En direct de Lampedusa dans "Morandini Live", le journaliste Erik Tegnér témoigne: "Les réfugiés disent venir en Europe pour mieux gagner leur vie et pour les aides sociales en France" - Regardez
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00:00 Eric Tachner, bonjour, merci d'être en direct avec nous.
00:03 Vous êtes à Lampedusa, est-ce que vous pouvez, si on peut vous voir à l'image ce serait bien, merci,
00:07 est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu quelle est la situation ?
00:10 - Bah écoutez Jean-Marc, moi je suis là depuis 7h du matin, je suis arrivé hier soir.
00:15 Ce que je peux dire c'est qu'ici j'ai vu énormément de Guinéens et d'Ivoiriens qui sont francophones.
00:20 Et la majeure partie, voient 100% des personnes que j'ai interrogées, disent venir en Europe pour mieux gagner leur vie.
00:26 Ça c'est très important. Il m'est arrivé quelque chose d'assez étonnant il y a quelques minutes.
00:31 Il y a des personnes, vous savez ici, de l'European Union for Asylum, c'est-à-dire payées par l'Union Européenne pour s'occuper de l'asile.
00:37 Une dame est venue me voir pour me dire "vous n'avez pas le droit de filmer le visage des migrants"
00:42 alors que j'ai tout à fait le droit de le faire.
00:44 Son explication c'est que si ces migrants-là m'expliquent face caméra qu'ils viennent pour des raisons économiques,
00:50 lorsqu'ils vont déposer leur demande de droit d'asile, lorsqu'ils vont expliquer que ce sont des réfugiés de guerre,
00:55 elle m'a dit que l'ambassade pourrait montrer ces vidéos et du coup leur empêcher d'avoir ces visas.
01:00 Et donc c'est ça qui est très troublant, c'est qu'il y a beaucoup de ces réfugiés qui disent clairement qu'ils viennent aussi pour les aides sociales.
01:06 Moi j'ai pris absolument toutes les vidéos, donc tout est sourcé.
01:09 Ils disent qu'en Burkina Faso, la télévision parle des aides sociales en France.
01:13 J'entendais votre invité tout à l'heure qui disait "oui mais la France n'est pas l'Eldorado".
01:17 Je suis désolé, en tout cas toutes ces personnes qui sont francophones, qui viennent également d'autres pays comme le Mali,
01:23 elles sont intéressées par la France et c'est ce qu'on voit ici sur le terrain, c'est que ce sont des réfugiés économiques en premier lieu.
01:30 Quelle est l'ambiance sur place ? Est-ce que ces gens sont bien accueillis aujourd'hui ? Est-ce que ces gens ont des moyens de manger, de boire ?
01:38 Alors clairement c'est très compliqué parce que sur l'Ampédoussa, il ne s'attendait pas à voir près de 8000 migrants débarquer en l'espace de 72 heures.
01:46 Donc c'est saturé. Hier soir je me suis arrêté dans un restaurant pour dîner.
01:50 Il y avait énormément de réfugiés qui rentraient justement dans les restaurants, qui harcelaient les restaurateurs pour être nourris.
01:56 Donc c'est très compliqué ici. En même temps, la Croix-Rouge fait un excellent travail.
02:00 La police est vraiment à l'écoute aussi des réfugiés. Elle leur apporte notamment avec la protection civile des ressources.
02:07 Mais il y a des tensions, vous avez vu, on les entend derrière. Ces tensions viennent du fait qu'ils n'ont aucune peur.
02:12 C'est de ne pas arriver en Sicile ou en Europe. Ils n'ont peur que de ça.
02:15 Et tout à l'heure je voyais justement des bénévoles, des ONG qui leur disaient "Rassurez-vous, vous allez pouvoir venir".
02:21 Il y a deux bateaux derrière. Je vais vous montrer derrière. C'est de la pression.
02:25 Ça crie beaucoup, ça gueule beaucoup ici. C'est tendu. C'est pour ça qu'il y a la guardia civile qui est sur place ici.
02:33 Qu'est-ce qu'ils espèrent aujourd'hui ? Ils espèrent avoir des bateaux pour pouvoir monter, pour pouvoir partir vers l'Italie ?
02:38 C'est ça ou partir vers l'Europe ? Qu'est-ce qu'ils attendent au fond ?
02:42 Alors la première étape évidemment c'est l'Italie. Il y a des bateaux derrière qui sont en train de les embarquer depuis ce matin, ça c'est clair.
02:49 Il y a de nombreux pays qui sont visés, notamment l'Espagne par exemple, la France, où ils souhaitent y retourner.
02:55 La majeure partie d'entre eux me disent qu'ils ont de la famille là-bas, de la famille qui leur dit clairement que la France, c'est intéressant, qu'il faut y aller.
03:02 J'ai également interrogé un jeune de 17 ans. Je lui ai demandé "Est-ce que vraiment tu vas trouver du travail ?
03:08 Il y a aussi du chômage en France et en Europe. Et si tu n'as pas de papier, est-ce que tu pourras travailler ?"
03:12 Il m'a dit "Même si je n'ai pas de papier, je sais que je pourrais travailler en France."
03:15 Donc lorsqu'on entend justement cette question politique en ce moment, la légalisation des sans-papiers, des métiers en zone tendue,
03:22 et qu'on explique que ça peut créer un appel d'air, clairement cet appel d'air on le voit aujourd'hui.
03:27 Il y a aussi beaucoup qui disent qu'ils vont d'abord venir sans leur famille et ensuite ils vont faire partir leur famille avec eux.
03:33 Et le dernier point qui est intéressant, c'est un point que j'avais vu moi-même il y a quelques semaines en Tunisie,
03:38 c'est que beaucoup expliquent que les Tunisiens et que les pays du Maghreb sont racistes envers eux.
03:43 La réalité c'est que beaucoup ont passé deux ou trois mois en Tunisie et qu'ils ont fui la Tunisie parce qu'ils disent que les Tunisiens sont racistes.
03:49 C'est intéressant parce que je les ai interrogés en leur demandant, mais souvent on dit que ce sont les Européens blancs qui sont racistes
03:54 et ils disent "Non, ils ne sont pas racistes. Les racistes sont les pays du Maghreb."
03:58 Et ça c'est un point qui est important parce que c'est même tunisien, ce sont aussi les passeurs qui sont payés près de 2, 3, 4 milles dinars
04:06 pour faire ces traversées sur des petits bateaux où il y a 40 réfugiés parfois.
04:10 Éric c'est très bien de vous avoir en direct comme ça. Vous pouvez m'expliquer où vous êtes ?
04:14 Est-ce que vous êtes dans le camp ? Est-ce que vous êtes à l'extérieur ?
04:16 Et est-ce que vous pouvez peut-être vous déplacer et nous montrer un peu quelle est l'ambiance ?
04:21 Alors j'étais tout à l'heure dans le camp qui est un peu plus loin justement.
04:26 C'est un hotspot où normalement on ne peut accueillir que 400 personnes, donc c'est complètement saturé.
04:30 Et ici, vous voyez, on voit qu'ils sont contents parce qu'ils vont pouvoir justement embarquer.
04:35 Ici c'est l'endroit où ceux qui ont été enregistrés au hotspot ont pu prendre des camions.
04:40 C'est à peu près à 2 kilomètres ici qu'ils les ont emmenés ici.
04:44 Donc ici ils font la queue clairement, il ne leur reste plus que quelques mètres pour monter dans les bateaux qui sont de l'autre côté
04:50 pour pouvoir ensuite débarquer en Italie et en Europe.
04:53 Donc ici ils ont aussi pour consigne de le moins parler possible aux journalistes pour les raisons que je vous évoquais tout à l'heure.
04:59 Alors c'est difficile pour eux bien sûr parce qu'on est sous un soleil de plomb.
05:03 Il y a de l'eau, on le voit, qui a été distribuée pour eux.
05:06 Mais d'ici quelques heures, l'ensemble des migrants que vous voyez ici sera dans un bateau
05:11 et tous ceux là-bas commencent à être enregistrés pour monter dans des camions et venir progressivement jusqu'ici.
05:15 Et vous nous parlez de tensions qu'on a entendu également tout à l'heure. Pourquoi il y a des tensions en fait ?
05:20 Il y a des tensions parce que déjà il y a des tensions entre différents citoyens d'Afrique.
05:25 Ensuite le surtout c'est qu'ils sont tétanisés de ne pas pouvoir monter.
05:30 Ils ont peur de se dire qu'il y a des quotas, que finalement sur les 8000 on ne pourra en accepter que 1000 en Europe.
05:36 Donc ils veulent absolument être en premier.
05:38 Ce qui s'est passé depuis ce matin c'est que dès qu'il y avait quelqu'un qui justement allait griller la queue,
05:42 eh bien il se faisait rejeter et il y avait des bagarres qui se passaient.
05:45 Il faut savoir aussi qu'il y avait les forces anti-terroristes italiennes qui étaient sur place
05:49 parce qu'évidemment il y a toujours cette crainte de faire venir des terroristes par ces filières migratoires.
05:55 On se rappelle justement d'il y a quelques années en France.
05:58 Et donc ces tensions là, elles sont...
06:00 Et c'est pour ça que tout à l'heure les personnes, par exemple le monsieur derrière, expliquait aux migrants,
06:04 leur disait "ne vous inquiétez pas", il le disait en français parce qu'il y a beaucoup de francophones.
06:08 Il leur disait "ne vous inquiétez pas, tout le monde va monter, il y a encore des bateaux derrière qui sont vides,
06:13 on va les remplir et on va vous ramener en Europe".
06:16 Juste dernière question, Eric, parce que vous êtes là depuis quelques heures,
06:19 on a parlé de cette arrivée en masse il y a 24 heures de 6 à 7000 migrants.
06:23 Est-ce que là les migrants continuent à arriver ? Est-ce qu'il y a toujours des arrivées ?
06:28 Alors il y a eu des arrivées il y a quelques heures.
06:30 Pour être honnête, moi j'étais complètement noyé au milieu de ces personnes-là.
06:34 Après on craint aujourd'hui que ces migrants, d'autres migrants viennent.
06:38 Pourquoi ? Parce que ce qu'on entend aussi, c'est qu'il y aurait peut-être une opération de déstabilisation
06:42 parce que clairement faire venir autant de migrants d'un coup, c'est assez unique.
06:47 Vous savez, là où Florian Pilippo n'a pas tort, c'est que cette situation-là, elle n'est pas nouvelle.
06:53 La nouveauté, c'est l'arrivée en masse de ces migrants en l'espace de trois jours à Lampedusa.
06:58 Et bien sûr, j'interrogeais justement les différentes personnes qui sont ici,
07:02 je leur demandais "est-ce qu'il y a d'autres migrants qui attendent à la frontière tunisienne
07:06 pour pouvoir traverser la Méditerranée ?"
07:08 Je leur disais "il y en avait énormément, il n'y a pas assez de bateaux pour venir jusqu'à Lampedusa"
07:12 et c'est la raison pour laquelle on peut craindre que ce ne soit que le début.
07:16 Merci beaucoup Eric Tegner, c'était super de pouvoir vous avoir en direct et de voir la réalité de la situation.
07:21 Vous savez, c'est ce qu'on aime dans cette situation. Merci beaucoup.