Le sommet "Change Now" se tient à Paris jusqu'à ce soir. On y parle de toutes les solutions innovantes pour sauver la planète. Titouan Bernicot, jeune Tahitien, est l'un des 400 intervenants venus de 120 pays. Il est planteur de coraux pour restaurer les récifs coralliens du Pacifique Sud et il sensibilise le public à la protection des océans.
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00:02 6h, 9h15, RTL Matin, avec Stéphane Carpentier.
00:07 Et un grand merci d'être avec nous à 8h49.
00:09 Nous avions donc envie d'être positif ce matin et de nous dire que oui, il est possible de changer le monde.
00:14 En tout cas, c'est ce que pense notre invité en direct, que je vais baptiser de "jeune écologiste optimiste".
00:19 J'espère que ça va vous aller, Titouan Bernicaud. Bonjour à vous.
00:22 Yaorana, bonjour.
00:23 Merci, merci d'être là. Vous êtes un jardinier du corail.
00:26 Vous avez décidé de consacrer votre vie à restaurer les barrières abîmées par le réchauffement du climat.
00:31 Vous y vivez en Polynésie française.
00:33 Vous êtes de passage à Paris pour participer au sommet Change Now,
00:36 qui depuis jeudi rassemble des personnalités de tous horizons qui réfléchissent à des solutions pour la planète.
00:41 Vous y vivez où précisément ?
00:43 Alors je vis sur l'île sœur de Tahiti qui s'appelle Mo'orea.
00:47 C'est là où je vis, au milieu de l'océan Pacifique Sud.
00:51 Je peux vous demander comment on dit en polynésien "bonjour" tout simplement ?
00:54 On dit "yaorana".
00:56 Bonjour.
00:57 Et l'île où je vis s'appelle Mo'orea.
01:00 Ça veut dire "le lézard jaune".
01:02 Titouan, vous avez 25 ans ou presque, c'est d'ailleurs demain.
01:05 Vous avez créé Coral Gardeners, qui est une équipe de jardiniers du corail.
01:09 Avant de comprendre ce que vous faites, pour mieux comprendre pourquoi vous aimez autant les océans,
01:13 pouvez-vous nous décrire cette île justement ?
01:15 C'est quoi ? C'est Robinson Crusoe ou pas du tout ? J'exagère.
01:18 Alors moi j'ai grandi sur une petite ferme perlière.
01:21 Là c'était vraiment Robinson Crusoe.
01:23 Il n'y avait pas d'école, il n'y avait pas de supermarché, pas de médecin.
01:27 On allait pêcher quasiment tous les jours pour pouvoir se nourrir.
01:30 Il n'y avait pas de téléphone, c'était pas radio.
01:33 Donc quand on parlait à la radio, tout le monde nous écoutait.
01:36 Et moi j'étais un des seuls enfants sur cette petite atolle,
01:40 petite île sans montagne.
01:42 Mes parents étaient perliculteurs, ils faisaient grandir des huîtres,
01:44 collecter les perles de Tahiti.
01:46 Et j'ai grandi vraiment connecté à ce récif, à cet océan.
01:50 Et à Moréa où je vis, c'est un peu l'île de Peter Pan.
01:53 Où il y a des montagnes, de belles vagues et des récifs coralliens
01:57 qui sont devenus mon terrain de jeu.
01:59 Et c'est un endroit assez paisible.
02:01 Ils se sont abîmés franchement ?
02:03 Carrément.
02:04 Ce récif ?
02:05 Non complètement. Quand j'avais 16 ans, je suis parti surfer à Opunhaw.
02:08 C'est un de mes spots de surf préférés.
02:11 Je suis arrivé là-bas avec mon petit frère, mes amis de Manille.
02:13 Et pour la première fois de notre vie, on a vu que tout le récif était blanc.
02:18 Tous les coraux étaient blancs.
02:21 Et c'est là où j'ai réalisé qu'ils étaient en train de disparaître.
02:24 On sait combien de pourcentages ont disparu ?
02:27 C'est ça. En 30 ans, on a la moitié des récifs coralliens de la planète qui nous ont quittés.
02:30 Et les scientifiques sont assez formels.
02:33 Ils estiment que si rien n'est fait d'ici 2050,
02:35 ce sera 90% des récifs coralliens de la planète qui seront condamnés.
02:39 Alors du coup, pour agir, vous avez créé un métier.
02:42 C'est jardinier du corail. Comment vous faites pour replanter du corail ?
02:45 C'est ça. À mes 16 ans, j'ai été initié au bouturage de coraux.
02:48 Je suis complètement tombé amoureux d'avoir son petit "fapou",
02:51 comme j'aime bien dire. En tahitien, ça veut dire son petit potager sous l'eau.
02:54 Et je suis allé voir tous les grands pans de scientifiques et je leur ai dit, j'ai 16 ans,
02:57 je veux dédier ma vie à ça, au récif corallien, être sur le terrain.
03:01 Qu'est-ce que je peux faire ?
03:02 Et le seul métier qu'il y avait de disponible, c'était de devenir scientifique, biologiste marin.
03:07 Mais ce n'était pas pour moi.
03:08 Moi, je n'en pouvais plus de l'école.
03:11 Je voulais me lancer dans la vie active.
03:13 Je ne voulais pas étudier 6 ou 8 ans avant de me lancer.
03:16 Du coup, on a dû créer un nouveau métier.
03:18 On plante des arbres sur terre depuis des millénaires.
03:21 Et ça ne fait que quelques années qu'on plante du corail.
03:23 Et moi, mes potes pêcheurs, surfeurs de Mont-Nil,
03:25 aujourd'hui, c'est les premiers à planter du corail et à en vivre, en tout cas.
03:29 Et du coup, c'est ce qu'on fait.
03:31 Un petit peu comme le bouturage qu'on peut faire sur terre avec les arbres,
03:34 on le fait sous l'eau avec les coraux.
03:36 C'est tout pareil et du coup, ça marche ?
03:37 Ça fonctionne. Aujourd'hui, on a trois biologistes marins à temps plein dans l'équipe.
03:41 Et si on fait la chose avec la bonne méthodologie
03:45 et qu'on travaille avec des super coraux, des coraux plus résilients,
03:48 qui s'adaptent mieux aux variations de température de l'eau,
03:51 on peut arriver à des résultats super encourageants.
03:53 Vous dites "on peut arriver".
03:54 Vous y croyez ? Est-ce qu'on puisse inverser la tendance actuelle ?
03:57 Moi, j'ai quand même vu la chose.
04:00 Ça fait 9 ans que je plante du corail.
04:02 Devant la maison, sur mon jardin de corail,
04:04 le récif frangent était vraiment éteint.
04:06 Il n'y avait plus beaucoup de couleurs et de vie.
04:08 Aujourd'hui, on a des coraux qui font plus de 50 cm.
04:11 Il y a 20-30 poissons qui vivent dans le corail que tu as planté il y a 9 ans.
04:15 Et ça donne de l'espoir.
04:17 Quand je vais au contact de ces nouvelles générations
04:20 pour leur expliquer et leur raconter l'histoire des récifs,
04:23 je vois comment ils sont réceptifs.
04:26 Je vois qu'aujourd'hui, ce n'est plus juste de devenir pilote de ligne,
04:29 ingénieur ou banquier,
04:31 mais c'est d'avoir un impact et un meaning dans notre vie de tous les jours.
04:36 Je pense que le changement arrive plus vite qu'on ne le pense.
04:38 - Comment vous financez tout ça ?
04:40 Vous êtes 40 personnes pour ce boulot jardinier de corail,
04:43 ce qui n'est pas rien, ce qui nous fait rêver en métropole.
04:46 Comment vous financez ça ?
04:48 - C'est ça. Il y a 6 ans, on était encore dans ma chambre avec mon petit frère de 14 ans.
04:51 Aujourd'hui, Coral Gardeners, c'est le projet de conservation des récifs coraliens
04:54 le plus suivi au monde.
04:56 On a une quarantaine d'employés à temps plein.
04:58 On a des ingénieurs qui travaillaient chez SpaceX, Tesla, Google.
05:02 Des sacrés scientifiques.
05:04 Aujourd'hui, on finance nos actions avec des partenaires comme Rolex.
05:08 On a rejoint l'initiative environnement de Rolex
05:14 qui s'appelle Perpetual Planet, National Geographic, North Sail.
05:18 On a aussi des personnes partout autour du monde
05:20 qui vont sur notre site internet coralgardeners.org
05:23 et pour 25 euros, ils adoptent leur corail.
05:25 C'est comme ça qu'on existe.
05:27 - J'adore l'idée. On peut avoir 25 ans,
05:29 ou presque, puisque c'est demain en ce qui vous concerne,
05:31 et être encore optimiste pour la planète ?
05:33 - Je pense qu'il faut. Sinon, je ne serais pas là aujourd'hui.
05:36 Moi, je viens très rarement à Paris.
05:38 C'est une ville que j'adore. Elle est magnifique.
05:41 Et quand je suis dans un Uber ou dans un taxi,
05:45 le chauffeur ne sait pas ce que c'est un corail.
05:48 Et du coup, pour moi, c'est mon devoir de raconter aux Français
05:52 qu'on a les forêts immergées, les récifs coraliens.
05:55 Il y a la moitié de l'oxygène qu'on respire aujourd'hui
05:57 qui vient des océans.
05:59 Et on a besoin d'avoir des écosystèmes en bonne santé.
06:01 - On vous écouterait des heures, Titouan Bernicaud.
06:03 Merci d'être passé par RTL ce matin et d'avoir témoigné.
06:06 On entend bien sur cet entretien sur notre site rtl.fr.
06:09 Bravo à vous pour tout ça.
06:10 Message positif qui nous fait du bien ce samedi matin.
06:12 Restez là. Météo pour tout le monde dans une poignée de secondes.
06:15 seconde.