L’avocat Emmanuel Pierrat, était invité dans Les Visiteurs du Soir, ce dimanche 28 mai, sur CNEWS. Il a présenté son essai «La Prison de Verre» : «C’est une dénonciation de la tyrannie de la transparence en politique».
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00:00 C'est une sorte de dénonciation de cette façon, de cette tyrannie de la transparence
00:04 qu'on veut appliquer à la vie privée des élus, des hommes et des femmes politiques,
00:09 des dirigeants.
00:10 Il ne se passe pas une semaine à peu près sans qu'on s'intéresse
00:13 de façon sangrenue et sans rapport avec le débat public,
00:16 d'un seul coup, pour savoir si Elisabeth Borne est lesbienne,
00:19 c'était il y a quelques jours à peine, si tel ou tel a éventuellement
00:23 une maîtresse ou des amants et ainsi de suite.
00:25 Il y a une sorte de déballage permanent et avec paradoxalement
00:30 une remontée d'un puritanisme très étonnant.
00:33 Quand Marlène Schiappa pose "Rune de Playboy",
00:36 on s'indigne comme si on était encore sous l'Ancien Régime.
00:39 - Et comme si elle était toute nue, alors que ce n'est en fait pas du tout.
00:41 - Bien sûr, comme si elle n'était pas toute nue, elle est habillée,
00:42 elle donne une longue interview politique.
00:43 C'est quelque chose que j'ai écrit dans le même numéro de Playboy,
00:46 donc je l'ai particulièrement examiné.
00:47 Et puis en parallèle, Bruno Le Maire publie un roman
00:51 dans lequel il y a un passage plus ou moins coquin ou qui donne le rose au joux
00:55 et ça devient une sorte de scandale national.
00:57 - Oui, enfin c'était plutôt un sujet de moquerie.
00:59 - C'est un sujet de moquerie.
01:00 - Il y a des affaires d'argent aussi, il y a le soupçon permanent.
01:03 - Il y a le soupçon permanent.
01:04 Éric Dupond-Moretti, ancien avocat et garde des Sceaux,
01:08 a dit il y a à peine deux ou trois mois qu'il avait dû révéler
01:11 en devenant ministre à Patrimoine, à la Haute Autorité
01:14 pour la transparence dans la vie financière,
01:16 qu'il n'entendait pas parler, même avec ses enfants.
01:20 C'est-à-dire qu'il n'entendait pas leur dire s'ils avaient le droit
01:23 de se mettre à paresser ou à ne plus travailler.
01:25 Jusqu'à leur retraite parce qu'ils étaient assurés
01:27 de toucher un héritage somptuaire ou etc.
01:30 Donc il dit qu'il y a une sorte de transparence obligatoire
01:33 qui va au-delà de savoir s'il y a un conflit d'intérêt,
01:36 s'il y a quelque chose de problématique par rapport à un discours public.
01:40 - Mais vous rappelez que chacun a le droit au respect de sa vie privée.
01:44 C'est vrai que c'est dans la loi, mais c'est quoi la vie privée
01:48 et est-ce que ce respect doit être aussi absolu que la transparence ?
01:53 - En droit à la vie privée ?
01:55 - Elle couvre tout ce qui n'est pas votre vie publique.
01:56 Vous êtes journaliste, Frédéric Taddeï,
01:58 donc tout ce qui ne fait pas partie de ce que vous dites,
02:00 pardon, sur le plateau de CNews ou celui d'Europe 1,
02:04 ne devrait pas nous concerner.
02:05 Avec qui vous vivez, avec qui vous couchez,
02:08 ce qui vous intéresse dans votre vie privée, dans le loisir,
02:12 ne devrait pas nous intéresser.
02:14 Et c'est la règle en théorie, je dis bien en théorie.
02:16 - Y compris pour les politiques.
02:17 - Bien sûr.
02:18 Le seul moment où on peut lever, selon moi, cette barrière,
02:24 c'est lorsque le discours public vient en contradiction
02:26 avec la vie privée.
02:27 Par exemple, l'eurodéputé hongrois proche de Viktor Orban,
02:30 qui se retrouve donc tenant des discours homophobes
02:34 auprès d'un pouvoir à Budapest particulièrement réactionnaire,
02:37 que l'on retrouve dans une partouze gay pendant le confinement,
02:40 près du Parlement européen,
02:42 et dans une appréciation des distances sociales
02:46 ou de la distanciation sociale qui était particulièrement ténue.
02:49 Et donc là, on a quelqu'un qui se retrouve manifestement
02:52 dans une contradiction forte entre une prise de position publique
02:55 qui appelle par ailleurs à une certaine haine
02:57 et son comportement privé.
02:58 Et même chose en France avec ceux qui ont défilé
03:01 contre le mariage pour tous, avec la manif pour tous,
03:04 et dont la vie privée n'est pas aussi, on va dire, réactionnaire
03:08 qu'elle en a l'air.
03:09 Voilà, donc c'est peut-être cette partie-là.
03:11 - Vous avez dit, on peut parfaitement être homosexuel
03:14 et être contre le mariage homosexuel.
03:16 - Oui, heureusement, ça ne me paraît pas s'en renue.
03:18 - C'était peut-être le cas.
03:19 - Non, non, ce qui est intéressant, c'est de savoir justement,
03:21 c'est qu'il y a un principe qui devrait être le respect de la vie privée
03:25 et ensuite, au cas par cas, sur des points vraiment, vraiment très,
03:28 comment dire, limités, éventuellement, la possibilité de discuter.
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