ce sont tous ces aspects-là qui sont honorés, Denis Péchantski ?
01:31 Oui, c'est une composante, mais ce n'est pas simplement Missaq qui est honoré,
01:36 ce sont aussi ses camarades qui viennent des pays d'Europe centrale et orientale,
01:41 qui viennent d'Italie, qui viennent d'Espagne,
01:43 et qui ont formé ces francs-tireurs et partisans de la main-d'œuvre immigrée
01:46 dont on parle maintenant depuis plusieurs mois,
01:49 qu'on annonce cette panthéonisation.
01:51 Et c'était un geste très important que ces gens qui justement ont des histoires
01:55 et des identités différentes se retrouvent là, honorés ensemble au Panthéon,
02:01 qui est finalement un lieu qui reprend la convergence identitaire
02:06 qui était la leur dans leur combat.
02:09 Parce qu'ils ont deux matrices essentielles, principales, communes.
02:12 C'est la matrice communiste-internationaliste
02:16 et la matrice d'attachement à la Révolution française.
02:21 Et c'est commun à tous, quelle que soit leur origine.
02:24 Alors se rajoute évidemment la référence au génocide des Arméniens,
02:28 ailleurs l'Italien antifasciste, ou bien l'Espagnol qui a voulu défendre l'Espagne contre Franco,
02:35 les Juifs d'Europe centrale qui subissent des persécutions.
02:39 Mais ils se retrouvent ensemble et ça ne pose strictement aucun problème.
02:43 - Et ce qui est symbolique aussi c'est que Missak Manouchian c'est le premier étranger
02:46 qui va entrer au Panthéon, qui va être panthéonisé.
02:48 Ça se fait surprendre polémique avec la présence du RN à la cérémonie,
02:52 malgré les avertissements d'Emmanuel Macron.
02:54 Marine Le Pen a fait savoir qu'elle assisterait à cette cérémonie.
02:57 Est-ce que vous déplorez sa présence vous, Katia Ghiaragossian ?
02:59 Vous lui demandez de pas venir ?
03:00 - Écoutez, les invitations de l'Elysée montrent le respect de la République,
03:06 des institutions de la République.
03:08 L'annonce du président de la République témoigne d'une volonté de décence.
03:14 Voilà, évidemment, je suis proche de cela, évidemment j'aimerais un peu de décence.
03:21 Après, à savoir au RN de savoir de qui ils se sont l'héritier.
03:25 Mais c'est vrai qu'on espérerait pour ce jour-là
03:29 qu'aucune manigance politique ne vienne entacher ce moment aussi rare que précieux.
03:33 - Denis Péchanski, Missak Manouchian était donc le chef d'un groupe parisien
03:37 de résistants étrangers communistes.
03:39 Et la police, elle va finir par identifier tous les membres de ce petit groupe parisien.
03:45 Elle va les arrêter, elle va les condamner, les juger, les condamner à mort.
03:49 Après un procès que les Allemands ont voulu médiatiser.
03:52 Et ça, ça s'est retourné finalement contre eux.
03:55 - Exactement.
03:56 En fait, la police française fait tout le travail, si je puis dire, jusqu'à l'arrestation.
04:02 La confirmation de ce qu'ils avaient déjà noté.
04:05 Parce qu'on ne comprend rien à cette chute si on ne sait pas qu'il y a trois filatures
04:09 qui vont s'enchaîner de janvier à novembre 1943.
04:13 Et puis ensuite, ils livrent aux Allemands.
04:15 Et les Allemands orchestrent une opération, mais qui n'a pas d'équivalent.
04:21 Pendant toute l'occupation en France, une opération qui dénonce le juif, l'étranger, le communiste.
04:28 Et c'est ça la résistance, ce sont eux qui manipulent.
04:31 - Avec cette affiche rouge sur laquelle Manouchian est présenté comme le chef de bande.
04:36 - Chef de bande de l'armée du crime.
04:37 - Voilà, de cette armée du crime d'étrangers, de juifs.
04:39 - Imaginez, il y avait l'affiche rouge, il y avait des brochures,
04:42 il y avait des actualités qui étaient données avant le film dans les salles de cinéma.
04:50 Et aussi le documentaire qui accompagnait ces actualités, qui suivait ces actualités.
04:55 Et on les voit caricaturées.
04:58 C'est l'armée du crime, les étrangers, et c'est ça la résistance.
05:03 Ils tuent un médecin français, ils tuent une femme qui passait avec un berceau,
05:10 ils tuent un médecin... Ils n'ont jamais fait ça, bien entendu.
05:15 Leur cible, c'était les Allemands.
05:18 Et là, ils ont fait quand même quelques dégâts du côté des Allemands.
05:23 - Ce qui a aussi contribué à faire connaître ce groupe,
05:25 Emissac Manouchian en particulier, c'est une lettre merveilleuse
05:28 écrite à son grand amour Mélinet, mise en musique quelques années plus tard
05:32 par Léo Ferré, avec ce texte d'Aragon.
05:35 - Je meurs sans haine en moi, pour le peuple allemand.
05:44 Adieu la peine et le plaisir...
05:47 - Cette lettre, Katia Giragosian, elle dit l'espoir, déjà,
05:50 d'une reconnaissance de la France, pour lui,
05:53 et puis l'absence de haine contre les Allemands aussi.
05:55 C'est vraiment un texte qui est fondateur aujourd'hui.
05:57 - C'est poignant, c'est fort, c'est fondateur.
05:59 C'est vrai qu'à une heure de son exécution, de dire
06:02 "je n'ai aucune haine contre le peuple allemand",
06:05 c'est d'une puissance rare et d'un humanisme absolu.
06:08 Il mérite notre reconnaissance très largement,
06:11 et d'ailleurs, il a vu fond en l'humanité,
06:13 parce que dans sa lettre de dire "je sais que les combattants de la liberté
06:17 sauront honorer notre mémoire dignement",
06:20 c'est vraiment pouvoir se projeter au-delà de sa propre mort,
06:23 et il nous souhaite à tous bonheur,
06:26 bonheur à ceux qui vont nous survivre,
06:28 et goûter la joie de la paix et de la liberté de demain.
06:30 - C'est incroyable d'être capable d'écrire ça une heure avant de se faire fusiller, quand même.
06:33 - Il était incroyable, lui, et tous ses camarades.
06:35 D'ailleurs, ils étaient très jeunes, on oublie souvent,
06:37 mais c'était des minots, et ils ont fait des actes extraordinaires,
06:40 par conviction, et pour les générations à venir.
06:44 - Et à propos de la jeunesse, justement, vous citez parfois ces mots de Misak Manouchian,
06:48 que l'on répétait dans votre famille, "la vie n'est pas dans le temps, mais dans l'usage".
06:51 Lui, qui, je rappelle, est mort à l'âge de 37 ans.
06:54 - Oui, tout à fait. C'est-à-dire qu'à chacun de nous, maintenant,
06:58 il a fait son travail, à nous de faire le nôtre.
07:01 Et je nous souhaite à chacun de parvenir à nous transcender,
07:05 autant que possible, chacun, pour être aussi digne de cet héritage.
07:11 - Et d'aimer aussi Denis Péchanski, à travers Misak Manouchian,
07:15 à travers ce couple qu'il a formé avec Méliné,
07:18 elle aussi militante, elle aussi engagée, mais qui a échappé aux Allemands.
07:21 C'est aussi l'ensemble de cette résistance communiste et étrangère qui est honorée,
07:26 sachant que les noms de leurs camarades de lutte,
07:28 condamnés comme eux, seront gravés à l'entrée du caveau du couple.
07:31 - Exactement, c'est un couple fusionnel.
07:34 C'est ça qui est à l'origine, aussi, du fait que Misak soit accompagnée de Méliné,
07:40 au Panthéon, et puis par son action résistante à elle.
07:44 On me pose la question souvent, mais pourquoi il rentre au Panthéon ?
07:47 Mon problème, c'est pourquoi il rentre aujourd'hui au Panthéon ?
07:51 C'est le premier résistant étranger à rentrer au Panthéon,
07:55 le premier résistant communiste à rentrer au Panthéon.
07:58 Quand on sait l'importance et le rôle des étrangers,
08:02 et le rôle des communistes dans la résistance,
08:04 il faut quand même interroger notre politique mémorielle antérieure.
08:08 Et là, c'est vraiment une révolution mémorielle.
08:11 D'autant plus que, ce dont on parle peu,
08:15 c'est qu'accompagnant cette panthéonisation,
08:18 parce qu'on est tombé par hasard là-dessus,
08:22 et que j'ai prévenu l'Elysée de ce que je venais de trouver,
08:26 mais qui était en fait un combat mené par certaines associations depuis des décennies,
08:31 c'est la reconnaissance de tous les étrangers morts pour la France.
08:35 Un seul indice.
08:37 Avant qu'il soit dit mort pour la France par le président de la République le 18 juin dernier,
08:42 sur les 185 étrangers fusillés au Mont-Valérien,
08:48 185 sur 1000, un peu plus de 1000, c'est une jolie proportion,
08:52 bien plus que la moyenne des étrangers en France,
08:54 sur les 185, il y en avait 92 qui n'étaient pas dits morts pour la France,
08:59 dont ce qu'on a découvert, Zivac, qui était le dernier de l'affiche rouge,
09:05 c'est-à-dire qu'on est tombé de l'armoire.
09:08 - Et ce sont donc des erreurs que l'on répare aussi aujourd'hui et demain,
09:13 avec la panthéonisation de Misake et Méliné Manouchian.
09:16 Merci à vous, l'historien Denis Péchanski,
09:19 merci à vous aussi, Katia Giragosian, petite nièce du couple,
09:23 et autrice également du livre "Manouchian" aux éditions "Parenthèses, témoignages de Méliné",
09:29 assortie de documents inédits avant cette panthéonisation de demain.
09:33 Merci de nous avoir accompagnés ce soir sur RTL.
09:36 - Et vous ne bougez pas, RTL Bonsoir se poursuit avec notre immersion quotidienne.
09:46 Dans un instant, ce soir, on sera chez un boucher.
09:48 - Consommer deux fois moins de viande permettrait d'atteindre les objectifs climatiques de la France,
09:53 mais les habitudes des Français ont-elles vraiment changé ?
09:56 Reportage à suivre dans RTL Inside.
09:58 - Et Alex Vizorek ensuite, votre visoconférence ?
10:01 - On va parler du Sénat. Il se passe beaucoup de choses en France.
10:04 - Ah là là ! À tout de suite. - À tout de suite.
10:06 ♪ ♪ ♪
10:08 Merci à tous !

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