D’origine algérienne, Me Belaidouni explique dans « Morandini Live » en avoir assez d’entendre les enfants d’immigrés se plaindre de la France : « On nous offre ici plus de chances que dans nos pays d’origine » - Regardez
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00:00 Fonabila Belaidouni, bonjour, merci d'être avec nous.
00:02 Vous êtes avocate pénaliste et je crois que cet échange vous a beaucoup fait réagir
00:06 puisque vous, vous êtes d'origine algérienne et vous êtes en contradiction avec ce qui a été dit
00:11 puisque vous vous dites que ce discours finalement, ça conforte une jeunesse dans un laissé-aller social.
00:16 Absolument. Alors il y a deux choses, Jean-Marc.
00:19 Il y a d'abord le discours de ces jeunes de Cité, là, qui traînaient en bas des bâtiments,
00:22 qui effectivement sont dans une posture vestimaire qui, selon moi, consiste finalement à se draper
00:28 dans ce sentiment pour éviter l'effort, pour éviter la volonté de s'en sortir.
00:33 Alors je ne dis pas qu'il y a des difficultés dans les Cités.
00:35 Je ne dis pas que la ségrégation spatiale rend les choses peut-être plus difficiles.
00:39 Mais je dis tout de même que la France, avec de la volonté et le goût de l'effort,
00:44 donne la chance de réussir. J'en veux pour preuve.
00:46 Je ne suis pas issue des Cités, je n'ai pas grandi non plus dans le 16e arrondissement.
00:50 On a vécu dans l'Est parisien. Ma mère est arrivée d'Algérie en 69.
00:55 J'ai deux grands frères, j'en ai un qui est devenu avocat et qui, au préalable,
00:59 est parvenu à intégrer dans les années 90, début 90, une université réputée dans le 16e,
01:05 l'Université Paris-Deauville, et il est devenu d'abord expert comptable.
01:09 Donc dire qu'on ne peut pas y arriver, ça c'est faux, c'est plutôt un prétexte pour se conforter,
01:14 effectivement, soit dans des infractions pénales qui permettent d'avoir de l'argent rapidement.
01:20 Et de ce point de vue-là, parce que le souci c'est quoi ? C'est aussi les parents.
01:23 Et d'abord les parents, parce que les piliers de la socialisation c'est quoi ?
01:27 On se socialise par imitation et par injonction, c'est-à-dire qu'on vient souvent imiter nos parents,
01:32 et les parents ont un rôle d'injonction, c'est-à-dire de nous donner des ordres pour nous expliquer le cadre, etc.
01:37 Et là, finalement, on a des jeunes qui nous expliquent, qui font du deal pour nourrir les parents,
01:41 c'est-à-dire que, implicitement, on a un acquiescement comme ça, implicite, des parents.
01:45 Ça c'était donc la posture victimaire dans ces jeunes de Cités.
01:48 Mais surtout, c'est vrai qu'en dernière partie de reportage, vous avez eu un intervenant qui,
01:52 alors là c'est plus dérangeant selon moi, est beaucoup plus symptomatique de la société actuelle,
01:56 c'est-à-dire que j'avais le sentiment qu'il était dans une posture un peu post-coloniale,
02:01 que la société française était comme ça, une société où on est en présence du colon blanc,
02:06 qui vient dominer l'étranger, et que de ce point de vue-là, on a moins de chance et on est des victimes.
02:11 Ça je ne suis pas d'accord, et ça va même plus loin, non seulement,
02:14 il y a une partie de la population qui vient comme ça se désolidariser de la nation,
02:17 et de ce point de vue-là, le contrat social qui fait qu'on est une nation, une et unique,
02:21 donc on se désolidarise, il se désolidarise les Français, et d'ailleurs, c'est assez symptomatique sur votre plateau.
02:27 On ne parle jamais de la France, et je crois qu'il y a une intervenante, je ne connais pas son nom,
02:31 on parle d'abord, on s'identifie par rapport, les musulmans, nous les musulmans, c'est pas ça.
02:35 Moi je suis française, et quand on me dit "ils", parce que j'ai reçu des messages suite à mon intervention,
02:41 je peux faire une petite disgression, à mon intervention sur votre plateau lundi où j'ai défendu la loi sur la laïcité.
02:46 J'ai reçu pas mal de messages de menaces ou d'insultes en me disant "ils ne nous aiment pas",
02:51 "ils t'ont prise comme un arabe de service", etc. C'est qui "ils" ? C'est les Français, mais je suis française.
02:56 Et alors non seulement, il y a comme ça, on se désolidarise, mais en plus, il y a une haine,
03:03 il y a une frange de la population aujourd'hui, c'est malheureux, il y a un corpus,
03:06 c'est tout un corpus social qui est dans la haine du Français.
03:10 – Et vous dites quelque chose que moi j'entends assez peu,
03:14 vous dites "la France nous donne plus de chance que nos pays d'origine",
03:17 et en fait, ça c'est vrai qu'on ne l'entend pas vraiment.
03:19 Nabila Abelaidouni, comment vous rappelez… – Mais évidemment, Jean-Marc…
03:21 – Attendez, Nabila, je voudrais juste que Karima Khati me réagisse
03:24 à ce que vous êtes en train de dire depuis tout à l'heure.
03:26 – Non mais, clairement, moi en tant que française, oui, je suis née en France,
03:30 je suis d'origine algérienne aussi, oui, effectivement,
03:33 la France nous offre pas mal de possibilités.
03:36 Je suis issue des quartiers populaires, vous savez, moi, ma mère, elle était analfabète,
03:41 illettrée, elle n'écrivait pas, elle ne savait pas lire et tout,
03:46 et pourtant elle nous a poussé à aller le plus loin possible dans nos études.
03:50 Il y a ce point positif aussi, il y a ces parents qui poussent
03:54 ces fameux jeunes à aller de l'avant, et effectivement, après,
03:58 est-ce que ce jeune, justement, est-ce que ce jeune est vraiment complice
04:02 avec sa maman ? Dans ce cas-là… – Mais est-ce que la France nous donne
04:05 plus de chance que nos pays d'origine, par exemple ?
04:07 Est-ce que quand Nabila dit ça, vous êtes d'accord ?
04:09 – Je ne pourrais pas être d'accord, parce que pour savoir si j'ai plus de chance
04:13 en France ou en Algérie, il faudrait que je puisse aller en Algérie et essayer.
04:17 – Alors moi, j'ai toute ma famille d'origine qui vit en Algérie.
04:20 – Oui, voilà, voilà. – Donc je connais des jeunes
04:24 du collège à l'université, j'arrive à avoir du diplôme,
04:28 personne n'arrive à bosser. Donc voilà, moi, je suis quand même interpellée,
04:32 et c'est quand même le fondement de l'immigration de nos parents,
04:34 ils sont quand même venus en France, ils sont venus en France tout net
04:38 pour nous offrir un avenir peut-être plus facile que notre pays d'origine,
04:42 sinon quel est le sens de venir en France ?
04:43 – Oui, mais ce n'est pas toujours aussi facile et toujours toureuse pour tout le monde.
04:46 Là, vous avez eu la chance de… – Il faut avoir le goût de l'effort.
04:50 – Oui, après, tout le monde n'a pas le même parcours.
04:52 – Il est fort parfois, plus fort. – Exactement, parfois plus fort que d'autres.
04:56 Et certainement qu'il y en a qui tombent dans la délinquance
04:59 parce qu'ils ont cette fibre voyou et qui ont envie d'être voyous,
05:03 clairement, c'est une décision à un choix et d'autres non.
05:05 – Et il y a parfois une haine de la France aussi.
05:08 Il faut dire les choses aussi, si on veut employer tous les mots
05:10 et si on veut tout dire, il y a parfois une haine de la France chez certains jeunes, Karima.
05:15 – Moi, je ne pense pas que ce soit la haine de la France, mais la haine d'un système.
05:20 – Et un système qui quoi ? Un système qui leur donne l'école gratuite ?
05:23 Un système où on va se faire soigner gratuitement, où on a les médicaments gratuits ?
05:28 C'est ça, c'est ça qui rend t'haine ?
05:30 – Non, c'est parce qu'ils ont ce sentiment d'abandon dans les quartiers populaires.
05:34 – Nabila, allez-y parce qu'elle n'est pas sur le plateau, c'est plus compliqué pour elle.
05:37 – Il y a quelque chose qui m'interpelle, j'ai entendu,
05:40 on nous empêche de porter le vol, c'est qui "on" ?
05:44 C'est qui "on", est-ce qu'on ne fait pas partie du "on" ? Moi, je fais partie du "on" !
05:48 – Karima, c'est qui "on" ?
05:50 – On nous empêche de porter le vol ? – C'est qui le "on" ?
05:53 – Ben l'État nous empêche de porter le vol à l'école.
05:55 – Mais l'État c'est nous, l'État c'est nous, la France c'est vous !
05:57 – On fait partie du corps social ?
05:59 – Oui, mais je me sens française, là vous êtes en train de remettre en question,
06:02 en fait, vous êtes en train de me faire un procès sur l'identité,
06:07 mais je me sens autant française que vous, madame.
06:09 Merci beaucoup, merci à toutes les deux.