Jeudi 8 juin 2023, SMART ÉDUCATION reçoit Amiral Loïc FINAZ (Co-directeur, Filière Géopolitique, Défense & Leadership) et Aurélien Colson (Professeur et co-directeur Filière Géopolitique, Défense & Leadership, ESSEC Business School)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:08 Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans Smart Education,
00:12 votre magazine quotidien consacré aux nouvelles formations, aux nouveaux métiers, aux nouvelles pédagogies.
00:17 Le rendez-vous qui donne un futur à la jeune génération.
00:21 Que pensez-vous d'un petit séjour au sein d'une unité d'élite de la Légion étrangère ?
00:25 C'est ce qu'a proposé l'ESSEC Business School à ses étudiants
00:28 à l'occasion du lancement de sa filière géopolitique Défense et Leadership.
00:32 12 élèves ont été accueillis par le premier régiment étranger de génie.
00:36 Prise de décision en environnement complexe, exemplarité, esprit d'équipe,
00:39 autant de qualités essentielles pour le monde du travail
00:42 que les officiers du premier ROG ont tenté de leur inculquer.
00:45 Nous faisons le point sur ce programme hors normes avec Aurélien Colson,
00:49 professeur de sciences politiques, co-directeur de la filière et en charge du projet pour l'ESSEC.
00:54 Bonjour.
00:55 Bonjour et merci de votre invitation.
00:56 Merci à vous d'être avec nous Aurélien Colson, merci beaucoup de nous accompagner.
00:59 Amiral Loïc Finas nous accompagne également, autre co-directeur de la filière géopolitique Défense et Leadership.
01:05 Merci d'être avec nous.
01:06 Je vous en prie.
01:07 Merci à tous les deux d'être là.
01:09 En quoi consiste, ma première question est assez simple comme ça pour qu'on comprenne tous,
01:12 en quoi consiste cette filière au sein de l'ESSEC,
01:15 cette filière géopolitique Défense et Leadership ?
01:17 Aurélien Colson.
01:18 Alors c'est une filière qui a été créée en septembre 2021
01:21 pour proposer d'abord aux étudiants de la grande école une expérience à trois dimensions.
01:26 Le contexte géopolitique, comprendre l'ordre et le désordre du monde
01:30 dans lequel s'insèrent la vie des organisations et des entreprises.
01:32 Deux, les enjeux de défense, à la fois comme politique régalienne dont dépend notre sécurité
01:38 et puis n'ayant pas peur des mots, dont dépend aussi notre liberté.
01:40 Mais c'est aussi un secteur industriel avec des entreprises de souveraineté
01:44 qui sont souvent duales, qui interviennent pas simplement dans la défense mais aussi dans le secteur civil.
01:49 Et puis des enjeux de leadership.
01:51 De leadership parce qu'en étant en contact, grâce à la mer de Finnaz,
01:55 avec les promotions successives d'officiers à l'école de guerre,
01:58 je me suis rendu compte que si on mettait en contact nos étudiants avec ces officiers,
02:03 ils y trouveraient une aspiration forte sur des valeurs qui doivent nourrir un leadership responsable.
02:09 Quelles sont les débouchés professionnels pour ces étudiants de cette filière géopolitique Défense et Leadership ?
02:14 Alors il ne s'agit certainement pas d'être des sergents recruteurs, pas du tout.
02:18 La plupart des étudiants auront une carrière classique dans les métiers auxquels forment l'ESSEC,
02:25 que ce soit dans le conseil, la banque, l'assurance.
02:28 Mais c'est vrai que certains d'entre eux comprendront qu'il y a également ce secteur industriel avec des entreprises duales.
02:35 Une fois de plus, on vient de signer un partenariat avec Airbus,
02:38 donc c'est intervient dans la défense mais pas seulement.
02:41 Et puis certains feront le choix peut-être de faire par exemple un double diplôme avec Saint-Cyr,
02:47 puisque l'ESSEC a un double diplôme avec Saint-Cyr.
02:49 Certains seront sous contrat avec le ministère des armées.
02:55 Mais une fois de plus, c'est très diversifié dans les débouchés.
02:59 Amiral Loïc Finaz, puisque c'est le propos aujourd'hui, comment est venue l'idée de ce partenariat avec ce régiment étranger de génie ?
03:07 Alors il s'inscrit dans les attendus, les enjeux, les objectifs.
03:13 L'ambition de ce programme, de ce centre que l'ESSEC a créé, Géopolitique, Défense et Leadership, dont Aurélien vient de préciser les attendus,
03:23 il se trouve qu'à partir du moment où l'on croit, et c'était l'un des crédeaux de l'ESSEC,
03:28 que les militaires dans leur vision du leadership, mais avant cela même dans leur vision du monde,
03:34 ont des choses intéressantes à apporter à la société civile,
03:37 il est évident qu'on peut bâtir un programme avec simplement des cours théoriques,
03:41 et d'ailleurs c'est nécessaire, il y a évidemment dans une grande école comme l'ESSEC, des cours théoriques de très grande qualité.
03:46 On peut offrir aux étudiants des conférences brillantes sur le monde et son évolution.
03:51 On peut aussi aller plus loin et se dire que cette compréhension du leadership,
03:56 de ce qu'il est vraiment, des qualités des hommes et des femmes, qui vont être amenés à apporter des responsabilités,
04:01 ensuite ici ou là dans la société civile, et bien ils vont les découvrir, nos étudiants, encore mieux,
04:06 en allant se confronter dans une espèce de tranche de vraie vie, avec ceux qui de leur côté la vivent,
04:14 et c'est pour ça que ce premier partenariat avec ce régiment étranger de génie est une façon d'incarner
04:22 toutes ces idées, ces visions du monde, ces thèmes, ces qualités nécessaires,
04:27 pour être un leader de demain qui sera capable de répondre aux enjeux du monde.
04:32 C'est une première en France, pour eux et pour vous ?
04:34 Ce n'est pas une première, il existe déjà, d'ailleurs l'ESSEC avait déjà avec Saint-Cyr un certain nombre de rapports,
04:41 il existe la même chose avec l'école navale, donc les armées ont déjà des rapports avec les grandes écoles
04:47 ou les grandes organisations de formation française. Dans une unité combattante, je ne sais pas si ce n'est pas la première fois,
04:55 mais ça reste assez novateur absolument.
04:57 Comment les échanges entre eux et les étudiants se passent-ils logistiquement ? Comment ça se déroule ce programme ?
05:03 Alors ça se déroule d'abord dans les deux sens, puisqu'on a signé cette convention avec le premier règle l'an passé
05:09 et dès le mois de février nous avons accueilli à l'ESSEC quatre capitaines de cette unité qui sont venues suivre un cours intensif de géopolitique.
05:17 Et puis en sens inverse, nous avons fait descendre dans le Gard à Lodin au premier règle ces douze étudiants
05:23 qui ont eu un programme à la fois dense et diversifié. Je veux remercier le chef de corps, le Colonel Perrier,
05:28 qui a concocté un programme incroyable avec à la fois bien sûr beaucoup d'échanges très informels avec les légionnaires, leurs officiers,
05:35 des moments formels aussi, notamment il y avait une cérémonie de naturalisation de huit légionnaires par la préfète du Gard.
05:41 Ils ont eu des moments un peu théoriques, des cours de cartographie, la méthode de raisonnement tactique,
05:46 et puis des choses très physiques, on fait de la descente en rapet, ils ont fait du franchissement d'obstacles,
05:51 ils ont fait une marche de nuit, des mises en situation, ils ont monté un espèce de moyen de franchissement léger,
05:58 une sorte de barge pour franchir un cours d'eau avec des tôles de 125 kg, et ils ont exprimé au retour des choses extrêmement fortes
06:06 sur ce qu'ils ont retiré en termes de principes et de valeurs.
06:10 Alors dites-nous, justement.
06:11 Et bien ils ont vu justement ce que des officiers d'une unité comme celle-là, qui plus est, c'est la Légion,
06:17 avec une diversité humaine, je crois qu'il y a 120 nationalités représentées dans cette unité,
06:22 ils ont vu incarner au plus haut niveau d'exigence des valeurs et des principes qui, je crois, sont extrêmement importants pour la vie des organisations.
06:31 D'abord, ils ont vu ce que c'est qu'être exemplaire. Ce sont des officiers qui sont exemplaires, qui sont responsables,
06:37 c'est-à-dire, on leur dit, on vous confie une mission, vous allez la mener dans un environnement de travail qui est un peu dégradé,
06:42 et vous allez prendre soin des gens qu'on vous confie, vous allez essayer aussi d'éviter de casser le matériel qu'on vous confie.
06:48 Et donc être responsable, c'est avoir conscience de la conséquence de ces actes, et c'est savoir aussi qu'on va devoir rendre des comptes.
06:54 Je pense que c'est important dans toute organisation.
06:56 Ils ont appris aussi ce que c'est que le dévouement, ce que c'est que la ténacité, que le courage.
07:02 Alors nous, dans nos univers, on n'a pas besoin d'être courageux physiquement,
07:05 mais je crois qu'on a besoin d'être courageux pour avoir cette lucidité d'analyser les situations sans fard,
07:10 et de dire les choses telles qu'elles sont, à rebours peut-être du conformisme.
07:13 Et puis ils ont vu surtout ce que c'est que l'esprit d'équipe, ce que c'est que la solidarité,
07:18 et ce que c'est que le respect dû à toutes les personnes au-dessus de soi, quel que soit leur grade.
07:23 Ça, ils l'ont vu incarné au plus haut niveau d'exigence.
07:26 Amiral Loïc Finas, c'est intéressant, tout ce dont vous nous parlez tous les deux depuis tout à l'heure,
07:30 ce sont des compétences comportementales, finalement.
07:32 On n'est pas là dans l'apprentissage ou l'inclination de compétences techniques, mais de compétences comportementales.
07:37 Ce sont toutes ces compétences qui effectivement, au-delà du potentiel intellectuel de chacun,
07:42 que les grandes écoles ont vérifiées par leur processus très particulier de sélection,
07:46 toutes ces compétences qui en fait sont les plus importantes.
07:49 On rentre dans les grandes écoles de commerce françaises ou dans les grandes écoles d'ingénieur français,
07:54 parce qu'on est bon en maths, parce qu'on est bon dans un certain nombre de matières théoriques,
07:57 mais ce n'est pas parce que vous êtes bon en maths que vous serez capable d'être le chef dont un jour,
08:03 une entreprise, une structure, quel qu'elle soit, un système vous récupérera.
08:07 Et ces capacités à être les leaders de demain, elles reposent évidemment,
08:13 comme vous le dites, beaucoup plus sur ces compétences comportementales.
08:16 Ces compétences comportementales, il faut d'abord qu'on ait la chance au moins qu'une fois dans sa vie,
08:21 on vous les ait présentées, que vous les ayez vues.
08:24 Peut-être que certains sont capables de les imaginer, de les inventer et de se développer personnellement,
08:29 mais il est évident que la première chose pour être capable de les acquérir, c'est de les voir autour de soi.
08:34 Et il n'est pas impossible qu'aujourd'hui, ce soit l'une des défaillances majeures de la société d'aujourd'hui,
08:40 vis-à-vis de ces générations qui arrivent, c'est qu'on ne leur parle pas de ça, on ne leur montre pas cela.
08:46 Comment voulez-vous ensuite qu'ils soient au rendez-vous des exigences de leur vie ?
08:50 Et donc là, absolument, dans un parcours comme ceux que ces 12 étudiants laissés
08:56 qu'ont connus au sein d'un régiment de légion étrangère, ils ont vu cela, ils ont senti cela,
09:02 ils l'ont ressenti, ils l'ont expérimenté. Je pense que c'est fondamental pour l'éducation de tout le monde.
09:09 Et ces qualités-là de leadership, liées donc plutôt au commandement,
09:12 est-ce que c'est vraiment le leadership dont ils auront besoin ?
09:14 Ou peu importe, c'est une forme de leadership qui de toute façon les aidera ?
09:18 Ils ont vu là incarner des valeurs et des principes qui, oui, leur seront diablement utiles.
09:24 Et je vais vous donner un exemple très concret. Il y a un des étudiants, il y avait 8 garçons et 4 filles,
09:30 et un de ces étudiants, qui s'appelle Florian, dans la séance de retour d'expérience, a dit
09:36 « Moi, j'ai compris quelque chose que mon parcours d'études jusqu'à présent ne m'avait jamais aidé à comprendre.
09:41 Jusqu'à présent, on m'a toujours fait travailler seul et j'ai pensé que j'allais m'en sortir seul. »
09:47 Et là, il a vu de manière très très nette un système où c'est totalement différent,
09:50 où on ne peut pas espérer s'en sortir seul.
09:53 Donc ce qu'on appelle nous l'esprit d'équipe, ce que l'amiral appelle l'esprit d'équipage,
09:56 il l'a vu incarné ensemble, non seulement on va plus loin, mais si ça se trouve, on y va plus vite aussi.
10:03 Cette capacité à comprendre que, quand même on a été très sélectionné pour aller à l'ESSEC ou dans telle ou autre école,
10:10 on a besoin d'autrui. Et ce qui est diablement important, c'est que dans l'univers militaire,
10:15 on va comprendre qu'on a besoin de tout le monde, y compris la personne à un rang plus humble qui va serrer un boulon.
10:22 Parce que si ce boulon n'est pas bien serré, l'hélicoptère tombe.
10:25 Et le pilote, il est peut-être extrêmement sélectionné, mais sans le boulon qui a été bien serré, l'hélicoptère tombe.
10:31 Et ça, je crois que cette compréhension que notre performance est totalement dépendante de l'écosystème que l'on construit autour de soi,
10:40 ça c'est une leçon forte en termes de leadership pour tout le monde.
10:44 Amiral Oekfinas, on réitère l'expérience, alors on va réitérer cette expérience, ce programme.
10:48 Ce programme, il va perdurer avec effectivement ce régime en légion, mais à l'ESSEC, nous souhaitions qu'il puisse se développer,
10:56 que plus on profite et puis surtout que le spectre soit plus large.
10:59 Et donc, le Centre géopolitique, défense et leadership de l'ESSEC est en train de passer un partenariat avec le porte-avions Charles de Gaulle
11:06 pour que de la même manière, les officiers des membres de l'équipage de Charles de Gaulle puissent venir à l'ESSEC,
11:11 suivre des conférences de géopolitique pour qu'ils puissent mieux comprendre la société civile
11:15 que l'on ne connaît pas forcément très bien lorsqu'on est militaire, on est à son service,
11:19 on accepte même éventuellement de mourir pour elle, mais on ne la connaît pas parce qu'on ne l'a pas côtoyé.
11:23 C'est du gagnant-gagnant, c'est aussi une manière de faire se rencontrer ces deux mondes.
11:26 C'est absolument fondamental et d'ailleurs c'est ça la notion, bien plus même que d'équipe, d'esprit d'équipage, c'est du gagnant-gagnant.
11:32 C'est ce monde que l'on construit ensemble et puis à l'inverse, un certain nombre d'étudiants de l'ESSEC
11:37 ou des gens de la société civile qui viendront dans les effectivement programmes de ce centre GDL pourront suivre.
11:43 Ils embarqueront sur le Charles de Gaulle, ils côtoieront l'équipage du Charles de Gaulle,
11:46 ils verront ce que c'est qu'un rafale qui apponte ou qui au contraire a catapulté du Charles de Gaulle,
11:50 ce qui est un spectacle absolument fascinant.
11:52 Ils verront comment une communauté de 2000 hommes et femmes qui vivent dans quelque chose qui peut paraître énorme
11:57 mais reste malgré tout à l'échelle d'une ville, parce que c'est une ville tout petit,
12:00 vivent ensemble au service de l'outil le plus performant qu'on puisse imaginer.
12:04 Lancer, catapulter des avions et les récupérer sur le Charles de Gaulle, ce sont des choses où vous lancez ces avions.
12:11 Ils ont l'air tout petits quand on les voit dans le ciel très loin et qui passent très vite.
12:14 En fait c'est très gros un avion de chasse et quand vous les lancez, vous les récupérez ensuite toutes les minutes,
12:19 à la seconde près sur un espèce de truc qui fait 70 mètres de long, vous posez un avion de chasse qui arrive à grande allure.
12:25 C'est une alchimie hallucinante et bien il nous a semblé intéressant à l'ESSEC que les étudiants de l'ESSEC
12:31 et tous ceux qui viendront dans les programmes de ce centre puissent en profiter.
12:36 Merci beaucoup à tous les deux de nous avoir parlé de ce programme hors normes et inédits.
12:39 Florian Colson, je le rappelle, vous êtes professeur en sciences politiques en charge de ce projet pour l'ESSEC,
12:43 co-directeur de la filière géopolitique défense et leadership, également co-directeur de cette filière Amiral Loïc Finas était avec nous aujourd'hui.
12:50 Merci beaucoup à tous les deux d'avoir été avec nous dans Smart Education.
12:53 Merci à vous de nous avoir suivis.
12:55 On se retrouve très vite pour un prochain numéro à très vite sur Bsmart.
12:59 [Musique]