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Arnaud Cayzac, Commissaire aux Comptes, Expert-Comptable Associé, Président d'ECF Languedoc-Roussillon, nous éclaire sur le bouleversement imminent lié à la digitalisation de l'économie, notamment en matière de facturation électronique et de gestion des données.

78e Congrès experts comptables
20230918 Interview Arnaud Cayzac

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Transcription
00:00 Arnaud Kezak, vous avez devant vous une belle révolution numérique qui s'annonce,
00:05 celle de la facture électronique et de la data.
00:07 Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer et nous aider à la comprendre ?
00:11 Alors très rapidement, pour faire simple l'idée qu'elle était,
00:15 on va sur cette dernière étape de la digitalisation de l'économie.
00:20 On va demander à tous les acteurs, l'artisan, le commerçant,
00:24 de pouvoir transmettre ces données de facturation
00:28 par voie électronique et d'être capables de les récupérer.
00:31 Alors quand on a une facture électronique,
00:33 ce n'est pas un fichier PDF qu'on va envoyer en pièce jointe d'un email,
00:37 c'est un fichier sur un format type TXT avec un certain nombre de données obligatoires
00:43 et qui sont standards, qui vont permettre à des outils de communiquer entre eux directement
00:49 et de communiquer ces données de facturation à l'administration également.
00:54 D'accord. Alors justement, c'est quand même une vraie petite révolution technologique.
01:01 En tant que président d'ECF, Lando Crocillon, est-ce que vous l'avez anticipée cette révolution ?
01:07 Est-ce que votre chantier pour accompagner la profession d'expert comptable et de commissaire au compte
01:12 est déjà en marche ? Et surtout, qu'est-ce que vous avez déjà mis en place ?
01:15 C'est un chantier que la profession a pris à bras-le-corps depuis plusieurs années.
01:19 Déjà, le syndicat, nos institutions ordinales,
01:23 on a travaillé jusqu'ici beaucoup en formation et en information
01:28 avec beaucoup de contenu pour nos confrères.
01:31 Depuis deux ans, des tournées qui sont organisées partout en France.
01:35 Il y a une plateforme au niveau de la profession, au niveau d'ECMA,
01:38 qui est la branche informatique, le bras armé informatique de notre institution,
01:44 le Conseil national de l'ordre, qui a développé une plateforme qui s'appelle jefacture.com
01:49 en vue d'être une plateforme dématérialisée partenaire
01:55 pour que l'on puisse, pour nos clients, leur faciliter ce passage
01:59 et pour nos confrères, les 22 000 experts comptables de France,
02:03 avoir une solution pour réussir le passage vers la facture électronique.
02:10 D'accord. Alors, on peut dire que la data dans la comptabilité ouvre la porte à l'IA.
02:18 C'est un peu comme en médecine, on pourra lire plus facilement
02:21 l'état de santé d'une entreprise, de son secteur d'activité.
02:24 Est-ce que cela va vous permettre de développer d'autres types de missions ?
02:28 C'est l'objectif. Aujourd'hui, traditionnellement, quand on était sur une facture papier,
02:35 on avait un être humain qui devait enregistrer des informations
02:39 et forcément, on enregistrait les éléments qui étaient essentiels pour la comptabilité,
02:44 c'est-à-dire le montant TTC, hors-taxe, le montant de la TVA, le montant du fournisseur,
02:49 et on imputait cela. Aujourd'hui, grâce à la facture électronique
02:53 et tous les éléments qualitatifs de la facture, des notions de quantité,
02:58 des notions de volumétrie, des notions de date d'échéance,
03:03 on va pouvoir avoir une communication d'import direct sans traitement humain
03:08 et avoir des algorithmes qui vont traiter.
03:11 On va pouvoir aussi consolider au niveau des plateformes, des fameuses PDP notamment,
03:17 anonymiser les données et obtenir des éléments comparatifs et des éléments qualitatifs,
03:23 pouvoir comparer d'une boulangerie à l'autre,
03:27 si à volume de chiffre d'affaires commun, on va consommer dans l'une ou dans l'autre plus d'électricité,
03:34 comprendre pourquoi on va pouvoir aller sur des éléments prédictifs
03:38 en matière de projection de trésorerie, en matière de projection de développement
03:44 et d'analyse aussi de risques éventuels, de défaillance par exemple, avec des curseurs communs.
03:51 C'est un champ des possibles qui est infini, charge à chacun de se saisir de ses éléments,
03:57 de construire les outils, de s'équiper, d'avoir aussi sa sensibilité
04:02 parce que chacun va aller peut-être plus vers une vision,
04:08 mais en tout cas, pour moi, je le vois pour notre profession et au service notamment des TPE, PME,
04:16 la possibilité de mieux répondre aux besoins, aux attentes réelles de nos clients,
04:20 sortir d'une comptabilité légale pour le simple respect d'obligations,
04:25 d'éclaration de TVA, d'éclaration de résultats en fin d'année,
04:29 mais être sur un vrai outil de gestion au travers de cette comptabilité enrichie,
04:36 bien sûr, de toutes les technologies qu'on va pouvoir greffer dessus.
04:39 Alors justement, j'ai une double question.
04:42 La première, devant ce champ des possibles qui devient immense,
04:46 est-ce que tous les cabinets vont pouvoir s'orienter vers les nouvelles missions ?
04:50 Première question.
04:51 Et deuxième question, est-ce que ce champ des possibles qui devient immense
04:55 ne va pas attirer de nouveaux profils et de nouvelles vocations ?
04:58 Et vous en avez besoin ?
05:00 C'est ce que l'on espère.
05:02 Aujourd'hui, on le voit, sur les dernières années, on a besoin de plus de bras.
05:12 On a besoin de plus de bras et on en manque cruellement,
05:14 et c'est un frein pour beaucoup de nos cabinets.
05:17 On a eu une hausse importante de l'activité pour nos cabinets,
05:21 des gens qui se sont dégoûtés aussi pendant la période Covid.
05:24 Je crois que la profession a été en première ligne sur l'accompagnement de nos clients,
05:28 les demandes d'aide, les demandes de chômage partiel.
05:31 Moi, c'est ce que j'ai souvent dit en 2020,
05:34 ça faisait 15 ans que j'exerçais le métier, j'avais fait une demande d'activité partielle.
05:39 Là, j'en ai fait 200.
05:41 Et ça a été un travail monstrueux dans un stress,
05:46 dans une situation en plus sanitaire qui était difficile.
05:50 On a aussi des gens qui se sont dégoûtés.
05:53 On a une profession qui a souffert de surmenage et qui arrive fatiguée.
06:00 Aujourd'hui, c'est l'opportunité.
06:02 Et je pense que c'est l'opportunité pour chacun, petit ou gros cabinet.
06:06 Forcément, on ne pourra pas aller vers les mêmes choses.
06:09 On aura chacun notre sensibilité.
06:13 Il va falloir qu'on change, il va falloir qu'on prenne en main ces éléments.
06:17 Déjà, qu'on intègre toutes ces technologies.
06:20 Que l'on pense aux besoins réels de nos clients.
06:25 Et chacun, sa typologie de clientèle,
06:27 et la mienne ne sera pas forcément la même que celle de mon confrère d'à côté.
06:33 Forcément, les besoins de nos clients ne seront pas les mêmes.
06:36 Et je pourrais aller vers un champ de mission qui intéressera mes clients.
06:41 Un autre de mes confrères le fera peut-être différemment.
06:45 Mais aujourd'hui, oui, on a la possibilité de répondre aux besoins réels.
06:48 On a une technologie qui va nous permettre d'avoir des agrégats de données
06:54 qui seront bien plus importants, une comparabilité.
06:57 Et de pouvoir passer aussi d'une comptabilité qui était rétrospective
07:01 vers une comptabilité qui est beaucoup plus prospective.
07:04 Et je pense que ça, être une profession qui accompagne ses clients
07:10 dans la construction de leur avenir,
07:12 oui, forcément, il y a une grande carte à jouer.
07:16 Mais des nouveaux profils, bien entendu.
07:19 Forcément, on a dans nos cabinets des gens qui ont fait, pour certains,
07:25 de la comptabilité, que de la comptabilité, toute leur carrière,
07:29 et c'est très respectable.
07:32 Mais aujourd'hui, forcément, si on dit j'ai une part de la comptabilité
07:37 qui s'automatise, ces profils-là n'ont plus lieu d'être présents dans nos cabinets,
07:45 il va falloir que l'on se redéploie vers d'autres missions.
07:49 Et aujourd'hui, certains commencent, moi j'ai aujourd'hui dans mon cabinet,
07:53 c'est un exemple, un diplômé de Sciences Po qui est sur une vision plus,
07:59 on va dire macroéconomique, qui nous permet d'aller vers des missions
08:03 justement de projection, d'implantation d'établissements,
08:09 et notamment pour des collectivités locales, pour les accompagner
08:12 dans la modélisation financière de projets qu'ils ont.
08:16 C'est un exemple parmi tant d'autres, des choses qu'on ne faisait pas forcément
08:19 par le passé, on va pouvoir avoir d'autres confrères qui vont se spécialiser
08:24 sur un métier, devenir le spécialiste et pouvoir, grâce à la data,
08:28 fournir, de l'autre bord, je vais prendre l'exemple de la boulangerie,
08:32 mais si on travaille sur des volumes, si on travaille sur des notions
08:35 de responsabilité sociale et environnementale, sur des consommations d'énergie,
08:41 sur justement l'accompagnement vers un modèle économique plus vertueux
08:46 sur un plan environnemental, tout ça, c'est rendu possible,
08:50 au moins le message en tout cas que j'essaye de faire passer,
08:54 c'est que cette digitalisation et cette automatisation qui arrive,
08:59 c'est une fabuleuse opportunité pour faire redescendre la pression
09:06 en termes de volume de travail qui pesait, en termes de manque de manœuvre,
09:09 et de se tourner vers de nouveaux profils pour pouvoir enrichir nos équipes,
09:14 de nouvelles missions pour mieux répondre aux besoins de nos clients,
09:19 tout en gardant nos fondamentaux, c'est-à-dire en étant des gens sérieux
09:23 et vecteurs de confiance pour les entrepreneurs.
09:26 Alors Arnaud Kézac, il va falloir aller chercher toute la profession
09:30 pour bien surfer sur cette révolution ?
09:32 Bien sûr, il faut qu'on soit tous unis, tous acteurs de cette réforme
09:37 parce qu'elle va tous nous toucher.
09:39 Le but c'est de ne laisser personne au bord de la route
09:42 et c'est d'avancer tous ensemble parce que si notre profession
09:46 saisit l'opportunité collectivement, forcément on ira plus loin
09:52 et on créera au niveau de notre environnement
09:54 un positionnement de l'expert comptable central dans l'économie.
09:59 On ne peut pas obliger tout le monde, il y a des personnes
10:03 qui ne voudront pas évoluer, il y en a peut-être qui ne se reconnaîtront plus
10:07 dans ce métier-là, il y a peut-être certaines personnes
10:10 qui n'auront pas envie de faire l'investissement nécessaire
10:15 à ce changement de paradigme que l'on va connaître
10:18 et qui souhaiteront quitter leur profession.
10:21 On ne peut pas l'éluder.
10:24 Mais en revanche, en tant qu'acteur engagé, en tant que représentant syndical,
10:30 en tant que représentant ordinal, l'objectif c'est de ne laisser
10:34 personne au bord du chemin. On a construit le congrès de l'Ordre
10:38 sur cette thématique avec différents niveaux d'information
10:43 pour continuer à aller chercher ceux des 22 000 confrères de France
10:48 et consoeurs qui n'auraient pas encore intégré la facture électronique,
10:55 la digitalisation, l'avènement de la data dans leur démarche.
11:01 Aujourd'hui, l'institution, globalement, va continuer à développer
11:07 de nouveaux programmes de formation pour accompagner la profession
11:11 dans cette nouvelle ère.
11:13 [musique]

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