Un peu plus de dix ans après ses débuts, et quatre albums plus tard, Jeanne Added peut se targuer d'avoir mené une carrière loin des clichés. Pour Jack, elle revient sur ses débuts au Conservatoire, dans un milieu très masculin, et explique dans ce nouvel épisode des Patronnes comment elle s'est protégée du sexisme en s'inspirant de Simone de Beauvoir. C'est parti pour 4 minutes de témoignage sans filtre.
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00:00 Des patronnes, j'ai l'impression que, à partir du moment où tu mets le pied dehors de chez toi
00:05 et que tu te présentes au monde, ça fait de toi une patronne, donc en un certain moment.
00:08 L'image que j'ai eue sur les premiers albums, qui est en fait la façon dont je m'habille dans la vie de tous les jours,
00:21 c'est un peu comme les remarques sexistes, c'est-à-dire que les remarques là-dessus,
00:26 je ne les ai pas écoutées ou pas entendues. Le truc du glamour, de la jolie fille qu'on regarde
00:32 et qu'on regarde comme telle, ce n'est jamais quelque chose dans lequel je me suis sentie ni à l'aise,
00:38 ni qui ne me correspondait pas. Et c'est quelque chose que j'ai refusé, en fait, même activement.
00:43 Et le gros de mon travail, en fait, même en tant que chanteuse au conservatoire
00:47 et dans ma jeune carrière après dans le milieu du jazz, c'était d'être suffisamment technique et musicienne
00:55 pour qu'il n'y ait pas de doute possible et qu'on me prenne sérieusement à ce qui s'est passé.
01:00 On m'a énormément parlé du conservatoire au début, quand j'ai sorti mon premier album, etc.
01:13 Et ça m'a beaucoup agacée, mais je crois que ça m'a énormément protégée.
01:16 Et ça, je me rends compte et je le reconnais aisément, c'est-à-dire que le fait d'avoir ce parcours-là
01:21 fait qu'on m'a permis de parler que de musique en interview.
01:26 Et c'était extrêmement rare que les gens se permettent autre chose.
01:32 Ça m'a protégée, moi, mais bon, ça veut bien dire que si t'as pas ça, en fait, t'es dans la galère.
01:37 J'étais la première chanteuse à rentrer dans la classe de jazz du CNSM.
01:40 S'il y en avait, je n'entendais pas les choses sexistes.
01:43 Je pense que j'avais une sorte de filtre qui faisait que ces trucs-là, je ne les entendais pas.
01:47 Mais l'ambiance, de toute manière, même si tu n'entends pas tout ça, l'ambiance, c'est des blagues,
01:53 un entre-soi de gars, etc.
01:54 Et donc, en fait, moi, ce que j'ai fait, c'est d'être un mec avec les mecs.
01:58 Tu te retrouves à faire des blagues comme les gars, à objectiviser les filles comme les gars,
02:04 pour faire partie du groupe et pour ne pas être isolée, en fait.
02:08 Mon vestiaire masculin, il n'était pas dans le sens de vouloir être masculine
02:13 plutôt que dans le sens de vouloir être neutre.
02:17 Une neutralité, c'est-à-dire de gommer.
02:20 J'ai un peu moins besoin de ça et je trouve ça cool
02:24 parce que ça veut dire qu'il y a tout un champ des possibles et de jeux
02:28 et de créativité aussi qui s'ouvre à moi.
02:31 *Musique*
02:44 Maintenant, ce qui est en train d'arriver, c'est-à-dire avec mes cheveux longs
02:48 et porter des robes sur les pochettes de mes disques, voire carrément à la télé,
02:53 mais toujours pas dans ma vie de tous les jours.
02:55 Mais en tout cas, le fait de pouvoir commencer à m'amuser avec ça,
02:59 c'est quelque chose que j'ai identifié il y a déjà assez longtemps
03:03 comme étant un signe d'une certaine souplesse qui arriverait dans ma vie.
03:10 Moi, je n'ai pas envie d'être essentialisée comme femme, même dans la vie de tous les jours.
03:14 Donc, en fait, dans ma pratique artistique, pour moi, la question ne se pose pas.
03:18 Après, je suis une grande fan des balades, des golds des années 80-90,
03:23 dont tu ne sais même pas qui chante la chanson, etc.
03:25 Mais tout le monde la connaît par cœur.
03:27 Et j'adore l'idée d'une chanson comme ça, qui est une vie hyper intense,
03:32 sans qu'on sache même qui l'a écrite ou qui la chante, tellement la chanson, elle est forte.
03:35 J'adore Cardi B, qui est en train de se faire un coming out gauchiste, en fait,
03:40 qui est complètement en mode Bernie Sanders aux États-Unis
03:43 et qui est complètement à fond là-dessus.
03:46 Me fait assez triper, je dois dire.
03:48 Et The Original, Madonna, elle me fait un bien fou.
03:54 Je la trouve comme elle est, elle a toujours été,
03:58 mais elle ne s'excuse surtout jamais de quoi que ce soit
04:03 et elle fait exactement tout ce qu'elle veut.
04:04 Je trouve ça hyper inspirant.
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