INTERVIEW - Entre juin 2022 et mai 2023, une fouille archéologique a été menée dans les sous-sols de la basilique Saint-Denis. Situé au nord de Paris, ce chef d'œuvre de l’art gothique et nécropole des rois de France n’a pas encore révélé tous ses secrets. Plus de 200 sépultures datant du Moyen-Âge ont été retrouvées lors de ces fouilles. Pour en parler, l’historienne Virginie Girod reçoit Ivan Lafarge, archéologue au sein du Bureau du Patrimoine archéologique du Département de la Seine-Saint-Denis. “Nous n’avons pas décidé de faire une fouille à Saint Denis”, présente l’archéologue, “Elle a été prescrite par les services de l’Etat. Il y a un projet de reconstruction de la flèche nord de la basilique, démontée en 1847. Cette reconstruction appelle une consolidation de l’ensemble de la structure”, d’où la nécessité d’une fouille, en amont de cette consolidation. “Saint-Denis est un contexte globalement connu. Nous savions à peu près sur quoi nous allions tomber, puisqu’il y a eu des fouilles dans les années 1980. Sauf que dans cet ensemble connu, nous avons trouvé énormément de choses inédites” précise Ivan Lafarge. Marqueurs de surface de tombe de l’époque mérovingienne, remploi de structures médiévales… “On ne s’attendait pas à trouver ces ensembles de vestiges” explique l’archéologue, l’occasion pour lui de revenir sur l’histoire de la basilique et de remonter aux origines de la légende de Saint Denis.
Sujets abordés : Saint Denis - archéologie - Rois – Fouilles - Nécropole
"Au cœur de l'histoire" est un podcast Europe 1 Studio.
Ecriture et présentation : Virginie Girod
- Production : Europe 1 Studio
- Direction artistique : Adèle Humbert et Julien Tharaud
- Réalisation : Clément Ibrahim
- Musique originale : Julien Tharaud
- Musiques additionnelles : Julien Tharaud et Sébastien Guidis
- Communication : Kelly Decroix
- Visuel : Sidonie Mangin
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NewsTranscription
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire dans les interviews du vendredi, je suis Virginie Giraud.
00:04 Saint-Denis, c'est la nécropole des rois de France située au nord de Paris.
00:09 On pourrait penser que ce chef-d'œuvre de l'art gothique a déjà révélé tous ses secrets,
00:14 mais c'est loin d'être le cas.
00:16 Entre juin 2022 et mai 2023, une nouvelle fouille archéologique a été menée dans les sous-sols de la basilique Saint-Denis.
00:24 A cette occasion, plus de 200 sépultures mérovingiennes et carolingiennes ont été retrouvées.
00:29 Elles datent du début du Moyen-Âge.
00:32 Pour en savoir plus sur ces découvertes exceptionnelles,
00:34 je reçois Yvan Lafarge, archéologue au sein du Bureau du patrimoine archéologique du département de la Seine-Saint-Denis.
00:41 Bonjour Yvan Lafarge.
00:42 Bonjour.
00:43 Pourquoi avoir décidé de faire une nouvelle campagne de fouilles sur le site de la basilique de Saint-Denis ?
00:48 Est-ce que vous vous attendiez à trouver quelque chose de précis ? Est-ce que tout n'avait pas déjà été découvert ?
00:53 Alors, la question peut se décomposer en deux parties.
00:56 La première, c'est que nous n'avons pas décidé de faire une fouille à Saint-Denis.
01:01 En fait, c'est une procédure réglementaire.
01:04 C'est-à-dire qu'il y a un projet, vous le savez certainement, de reconstruction de la flèche nord qui a été démontée en 1847.
01:11 Cette reconstruction appelle évidemment à une consolidation de l'ensemble de la structure pour sa remise en charge.
01:17 C'est dans le cadre de cette consolidation qui va descendre à la base des fondations
01:22 que la fouille a été prescrite par les services de l'État, en l'occurrence le service régional de l'archéologie d'Île-de-France.
01:27 Et donc, vous vous attendiez à trouver quelque chose de spécifique à cet endroit ?
01:30 Alors, Saint-Denis, évidemment, c'est un contexte globalement connu.
01:35 Largement, on savait à peu près dans quoi on allait tomber puisqu'on connaît déjà la nécropole,
01:40 on connaît déjà une partie de la ville de Saint-Denis puisqu'il y a eu des fouilles dans les années 80 et 90 très importantes,
01:46 juste à côté au nord de la basilique.
01:48 On connaît évidemment l'église elle-même, sauf que dans cet ensemble connu, on a trouvé énormément de choses inédites.
01:58 C'est-à-dire ?
01:59 C'est-à-dire, on ne s'attendait pas à trouver, par exemple, des marqueurs de tombes, de surfaces de tombes de l'époque mérovingienne,
02:06 on ne s'attendait pas à trouver des remplois de sculptures médiévales,
02:10 on ne s'attendait pas à trouver tous ces ensembles de vestiges qu'on a pu mettre au jour pendant la fouille.
02:15 C'est incroyable tout ça. Mais alors pourquoi la Flèche n'avait pas été reconstruite plus tôt ? Pourquoi juste maintenant ?
02:21 Alors c'est une assez longue histoire en fait. La Flèche a donc été foudroyée en 1836.
02:26 A l'époque, l'architecte en charge du monument, François Debray, a essayé de la reconstruire pendant assez longtemps,
02:33 en gros une dizaine d'années. D'autres aléas climatiques sont venus perturber les travaux,
02:39 jusqu'au moment où en 1846, il a été obligé de faire le constat qu'il n'arriverait pas à faire de simples consolidations.
02:46 Donc il décide d'un démontage pour un remontage.
02:50 Or il se trouve qu'à ce moment-là, il part à la retraite, il est remplacé par Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc,
02:56 qui en fait sort de la première phase du sentier de Notre-Dame qu'il a mené avec Jean-Baptiste Lassus,
03:02 et qui est en train de constituer une première doctrine de la restauration des monuments médiévaux.
03:09 Il reprend Saint-Denis, mène à bien le démontage de la Flèche et de la Tour Nord.
03:18 Comme c'est un architecte accompli, il décide de faire des sondages sur les fondations du massif occidental,
03:24 avant de reconstruire, de remettre en charge l'ensemble.
03:27 Il trouve que les fondations présentent un aspect qui ne lui plaît pas, et donc il ajourne complètement la reconstruction.
03:32 Et depuis 170 ans maintenant, le projet a été ajourné jusqu'en 2016,
03:37 où une convention a été signée pour la reprise de la reconstruction.
03:42 Donc il faudra absolument aller voir la nouvelle Flèche de Saint-Denis.
03:45 Mais alors, pourquoi ce site qui est un petit peu aux portes de Paris ?
03:49 Est-ce que vous pouvez nous raconter la légende du choix du site ?
03:52 Parce que moi j'ai quelques souvenirs de la fac avec Saint-Denis qui se promène avec sa tête sous le bras,
03:56 mais c'est mieux si c'est vous qui la racontez !
03:58 C'est évidemment une histoire comme toutes les histoires géographiques, un peu légendaire.
04:03 On ne sait parfois pas très bien ce qui précède l'histoire ou la légende.
04:07 Toujours est-il qu'en gros au milieu du IIe siècle,
04:11 à l'époque où la chrétienté n'est pas autorisée dans le monde romain,
04:14 puisque les chrétiens ne reconnaissent pas le culte impérial,
04:18 le pape de Rome envoie en Gaule un certain nombre d'émissaires pour évangéliser
04:24 et créer les premiers évêchés en Gaule.
04:28 Il envoie à Lutèce, à Paris, Denis,
04:33 qui est accompagné de deux acolytes, Rustique et Hélotère.
04:37 Evidemment, ces trois personnages sont attrapés par l'autorité romaine
04:42 qui les condamne et les exécute sur les pentes de Montmartre,
04:46 devant le temple de Mercure à l'époque.
04:48 C'est d'ailleurs l'origine du nom de Montmartre, puisque c'est le Mont des Martyrs.
04:53 Ils sont exécutés, décapités, et Denis se lève, ramasse sa tête
04:58 et part en chantant des quantiques.
05:00 Après, il y a plusieurs versions de l'histoire.
05:03 Une qui nous dit qu'il va à Sainte-Geneviève, mais ce n'est pas celle qui nous intéresse.
05:06 Une autre qui nous dit, et celle-là nous intéresse,
05:09 qu'il marche six lieux et qu'il arrive à Saint-Denis,
05:12 où il rencontre une femme qui met à sa disposition un champ pour pouvoir l'enterrer,
05:17 Catula, donc Catula lui offre sa tombe.
05:21 Et, censément, elle lui construit un mausolée.
05:24 Ce dont on n'a absolument pas de traces, une chose est sûre,
05:27 c'est qu'à partir du IVe siècle, un demi-siècle plus tard,
05:32 des tombes sont reconnues dans cet espace-là.
05:35 Pas par nous, puisque ce sont des fouilles relativement anciennes
05:39 qui ont eu lieu au niveau du sanctuaire de Saint-Denis.
05:43 En tout cas, on sait qu'il y a des tombes du IVe siècle.
05:45 Et ça va agréger une nécropole et rapidement une inhumation ad sanctos,
05:51 autour du sanctuaire, dont la église la plus ancienne
05:55 est vraisemblablement du début du Ve siècle.
05:57 Et comment on passe d'une nécropole paléo-chrétienne à une église,
06:01 et surtout à une nécropole royale ? Quel est le point de bascule ?
06:04 C'est une bonne question, on aimerait bien le savoir.
06:07 Alors, en fait, c'est une conjonction d'événements historiques, je pense.
06:12 C'est-à-dire que le premier sanctuaire issu du mausolée de Catulla
06:17 devient la chapelle puis l'église de Sainte-Geneviève,
06:20 qu'on connaît sous ce nom-là, qui aura été construite par Sainte-Geneviève elle-même,
06:23 qui est la première église, le premier état.
06:27 Et puis, très rapidement, elle va connaître des agrandissements
06:31 à diverses reprises dans le courant du Ve, du VIe, du VIIe siècle,
06:35 et notamment au VIIe siècle, sous l'autorité de Dagobert,
06:39 le bon roi Dagobert, que tout le monde connaît grâce à la chanson,
06:42 dont le ministre des Finances était saint-Éloi,
06:45 la chanson ne dit pas n'importe quoi.
06:47 Et donc, Dagobert décide de financer l'agrandissement de l'église de Sainte-Denis,
06:51 d'une part, de faire des donations au monastère qui s'est déjà installé
06:56 autour du sanctuaire, et donc de lui permettre un certain nombre de revenus,
07:00 et parmi ces revenus, il y en a un qui est très important,
07:03 puisque c'est une garantie annuelle par la création d'une foire,
07:08 et puis le summum, c'est qu'il décide, à sa mort,
07:12 de se faire inhumer dans l'église de Sainte-Denis.
07:14 Et donc, c'est peut-être à ce moment-là qu'est mise en place
07:18 véritablement la tradition d'inhumation royale à Sainte-Denis,
07:22 qui était une tradition déjà entamée, puisque les fouilles ont montré
07:25 qu'il y avait déjà des personnages de rangs royaux
07:28 qui étaient enterrés préalablement, puisque Michel Fleury,
07:32 qui avait fouillé sous l'Aneph dans les années 50 à 70,
07:36 a trouvé la tombe de la Reine Arrégonde, dont le mobilier est aujourd'hui
07:41 au Musée d'archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye,
07:44 Reine Arrégonde, qui est morte vers 580, donc une cinquantaine d'années avant d'Agobert.
07:49 Cette tradition se met en place à ce moment-là,
07:52 et puis elle va perdurer, et en fait, la suite de l'histoire
07:56 de l'église de Sainte-Denis est très souvent une histoire politique.
08:00 C'est-à-dire que quand les uns et les autres vont faire des travaux,
08:04 le particulier Sujère d'une part, puis Saint-Louis...
08:07 - Donc l'abbé Sujère à qui l'on doit la cathédrale.
08:09 - Voilà, l'abbé Sujère à qui on doit le massif occidental et le chevet,
08:13 puisqu'il a commencé à reconstruire l'Aneph, mais il n'a pas pu la terminer,
08:17 et Saint-Louis, qui un siècle après, reprend les travaux de Sujère
08:21 pour homogénéiser en reconstruisant l'ensemble de l'Aneph.
08:24 Évidemment, ils ont des démarches qui sont extrêmement politiques,
08:28 puisque l'idée, c'est de porter le rayonnement de quelque chose,
08:32 que ce soit l'abbaye ou que ce soit le royaume de France,
08:34 voire les deux en même temps.
08:35 - Et alors on arrive en 2022, vous faites cette nouvelle campagne de fouilles,
08:39 et là, qu'est-ce que vous découvrez ?
08:41 - Alors, on découvre, comme je le disais tout à l'heure,
08:43 des choses auxquelles on s'attendait à peu près,
08:45 c'est-à-dire on a évidemment la continuité de la nécropole depuis le haut Moyen-Âge,
08:50 avec son évolution vers l'époque médiévale.
08:53 On a des éléments qui correspondent aux états antérieurs de la construction,
08:57 avant les travaux de Sujère.
08:59 On a surtout les niveaux de chantier de la construction de Sujère,
09:02 avec beaucoup d'informations très intéressantes sur le fonctionnement de ce chantier même.
09:07 Chantier qui, au point de vue de l'histoire de l'architecture, est très important,
09:11 puisque c'est un des chantiers, en tout cas,
09:14 qui permettent la bascule entre l'architecture urbaine et l'architecture gothique.
09:18 - Là, vous parlez à une passionnée du gothique,
09:20 donc c'est un moment très important pour moi.
09:22 Et alors justement, on a découvert aussi des sépultures mérovingiennes et carolingiennes,
09:26 qui datent du début du Moyen-Âge.
09:28 Qu'est-ce qu'elles nous apprennent, ces sépultures, sur les rites funéraires de l'époque ?
09:32 - En tout premier lieu, elles nous apprennent que les francs,
09:37 qui sont en ligne de France, les françaliens, sont des chrétiens.
09:42 Alors, ça paraît un peu une évidence, en fait, depuis Clovis,
09:44 c'est-à-dire la fin du 5e siècle, où il a fait sa conversion.
09:48 Évidemment, les francs sont chrétiens,
09:51 mais ils subsistent toujours dans la pensée,
09:54 parfois même dans l'historiographie,
09:56 l'idée que ce sont des chrétiens qui ne sont pas tout à fait chrétiens,
09:59 qui sont encore un petit peu païens, etc.
10:01 Bref, il est certain que pratiquant l'animation habillée,
10:04 ils gardent des traits culturels qui sont des traits antérieurs à la cristallisation.
10:09 C'est un fait.
10:11 Mais ce qu'on observe dans les modes de dépôt, dans le regroupement,
10:15 le simple fait qu'ils soient regroupés autour de l'Église,
10:18 dans les décors qu'on trouve sur les sarcophages en plâtre en particulier,
10:22 il est certain qu'il ne s'agit que d'un vocabulaire et de référence à la chrétienté.
10:28 En plus de ça, les françaliens sont catholiques orthodoxes,
10:32 comme on pourrait dire à l'époque,
10:34 c'est-à-dire qu'en fait, ils reconnaissent le pape,
10:36 tant qu'ils ne sont même pas hérétiques,
10:38 comme pourraient l'être des burgondes ou des allemands ou d'autres.
10:42 - Et alors concrètement, qu'est-ce qu'on retrouve dans ces sépultures ?
10:44 Il y a du mobilier, des bijoux ?
10:46 - Alors, on aurait bien aimé avoir des sépultures aussi densément riches
10:51 qu'au niveau du sanctuaire,
10:52 mais il se trouve qu'on est à 70 mètres du sanctuaire,
10:55 donc on est déjà un petit peu loin de l'inhumation de Sanctos.
10:58 Et effectivement, on a quelques individus qui sont probablement des aristocrates,
11:02 avec quelques bijoux, quelques éléments de mobilier remarquables,
11:07 quelques éléments personnels qui accompagnent l'inhumation,
11:10 des couteaux, des choses comme ça,
11:12 une coiffe brodée en fil d'or, vraisemblablement.
11:15 Voilà quand même des choses d'une assez belle qualité,
11:18 mais on voit bien qu'on n'est pas non plus dans un contexte d'inhumation,
11:23 si ce n'est royal en tout cas, de très haut rang,
11:26 comme on peut avoir à Sanctos,
11:28 là où ont été trouvés les tombes les plus riches de la Basilique.
11:32 - Donc si je résume, plus on est loin du sanctuaire, plus on est pauvre.
11:37 - En gros, plus on est près du sanctuaire, plus c'est cher.
11:39 Donc oui, effectivement.
11:41 - Mais voilà le problème à l'envers.
11:42 Et d'ailleurs, vous évoquiez aussi tout à l'heure
11:44 le fait que ce chantier nous apprend aussi beaucoup de choses
11:47 sur la façon dont la Basilique a été construite.
11:49 Qu'est-ce que vous avez découvert de si intéressant ?
11:52 - Alors, ce qu'on a découvert d'une part,
11:56 c'est déjà tout ce qu'on ne savait pas
11:58 par rapport à l'occupation ancienne au niveau du massif occidental.
12:03 C'est-à-dire qu'à 70 mètres du sanctuaire,
12:06 on n'est quand même pas si loin que ça malgré tout.
12:08 Et les vestiges nous montrent qu'on a un certain nombre d'éléments,
12:12 notamment l'installation d'une galerie funéraire
12:14 dans le courant du VIe siècle,
12:16 qui sont en fait en lien avec le monastère et son installation,
12:20 sa pérennisation, si j'ose dire,
12:22 avec notamment des tombes qui sont vraisemblablement des tombes monastiques,
12:25 ce qui explique aussi le fait qu'on ait assez peu d'aristocrates dans ce secteur-là aussi.
12:30 Enfin, ça peut être en tout cas un élément d'explication.
12:33 Et puis, l'évolution de ces bâtiments,
12:35 c'est-à-dire qu'à partir de l'époque carolingienne,
12:37 cette galerie funéraire va être remplacée par un bâtiment
12:40 alors qu'on a beaucoup de mal à comprendre en l'état,
12:44 mais qui vient s'appuyer par-dessus les murs de la galerie
12:47 et qui va fonctionner jusqu'au Xe siècle, grosso modo.
12:53 Et à partir de ce moment-là, il va être remplacé probablement par un premier état romand
12:58 qui est peut-être en partie construit en pierre et en partie construit en bois,
13:02 enfin qu'on a beaucoup de mal également à cerner pour le moment,
13:06 ne serait-ce que parce que vraisemblablement les fondations postérieures
13:10 sont venues impacter les fondations les plus anciennes.
13:13 Et puis, évidemment, au XIIe siècle, à partir de 1137,
13:18 démarre le chantier, 1137 c'est la date officielle,
13:21 alors on ne sait pas trop s'il a commencé avant ou si...
13:24 Une chose est sûre, c'est que Suger, qui était un homme assez intelligent,
13:30 a lancé, lorsqu'il a été élu 1122,
13:34 il a d'abord lancé l'assainissement économique de l'abbaye,
13:38 donc il passe une dizaine d'années à redresser les domaines,
13:41 et une fois que l'argent rentre comme il faut, il lance les travaux.
13:44 - Ce qui est plutôt malin. - Voilà, c'est plutôt assez intelligent.
13:47 Et donc, à partir des années 1130, officiellement 1137,
13:51 il lance les travaux du massif occidental.
13:54 C'est un chantier qui est extrêmement court,
13:56 c'est-à-dire qu'en fait, en trois ans, il construit le massif occidental
14:00 avec ses trois chapelles supérieures, avec la tour sud,
14:04 ça fait six travées complètes qui font une hauteur moyenne d'une vingtaine de mètres,
14:09 - Ce qui commence à être gigantesque.
14:11 - Voilà, c'est un gros chantier, construit en un temps très court,
14:16 donc techniquement, c'est un vrai défi.
14:19 C'est pour ça qu'il y a une discussion sur la date.
14:22 - Et Yvan Lafarge, pour conclure en quelques mots ce matériel que vous avez découvert,
14:26 ces couteaux, ces coiffes en fil d'or, qu'est-ce qu'elles deviennent ?
14:30 Elles sont exposées quelque part ?
14:31 - Pour le moment, elles ne sont pas exposées,
14:33 il y aura peut-être des expositions lorsque les études auront été réalisées,
14:37 d'ici deux ou trois ans probablement,
14:39 mais tout ça est à mettre en place,
14:41 puisque l'opération a été réalisée conjointement par trois opérateurs,
14:45 le département de la Seine-Saint-Denis, qui est le mandataire principal de l'opération
14:50 et qui a mis le responsable que je suis,
14:53 mais l'équipe était également constituée d'agents de la ville de Saint-Denis,
14:59 de l'unité d'archéologie de la ville de Saint-Denis,
15:01 qui notamment va conserver l'ensemble des mobiliers qui sont trouvés à la fouille,
15:06 qui ensemble vont être mis en dépôt à Saint-Denis.
15:09 C'est donc dans les locaux de l'unité d'archéologie de la ville de Saint-Denis
15:12 que va se faire l'étude de ce qu'on appelle la post-fouille,
15:14 c'est-à-dire l'étude postérieure au chantier,
15:17 pour la réalisation des rapports et préparation de publications, expositions, etc.
15:22 Et puis, la troisième intervenance, c'est l'INRAP,
15:25 qui a mis à disposition un anthropologue et les moyens d'archéo-anthropologie
15:31 pour la conduite de la fouille des sépultures.
15:33 La conservation sera faite à Saint-Denis et on espère pouvoir,
15:37 une fois que les études seront menées,
15:40 arriver à aller vers des expositions et des choses comme ça.
15:44 Mais tout ça doit encore être...
15:46 - Il faut être très patient dans ce monde.
15:48 - Voilà, c'est ça.
15:49 Alors c'est assez compliqué parce que c'est une opération avec beaucoup d'acteurs,
15:55 qui dépend notamment des monuments historiques,
15:57 donc il faut qu'on soit tous d'accord sur la restitution qu'on puisse en faire.
16:01 - On a hâte en tous les cas de lire vos résultats.
16:03 Merci Yvan Lafarge, c'est toujours passionnant de discuter avec vous d'archéologie,
16:06 vous qui connaissez si bien ce site mythique qu'est Saint-Denis.
16:10 Je rappelle que vous êtes archéologue au Bureau du patrimoine archéologique
16:14 du département de la Seine-Saint-Denis
16:16 et on attend avec impatience de lire les rapports de fouille.
16:19 Merci à tous nos auditeurs de nous avoir écoutés.
16:22 Au cœur de l'Histoire est un podcast original,
16:24 Europe 1 Studio.
16:25 A bientôt sur votre plateforme d'écoute favorite.
16:27 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]
16:30 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]