Tous les samedis et dimanches soir, Pierre de Vilno reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 18h30 à 19h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend
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00:00 C'est une période que les contribuables français connaissent bien.
00:03 En août, les services des impôts repassent votre déclaration.
00:06 Avec un peu de chance, il ne se passe rien.
00:08 Avec beaucoup de chance, vous recevez un trop-perçu.
00:10 L'inverse est vrai aussi malheureusement et il faut passer à la caisse.
00:13 Puis ce sont les taxes.
00:14 Taxe d'habitation terminée, mais la taxe foncière a flambé.
00:18 Tout le monde en est d'accord.
00:19 La fiscalité en France, que de mystère, que d'injustice aussi,
00:22 lorsqu'on apprend dans le magazine Challenge du mois de juillet,
00:25 qui aussi recense les 500 personnes les plus fortunées de France,
00:28 que les milliardaires en fin de compte ne payent pas tant d'impôts que cela.
00:31 En gros, ceux qui trinquent, ce sont les classes moyennes aisées.
00:34 On va en parler avec nos invités.
00:35 Bonsoir Agnès Verdier-Mollinier.
00:37 Bonsoir.
00:38 Directrice de la fondation IFRAP, auteure de nombreux livres.
00:40 Le dernier est de cette année.
00:42 Ça s'appelle "Où va notre argent ?".
00:44 C'est aux éditions de l'Observatoire.
00:46 Bonsoir Michel Rumi.
00:47 Bonsoir.
00:47 Économiste, professeur d'économie à Sciences Po et à l'ESCP,
00:50 directeur du Think Tank SPAC.
00:52 Mais d'abord, Capucine Patouillet, bonsoir.
00:54 Bonsoir Pierre.
00:55 Capucine, qu'entend-on par classe moyenne aujourd'hui ?
00:57 Qui sont-ils ?
00:58 Alors, elle est difficile à cerner sociologiquement parlant,
01:00 mais la classe moyenne regrouperait tout de même
01:02 plus de la moitié de la population française aujourd'hui
01:05 et se situerait entre les 30% les plus pauvres
01:08 et les 20% les plus riches selon l'Observatoire des Inégalités,
01:12 soit après impôts, entre 1 500 et 2 700 euros de salaire pour une personne seule,
01:17 entre 3 700 euros minimum et 6 700 euros pour une famille avec deux enfants âgés de 14 ans.
01:23 Ce sont les chiffres que donnait en juin dernier à Europe 1 Anne Bruner,
01:26 la directrice des études de l'Observatoire des Inégalités.
01:29 Et ce serait donc la catégorie de français qui paye le plus d'impôts ?
01:32 Oui, plus précisément, ce sont les classes moyennes supérieures,
01:35 vous le disiez, qui sont les principales cibles,
01:37 selon un sondage à RIS Interactive qui avait été publié en août 2022.
01:41 77% des personnes gagnant au moins 4 000 euros par mois et par foyer
01:46 exprimaient des craintes pour leur pouvoir d'achat.
01:49 Il s'agit de personnes certes aisées sur le plan du salaire,
01:52 mais soumises à des emprunts qu'ils doivent rembourser,
01:54 type achat de biens immobiliers, automobiles ou encore de l'éducation des enfants,
01:58 et donc fortement exposées au risque de la conjoncture économique.
02:01 S'ensuit dans ce cas une baisse de la consommation de ces ménages,
02:04 qu'il s'agisse de budget du quotidien ou encore des vacances par exemple.
02:08 Une classe que l'État tente d'ailleurs de rassurer,
02:11 le président avait promis en mai dernier des baisses d'impôts avant 2027.
02:14 D'après Bruno Le Maire ce mardi,
02:16 cela pourrait se traduire par une baisse de 2 milliards d'impôts si possible dès 2025.
02:20 - Merci pour ces chiffres très intéressants,
02:23 sur lesquels on va s'arrêter.
02:24 Capucine Patouillet, Michel Rumi, Agnès Verdier-Molinier.
02:28 C'est quand même paradoxal, non ?
02:30 Quand on est petit on nous dit "si tu travailles bien, tu pourras t'acheter une maison,
02:34 si tu travailles bien, tu pourras t'acheter une voiture".
02:36 On nous dit jamais "si tu travailles bien, tu pourras t'acheter une maison,
02:39 tu pourras t'acheter une voiture, tu pourras partir en vacances,
02:41 mais tu paieras beaucoup plus d'impôts que les autres".
02:44 Agnès Verdier-Molinier ?
02:45 - La réalité c'est qu'on a une concentration de l'impôt de plus en plus importante
02:49 sur les 10% qui gagnent le plus.
02:52 Et comme l'a souligné Capucine, en réalité on est assez vite dans les 10%,
02:57 puisque par individu on rentre dans les 10% à 3 700 euros par mois.
03:01 Donc le problème c'est que plus ça va, plus l'impôt sur le revenu, par exemple,
03:07 est concentré sur ces 10% qui gagnent le plus.
03:10 75% aujourd'hui, 75% c'est absolument gigantesque,
03:15 de la note de l'impôt sur le revenu est payée par ces 10%.
03:20 Et alors quand on prend l'ensemble des impôts directs,
03:22 parce qu'on peut regarder aussi avec la taxe foncière,
03:25 avec l'impôt sur la fortune immobilière, avec l'impôt sur les successions, etc.
03:30 Et la CSG.
03:31 Si on additionne tous ces impôts, nous on l'a fait à la Fondation IFRAP,
03:34 les 10% ils payent environ 50% de l'ensemble des recettes.
03:40 Donc en fait ce sont vraiment eux qui portent la recette des ménages
03:44 pour financer le modèle français.
03:46 Sans eux il n'y a pas de financement de l'ensemble de nos services publics,
03:52 parce qu'on perd la moitié de la recette.
03:54 - Mais ce qu'on disait c'est que ce sont les classes moyennes ++,
03:57 les gens aisés, mais ce ne sont pas non plus les milliardaires.
03:59 Parce que quand on regarde, et je parle sous votre contrôle,
04:02 Michel Rumi et Agnès Verdier-Molinier,
04:05 arrive un moment où quand vous gagnez très bien votre vie
04:10 à tel point que vous êtes recensé par le magazine Challenge,
04:13 vous êtes recensé par le magazine Challenge
04:15 pour faire partie des 500 fortunés de France,
04:18 en fait il y a une chose qui se passe,
04:19 c'est que vous ne gagnez plus votre argent de votre entreprise,
04:23 et donc du coup vous échappez à l'impôt sur le revenu,
04:26 en fait vous vous payez par votre holding,
04:28 et là la fiscalité est très très différente.
04:30 - Oui tout à fait, c'est ce qu'il faut bien voir.
04:32 C'est que d'abord la fiscalité porte sur le revenu et sur le patrimoine.
04:36 Donc ce qu'il faut bien voir,
04:38 c'est que les personnes les plus fortunées ont des activités indépendantes,
04:43 et notamment en termes de patrimoine,
04:46 la partie immobilier représente à peu près 20%
04:50 et on va dire 80% de valeur mobilière.
04:53 Donc ce qu'il faut bien voir,
04:55 c'est qu'en face, alors que les classes moyennes,
04:58 on a une proportion à peu près relativement inverse.
05:01 Donc si on rentre dans une logique économique,
05:03 lorsque vous devez récolter de l'argent,
05:05 vous devez récolter de l'argent sur des personnes
05:07 dont on est à peu près certain qu'ils ne vont pas partir.
05:10 Et c'est les classes moyennes qui sont figées parce qu'ils ont un prêt immobilier,
05:14 alors que les personnes les plus fortunées ont une maison,
05:17 mais ils ont des valeurs mobilières,
05:18 et si leur cœur leur dit, ils peuvent partir.
05:22 Donc c'est vrai qu'il faut capter cette population
05:25 qui est, entre guillemets, obligée de rester en France,
05:28 et qui a un bien immobilier et qui travaille.
05:31 - Alors un petit bémol, ils peuvent partir, ils peuvent partir,
05:33 ça a été le cas il y a 30 ans,
05:35 enfin aujourd'hui ça a été quand même vachement resserré,
05:37 on ne peut plus vraiment partir,
05:38 la Suisse c'est fini, Monaco c'est fini,
05:40 le Liechtenstein c'est fini,
05:41 il y a plein, entre guillemets, de paradis fiscaux où...
05:45 Les voitures Monégasques qui matriculaient à Monaco à Paris,
05:50 elles sont quand même de plus en plus rares.
05:52 - Je n'ai pas dit d'aller dans les paradis fiscaux,
05:54 mais de dire dans des cieux où la fiscalité est plus allégée.
05:58 - Ça veut dire la même chose, merci Michel Rumi.
06:00 Agnès Verdier-Molligny, là-dessus justement,
06:03 il y a un prêt carré,
06:04 mais en fait, puisqu'on a eu un formidable match de rugby hier,
06:09 utilisant cette image,
06:12 il y a l'essai et puis il y a l'essai transformé,
06:14 c'est-à-dire que si vous transformez votre essai
06:17 et que vous arrivez effectivement dans les sphères les plus hautes,
06:19 vous avez une holding,
06:21 vous êtes tranquille et vous échappez à l'IR.
06:23 - Alors moi je suis un peu gênée par les chiffres que vous avez cités,
06:28 notamment l'étude de l'Institut des politiques publiques,
06:32 qui abrandit partout ce fameux chiffre de 2%,
06:36 où en gros les 400-600 plus riches de France
06:40 auraient une fiscalité qui serait très très faible,
06:44 qui serait simplement 2% de leur revenu,
06:47 et tout ça c'est un calcul qui en réalité n'est pas un bon calcul.
06:50 - Je ne me base pas sur les 2%,
06:52 je me base sur le fait que les ultra-riches payent à peu près,
06:55 et c'est Bercy qui le dit, 26% d'impôts.
06:57 Mais 26% d'impôts par rapport à d'autres
07:01 qui payent 50% d'impôts c'est quand même très différent.
07:04 - Là c'est pareil, les 26% d'impôts sont calculés
07:07 en comptant des revenus non distribués.
07:09 - C'est-à-dire ?
07:10 - C'est-à-dire qu'ils sont conservés dans les entreprises,
07:13 qui sont souvent des dividendes,
07:15 mais qui ne sont pas touchés par la personne.
07:17 C'est comme si vous disiez à une personne,
07:18 tu pourrais avoir un revenu, mais tu ne l'as pas,
07:21 mais quand même c'est scandaleux que tu ne sois pas imposé sur ce revenu.
07:24 Ils n'ont pas touché ce revenu, et dans la plupart des cas...
07:27 - Et où est-ce qu'il est ce revenu ?
07:28 - Ce revenu il reste dans leur entreprise,
07:29 ils le réinvestissent dans l'entreprise.
07:32 Donc vous ne pouvez pas...
07:33 - C'est ce qu'on appelle le cash flow.
07:34 - Vous ne pouvez pas critiquer un entrepreneur,
07:37 parce que là on parle de qui ?
07:39 On parle des grands entrepreneurs de France.
07:41 Ce sont eux aussi qui créent la valeur ajoutée dans notre pays.
07:44 - Moi je ne les critique pas,
07:45 moi je dis qu'on devrait être tous comme eux,
07:47 parce que justement on a...
07:49 La fiscalité sur les holdings,
07:51 et la fiscalité sur l'impôt sur le revenu,
07:52 ce n'est pas la même chose.
07:53 - Oui mais la fiscalité des dividendes,
07:56 elle est encore supérieure en France,
07:58 par rapport à la moyenne des pays européens.
07:59 - Ah oui, ça c'est autre chose.
08:00 - Nous aujourd'hui,
08:02 on est toujours à 30% de prélèvement forfaitaire unique,
08:06 alors que la moyenne des pays autour de nous,
08:08 c'est entre 20 et 27%.
08:10 Donc il faut arrêter de dire que quand on a des entrepreneurs
08:13 qui justement créent de la richesse,
08:15 qui créent des emplois,
08:17 qui produisent en France,
08:18 parce qu'on ne peut pas avoir le double discours,
08:19 on ne peut pas à la fois taper sur ceux qui créent la richesse,
08:22 sur ceux qui créent les emplois,
08:24 sur ceux qui réindustrialisent nos territoires,
08:26 et dire "c'est scandaleux, ils devraient payer plus d'impôts".
08:29 Non mais si, c'est ça.
08:30 - J'entends.
08:32 - En sous-jacent, c'est ça.
08:33 - J'entends votre point.
08:34 - Parce que ce que vous disiez tout à l'heure,
08:35 c'était finalement, il y a l'inverse,
08:37 c'est-à-dire d'un côté,
08:38 80% de patrimoine mobilier,
08:40 qu'est-ce que c'est le patrimoine mobilier ?
08:42 Ce sont des actions dans des entreprises,
08:44 et des entreprises qui sont développées en France.
08:48 Alors moi, je veux bien,
08:49 mais l'idée d'aller faire à la loupe,
08:52 pour regarder si le plus riche du plus riche,
08:54 il n'aurait pas payé un petit peu moins d'impôts
08:57 que celui d'avant,
08:58 qui en réalité, lui, a beaucoup de patrimoine immobilier,
09:01 et qui ne va pas risquer sa fortune dans des entreprises.
09:04 Parce qu'il ne faut pas oublier une chose,
09:05 c'est que certaines fois, vous gagnez,
09:07 quand vous investissez dans des entreprises,
09:09 que vous rachetez des entreprises,
09:10 que vous consolidez un patrimoine entrepreneurial,
09:13 mais vous pouvez aussi perdre.
09:14 Tandis que quand vous investissez dans l'immobilier,
09:17 vous êtes dans un placement beaucoup plus pépère.
09:19 - J'entends ce que vous dites,
09:20 mais ce que je disais,
09:21 c'est qu'il y a quand même une fiscalité qui est différente
09:24 pour ceux qui gagnent pas mal leur vie,
09:26 et puis une fiscalité qui est différente,
09:27 mais sans vouloir critiquer quoi que ce soit,
09:30 qui est différente pour ceux qui...
09:32 Il y a une protection pour ceux qui, effectivement,
09:33 vous dites les grands entrepreneurs.
09:35 - Mais ce n'est pas une protection,
09:37 c'est juste normal de taxer le capital,
09:41 les revenus du capital,
09:43 moins que les autres revenus.
09:45 Pourquoi ?
09:46 Parce que c'est ce qui se passe partout dans le monde
09:48 pour inciter à être dans une dynamique entrepreneuriale
09:53 et de croissance.
09:54 Et si on croit que la croissance,
09:56 elle est créée par la décision de l'État,
09:59 eh bien non, la croissance,
10:00 elle se crée dans les entreprises de France,
10:02 avec des gens qui risquent de l'argent,
10:04 avec des gens qui réinvestissent
10:06 et qui ne se versent pas leurs dividendes
10:07 parce qu'ils ont envie de développer.
10:09 - Mais oui, vous prenez des risques.
10:10 Vous êtes entrepreneur, vous prenez des risques,
10:12 vous n'êtes pas salarié d'une entreprise
10:14 qui, elle, prend les risques.
10:15 - Et on ne va pas leur reprocher de ne pas payer d'impôts
10:19 sur des revenus qu'ils n'ont pas touchés
10:20 et qui ont été soumis à l'impôt sur les sociétés.
10:23 Moi, je trouve que ce débat est hallucinant.
10:25 - Michel Ruby.
10:26 - Ça revient, c'est tout simplement,
10:27 on va être dans le même sens,
10:28 mais l'idéologie, elle est libérale,
10:30 c'est de dire la libre entreprise.
10:31 Si on avait voulu que l'État prenne l'initiative,
10:35 on aurait eu une autre version de la fiscalité.
10:37 Aujourd'hui, on dit, on fait la libre entreprise,
10:42 donc il y a ceux qui souhaitent prendre des risques,
10:45 créer des entreprises,
10:46 faire des affaires au sens large,
10:48 avec des risques, je dis bien,
10:50 et les salariés qui souhaitent peut-être,
10:54 mais qui n'ont pas les moyens,
10:55 et c'est là aussi, ça pose aussi un autre problème,
10:57 qui, eux, tombent sur la fiscalité, on va dire,
11:00 d'impôts sur le revenu,
11:01 et d'autres sur la fiscalité des entreprises au sens large.
11:03 Donc, c'est cette disposition.
11:05 Maintenant, est-ce qu'on veut faire rejoindre les deux ?
11:08 Il ne faut pas oublier que le chef d'entreprise aussi
11:09 paie l'impôt sur le revenu.
11:10 Donc, ce qu'il faut bien voir aussi,
11:12 c'est qu'aujourd'hui, on ne peut pas dire
11:15 que les chefs d'entreprise sont plus privilégiés
11:17 que, on va dire, le salarié,
11:19 l'idée, c'est que, malgré tout,
11:22 il y a une richesse de créer,
11:24 et qu'il convient aussi de ne pas trop la taxer,
11:27 parce que, ce qui va se poser,
11:29 c'est qu'aujourd'hui,
11:31 les entreprises ont besoin de stabilité fiscale,
11:34 et notamment de dire, moi, je paie d'impôts,
11:37 mieux, ça investit, il y a une certaine attractivité
11:40 pour rentrer en France.
11:42 - Exemple concret,
11:43 à revenu plus ou moins égaux sur la fin de l'année,
11:46 est-ce qu'il est plus intéressant aujourd'hui d'être
11:48 un salarié très bien payé
11:51 dans une entreprise, ou un entrepreneur avec sa boîte,
11:54 qui touche effectivement à peu près la même chose,
11:58 sur la fiscalité à la fin de l'année, lequel est gagnant ?
12:01 - En réalité, celui qui va se payer en dividendes,
12:04 il va avoir un taux potentiellement d'impôt
12:07 qui va être un peu plus faible,
12:09 mais il ne faut pas oublier une chose,
12:11 c'est que le salaire, il est aussi imposé
12:13 à des cotisations sociales,
12:15 et des cotisations sociales, quand vous êtes dans les hauts salaires,
12:17 qui sont délirantes.
12:19 - Et ça, on devrait avoir un effort là-dessus.
12:21 - Mais en ce moment, on n'arrête pas de parler
12:23 du pouvoir d'achat, de l'inflation, etc.,
12:25 du fait qu'on a tous des soucis, finalement,
12:28 avec la hausse des prix,
12:30 qui finalement impacte notre capacité d'achat.
12:35 Mais en face de ça, est-ce qu'on parle de l'État
12:38 qui, en France, prélève le plus sur les salaires ?
12:41 C'est-à-dire, quand le patron paye 100 en France,
12:43 le salarié français, il a environ 46 euros en moyenne dans la poche.
12:46 Mais quand vous êtes dans les hauts salaires,
12:48 c'est beaucoup plus.
12:50 Et on a regardé par rapport aux Allemands.
12:52 Les Allemands, on a toujours dit, bah oui,
12:54 ils ont une industrie qui est beaucoup plus dynamique que la nôtre,
12:56 ils sont à 20% d'industrie dans la richesse nationale.
12:58 Nous, on est autour de 10%.
13:00 Comment ils ont fait ?
13:02 Mais ils ne surtaxent pas les hauts salaires.
13:04 Mais cette surtaxe, elle n'est pas sur l'impôt sur le revenu,
13:06 elle est sur les cotisations employeurs.
13:09 Et nous, on a 24 milliards de cotisations employeurs en plus,
13:11 au-delà de 3,5 SMIC.
13:13 Pourquoi est-ce qu'on surtaxe les hauts salaires ?
13:16 Et pourquoi est-ce qu'à la fin, on dit,
13:18 ah bah oui, mais les hauts salaires, finalement,
13:20 c'est pas si bien payé en France
13:22 que dans les autres pays,
13:24 quand vous avez une très forte qualification,
13:26 quand vous êtes un ingénieur, quand vous êtes un médecin.
13:28 Il y a beaucoup de médecins qui ont quitté la France.
13:30 Pourquoi ils ont quitté la France ?
13:32 Mais aussi pour des raisons fiscales.
13:34 Donc à un moment, les gens qui sont surdiplômés,
13:36 qui sont ceux qui aussi entraînent une dynamique dans la société,
13:38 qui sont ceux qui vont avoir des idées de start-up,
13:40 qui sont ceux qui vont développer des nouveaux projets entrepreneuriaux,
13:45 qui peut-être peuvent construire des licornes,
13:47 et cetera, bah ceux-là, finalement, on les surtaxe.
13:51 Donc c'est vrai qu'il y a un sujet sur la question
13:55 de comment on fait pour non pas rentrer dans une trappe à SMICardisation,
13:58 parce que tous les allègements, ils se font sur les bas salaires.
14:01 Comment on fait pour finalement inciter à embaucher
14:04 avec des hauts salaires en France,
14:06 avec de la création de First Valorization ?
14:08 - Je compléterai un peu ce qui vient d'être dit par le fait,
14:11 c'est pas tant ce rapport, la taxation des salaires,
14:15 c'est en fait le rapport au travail.
14:18 De manière générale, dans d'autres pays,
14:22 lorsque, on va dire, vous avez quelqu'un qui gagne bien sa vie,
14:25 certains travailleurs disent "je suis content de l'avoir avec moi dans mon entreprise
14:28 puisqu'il va me donner du travail".
14:30 En France, on va trouver, entre guillemets, je dis bien, anormal,
14:33 que quelqu'un gagne trop sa vie, et du coup on va le taxer.
14:36 Pour qu'il y ait une redistribution beaucoup plus large.
14:38 Donc c'est là où il convient, au-delà de la fiscalité,
14:41 de dire pourquoi on fait ces actes fiscaux.
14:44 Parce que, c'est ce qui est très important de voir,
14:46 c'est qu'aujourd'hui, le fait de créer une entreprise
14:49 et d'assumer les risques sont parfois mal compris.
14:52 On dit tout de suite "tu vas être riche",
14:54 et du coup on est plutôt avers aux risques d'une certaine manière.
14:58 Alors que d'autres, on se dit,
15:01 quand je vois par exemple Apple et les grandes technologies
15:04 qui ont une trentaine d'années,
15:07 est-ce qu'on aurait suivi, ne serait-ce qu'au niveau des banquiers,
15:10 le plan de financement ?
15:11 Donc c'est ça qui est très important,
15:13 c'est aujourd'hui, en fait, le rapport au travail,
15:17 mais à travers le salaire, et non pas de la fiscalité.
15:19 C'est-à-dire, est-ce qu'on est prêt à accepter quelqu'un
15:22 qui gagne plus ? Parce que moi je suis content,
15:25 si je joue avec Kenyan Nbappe dans mon équipe de foot,
15:28 je suis content parce que j'ai de fortes chances de gagner quelque chose.
15:31 - Mais ça, ça existe encore dans les entreprises, les débauchages.
15:33 On va débaucher quelqu'un, on va le payer une tonne,
15:36 comme on dit aujourd'hui dans le langage,
15:38 mais on sait très bien que ça bénéficie à la croissance de l'entreprise
15:41 et à la collectivité de l'entreprise.
15:45 - Mais il y a beaucoup d'entreprises qui font partir les très hauts salaires
15:47 dans d'autres pays autour de la France,
15:49 en réalité qui conservent à peu près les mêmes missions dans l'entreprise
15:52 et qui sont payées dans d'autres pays frontaliers.
15:54 Il ne faut pas se voiler la face.
15:56 - Oui, et puis vous parlez des médecins,
15:57 il y a aussi des médecins qui restent à l'APHP
15:59 parce qu'ils ont des statuts très honorifiques
16:02 ici en France et qui vont faire des opérations
16:05 dans d'autres pays, notamment les pays du Golfe,
16:07 où là, effectivement, ils s'arrondissent, j'allais dire, les fins d'année.
16:10 - Et je trouve que c'est extrêmement dommageable
16:14 de laisser croire en France, à nos concitoyens,
16:17 que les plus riches paieraient moins d'impôts.
16:19 Ce n'est pas vrai.
16:21 Il y a une surtaxe aujourd'hui à l'impôt sur le revenu
16:23 qui est de 3% au-delà de 250 000 euros,
16:26 de 4% au-delà de 500 000 euros.
16:29 Cette surtaxe, elle était exceptionnelle,
16:31 elle a été créée en 2012, elle est toujours là,
16:33 elle rapporte aujourd'hui 1 milliard d'euros par an
16:35 et ce sont bien les plus riches qui la payent,
16:37 ce sont les plus riches qui payent les taxes foncières,
16:39 ce sont les plus riches qui payent les augmentations de CLG.
16:45 - La question de la répartition de la valeur ajoutée.
16:47 - On a aussi, dans les bas de niveau de revenu,
16:50 des niveaux d'impôt sur le revenu qui sont négatifs,
16:53 jusqu'au cinquième décile.
16:55 - Ça, ça veut dire quoi, ça ?
16:57 - Les déciles, c'est 10% à chaque fois des niveaux de revenus.
17:02 Donc en gros, il y a plus de 40% de ceux qui sont imposés à l'IR
17:08 qui en fait ont un IR négatif.
17:10 Donc ça veut dire quoi ?
17:11 - Impôt sur le revenu l'IR.
17:12 - Ça veut dire qu'on leur donne de l'argent.
17:14 Et nous, on a regardé à la Fondation IFRAP,
17:16 la répartition justement par 10% à chaque fois,
17:21 en gros par paquet de 10% de foyers imposables
17:25 et en réalité, le taux d'imposition des premiers déciles
17:29 en niveau de revenu, c'est autour de 5%
17:34 sur l'ensemble des impôts directs.
17:36 - Mais alors ?
17:37 - Donc ça veut dire quoi ?
17:38 Ça veut dire qu'on est en train de monter en épingle
17:41 une histoire où il n'y aurait pas assez d'impôts
17:44 qui seraient payés par les milliardaires.
17:45 Mais ça nous emmène où tout ça ?
17:47 Ça nous emmène à opposer les Français
17:49 et à finalement faire croire...
17:51 - Votre explication a été faite, Agnès Verdier-Maligny,
17:54 je vais vous poser une question qui est un peu embarrassante,
17:57 mais est-il encore intéressant de très bien gagner sa vie en France ?
18:02 Michel Rumi.
18:04 - Si on reste au point de vue monétaire, c'est faisable.
18:08 Après, la question, je ne pense pas que cette question
18:14 est une question parmi tant d'autres en fait.
18:16 Parce que ça pose...
18:18 - Non mais on a des jeunes qui nous écoutent
18:23 et qui sont soit en prépa, soit qui passent leur bac
18:28 et qui se disent "bon voilà, qu'est-ce que je fais ?"
18:30 Il y a des gens qui se disent...
18:32 Il y a un historique, un narratif sur plein de gens
18:36 qui ne font rien, qui touchent des allocations
18:38 et qui finalement ne vivent pas plus mal.
18:40 Donc moi j'aimerais bien savoir, en France,
18:42 est-ce qu'il est intéressant de...
18:44 Voilà ce que je disais au tout début de l'émission,
18:46 tu vas bien travailler, donc tu vas pouvoir avoir une belle vie d'ailleurs.
18:49 - La question de payer des impôts aussi
18:51 veut dire qu'on gagne bien sa vie.
18:52 Il y en a qui voudraient gagner plus et qui n'ont pas les moyens.
18:55 C'est ce qu'il faut bien se rendre compte, c'est qu'il faut se donner les moyens.
18:58 Quant à l'étudiant de classe prépa,
19:00 il y a aussi ce qu'il faut bien se rendre compte,
19:02 c'est que je prends sa formation jusqu'aux classes prépa
19:06 et puis comme d'habitude il va faire son stage à l'étranger
19:09 et puis il va être expatrié.
19:10 - Pas toujours.
19:11 - Non mais je prends cet exemple.
19:13 - C'est aussi cliché que les milliards.
19:15 Vous allez vous faire un sondage par année.
19:17 - Non, je prends cet exemple.
19:19 Pendant un certain temps, cet étudiant a bénéficié
19:22 de certains avantages de l'enseignement supérieur.
19:26 - Oui, alors qu'aux États-Unis, il aurait payé 60 000 dollars l'année.
19:30 - C'est un autre pays qui va bénéficier du savoir-faire français.
19:34 Là aussi, c'est ce qu'il faut bien voir.
19:36 C'est pour ça que la question est un peu biaisée.
19:38 Il ne faut pas considérer uniquement ceci.
19:40 Est-ce qu'à la limite, au moment où il veut partir,
19:42 on lui présente la facture ?
19:44 Et là, c'est autre chose.
19:45 Est-ce bien vivre en France ?
19:47 Il y a des possibilités, mais il faut avoir une approche beaucoup plus globale.
19:50 - Moi, j'ai envie de répondre à cette question en disant
19:52 est-ce que notre fiscalité, est-ce que notre modèle social
19:55 incite à travailler et à travailler plus ?
19:58 Et j'aurais tendance à dire non.
20:00 Et j'aurais tendance à dire que c'est grave.
20:01 Pourquoi ? Parce que...
20:02 - Donc ça veut dire qu'on se limite finalement à...
20:04 - Bien sûr.
20:05 Beaucoup de gens font dans les indépendants une comptabilité inversée
20:08 pour voir à partir de quel moment ils vont atteindre
20:10 telle tranche d'imposition et que finalement,
20:12 il ne faudrait pas qu'ils travaillent plus.
20:14 Et il y en a certains, parmi les médecins aussi,
20:16 qui finalement ne travaillent pas une partie de l'année,
20:19 malheureusement parce qu'ils sont tellement taxés
20:22 que finalement, ce n'est plus tellement intéressant pour eux de travailler.
20:24 Et puis après, on dit il n'y a pas assez de médecins.
20:26 Mais quand vous regardez le nombre de médecins par rapport à la population,
20:28 on n'est pas si mal doté.
20:29 Donc, il y a une fiscalité qui a des effets pervers.
20:32 Les effets pervers, c'est ce qu'on a vu avec l'ISF pendant des années.
20:36 Ça s'est un peu amélioré.
20:38 Mais maintenant, avec l'impôt sur la fortune immobilière,
20:40 il y a d'autres effets pervers.
20:41 On dit c'est la catastrophe dans le logement.
20:43 Oui, mais si on désincite à investir dans l'immobilier,
20:46 si on taxe de 30 milliards de plus le foncier en France,
20:50 oui, à un moment, il y a un problème sur le logement.
20:52 Donc, on a des gros effets pervers de notre fiscalité.
20:55 On a des effets pervers de notre modèle social de l'autre côté
20:58 parce qu'il y a de l'optimisation sociale.
21:00 Il y a plein de gens qui ont compris que finalement,
21:02 en cumulant des aides sociales,
21:03 en travaillant de manière non déclarée,
21:05 on n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu.
21:07 Donc, nous, à la Fondation IFRAP,
21:08 on propose de tenir les deux bouts de la chaîne
21:10 et de dire que dans le revenu fiscal de référence,
21:13 il faut intégrer les revenus des aides sociales.
21:15 Parce qu'on est le pays d'Europe
21:18 qui finance le plus de ménages par des aides sociales
21:21 et avec des droits sociaux,
21:24 mais en face, pas tellement de devoirs.
21:25 Parce que, par exemple, vous allez au Danemark,
21:27 pays quand même d'état-providence,
21:30 où on a un accompagnement incroyable des chômeurs.
21:33 Tout ça, ça marche très, très bien,
21:35 mais il y a des devoirs.
21:36 Le demandeur d'emploi ou celui qui a des aides sociales
21:39 qui ne dépose pas de CV par semaine,
21:41 mais il va être sanctionné,
21:42 y compris au bout d'un moment sur le niveau...
21:45 - Mais pourquoi on ne le fait pas ?
21:46 C'est une question de culture ?
21:47 - Parce que nous, on est dans les droits,
21:49 mais pas de devoirs.
21:50 Donc, finalement, à la fin,
21:52 on a une optimisation sociale du système
21:54 qui fait que, comme on a un niveau d'impôt,
21:57 ensuite, qui est très élevé, très rapidement,
21:59 ça désincite à travailler.
22:01 - Je voudrais rien que sur les systèmes...
22:03 - En 30 secondes, parce qu'on manque de temps.
22:05 - Non, sur les exemples d'optimisation,
22:07 il faut surtout dire que ce n'est pas généralisé.
22:09 C'est très important.
22:11 Ça veut dire qu'il y en a sûrement qui optimisent,
22:13 mais la majorité travaille là-dessus.
22:17 L'idée aussi, c'est...
22:19 - Il y a beaucoup plus de ménages qu'ailleurs
22:21 qui sont aux aides sociales, malheureusement.
22:23 - Je pense aussi qu'il convient de voir,
22:26 de faire le lien avec la fiscalité.
22:29 Souvent, on ne voit pas à quoi sert la fiscalité,
22:32 et souvent, ça veut dire que, par exemple,
22:34 je vois la taxe d'habitation qui a été supprimée,
22:36 et on voit, en fait, tout va se reporter.
22:39 - Sur la foncière.
22:41 - Sur la foncière, ça veut dire les propriétaires,
22:43 et on va créer une scission dans le vivre-ensemble.
22:45 - Ben voilà.
22:46 - Concrètement, on risque d'avoir, par la suite,
22:48 une concurrence entre les territoires.
22:50 - Je rappelle quand même qu'on est le pays
22:52 qui a le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé,
22:54 que ce sont les ménages qui ont du capital
22:56 qui payent une grosse partie de l'impôt supplémentaire,
22:59 les successions aussi, qui sont beaucoup plus chères en France
23:02 que dans les autres pays, pour transmettre son entreprise,
23:04 notamment. Et puis les entreprises.
23:06 Les entreprises de France payent plus de 100 milliards de plus
23:09 d'impôts, tout compris avec les charges, les taxes,
23:12 par rapport aux autres pays.
23:14 Donc, finalement, on fait porter le poids du modèle social
23:17 sur les propriétaires et les entrepreneurs de ce pays.
23:21 - Merci beaucoup Agnès Verdier-Molinier.
23:23 Merci à vous, Michel Rumi.
23:24 Sachez que demain, Sonia Mabrouk, dans Le Grand Rendez-Vous,
23:26 reçoit Aurore Berger, ministre des Solidarités et des Familles.
23:30 Donc, grand rendez-vous européen.