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Dans le processus d’emprise, il en est une qui retient l’attention de tous : la dernière, qui est la plus désagréable, dont la victime pense sortir un jour, alors et le manipulateur, quant à lui, n’en n’a aucune envie. Hors, c’est lui qui mène la danse.
Les entretiens suivants parleront plus précisément des protagonistes : manipulateurs et victimes.
Transcription
00:00 Après la dépendance, j'appellerai cette phase du processus d'emprise la dépendance à la toxicité du groupe.
00:14 Elle repose sur des relations dégradées, un rapport biaisé à la demande de départ et un sujet que l'on occulte et qui est l'improbable erreur de notre démarche.
00:25 En refusant l'idée de s'être trompé sur le contenant, on continue quand même à appartenir à ce groupe ou à suivre ce processus jusqu'à un déclic où le choix de rester ou de partir se pose réellement et là on est au pied du mur.
00:40 Une partie de la difficulté à sortir de l'emprise à ce moment là est la conscience que l'on en est complice.
00:46 D'où cette appellation de dépendance à la toxicité du groupe que j'ai choisi pour désigner cette étape.
00:52 On va rentrer dans les détails.
00:55 Alors que la personne a l'impression d'être entrée dans un rythme de croisière sur le plan des relations ou de sa vie spirituelle, personnelle,
01:03 cette phase s'inscrit dans une continuité mais connaît des décrochages, des micro-ruptures, un peu comme dans Matrix où on voit passer deux fois un chat dans un couloir.
01:13 Les rapports changent de façon insensible, subtilement, par petites touches.
01:18 Ça peut être fait par des communications qui se font de plus en plus rares ou par l'alternance de récompenses et de brimades mais de façon incompréhensible.
01:26 Des efforts qui ne sont pas récompensés par exemple ou même critiqués ou on nous attribue une chose qui ne nous concerne pas mais qui éventuellement brime un autre.
01:34 Vous voyez, il y a des déplacements qui existent qui ne sont pas logiques en quelque sorte.
01:40 La victime a vécu depuis le début de la phase de séduction sans se poser de questions sur les motivations réelles et profondes des personnes ou du gourou à qui elle a affaire.
01:50 En fait, par projection, elle pense que c'est les mêmes motivations que soi.
01:54 Et cette question ne s'étant jamais posée, elle n'a pas de réponse.
01:59 Les changements arrivent de manière imprévisible, sans raison réelle ou sans réel conflit si vous voulez.
02:06 On les remarque à peine. Mais lorsqu'on les remarque, c'est qu'on n'a pas remarqué les précédentes brimades ou on les a excusées en les reliant à un contexte, à des circonstances extérieures, etc.
02:17 Rappelez-vous, quand le premier jour, le leader a fait mine de vous ignorer ou lorsqu'il a trouvé difficilement un rendez-vous pour vous rencontrer la première fois.
02:26 Ça a commencé là, c'était déjà une brimade, mais on ne l'a pas du tout vécu comme ça.
02:31 Alors, lorsque des situations désagréables ou imprévisibles surviennent, il est possible que l'on cherche à retrouver la sympathie et qu'on cherche à signifier qu'on a remarqué des changements mais qu'on encaisse pour cette fois.
02:45 Seulement, ces situations se reproduisent et se reproduisent encore.
02:50 Là, on peut se sentir humilié, pas respecté et si on fait des remarques, en fait, c'est nous qui avons un problème.
02:56 Il faut laisser glisser, voyons, avoir confiance. Qu'est-ce que c'est que ces remises en question là ?
03:01 Alors, ces situations sont légion. Il y a plein d'exemples, je vais en citer quelques-unes pour mémoire.
03:08 Il peut y avoir des contre-temps qui se produisent, des décisions en contradiction avec la ligne suivie jusque là.
03:13 Il peut y avoir des absences de réponses. Il peut y avoir au contraire des sollicitations impromptues à contre-temps ou des jours clés pour vous.
03:22 On sait que vous n'êtes pas disponible, on vous demandera quand même de l'être. Ça peut être des sarcasmes devant des témoins.
03:28 Rarement des insultes parce que là, on laissera les insultes directes et les affrontements, si vous voulez, au subalterne
03:34 qui, eux, en profiteront pour faire montre de loyauté vis-à-vis du chef et éventuellement sous couvert d'humour.
03:41 On ne peut pas lister toutes ces choses quand elles surviennent. Elles sont noyées dans la masse.
03:44 Mais vous comprenez l'état d'esprit. C'est à la fois clairement hostile mais suffisamment pernicieux pour que ce ne soit pas vraiment un affrontement frontal.
03:53 Donc si vous connaissez d'autres situations de manipulation qui ressemblent un petit peu à ça, indiquez-les dans les commentaires pour aider d'autres personnes.
04:00 Ce sera important. Merci.
04:03 La personne se trouve prise en fait dans des injonctions paradoxales. On lui indique une chose et son contraire.
04:10 Ou oblige à faire une chose tout en empêchant de la réaliser quand même.
04:14 Ou on lui laisse le choix de choisir entre une seule solution et une seule solution.
04:19 On peut rester vague sur une mission pour mieux la saboter dès que possible.
04:24 La personne veut vous rendre libre en exigeant qu'on lui obéisse, par exemple.
04:29 C'est une plongée dans l'ambiguïté en permanence et à force, la victime perd pied.
04:36 La personne sait qu'elle a choisi librement une voie ou la fréquentation d'un groupe.
04:41 Elle s'est inscrite dans un groupe préexistant, ayant sa propre histoire, qu'elle s'est plus ou moins appropriée du reste.
04:47 Elle s'est éventuellement identifiée à cette histoire et pourtant elle rencontre un problème.
04:52 Les choix opérés qu'elle a pu faire sont les plus pertinents par rapport à sa propre recherche.
04:58 Elle n'a pas a priori commis d'erreur gigantesque et pourtant quelque chose a cloché.
05:03 Elle ne sait pas quoi et le groupe renvoie l'idée que le problème vient d'elle, vient de cette personne.
05:09 Nous verrons comment ce schéma collectif fait partie du processus d'emprise lorsque l'on parlera des profils à la fois des bourreux et des victimes.
05:16 Ce que la victime ne perçoit pas et à aucun moment, c'est qu'elle sera utilisée jusqu'au bout, jusqu'à la dernière seconde, la dernière minute
05:25 et que rien de sa personne ne sera épargné ou pris en compte ou quoi que ce soit de positif.
05:31 La personne n'est pas une personne pour le gourou ou le groupe en question.
05:35 Et ça la victime ne peut pas le comprendre ou l'anticiper ou aura du mal à l'accepter.
05:40 Et quand bien même elle aura été informée de la situation un peu étrange qui a existé auparavant et prendrait donc des précautions,
05:48 et bien ça ne change rien à l'issue. L'ami juré d'hier tombe le masque et se moque de vous.
05:54 Et c'est là où quand on ne sait pas poser la question "Quelle était la démarche et la motivation de ceux qui m'ont accueilli ?
06:00 qu'on ne les connaît pas, que les masques tombent effectivement et leur motivation se révèle à un moment donné.
06:06 La violence psychologique dont il est question vise en fait la destruction de l'identité et induit chez la victime un doute profond
06:15 et génère un véritable traumatisme mais aussi constitue une mise en évidence de l'escroquerie, de la mystification qui est en acte.
06:24 On a affaire à un gourou, à une dérive sectaire et il n'y a plus de doute possible à un moment donné.
06:30 On sait qu'on est au milieu de personnes qui ne sont pas fiables, pas honnêtes et pourtant on y a toute sa place.
06:35 C'est un sacré paradoxe. En fait la personne est coincée et elle a grosso modo deux possibilités.
06:43 Soit persister pour renverser la situation ou bien fuir. Mais elle ne peut pas endurer comme cela la situation très longtemps.
06:52 Et c'est là que peut s'installer l'addiction, la toxicité du groupe. Par exemple on peut chercher à renverser la situation
06:59 en cherchant à interpréter ce qu'il se passe ou après une tentative de conciliation on peut penser qu'il s'agit d'une mise à l'épreuve
07:07 pour nous tester et on va éventuellement accepter, endurer cette mise à l'épreuve en pensant qu'une fois que les situations seront terminées
07:13 on aura agi de telle façon que nous avons réussi le test et donc tout peut redevenir comme avant.
07:19 Mais il n'en est rien. Le résultat n'est que de se trouver enféré davantage sous la domination, sous l'emprise du gourou et du groupe
07:27 comme un marionnettiste peut trimballer sa marionnette. Et à ce niveau là on passe d'une dépendance à un groupe
07:33 à une sorte de dépendance, à une acceptation de la toxicité du groupe, de son dysfonctionnement.
07:39 Et c'est là qu'on devient donc addict à la toxicité du groupe comme je le disais. Cette toxicité détruit la personne
07:44 dans ce qu'elle a de plus intime, de plus profond et ce sur quoi elle avait le plus investi dans sa recherche.
07:49 Et ces attaques, ces maltraitances, parce qu'il faut bien prononcer le mot de maltraitance, peuvent se comparer à des traumatismes majeurs de la vie.
07:56 C'est pas juste des petits riens, c'est très profond et très grave. Et ce sont des cicatrices invisibles qui sont d'une certaine façon comparables
08:04 à des situations de guerre ou des situations d'attentat où on est victime de quelque chose, on n'a rien fait pour ça et pourtant on subit des dégâts.
08:12 Et il est vraiment question pour la personne de vie ou de mort. Elle y a investi toute sa vie intérieure et son intériorité la plus profonde
08:20 et tout cela est comme vampirisé, rayé et trahi. Et donc c'est une question de survie à cette expérience-là.
08:28 C'est l'identité qui est blessée plus que la personne dans ce qu'elle a de superficielle.
08:33 Alors je vais reprendre mon idée du promeneur que j'avais utilisé l'autre fois. Vous vous souvenez que j'avais comparé l'arrivée
08:39 dans un groupe spirituel à un promeneur en recherche de hauteur et de pureté qui découvre un paysage magnifique.
08:45 Et bien là le promeneur se rend compte qu'en montagne tout semble calme et tranquille, tout est beau au milieu de ses hauteurs
08:50 et en quelques instants, sans qu'il sache pourquoi, il se retrouve seul au milieu de nulle part, sans savoir où aller et cette fois,
08:56 sans pouvoir parler à qui que ce soit, il se retrouve isolé avec des règles et des changements qu'il ne comprend pas,
09:02 de choses auxquelles il n'était pas préparé mais que personne a priori ne pourra comprendre car tout le vocabulaire et toute la doctrine,
09:08 la vision du monde, tout ça a été reformaté. Donc dans ce contexte global, à un moment donné, l'intelligence est saturée d'informations,
09:17 les émotions personnelles ont été totalement ébranlées et elles ne sont même plus fiables elles-mêmes,
09:22 il devient impossible de prendre en fait la moindre décision ni d'y voir beaucoup plus clair car tous les recours,
09:29 toutes les réactions possibles ont été disqualifiées, empêchées en amont ou disqualifiées en aval si vous voulez.
09:35 Toutes les opinions sont truquées et sont passées par le filtre de l'idéologie du groupe et ceci est d'autant plus vrai
09:43 si le gourou ou le groupe de personnes ont de l'expérience et de l'ancienneté dans leur activité relationnelle toxique.
09:51 À un moment donné, le fait même de donner son avis devient inutile, inefficace, voire contre-productif,
09:58 on est réduit soi-même au silence, on se réduit soi-même au silence, à la non-existence si vous voulez,
10:03 la dépendance à cette toxicité entraîne une suppression de la liberté à laquelle on est prêt à consentir pour continuer la route quand même,
10:11 même dans ce groupe devenu toxique. Vous comprenez pourquoi je parle d'addiction ?
10:16 On a la conscience d'une marionnette qui accepte sa condition et on est dans une sorte de rédition en fait, rédition de sa liberté fondamentale.
10:24 Le promeneur de la montagne peut difficilement lutter, il ne peut pas lui venir en idée de fuir parce qu'il ne saurait pas où aller,
10:31 il ne peut pas renoncer non plus à ce qui fait sens pour lui. Donc il est fatigué et à ce moment-là il peut très bien décider aussi de s'endormir.
10:39 Et quand j'évoquais l'idée d'une marionnette, il s'agit bien d'une déshumanisation qui s'opère en fait.
10:45 Et tout ce cinéma, tous ces rituels de soumission, d'humiliation, toutes ces cimagrées en fait que j'essayais de décrire,
10:51 en sachant que je ne serais pas exhaustif évidemment, sont autant de preuves qu'en fait, victime ou coupable,
10:57 chacun dans son couloir, tous font partie prenante d'un même processus et tout le monde se tient par la barbichette en quelque sorte.
11:05 J'expliquerai lors des deux prochains entretiens concernant les marionnettes et les imposteurs, qui sont donc les bourreaux et les victimes.
11:11 Et puis à un moment donné, la personne choisit de renouer avec sa propre personne, sa propre intégralité, son identité abîmée,
11:19 avec sa quête, sa demande initiale, ou grâce à un déclic venant de l'extérieur, elle se sent autorisée à se réveiller,
11:26 et donc à renoncer à l'endormissement en pleine montagne qui allait la conduire en fait à la mort spirituelle.
11:32 Mais ce déclic ou ce choix, c'est un petit peu aléatoire, je ne saurais pas vous dire comment ça se produit.
11:37 Ce n'est pas vraiment un processus, c'est pour ça que j'appelle ça un déclic.
11:41 À un moment donné, on va dire, il n'est plus possible de cacher le fait qu'il y a un malaise profond et que ça ne pourra pas durer très longtemps.
11:48 Alors il est possible pour autant d'entrer en dépression avec tout ce que je viens de vous dire,
11:52 ou de se retrouver avec une personnalité profondément affectée et branlée, d'avoir par exemple tous ces défauts qui sont ressortis,
11:59 où on n'est plus que l'ombre de soi-même.
12:02 Pendant toute cette période, l'activité spirituelle, qui est censée servir de carburant à ce genre d'assemblée,
12:10 il se poursuit comme avant, sauf que rien pour la personne n'est plus comme avant.
12:14 Les masques sont tombés, comme je vous le disais. On ne sait pas vraiment à quoi attribuer ce malaise,
12:20 mais on sent que sur le plan humain, d'ores et déjà, c'est mort.
12:24 Il reste à savoir concrètement comment ça va se traduire dans la vie spirituelle personnelle,
12:30 et comment on va continuer la quête sur laquelle on a misé de son mieux.
12:35 En fait, je crois que lorsque l'on se pose la question d'une relecture de ce qu'on fait là,
12:40 de savoir en réalité quel est l'enjeu de la situation, dans le choix de retrouver ses fondamentaux,
12:47 ou dans l'espoir de les retrouver, c'est là que ça se passe.
12:50 C'est dans cette comparaison entre ce que l'on était au départ, et ce que l'on est devenu à un moment donné,
12:56 dans cette confrontation, quelque chose se joue.
12:59 À ce moment-là de sa vie, on peut se poser la question, où est le chemin spirituel que l'on cherchait dans la situation présente ?
13:06 Et on peut même se poser la question ainsi, en quoi Dieu me parle, dans ce qui se joue au quotidien,
13:12 dans ce groupe, ou en compagnie de ces personnes ?
13:14 C'est exactement de ça dont il s'agit en réalité, je pense en tout cas.
13:18 Et le déclic peut aussi venir d'une personne qui pose des questions simples, et les réponses tombent sous le sens.
13:25 Et pour être tout à fait honnête, et en m'inspirant aussi de ma propre expérience,
13:29 il est même possible de comprendre qu'en fait, Dieu nous attendait déjà tout ce temps,
13:34 et qu'il suffit qu'on donne une décision, qui est notre décision, pour qu'il continue à nous accompagner sur notre chemin.
13:42 Et qu'on arrête de faire confiance à des gens qui s'interposent entre soi-même et Dieu.
13:47 Quand on prend conscience de ça, c'est une consolation immense évidemment.
13:51 Mais à partir de là, le choix de souffrir, de se séparer humainement de l'addiction à la fréquentation d'un groupe toxique,
13:57 est une souffrance mineure par rapport à l'aventure dans laquelle on est appelé,
14:01 du coup si on prend conscience que Dieu nous attend autrement, ou ailleurs,
14:05 en tout cas qu'il est nécessaire de s'arrêter de souffrir avec des situations aussi limitées et limitantes, et surtout mortelles,
14:12 l'aventure spirituelle réelle est plus importante que tout,
14:15 et implique tellement plus que la rupture avec la toxicité et la fréquentation de personnes médiocres, on va le dire.
14:22 Oui, la médiocrité, j'en parlerai la prochaine fois, vous allez voir.
14:25 Voilà, je voulais partager avec vous quelques points particuliers sur les dégâts que peut produire une emprise,
14:31 dans sa troisième phase, donc toujours théorique, parce que dans le vécu c'est toujours une continuité.
14:37 On verra dans les deux prochains entretiens les profils des protagonistes.
14:41 Si vous pensez que les victimes sont des faibles et les manipulateurs sont des pervers narcissiques,
14:45 je vous invite à nuancer un tout petit peu votre point de vue à partir de la prochaine fois.
14:49 On verra ça ensemble.
14:51 A bientôt ! Allez, salut !
14:53 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
14:56 [SILENCE]

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