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Art et designTranscription
00:00 Et c'est l'heure de notre rencontre quotidienne, cette conversation à trois voix.
00:05 Née juste avant la seconde guerre mondiale en Roumanie, notre invité est arrivé en
00:09 France à l'âge de 9 ans.
00:10 Son bac, il le décroche à Paris, esquive la fac de droit et tombe dans le cinéma.
00:16 C'est aux côtés des plus grands qu'il apprend cet art.
00:18 Varda, Godard, Beckett.
00:20 Et puis, notre invité va produire, distribuer des films.
00:23 MK2, c'est lui.
00:25 Passionné par l'art, la création et d'images, il collectionne depuis plus de 20 ans les
00:29 clichés des grands photographes.
00:31 Une partie de sa collection personnelle s'expose en ce moment au Centre Pompidou, aux côtés
00:35 de celle du Musée National d'Art Moderne, une façon de raconter l'histoire ou les
00:40 histoires de la photo.
00:41 Bonjour Marine Kermit.
00:43 Bonjour.
00:44 Bienvenue dans les médias de culture.
00:45 Merci.
00:46 On va évidemment largement parler de cette exposition Marine Kermit, score à score,
00:49 histoire de la photographie au Centre Pompidou jusqu'au 25 mars prochain.
00:52 Mais j'ai lu que vous aimiez tellement la photographie qu'elle s'affiche dans les
00:58 murs de votre chambre.
00:59 Est-ce que c'est toujours le cas ?
01:00 Oui, tout à fait.
01:02 Il y a un certain nombre de photos qui sont parties à Pompidou et qui ont été remplacées
01:08 par d'autres.
01:09 Donc, je change régulièrement l'accrochage.
01:11 C'est très intéressant d'ailleurs parce qu'on redécouvre les photos et surtout,
01:15 on redécouvre le voisinage, le bon voisinage ou le mauvais voisinage entre des artistes
01:21 différents.
01:22 Parfois, ils ne s'entendent pas entre eux.
01:24 Au contraire, parfois, ils s'entendent très bien.
01:26 Donc, c'est des découvertes chaque fois sur l'histoire de la photo.
01:30 Quelles sont les photographies que vous avez laissées partir au Centre Pompidou ?
01:35 Il y en a beaucoup.
01:37 Celles de votre chambre, j'imagine.
01:39 Celles qui sont peut-être les plus personnelles, celles qui vous touchent le plus ?
01:44 Curieusement, ce n'est pas une photographie mais c'est un masque de Man Ray qui est le
01:51 masque de la noyée de la Seine.
01:53 Et ce masque que j'ai connu, pas de Man Ray qui se vendait dans le commerce, qui est un
01:59 masque en plâtre, très connu par beaucoup d'auteurs.
02:01 Il y a eu énormément de grands écrivains qui ont écrit autour de la noyée de la Seine.
02:06 Il était le personnage quasiment principal d'un livre qui était mon livre de chevet
02:11 quand j'étais adolescent et qui s'appelait Aurélien d'Aragon.
02:15 Il avait au-dessus de son lit ce masque de la noyée de la Seine en plâtre.
02:20 Puis j'ai perdu ce masque dans les déménagements et un jour, en vente en recherche, je vois
02:26 ce masque, je connais ce masque, mais il était signé Man Ray.
02:30 Il était différent de ce que j'avais acheté jadis.
02:33 Et j'ai acheté ce masque et depuis, il est dans ma chambre.
02:37 Mais maintenant, il est à Pompidou, bien sûr.
02:40 Quand je vois un visage qui m'intéresse, la première réaction, c'est de faire un
02:47 portrait de ce visage, mais avec l'appareil photographique, parce que c'est plus direct
02:53 pour moi.
02:54 J'ai contrôlé assez pour pouvoir obtenir exactement ce que je veux de ce visage.
03:00 L'éclairage, je peux provoquer l'expression que je veux.
03:05 J'aime pas le visage souriant, ça veut rien dire.
03:08 Ni le visage avec des moustaches.
03:10 Ça, ça cache le caractère, n'est-ce pas?
03:14 Une barbe, oui, ça, ça va.
03:15 Ça cache des défauts quelquefois.
03:17 Les yeux sont les choses qui changent le moins dans notre vie.
03:22 De notre enfance jusqu'à notre vieillesse.
03:25 Les yeux, ils grossissent pas, ils grandissent pas, ils ne répétissent pas.
03:30 C'est tout ce qui est autour, quelquefois, qui répétissent les paupières, n'est-ce
03:34 pas?
03:35 La peau, mais les yeux même ne changent pas.
03:38 Vous parliez, Maren Karamitz, de Man Ray.
03:40 On vient de l'entendre parler de sa façon, en tant que photographe, de photographier
03:46 le visage.
03:47 J'imagine évidemment que ce qu'il dit vous parle puisque la représentation de l'humain,
03:53 la représentation même du visage, c'est le début de cette exposition à Pompidou.
03:57 C'est le début et c'est aussi l'ensemble de cette exposition.
04:03 C'est le visage et le corps, bien sûr.
04:06 Pour moi, je n'ai pas de paysage.
04:10 Je ne collectionne pas de paysage, mais je collectionne les visages.
04:14 Comment vous dire?
04:17 Je crois qu'on est dans une situation très difficile qui est la violence qui est faite
04:24 au corps.
04:25 Depuis un certain nombre d'années, ça a été un interdit.
04:27 Après la guerre, après la Shoah, on respectait les corps.
04:31 On considérait qu'il y avait un respect qui était dû à l'intégrité du corps humain.
04:36 Depuis quelques années, depuis peut-être la chute du mur de Berlin, on voit se développer
04:43 une extrême violence dans les films, dans les séries, dans les images même, dans les
04:49 photos qui mettent en cause cette intégrité du corps humain.
04:53 Et je pense que c'est très dangereux, très dangereux pour notre avenir.
04:58 Et je voulais aussi montrer à quel point ces corps humains, ces visages sont touchants,
05:05 intéressants, passionnants et à quel point il faut absolument les respecter.
05:09 C'est une façon pour moi de m'opposer au développement de cette violence que je considère
05:17 comme barbare.
05:18 Donc cette exposition, vous la voyez aussi comme une forme de refuge, j'imagine, peut-être
05:23 à la violence d'aujourd'hui.
05:24 On va y revenir.
05:25 Mais sur l'idée du visage, qu'est-ce qu'on photographie quand on photographie le visage
05:31 de quelqu'un?
05:32 Qu'est-ce qu'on veut montrer?
05:33 Qu'est-ce que disent les photos que vous, vous avez collectionnées au fur et à mesure
05:36 des années?
05:37 Je crois que c'est là où on voit aussi la difficulté de photographier le visage parce
05:42 qu'il y a des grands photographes qui ont parfaitement fait passer à travers le visage
05:50 une émotion et une altérité, l'idée d'une altérité.
05:54 Ils nous font rêver sur un visage et d'autres qui sont simplement dans la réalité, le
06:01 compte rendu de la réalité, l'illustration des visages.
06:03 Et là, quand on regarde attentivement, on voit la différence entre petit maître et
06:08 grand maître ou photographe et réellement grand maître de la photographie.
06:14 Par exemple, Marine Carmides, quand vous dites petit maître et grand maître, c'est-à-dire
06:17 qu'un petit maître ne va photographier qu'une copie du réel alors que le grand maître,
06:24 on va avoir l'espace pour imaginer autre chose?
06:26 Oui, c'est-à-dire que pour moi, la différence, mais elle est aussi valable dans les films.
06:30 J'ai appris ça en collectionnant des films auparavant.
06:34 C'est l'illustrateur, celui qui ne montre que la réalité brute.
06:40 Si vous voulez, je prends un exemple en peinture.
06:43 Il y a la cathédrale de Rouen qui a été énormément peinte et il y a des gens, des
06:50 peintres du dimanche qui peinent cette cathédrale de Rouen, mais il y a aussi Monet qui a peint
06:54 cette cathédrale à différentes heures du jour et même peut-être de la nuit.
06:59 Et là, on voit la différence entre le même sujet peint de façon extrêmement différente
07:05 par simplement l'illustrateur et l'inventeur de forme, le créateur d'autre chose.
07:13 Et moi, ce qui m'intéresse dans la photo et celle que je collectionne, c'est celle
07:18 qui me fait rêver, qui me permet à moi de me construire mon propre monde, de construire
07:25 un univers spécifique.
07:26 - Et comment ça peut se produire avec la photo en particulier ? Parce que la photo,
07:30 à la différence du cinéma où il y a du montage, où il y a un scénario, la photo
07:34 est vraiment la fixation d'un instant.
07:36 C'est difficile de laisser cette place-là.
07:39 D'ailleurs, c'était un des premiers reproches qu'on a fait à la photographie, d'être
07:42 une pâle copie du réel.
07:44 - Alors justement, la photo, pendant très longtemps, a été une pâle copie du réel.
07:49 Et je crois qu'il y a quelque chose de mystérieux que seule la photo peut avoir, peut faire.
07:55 C'est ce millième de seconde.
07:58 Car le cinéma, c'est 24 images en une seconde.
08:03 Là, c'est un millième de seconde et il faut toute une histoire, arriver à montrer
08:09 une histoire, à raconter une histoire en une image.
08:12 Et là est le mystère.
08:14 Et c'est là, les photos que j'ai tenté de réunir, c'est des photos qui pour moi
08:20 racontent au moins 10, 20, 30 histoires que je peux me raconter.
08:24 Et j'espère que les visiteurs pourront se raconter et qu'ils font rêver.
08:28 Qu'ils font rêver à l'autre, qu'ils font rêver à la présence de l'autre.
08:33 C'est-à-dire, je crois que c'est un élément d'altérité considérable que d'avoir en
08:38 face de soi des visages et des corps.
08:40 C'est aussi une façon de penser à l'autre.
08:43 - Marine Carmix, expliquez-nous comment vous avez travaillé, puisqu'on parlait de cette
08:46 exposition.
08:47 Elle réunit une collection publique, celle du Musée national d'art moderne de Centre
08:52 du Louvre, qui est une collection colossale.
08:55 Il y a 40 000 tirages, plus de 60 000 négatifs.
08:59 Et votre collection, votre regard à vous depuis une vingtaine d'années sur la photographie
09:04 au XXe et au XXIe siècle.
09:06 Comment vous avez travaillé pour justement mettre en regard ces deux collections, avec
09:11 notamment Julie Jones qui est la commissaire de l'exposition ?
09:15 - C'est un travail absolument passionnant et avec une conservatrice extraordinaire qui
09:21 est Julie Jones.
09:22 C'est Julie Jones qui a eu l'idée de me proposer cela.
09:25 Je l'avais connue quand j'ai fait une exposition dans une fondation qui s'appelait la Maison
09:31 Rouge, qui était la fondation d'Antoine de Galbert.
09:33 - Qui n'existe plus d'ailleurs.
09:35 - Qui n'existe malheureusement plus, qui manque beaucoup et qui était un lieu exceptionnel.
09:40 Et où j'ai fait une exposition qui s'appelait "Étrangers résidents".
09:43 - En 2017.
09:44 - En 2017.
09:45 Et Julie s'était occupée des cartels et du catalogue.
09:49 Donc elle avait vraiment vu mon exposition, enfin mon exposition, ma collection et m'a
09:58 proposé cette idée.
09:59 Et on a commencé à travailler et à dialoguer, est-ce que c'est faisable, est-ce que c'est
10:06 possible ? Alors moi j'étais extrêmement tenté par cette idée parce qu'il y a quelque
10:13 chose qui m'intéresse depuis très longtemps, c'est le rapport public-privé.
10:18 Ce rapport public-privé que je pense être indispensable pour aider les artistes, parce
10:25 que le privé aide les artistes, parce qu'ils achètent, parce qu'ils font connaître, parce
10:31 qu'ils rentrent dans des collections, etc.
10:32 Mais le public les fait réellement, les remet dans l'histoire, n'est-ce pas ? Et donc public
10:39 et privé sont des apports importants pour les artistes, pour les photographes, pour
10:44 les peintres, etc.
10:45 - Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que par exemple le public n'a pas les moyens financiers
10:49 d'acheter des photographies alors que le privé lui peut donner aussi des photos ? Parce que
10:56 c'est ce que vous avez fait, vous avez donné une partie des photos qui sont d'ailleurs
10:59 exposées au Musée National d'Art Moderne.
11:02 - Alors le public a peu de moyens.
11:04 En ce qui concerne la photographie, c'est rentré depuis peu dans les collections.
11:09 C'est très nouveau le rapport que nous avons avec la photographie.
11:13 Les premières galeries de photos en France datent de 1976.
11:19 Les premières expositions dans les musées, à partir des années 80.
11:23 Les premières ventes aux enchères, c'est à partir des années 1980.
11:26 Donc vous voyez, c'est très très récent.
11:28 On a un rapport nouveau avec la photographie.
11:31 Et ce n'est pas toujours les enfants gâtés des institutions publiques.
11:39 Ils sont toujours dans les coins, dans les couloirs.
11:41 La photo n'est pas vraiment estimée à son niveau.
11:48 Sauf quand il y a des musées de la photo, ce qui est le cas en France par exemple avec
11:52 le jeu de paume.
11:53 Et donc le rapport privé-public est compliqué et je tenais beaucoup à montrer qu'il y
11:59 avait des passerelles, qu'il y avait possibilité de discussion et d'estime entre privé-public.
12:06 Parce que ça c'est un pas en avant.
12:08 Et c'est un pas en avant qui peut être favorable aux artistes.
12:11 - Mais oui, parce que ça vous inquiétait en fait, cette absence de photographie dans
12:17 les institutions publiques ?
12:19 Ou est-ce que c'est plus une question plus générale de politique qui vous inquiète
12:23 sur l'état de l'art en France et la manière dont il peut se déployer avec des moyens
12:28 importants ?
12:29 - D'abord, effectivement l'absence de lieu pour la photographie m'inquiète.
12:37 Par exemple, sur Cambobourg, il y a des milliers et des milliers de photos, vous en avez parlé
12:42 tout à l'heure.
12:43 Il y a pour l'instant un espace qui est très réduit.
12:47 J'espère que le succès de cette exposition, le grand succès même de cette exposition,
12:54 va faciliter maintenant l'idée que la photo…
12:58 - Il faut un espace dédié à la photo.
13:00 - Un espace dédié où aussi la photo peut aussi être au milieu des peintures, etc.
13:06 C'est un peu compliqué, mais c'est une réflexion différente sur l'importance
13:11 de la photo dans l'histoire de l'art.
13:13 - Et dans cette histoire de l'art, ce qui est intéressant avec l'exposition dont
13:17 on parle, corps à corps, au Centre Pompidou, c'est justement la complémentarité aussi
13:21 dans les œuvres qui sont présentées, dans les œuvres de la collection privée et de
13:25 la collection publique.
13:26 Je pense notamment à ce dialogue qui est mis en avant dans l'exposition sur les deux
13:33 versions de l'araignée d'amour d'Henri Cartier-Bresson.
13:36 Il y a donc deux versions, une qui vous appartient, une qui appartient au musée public.
13:42 Vous saviez qu'il y avait deux versions de cette même photo ?
13:45 - Non, pas du tout.
13:46 Je l'ai découvert grâce à Boubourg, mais j'ai découvert aussi beaucoup d'autres
13:51 choses grâce à Boubourg.
13:52 Non, je ne savais pas du tout.
13:54 Et ce qui est très intéressant, c'est que quand même Henri Cartier-Bresson est un
13:58 grand théoricien de l'instant, de la photo unique et de l'instant, et là on voit que
14:03 sur le même sujet, il a deux façons d'aborder ce sujet, deux prises de vue, deux objectifs
14:10 différents, deux formats différents.
14:11 - Et en quoi il dit faire ces deux photos ? Pour que les auditeurs se figurent un petit
14:13 peu la différence entre ces deux prises de vue ?
14:15 - Il faudrait, il faut vraiment qu'ils y aillent.
14:19 - Ah, c'est une bonne promo, Eiffel, Marine Carmi !
14:24 - C'est une photo hyper connue, une des photos les plus connues d'Henri Cartier-Bresson.
14:30 Mais pour voir la différence, c'est vraiment compliqué.
14:32 - Il y a de la lumière qui est différente ?
14:35 - La lumière différente, la position des corps.
14:37 C'est deux femmes qui font la mort ensemble.
14:39 C'était une photo qu'il a faite au Mexique, avant-guerre, et elles ne sont pas dans la
14:44 même position.
14:45 Et le photographe n'est pas non plus dans la même position.
14:48 - Et alors justement, est-ce que vous pensez que sur ces deux photos, moi j'ai la chance
14:50 de les avoir sous les yeux, vous pensez qu'il y a deux histoires différentes qui sont
14:54 racontées ?
14:55 - On peut imaginer qu'il y a deux histoires différentes.
14:58 Ce qui est intéressant, moi ce qui m'intéresse beaucoup dans le cinéma, dans la peinture
15:03 ou dans la photo, c'est la liberté laissée aux spectateurs d'imaginer ce qu'ils veulent.
15:12 C'est la possibilité de faire intervenir le spectateur pour enrichir le contenu de
15:17 ce qui est montré.
15:18 Et de ne pas dessiner à gros traits et de façon directive le bien et le mal.
15:24 Que ce soit beaucoup plus ambigu et que ce soit aux spectateurs de décider.
15:28 - Je construis un peu des utopies avec mon travail photographique.
15:33 Moi j'ai beaucoup travaillé avec un outil qui me dérange à plein de niveaux.
15:37 C'est-à-dire que justement, s'il y a un des caractères qui me dérange beaucoup
15:40 dans la photographie, c'est son illusion du réel.
15:43 Parce que ça n'est qu'une illusion.
15:44 Je veux dire, n'importe quelle image ne fait pas simplement un prélèvement du réel.
15:50 Et je dirais même inconsciemment.
15:52 Donc moi je préfère travailler consciemment ce que je mets dans une image.
15:57 Mais maintenant, il y a beaucoup de choses, par exemple même de ce que ma fille a pu
16:01 faire quand elle était petite en photographie.
16:04 Ça fait sourire parce qu'on voit à quel point on a un regard qui est relié au cerveau
16:09 et qui donne des signes de son rapport au réel.
16:14 De son propre lien au réel.
16:17 Et qu'obligatoirement la photographie ne sera qu'un tout petit éclairage sur un
16:22 rapport qu'on a au réel.
16:24 La photographie, illusion du réel.
16:28 Valérie Jouve, photographe contemporaine, c'était sur France Culture en 2014 dans
16:33 Conversation d'été.
16:34 C'est l'une des premières questions qu'on se pose.
16:36 Vous-même d'ailleurs, vous vous l'êtes posée cette question Marine Karmitz quand
16:40 vous avez fait de la photographie, notamment dans les années 70.
16:43 Vous avez une expérience en agence de presse.
16:47 L'agence de presse de Libération, si je ne dis pas de bêtises, du journal.
16:50 Pour vous, à ce moment-là, la photographie c'est quoi ? C'est un moyen d'informer d'abord ?
16:55 - Ma première expérience en photographie est liée à un échec.
17:05 C'est l'échec de l'examen, du concours pour rentrer à l'école du cinéma, l'IDEC,
17:15 où je voulais rentrer comme réalisateur.
17:17 Ils ne m'ont pas accepté comme réalisateur et j'ai peut-être assez comme un fou pendant
17:21 tout l'été pour rentrer comme opérateur.
17:24 Donc j'ai appris le métier d'opérateur derrière la caméra et dans les chambres noires
17:31 à développer, à tirer les pellicules noir et blanc couleur, etc.
17:35 Et j'avais là un ami qui s'appelait Johan van der Koeken, qui était aussi à l'IDEC,
17:40 mais qui lui était déjà un photographe très connu en Hollande.
17:43 Il avait 17 ans mais il avait publié un bouquin et c'était une star en Hollande.
17:47 On faisait des photos ensemble et lui faisait des photos sur le même sujet.
17:52 Lui faisait des photos formidables et les miennes n'étaient nulles.
17:56 - Pourquoi vous dites ça ? - Parce que lui, il arrivait à montrer une
18:02 réalité complexe avec des sous-entendus, des rêves possibles, etc.
18:09 Moi, je montrais la réalité telle qu'elle était.
18:12 - C'est une chose que moi je n'arrive pas à comprendre Marine Karmit.
18:15 Vous avez essayé de le dire tout à l'heure, vous l'avez très bien dit, c'est moi qui
18:18 n'arrive pas à comprendre.
18:19 C'est-à-dire, à quel moment on différencie vraiment une photographie qui raconte quelque
18:23 chose, qui rend une réalité complexe et une photo nulle ?
18:27 - Ça c'est très difficile.
18:28 Il y a déjà une petite piste.
18:30 - Donnez-moi parce que moi j'aimerais savoir.
18:33 - C'est la chasse à l'anecdote.
18:34 Je vous donne un exemple.
18:37 J'ai beaucoup travaillé avec un cinéaste qui s'appelle Abbas Kiarostami, qui fait
18:41 aussi des photos.
18:42 Et il m'amenait ses photos, c'est des photos de paysages.
18:45 Et il me les montrait en disant "choisis, aide-moi, je ne m'y retrouve pas", etc.
18:49 - Ce qui n'est pas trop votre tasse de thé en plus.
18:51 - Ce n'était pas ma tasse de thé, si ce n'est Kiarostami qui était réellement ma
18:56 tasse de thé.
18:57 Et il me montrait ses photos.
19:00 Et qu'est-ce qui faisait pour moi qu'une photo était meilleure qu'une autre ?
19:05 C'est justement une différence autour de l'anecdote.
19:08 Alors qu'est-ce que c'était l'anecdote ?
19:09 C'était tout à coup dans un coin, un espèce de bout de paysage, d'arbre ou de route
19:16 ou de je ne sais pas quoi, qui n'avait rien à faire là, qui détournait l'attention
19:20 vers quelque chose d'inutile, un personnage, etc.
19:25 Mais immédiatement, la photo devenait une photo du magazine Géo.
19:29 Vous voyez, c'est un très bon magazine de découverte, mais avec des photos souvent anecdotiques.
19:35 Alors qu'il fallait qu'il se concentre sur son sujet et quand c'était concentré
19:40 sur le sujet, là, tout à coup, la photo nous permettait de rêver.
19:45 Mais l'anecdote nous faisait déraper ailleurs.
19:47 Pousser l'anecdote, en fait.
19:48 La supprimer.
19:49 Chasser l'anecdote.
19:50 Mais chasser l'anecdote, c'est aussi dans les scénarios la même chose.
19:53 C'est aussi dans la peinture.
19:54 Il faut que l'anecdote soit voulue.
19:56 C'est ce que un très grand historien d'art qui s'appelait Daniel Arras appelait le détail.
20:02 Ce détail, il doit signifier quelque chose.
20:05 Il doit rentrer dans une construction.
20:07 - Et ne pas être fortuit.
20:08 - Ne pas être fortuit et non maîtrisé.
20:10 - Mais quand on prend une photo, pour qu'elle soit réussie, donc si je vous comprends bien,
20:15 c'est une histoire de cadrage d'abord, de deuil, de ce qu'on regarde, de ce qu'on veut
20:21 montrer.
20:22 Donc si on revient à ce que disait Valéry Jouffre sur la réalité, on ne montre jamais
20:26 la réalité.
20:27 Donc vous êtes passé sur cette expérience d'information, de photojournalisme, mais
20:34 pourtant ça revient beaucoup dans votre collection, l'idée de montrer quelque chose et peut-être
20:41 aussi l'idée du rôle du photographe.
20:46 Alors quel est le rôle du photographe selon vous ?
20:49 - Il peut avoir plusieurs rôles.
20:50 Je vous réponds pour l'expérience de photojournaliste.
20:54 J'assurais effectivement pour l'agence de presse Libération, les diffusions de tracts,
21:01 militantes, etc. dans les sorties d'usines.
21:03 Et en fait, je me suis rendu compte assez vite, en particulier je couvrais Renaud et
21:10 Citroën, que chaque fois qu'il y avait la presse, un photographe, la présence d'une
21:16 personne qui avait un appareil photo, la violence augmentait.
21:20 Mais la violence augmentait considérablement, c'est-à-dire que les militants, les syndicalistes,
21:28 les gardes de l'usine étaient en représentation.
21:33 - Ils jouaient un rôle du coup ?
21:34 - Ils jouaient un rôle et ce rôle se traduisait par une violence plus grande, puisque le rôle
21:39 qui leur était assigné, c'est de se cogner dessus.
21:41 - Ça veut dire qu'il se disait, il y a un photographe, il faut qu'on accentue nos positions
21:46 et nos rôles ?
21:47 - Il faut qu'on montre à quel point on pisse le plus loin.
21:50 - Mais ça c'est le problème de l'image Marine Kermit.
21:53 Ça hystérise et ça accentue chacun des rôles.
21:57 - Exactement.
21:58 Mais quand on est amené à participer à cela, on se pose des questions.
22:05 Ou on peut se poser des questions.
22:06 Et très vite, je me suis posé des questions.
22:09 Je me suis posé la question qui a été malheureusement, très malheureusement tranchée, c'est que
22:16 je devais couvrir Renaud, une distribution de tracts à Renaud.
22:21 J'avais la sortie de mon film coup pour coup, au même moment, il y avait un très jeune
22:26 photographe qui a été envoyé sur place.
22:28 J'avais demandé qu'il soit protégé parce que c'était vraiment dangereux.
22:32 Et il a été protégé.
22:34 Mais le jeune ouvrier qui le protégeait, qui s'appelait Pierre Auvergné, a été tué
22:39 par le garde de l'usine.
22:41 Donc ça s'est soldé par une mort.
22:43 Et pour moi, ça a été la remise en cause énorme, fondamentale de mon rôle de photographe
22:51 et de mon rôle par rapport à la photo.
22:54 Donc j'ai remis mon appareil dans un sac et je n'ai plus jamais sorti.
22:58 Mais ça ne vous a pas empêché par contre de devenir un grand producteur d'images et
23:03 un grand collectionneur d'images.
23:05 Et en essayant de faire très attention à ce que ces images ne soient jamais dans le
23:12 contexte de pousser à cette violence ou de faire en sorte que cette violence ne soit
23:20 pas dans un contexte de réflexion sur ce qu'elle représente.
23:24 J'ai eu un très grand démêlé assez sérieux autour de Pulp Fiction, au moment où le film
23:33 est passé à Cannes, que j'ai accusé Tarantino et le film de développer le culte de la barbarie.
23:41 Face d'ailleurs à un film que j'avais à l'époque en compétition aussi et qui était
23:46 rouge de Christophe Kislowski, trois couleurs rouges de Christophe Kislowski.
23:50 Et l'un s'opposait vraiment à l'autre, l'un proposait une réflexion sur la justice,
23:56 l'autre montrait comment dans une voiture on peut tirer sur quelqu'un et faire éclater
24:01 son crâne dans cette voiture.
24:02 Ce qui veut dire que pour vous Marine Kermes, il n'y a pas seulement une bonne et une
24:06 mauvaise photo esthétiquement, mais aussi moralement.
24:08 Il y a une morale de l'image.
24:10 L'image est porteuse obligatoirement d'une éthique, je ne sais pas si c'est une morale,
24:19 mais en tout cas d'une éthique.
24:20 D'où d'ailleurs le fait que l'image dans le judaïsme est relativement interdite, car
24:29 poussant vers l'idolâtrie.
24:31 - Ça veut dire que les photos de votre collection, elles sont toutes passées sous votre spectre,
24:36 votre filtre de l'éthique.
24:38 Vous faites attention au type de photo que vous achetez.
24:42 - Bien sûr, absolument.
24:44 Je ne pourrais pas vivre avec des photos qui tout à coup montrent quelque chose qui est
24:53 contraire à ma façon de vivre, à mon envie de vivre.
24:56 - Mais c'est une position très difficile à tenir Marine Kermes, parce qu'on peut être
25:00 fasciné, on peut trouver beau des choses qui sont amorales, qui sont immorales.
25:05 - C'est pour ça que je parlais plutôt d'éthique que de morale.
25:09 Ce n'est pas la morale qui est en cause, ce n'est pas deux hommes qui couchent ensemble.
25:14 - Le fait de tuer quelqu'un, par exemple, comme dans le film de Tarantino, Pulp Fiction.
25:20 - Le montrer tel quel, en y prenant plaisir et en faisant en sorte que les gens qui le
25:26 voient, que ça devienne un spectacle et qu'on y prenne plaisir, une addiction à cette
25:31 violence, ça m'est insupportable.
25:32 Mais par contre, j'ai dans l'exposition toute une série de photos qu'on appelle la place
25:39 blanche, qui sont des photos de travestis faits par un photographe suédois extraordinaire,
25:44 Sroll Mollm, et qui sont magnifiques, qui sont extraordinaires.
25:49 Il y a même une photo qui en fait est généralement interdite dans les musées, qui est un travesti
25:54 nu et qui est d'une beauté, d'une tendresse formidable, parce qu'il a un regard tourné
26:02 vers ces gens et qui nous le fait partager.
26:05 Et ce n'est pas du tout violent, de mon point de vue, ce n'est ni violent ni agressif.
26:11 - Ce n'est pas le contenu de l'image, en fait, c'est les conditions de production ou de réception
26:15 de ce que ça fait et dans quel contexte c'est fait qui vous importent, Marvin Kermit.
26:18 - Oui, et le résultat.
26:19 Et le résultat, est-ce que ça s'inscrit dans le respect de l'autre ou est-ce que ça s'inscrit
26:25 dans l'attaque à l'égard de l'autre ou le mépris du corps humain ou de l'homme ?
26:30 - C'est bon et ça vous laisse un goût presque louche, de sang d'amour mais de dégoût
26:37 dans la bouche.
26:38 Je vais pas continuer à vous chanter.
26:41 - Ça date de quand ça ?
26:42 - C'est vieux aussi, très, très vieux.
26:43 C'est avant 36.
26:44 - 36 ?
26:45 - Avant ou bien avant.
26:46 Quand on a chanté, moi j'avais 18, 20 ans.
26:47 Ça vient en arrière quand même.
26:48 C'est vieux, c'est vieux comme chanson.
26:49 - C'est passé à 36.
26:50 - C'est passé à 36.
26:51 - C'est passé à 36.
26:52 - C'est passé à 36.
26:53 - C'est passé à 36.
26:54 - C'est passé à 36.
26:55 - C'est passé à 36.
26:56 - C'est passé à 36.
26:57 - C'est passé à 36.
27:00 - C'est passé à 36.
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28:03 - C'est passé à 36.
28:04 - C'est passé à 36.
28:05 - C'est très avantageux d'une certaine façon.
28:09 C'est plus facile et beaucoup plus difficile.
28:11 Les films, c'est aussi la parole.
28:14 Donc c'est la maîtrise de cette parole.
28:18 Moi, j'ai beaucoup travaillé sur le langage.
28:21 J'ai commencé à travailler sur le langage avec Marguerite Duras, puis ensuite avec Samuel
28:25 Beckett.
28:26 J'ai fait un film avec les deux.
28:27 Et puis ensuite, c'était le langage du nouveau roman de l'époque.
28:33 Et puis après mai 68, j'ai eu secoué, violemment secoué par mai 68 et heureux d'avoir vécu
28:41 ce moment.
28:42 J'ai voulu donner la parole à des gens qui ne l'avaient pas en utilisant mes compétences,
28:48 mon savoir de réalisateur, d'intellectuel, etc. pour leur donner la parole.
28:52 Et il y avait des grèves de femmes, très peu syndiquées à l'époque, des premières
28:58 grèves de femmes qui occupaient leur usine et séquestraient leur patron.
29:01 J'avais couvert ça avec la photo.
29:03 J'avais fait des photos pour un journal qui s'appelait "J'accuse" et pour la cause du
29:07 peuple de ces grèves.
29:09 Donc j'avais connu un certain nombre de ces ouvrières et j'avais vu comment elles fonctionnaient.
29:13 Et j'ai eu envie de leur donner la parole et qu'elles racontent leur histoire.
29:17 - Pourquoi les remettre en scène alors ? Pourquoi ne pas simplement les interviewer ? Pourquoi
29:21 ne pas se fondre avec elles dans leur quotidien ?
29:23 - C'est la différence entre justement un documentaire, en tout cas un certain documentaire
29:28 et un film, c'est la mise en scène.
29:31 Et je crois que la mise en scène est essentielle.
29:33 Je vous donne, je fais une petite parenthèse, j'ai fait la télé.
29:39 J'ai créé une télé qui s'appelle M6.
29:42 Et je me suis beaucoup posé la question "Qu'est-ce que c'est qu'une bonne télé ?" Et j'avais
29:47 un voisin qui était, Serge Danet, qui était un grand critique, un grand analyste de la
29:54 télé.
29:55 Et on discutait.
29:56 Et on a fini par trouver l'idée suivante, une grande télé, c'est une télé mise en
30:01 scène.
30:02 Alors qu'est-ce que c'était la mise en scène par exemple ? Quel exemple de mise en scène
30:05 ? C'est la voix de Patrick Brion quand il présentait le Ciné-Club.
30:10 C'est une mise en scène.
30:12 C'était à l'époque les émissions de Polac avec des gens qui s'engueulaient dos à dos,
30:19 pas face à face mais dos à dos, dans un contexte d'amphithéâtre, etc.
30:23 Donc c'était ça les exemples qu'on avait trouvés.
30:26 Et donc je crois beaucoup à l'idée de la mise en scène.
30:30 Ce qui fait que j'ai tenté d'appliquer cette idée à l'exposition que vous avez vue.
30:35 C'est-à-dire la nécessité, un, de respecter les artistes et donc de partir des œuvres
30:43 et de faire en sorte qu'on puisse mettre en scène ces œuvres.
30:47 De façon à ce que les spectateurs, les visiteurs puissent suivre un rythme, un chemin, qu'ils
30:55 puissent avoir le temps de rêver, qu'ils puissent éventuellement s'asseoir, des places
30:59 plus petites, des endroits plus grands, etc.
31:02 C'est la gourde qui est tombée, c'est pas grave.
31:04 C'est le geste de trop.
31:06 Donc c'est plus une importance autour de la mise en scène pour vous que d'un scénario ?
31:10 Alors le scénario par exemple de "Coup pour coup" puisque c'est le film dont on parlait,
31:17 a été fait avec les ouvriers.
31:20 Au départ il y avait un scénario, elles ont tout détruit en disant "c'est pas vrai,
31:24 c'est pas comme ça", etc.
31:25 Au point d'ailleurs de demander à ce que des comédiennes qui jouaient dans le film
31:30 quittent en disant qu'elles jouaient faux.
31:32 Et donc j'ai dû me séparer de certaines comédiennes.
31:36 Et on travaillait de façon très particulière puisque j'enregistrais les séquences en
31:43 vidéo, donc c'était en 72, c'était très tôt.
31:45 Je leur montrais quand elles trouvaient qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas,
31:50 un mot qui n'allait pas, des mots qu'elles inventaient et qu'on remettait en scène.
31:55 Et qu'elles rejouaient.
31:56 A ce moment-là on changeait.
31:58 Donc c'était une expérience complètement incroyable parce qu'elles-mêmes, la très
32:04 vieille dame qui chante et dont vous avez passé l'extrait, elle a répété, on a
32:13 fait plusieurs prises, elle redisait le son-texte.
32:16 Mais le texte a été en partie écrit par elle.
32:19 Vous disiez de vouloir donner la parole avec ce film à ceux et celles qu'on n'entendait
32:23 pas.
32:24 Il y a aussi dans votre démarche, dans votre rapport à l'art et à la création, l'idée
32:28 de se placer à la marge, d'aller voir, d'aller entendre, de montrer ceux à qui
32:34 on donne pas la parole.
32:36 Alors ça se retrouve aussi dans vos collections de photos d'ailleurs, avec des personnes
32:41 noires mises en scène, des tiganes, des personnes marginales.
32:45 Qu'est-ce qui se passe à cet endroit-là, à cet endroit de la marge selon vous qui
32:50 est intéressant ?
32:51 - C'est-à-dire que je pense que la création dans tous les domaines, elle se fait contre.
33:02 Elle se fait contre quoi ? Elle se fait contre des idées dominantes, un goût dominant
33:07 et ce qu'on peut appeler l'académisme.
33:09 Les idées reçues, l'illustration, ce qui permet de sortir l'illustration c'est
33:15 d'inventer quelque chose de nouveau, d'amener une pierre dans ces bâtiments qui sont à
33:19 construire.
33:20 Et donc on est contre, on est contre un système et la difficulté c'est qu'en étant contre
33:29 on est un peu rejeté, même très rejeté par le système.
33:34 Le rôle que je m'étais assigné quand je faisais la production et la distribution
33:38 c'est d'être comme un éditeur ou un marchand de tableaux, c'est d'être un intermédiaire
33:42 qui permette une fois qu'un artiste a fait quelque chose contre, de le faire connaître
33:48 et d'aller vers la reconnaissance plus large et publique.
33:51 Et donc j'étais constamment dans une situation où je défendais, où je défends, où je
33:59 continue de défendre la marge, la création en marge et la nécessité de la faire connaître
34:05 pour qu'elle soit reconnue.
34:06 La difficulté dans ces cas-là, que ce soit pour les artistes ou pour moi, c'est de
34:11 retourner à la marge.
34:12 Parce qu'une fois qu'on est bien installé, dans une situation confortable, de prix,
34:17 de gestionnements…
34:18 - Quand on est MK2 comme vous, quand on a pensé MC, c'est quand on est au centre
34:21 Pompidou, qu'est-ce qu'il reste de la marge dans ces démarches ?
34:23 - Et bien c'est justement le problème, c'est qu'il faut retourner à la marge
34:25 tout le temps.
34:26 - Et comment vous faites ?
34:27 - Se remettre en question tout le temps.
34:28 - Comment vous faites pour faire ça ? Parce qu'une fois qu'on a décidé presque en
34:32 fait… Je vois, vous avez été producteur, « La vie est un long fleuve » d'Etienne
34:35 Chatilet, j'ai vu ce film des milliers de fois, je l'adore ! Ça a vraiment structuré
34:40 un imaginaire.
34:41 Quand on a structuré pendant des années l'imaginaire des Français, des Françaises
34:45 et même des spectateurs dans le monde, on n'a plus rien de marginal en fait, on a
34:49 créé les goûts communs.
34:50 - Oui, mais alors il faut retourner à ce qu'en créait d'autres.
34:54 Il faut que d'autres existent.
34:57 Alors comment fait-on ? Il faut être curieux.
34:59 Je pense que la seule façon…
35:02 - On n'est pas un peu coupé du monde ?
35:03 - Justement, il ne faut pas se couper du monde.
35:05 C'est-à-dire que quand on a un prix, une palme d'or à Cannes, et j'en ai eu quelques-unes
35:10 à Venise, à Cannes, etc.
35:12 Il faut absolument se remettre immédiatement en question.
35:14 Ce n'est rien, ce n'est rien, ce n'est pas important.
35:17 Si on se prend la grosse tête, c'est terminé.
35:20 Que ce soit les metteurs en scène.
35:23 Moi je crains les palmes d'or, les prix, etc. pour les metteurs en scène.
35:28 Parce que la plupart d'entre eux, beaucoup d'entre eux, je les ai vus se perdre dans
35:33 quelque chose qui était l'acceptation par l'académisme, par les idées reçues, etc.
35:39 Ne pas se remettre en question.
35:40 Et ça c'est incroyablement dangereux parce qu'ils perdent leur âme, ils perdent leur
35:44 talent.
35:45 Et donc c'est pareil pour moi.
35:47 Donc acheteur de photos ou producteur, il faut être curieux, curieux, curieux.
35:56 Et donc continuer à les chercher.
35:57 Et continuer à mettre en cause son regard.
36:01 Il faut éduquer son regard.
36:02 Et pour l'éduquer, il ne faut jamais s'arrêter sur une idée reçue.
36:06 - Merci beaucoup Marine Caramil.
36:08 C'était devenu dans les midis de culture.
36:10 On s'approche de la fin de l'émission.
36:11 Je vais rappeler que l'exposition "Corps à corps, histoire de la photographie" est
36:13 visible au Centre Pompidou jusqu'au 25 mars prochain.
36:17 On a le temps d'aller découvrir ces 500 photos réunissant donc pour la première
36:21 fois cette collection publique d'Humnam et votre collection privée avec un très beau
36:25 catalogue complet aussi qui accompagne cette exposition.
36:29 Marine Caramil, le moment est venu pour vous de faire un choix, un choix musical cette
36:32 fois-ci.
36:33 Alors on vous propose de choisir entre deux parties du corps.
36:37 Vous avez le choix entre un œil ou une main.
36:39 - L'œil.
36:42 - L'œil.
36:58 - L'œil.
37:07 - L'œil.
37:17 - Le choix de Marine Caramil dans les midis de culture.
37:33 "The flamingos, I only have eyes for you".
37:36 Merci encore d'être venu dans notre studio.
37:38 On remercie aussi toute l'équipe des midis de culture préparée tous les jours par Icet
37:42 Wendoy, Anaïs Hizbert, Cyril Marchand, Zora Vignier, Laura Dutèche-Pérez et Manon
37:46 de Lassalle.
37:47 L'émission est réalisée ce midi par Félicie Fauger et Nicolas Berger.
37:51 La prise de son Noé Chaban.
37:53 Merci Géraldine Massenet-Savoy.
37:54 - A demain Nicolas Herbeau.
37:55 - A demain.
37:56 Merci.