• l’année dernière
L’utopie du tout plastique a vécu. La route du Rhum est devenue la route du plastique, l’une des menaces les plus pressantes de notre écosystème marin. Comment alors limiter ses impacts dévastateurs sur la faune ou sur la contamination de notre chaîne alimentaire ? On sait qu’il existe des solutions innovantes pour réduire, réutiliser et recycler le plastique mais l’action politique semble en décalage devant l’urgence. Une spécialiste des matériaux et un géographe des écosystèmes apporteront leur éclairage pour sauver ce qu’il reste du monde de Nemo.

Avec :
Kako Nait Ali, ingénieure matériaux, docteur en chimie des matériaux dans le domaine de l'énergie
Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques - Plaidoyer plastique à la Fondation Tara Océan

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Transcription
00:00 (Musique)
00:26 Bienvenue à celles et ceux qui nous rejoignent. Merci aux fidèles de continuer l'expérience Futuropolis Planète avec nous.
00:32 Voici comment nous avons planté le décor de cette séquence plastique traitée le cancer de la mer.
00:38 L'utopie du tout plastique a vécu. La route du rhum est devenue la route du plastique,
00:42 l'une des menaces les plus pressantes de notre écosystème marin.
00:46 Comment alors limiter ces impacts dévastateurs sur la faune ou sur la contamination de notre chaîne alimentaire ?
00:52 On sait qu'il existe des solutions innovantes pour réduire, réutiliser, recycler le plastique,
00:57 mais l'action politique semble en décalage devant l'urgence.
01:00 Une spécialiste des matériaux et un géographe des écosystèmes vont apporter leur éclairage pour sauver ce qu'il reste du monde de Némo.
01:07 Merci de réserver un accueil de stars à Cacona Itali et Henri Bourgeois-Costa.
01:11 C'est Christophe Onodibio, écrivain, directeur adjoint de la rédaction du Point, qui modérera les échanges.
01:15 Bonjour à toutes et à tous.
01:33 Et merci. Merci, Boris. Merci à vous, Cacona Itali.
01:37 Vous êtes ingénieur matériaux, docteur en chimie des matériaux dans le domaine de l'énergie.
01:43 Et bonjour aussi, Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques.
01:47 Plaidoyer plastique à la Fondation Tara Océan. Plaidoyer plastique, c'est comme ça.
01:51 C'est le nom de votre unité. Exactement. Voilà. On va en parler avec vous.
01:55 Donc, on est très, très heureux. Alors, Boris a commencé fort.
01:58 Le plastique, cancer de la mer. La formule est violente, mais elle ne surprendra personne.
02:04 Quiconque se promène sur une plage est confronté au phénomène et qui n'a jamais nagé sans rencontrer en pleine brasse un sac plastique gonflé comme une méduse n'a jamais vraiment nagé.
02:17 Sans compter ce qu'on ne voit pas, les fameuses micro billes de plastique qui sont un véritable fléau.
02:23 Alors, chaque année, dit-on, les chiffres que j'ai vus entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de plastique terminent dans les océans.
02:31 Parfois, on lit aussi que chaque minute, l'équivalent d'un camion poubelle de plastique est déversé dans l'océan.
02:37 Selon les estimations de la Fondation Hélène MacArthur, les océans pourraient contenir plus de plastique que de poissons d'ici 2050.
02:45 Alors ça, la formule m'angoisse. Mais comme à Futuropolis, on est là, vous le savez, non pas pour se lamenter sur l'état du monde,
02:53 mais pour trouver des solutions et esquisser les grandes lignes d'un futur qui serait, on l'espère, meilleur.
03:00 Eh bien, on va tous ensemble profiter de la chance que nous avons d'avoir deux spécialistes de la question.
03:05 Et on va commencer avec vous, Cacona Itali. Comment est ce que vous réagissez quand vous entendez dire des associations dire qu'il faudrait traiter le problème à la source
03:17 et lancer le mot d'ordre, j'ai lu ça ici et là, moins de plastique à terre, moins de plastique en mer,
03:23 comme si c'était le plastique, l'élément plastique qui était la cause du problème ?
03:29 Alors bonjour à tous. Disons que c'est une partie du problème. C'est à dire qu'aujourd'hui, comme vous l'avez dit, on utilise énormément de plastique.
03:39 C'est à dire que quand on sait qu'entre 3 et 4 millions de tonnes finissent chaque année dans les océans, chaque année,
03:49 qu'ils persistent aussi dans l'environnement, qu'ils se dégradent très très lentement,
03:55 on peut se dire que là, il y a une action à mener à la fois sur le matériau, mais aussi sur la manière dont on l'utilise.
04:03 C'est à dire qu'il ne suffirait pas juste de l'interdire et de le substituer par un autre matériau qui poserait autant de problèmes.
04:11 C'est là où il faut quand même faire attention, c'est à dire qu'il faut traiter les deux sujets.
04:16 Le matériau en lui-même, on l'utilise si vous voulez pour différentes raisons, parce qu'il est cher, il est très léger,
04:23 il a énormément de propriétés qui sont intéressantes, on peut l'utiliser en très faible quantité,
04:29 avec des performances qui sont beaucoup plus intéressantes que d'autres matériaux.
04:34 Il est très difficile à substituer aujourd'hui.
04:38 Et donc quand on décide de se passer de plastique, alors quand on parle de plastique, ce n'est pas uniquement les emballages,
04:46 on parle vraiment de toutes les utilisations de plastique, il faut se dire qu'à un moment donné, il faudra également changer de comportement.
04:54 La manière dont on va utiliser finalement, que ce soit ce qui est emballé, ou la manière dont on va construire des bâtiments, etc.
05:03 Il ne faut pas juste dire "je vais éliminer le plastique et je vais continuer à consommer comme je consomme aujourd'hui".
05:09 Sur l'expression "cancer de la mer" pour le plastique, ça vous semble un peu forcé ?
05:15 Alors oui et non. C'est à dire qu'en fait, le plastique a un effet double.
05:21 Non seulement il va avoir un effet quand il est sous forme de macro-déchets, directement sur l'abu-diversité,
05:27 c'est à dire qu'en quelques semaines, il peut tuer ou blesser des animaux,
05:30 mais il peut aussi avoir un effet très long terme, c'est à dire qu'il va se dégrader au fur et à mesure du temps.
05:36 Il va parfois absorber les polluants qui sont présents localement et les diffuser un peu partout.
05:42 Donc oui, effectivement, de ce point de vue-là, on peut parler de cancer de la mer.
05:47 Sur les origines, parce que c'est important, on entend évidemment tout et son contraire.
05:52 On vous a entendu d'ailleurs récemment dans une grande émission du service public.
05:58 Si on essaie de remettre les choses au clair assez brièvement quand même, d'où vient justement la pollution du plastique ?
06:05 On parle toujours du 7e continent. Je crois que vous êtes d'ailleurs, faites partie d'une sorte d'équipe 7e continent.
06:11 Qu'est-ce que c'est que de projets, de groupes d'intervention ?
06:16 En fait, c'est une association Expédition 7e continent qui lutte contre la pollution plastique dans les océans.
06:22 Sur deux volets pédagogiques, c'est à dire qu'on va à la rencontre des vacanciers, on leur explique ce qu'est la pollution plastique
06:28 et comment lutter contre cette pollution. Et puis un aspect, un volet plus scientifique,
06:34 où en fait, on transporte des chercheurs qui viennent étudier, cartographier la pollution plastique dans les océans.
06:42 Et sur l'origine de la pollution plastique, c'est quoi ? C'est juste des déchets qu'on ne jette pas, qu'on ne trie pas ?
06:50 Alors, il y a plusieurs origines. La plus grosse partie, ce sont les déchets qu'on ne gère pas.
06:56 C'est à dire que des déchets qui se retrouvent dans l'environnement, soit parce qu'ils sont mal gérés,
07:01 qu'ils se retrouvent dans des déchets à ciel ouvert ou qui sont tout simplement jetés dans la nature.
07:05 Mais il y a également une autre pollution qui est moins visible, celle par exemple des microbes
07:10 qu'on peut retrouver dans les détergents, dans les cosmétiques.
07:13 Il y a également les poudrettes de pneus, c'est à dire quand vous roulez avec votre voiture,
07:17 vous créez par abrasion des microplastiques, en fait des micro-particules de pneus.
07:22 Ça aussi, c'est une pollution. Vous avez aussi la dégradation des peintures, etc.
07:26 Alors, d'une moindre mesure, bien sûr. La plus grosse partie de la pollution vient des macro-déchets.
07:31 Mais après, vous avez également d'autres types de pollution qui vont générer finalement par dégradation
07:36 ou tout simplement parce qu'on ne fait pas attention à ce qu'on utilise quand on fabrique certains produits.
07:42 On se préoccupe peu de la manière dont ces éléments vont être...
07:48 de la composition des produits qui vont être utilisés et donc de l'impact sur l'environnement.
07:54 On ne se dit pas "je vais utiliser des micro-billes dans mon détergent
07:57 et ces billes, à un moment donné, vont être transportées avec l'eau dans la nature".
08:02 Et donc, c'est l'origine, si vous voulez, des microplastiques,
08:07 principalement micro-déchets, mais également micro-billes qu'on peut utiliser dans ce type de produit-là.
08:12 Comment on peut combattre justement ce cancer de la mer ? Qu'est-ce qu'il faut qu'on fasse ?
08:17 Alors, la première chose à faire, c'est de réduire.
08:20 C'est-à-dire que, par exemple, si vous voulez, la grande majorité des produits plastiques,
08:27 des matériaux plastiques qu'on retrouve dans l'environnement, viennent des emballages.
08:30 Donc, déjà, réduire les quantités d'emballages de manière générale,
08:34 réduire le jetable de manière générale.
08:37 Pensez à la réutilisation aussi, pensez à de la consigne, verre ou plastique, peu importe,
08:43 mais à de la consigne et pas, si vous voulez, consommer, par exemple, des bouteilles d'eau,
08:50 pensez à la consigne, les pots de yaourt également à la consigne.
08:53 Et puis, quand le déchet est là, pensez à trier et recycler.
08:57 C'est une des conditions qui pourra permettre justement le compostage ?
09:02 Oui, alors là, vous parlez plutôt des bioplastiques, je suppose.
09:06 Alors, les bioplastiques, il faut quand même faire très attention.
09:09 On peut redéfinir peut-être ?
09:11 Oui, alors les bioplastiques, ce sont des plastiques qui sont produits non pas à partir de la pétrochimie,
09:15 mais à partir de la biomasse.
09:17 Donc, pour le consommateur, lorsque le plastique vient de la biomasse, il se dit "c'est naturel,
09:23 ça va se dégrader gentiment dans la nature".
09:25 Ce n'est pas du tout le cas.
09:27 On peut obtenir un même plastique à partir de la pétrochimie et à partir de la biomasse.
09:32 Il va se dégrader aussi lentement dans l'environnement.
09:35 Et un matériau qui est dit compostable se dégrade bien dans un composteur,
09:40 mais pas dans la nature. La nature n'est pas un composteur géant.
09:43 Donc, les conditions de dégradation sont complètement différentes.
09:46 Donc, ça aussi, il faut faire très attention à ce genre de choses.
09:48 Un matériau compostable ne doit pas être jeté dans la nature.
09:51 On demande, on l'a vu beaucoup à la France, notamment, de faire des efforts,
09:58 alors que le plus gros de la pollution n'est pas forcément d'origine française.
10:05 Est-ce que c'est injuste ou est-ce que c'est parce qu'il s'agirait de montrer l'exemple ?
10:10 Je trouve la polémique un peu étrange.
10:16 C'est-à-dire qu'on doit se dire, parce que d'autres pays polluent plus,
10:20 qu'on peut se permettre de jeter nos déchets dans la nature.
10:22 On a vu pour le carbone, on peut acheter parfois un droit de polluer à des pays qui polluent moins.
10:27 On parle quand même d'un déchet qu'on va jeter dans la nature
10:29 et qui aura un impact direct sur la biodiversité.
10:32 Vous tuez un animal, dans les premiers jours, en présence de ce déchet dans la nature.
10:36 Donc, il faut quand même se dire, à un moment donné,
10:38 qu'on a une certaine responsabilité dans cette pollution-là.
10:42 Il faut aussi se dire que les pays qui sont en voie de développement,
10:44 finalement, comme la Chine ou d'autres pays, on achète chez eux.
10:48 S'il y en a, aussi, une certaine responsabilité.
10:50 Donc, je pense qu'il faut qu'on soit aussi responsable de ce que l'on fait
10:57 et qu'on traite nos déchets et qu'on évite de se dire,
11:00 "C'est pas grave si je jette ma bouteille d'eau dans l'océan,
11:03 de toute façon, en Chine, ils font bien pire que moi."
11:06 C'est souvent malheureusement une façon de réfléchir un peu trop développée,
11:12 mais ça arrive, ce genre de raisonnement.
11:14 Vous êtes d'accord ?
11:16 Oui, on ne peut que le regretter.
11:18 Parfois, on entend dire aussi que si on doit, justement,
11:24 révolutionner un peu nos usages, faire des efforts,
11:26 ça nous obligera, finalement, à se passer d'un matériau assez génial,
11:31 léger, résistant, qui permet de conserver les aliments
11:35 et de ne pas manger la viande dans les deux jours, par exemple.
11:39 On a toujours le spectre du retour aux années 50.
11:42 Je crois que même, je vous ai entendu parler des maillots de bain.
11:45 Si on devait se priver du plastique, on serait obligés de nager.
11:49 Je parlais de cette image en commençant l'introduction,
11:53 de nager avec des maillots de bain en laine très lourds.
11:57 Ça n'oblige pas forcément ce changement d'usage à revenir aux années 50.
12:02 Alors non. Après, c'est un point de vue personnel,
12:05 mais je ne pense pas qu'on se passe à 100 % de plastique.
12:09 Clairement, non.
12:11 Par contre, on a une marge qui est juste énorme.
12:15 Ce que je veux dire par là, c'est qu'on a tendance toujours à se dire
12:18 que c'est soit tout, soit rien.
12:20 Il y a quand même pas mal d'intermédiaires.
12:22 Et on peut y aller par étapes.
12:24 Donc, il faut se dire qu'on peut réduire tout de suite,
12:29 énormément, sur certaines choses, notamment sur les emballages,
12:33 et petit à petit, voir comment on peut substituer parfois
12:37 ce passé, souvent, et finalement,
12:40 engager une évolution de la manière dont on va consommer.
12:44 Ce n'est pas une sortie totale.
12:46 De mon point de vue, on n'en sortira pas totalement.
12:49 Après, on pourra réduire considérablement dans certains secteurs.
12:54 Pourquoi est-ce que c'est si difficile de se passer du plastique, aujourd'hui ?
13:00 Parce qu'en fait, on a plusieurs objectifs.
13:03 On a la réduction des déchets.
13:05 On a la réduction aussi de l'impact CO2, de l'impact carbone.
13:10 On a énormément, si vous voulez, d'ambitions
13:14 qui sont là, en parallèle.
13:17 Et c'est parfois difficile de faire les deux.
13:20 C'est-à-dire que parfois, quand on se passe de plastique,
13:23 on peut, à un moment donné, augmenter l'impact CO2.
13:27 Mais sur le court terme, pas sur le long terme.
13:29 Donc, si vous voulez, on a une vision plutôt court-termiste.
13:32 Il faut voir sur le long terme.
13:33 Donc, c'est assez difficile, si vous voulez,
13:35 de faire comprendre aux consommateurs
13:37 qu'ils ne doivent pas regarder l'impact immédiat,
13:41 mais qu'ils doivent regarder l'intérêt long terme.
13:43 Et général, on le disait.
13:45 Ce n'est pas parce qu'ailleurs, ça pollue.
13:47 Exactement.
13:48 Est-ce que le plastique lui-même,
13:50 là, je m'adresse à la grande spécialiste, à la chimiste,
13:53 est-ce que le plastique lui-même va évoluer
13:55 pour être plus compatible avec une préservation
13:59 de notre environnement, de nos écosystèmes ?
14:02 Techniquement, est-ce qu'on est en train de travailler à ça ?
14:06 Alors, clairement, le plastique en lui-même,
14:11 un plastique ou un matériau qu'on jette dans l'environnement
14:15 et qui serait bon pour l'environnement,
14:16 pour moi, ça n'existe pas.
14:17 Non, mais qui mettrait moins de temps peut-être pour se dégrader.
14:20 Alors, c'est très compliqué,
14:21 parce que quand vous utilisez un matériau
14:23 qui soit à la fois durable quand on l'utilise
14:25 et qui se dégrade rapidement dans l'environnement,
14:27 il y a un problème, si vous voulez.
14:28 On ne peut pas tout avoir.
14:29 On ne peut pas tout avoir.
14:30 Donc, non, je ne pense pas.
14:31 Par contre, il y a des choses qu'on peut faire,
14:33 notamment si on en utilise,
14:34 et ça, c'est du court terme, vraiment du court terme,
14:38 il existe énormément de types de plastique différents.
14:40 Déjà, essayer de réduire ce nombre-là, clairement,
14:43 et puis faire très attention aussi
14:45 au type d'additifs qu'on utilise,
14:46 parce que c'est aussi ça, le problème,
14:48 ce sont les additifs qu'on utilise
14:49 qui sont parfois des perturbateurs endocriniens.
14:51 Donc ça, ça évolue en Europe,
14:52 mais ce n'est pas forcément le cas partout dans le monde.
14:55 Si on peut déjà travailler là-dessus,
14:58 je pense qu'on aura fait déjà un grand pas.
15:00 - Vous parlez souvent de circularité aussi.
15:02 Pour le plastique, donc, on peut imaginer ça.
15:05 - La circularité ?
15:06 Ah oui, tout à fait.
15:07 Oui, comme...
15:08 En fait, si vous voulez,
15:09 ce qui est assez étrange dans le cas du plastique,
15:11 c'est qu'on se dit,
15:12 bon, on ne peut pas le recycler à l'infini,
15:14 donc il n'y a pas de circularité.
15:15 C'est le cas du papier aussi.
15:17 Voilà, exactement le même nombre de...
15:20 de cycles,
15:21 puisque c'est une matière organique comme le plastique.
15:23 Donc, il y a un moment donné,
15:25 je pense qu'il faut être un peu factuel sur le sujet.
15:29 Même les matériaux qui sont recyclables à l'infini,
15:32 vous êtes quand même obligés d'ajouter de la matière vierge,
15:35 comme pour le plastique.
15:36 Voilà.
15:37 Donc la circularité existe,
15:38 mais on a encore de la marge,
15:41 très, très grande marge,
15:42 pour faire en sorte qu'elle soit efficace.
15:44 Aujourd'hui, ce n'est pas le cas pour tous les plastiques.
15:46 Il n'y en a qu'un qui se recycle bien.
15:48 Les autres, ce n'est pas encore tout à fait ça.
15:50 Mais il y a des usages du plastique
15:51 pour lesquels on ne peut pas se passer de plastique.
15:54 On a vu que les sacs, par exemple,
15:56 quand on fait nos courses,
15:57 les sacs en papier,
15:59 finalement, les gens y sont passés assez vite.
16:01 Donc, on voit moins de plastique flottant.
16:03 On en voit encore certains que les tortues avalent
16:06 et se tuent avec.
16:09 Il y a des usages du plastique
16:12 dont on ne pourra absolument pas se passer.
16:17 La question de savoir si on peut s'en passer ou pas...
16:20 Non, parce que pour les avions, par exemple,
16:21 il y a énormément de...
16:22 Pour les véhicules, pour les voitures,
16:24 pour le médical,
16:26 vous avez des applications qui sont très techniques
16:29 et des avancées technologiques
16:31 sur lesquelles on peut se dire
16:32 si on substitue, ça va poser plus de problèmes, finalement.
16:36 Dans ces cas-là, je ne pense pas.
16:38 Après, dans les usages courants, si.
16:40 Là, on peut, effectivement.
16:41 Par contre, encore une fois,
16:42 il faut faire attention
16:43 à ce que la substitution ne soit pas pire
16:46 que le matériau qu'on substitue.
16:48 Le yaourt, en tout cas, c'est mort.
16:50 On a compris, si on a regardé la télévision,
16:52 que là, pour le coup, on n'y arrivera pas.
16:55 Le pot de yaourt...
16:56 C'est très compliqué, clairement.
16:57 Passer à la consigne, ce serait mieux.
17:00 Parce que le pot de yaourt
17:01 est vraiment un produit qui est très compliqué, très complexe.
17:04 Il y a plusieurs matériaux différents.
17:06 Et quand vous essayez de recycler un composite,
17:09 finalement, c'est extrêmement complexe.
17:11 Vous n'arrivez pas à...
17:12 Pourquoi il faut que ce soit si compliqué pour le yaourt
17:14 que le matériau soit si élaboré par rapport à d'autres usages ?
17:19 Alors, c'est très technique pour le yaourt, en fait.
17:22 Simplement parce que c'est très pratique pour le consommateur.
17:25 Il peut vous casser, finalement.
17:28 Vous pouvez séparer plus facilement.
17:29 Vous n'avez pas besoin aussi d'emballages secondaires
17:32 pour le transport,
17:33 puisqu'en fait, vous pouvez les mettre les uns sur les autres.
17:36 Ils tiennent tout seuls.
17:37 Il y a une résistance à la compression, en fait.
17:39 Donc, si vous voulez...
17:40 C'est pas mal, parce que ça évite
17:41 de remettre encore du plastique pour les conditions.
17:43 Alors, ça réduit les quantités.
17:45 C'est pour ça que je disais
17:46 que c'est pas si simple que ça de substituer.
17:48 Mais du coup, ça réduit les quantités d'emballages secondaires.
17:50 Après, clairement, on pourrait s'en passer en local.
17:52 C'est-à-dire que si vous mettez en place une consigne locale,
17:54 ça marche aussi.
17:55 Avec des petits pots de fer, en fait.
17:57 C'est ça, les petits pots comme on avait avant.
17:58 Vous les ramenez dans votre magasin.
17:59 Ils sont remplis sur place.
18:00 Ils sont nettoyés remplis sur place.
18:02 Ça marche tout aussi bien.
18:03 Oui, mais remplis sur place...
18:04 Enfin, localement, je dirais.
18:06 Voilà. Pas à l'autre bout de la France.
18:08 Pour terminer, je vous ai entendu parler.
18:11 J'ai appris quelque chose.
18:13 Je suis toujours intéressé quand j'apprends quelque chose.
18:15 C'est l'histoire des gobelets de café dans les entreprises
18:18 qui ont été remplacés par des gobelets en carton.
18:22 Mais en fait, dans ces gobelets en carton,
18:24 il y a encore du plastique.
18:26 Oui, alors effectivement, moi, j'adore cet exemple.
18:29 C'est terrible, mais il est pas mal.
18:31 C'est le problème de la substitution.
18:32 C'est pour ça que je disais qu'il faut faire attention.
18:34 C'est-à-dire qu'on s'est dit, voilà,
18:36 on va substituer le gobelet en plastique
18:38 parce qu'on voit que c'est du plastique.
18:40 Aux consommateurs, voilà, à l'époque,
18:42 c'était pas forcément très tendance
18:44 d'avoir un gobelet en plastique de table.
18:46 Ça l'est toujours pas d'ailleurs.
18:47 Et donc, on l'a remplacé par un gobelet en carton
18:50 avec un fil plastique à l'intérieur pour le rendre étanche
18:53 parce que le carton n'est pas étanche.
18:55 Et quand on veut boire un café,
18:57 donc c'est un liquide chaud,
18:58 on ne peut pas juste utiliser du carton enduit classiquement.
19:01 Il faut une feuille plastique.
19:03 Assez logique.
19:05 La question est de savoir
19:06 pourquoi est-ce qu'on a remplacé ce produit
19:08 par un autre plus complexe,
19:09 sachant que là, clairement,
19:11 ce gobelet en carton,
19:12 vous ne pouvez récupérer que la cellulose
19:14 quand vous le recyclez.
19:15 Le plastique, on ne le récupère pas.
19:17 Donc pourquoi avoir remplacé un produit simple,
19:20 jetable, par un autre produit ?
19:22 - Qu'on pouvait récupérer, pour le coup, globalement.
19:24 - Il fallait mettre en place un système de récupération.
19:27 Mais clairement, ce qu'il aurait fallu faire,
19:30 ce qu'il fait maintenant, aujourd'hui, bien sûr,
19:32 c'est de réutiliser la vaisselle
19:35 quand on est au bureau.
19:36 - Ah bah oui, d'ailleurs, ça se fait bientôt.
19:38 - Je trouvais que cette façon de se dire
19:40 on va agir bien,
19:42 et en fait, en agissant finalement pire,
19:45 parce que vous dites on ne peut pas,
19:47 de toute façon, on croit récupérer tout
19:49 et on récupère qu'une partie,
19:50 était assez significative et assez riche d'enseignements.
19:53 Pour terminer, même si vous aurez le temps
19:55 d'en reparler au moment des questions du public,
19:59 vous dire le plastique, c'est l'ennemi,
20:03 il faut arrêter, c'est la fameuse phrase
20:05 que j'ai citée au début,
20:07 dire plus de plastique sur terre,
20:09 plus de plastique sur mer,
20:10 ça, c'est un petit peu schématique.
20:13 Il ne faut pas dire le plastique, voilà l'ennemi,
20:15 parce qu'on en a besoin.
20:16 - Je pense clairement que c'est schématique.
20:19 On n'y pense pas forcément,
20:21 mais les roues des voitures,
20:23 la protection des métaux contre la corrosion,
20:25 peinture anti-corrosion.
20:27 Je veux dire, il y a des utilisations
20:29 sur lesquelles, quand on n'utilise pas le produit,
20:33 potentiellement, on est obligé d'utiliser autre chose
20:35 qui aura un impact plus important.
20:36 Donc, aujourd'hui, en tout cas, je n'y crois pas.
20:40 Je pense qu'on pourrait réduire énormément,
20:42 mais je ne pense pas qu'on pourra s'en passer à 100%.
20:44 Il faut voir dans le futur s'il y a des innovations,
20:46 peut-être que, mais à ce jour, je ne pense pas.
20:49 - Et le bioplastique, donc, issu de la biomasse,
20:52 n'est pas non plus le plus vertueux qui soit,
20:54 ça reste au fond du plastique.
20:56 - Ça reste du plastique.
20:57 L'intérêt, le seul intérêt,
20:59 c'est d'éviter de fabriquer du plastique
21:00 à partir de pétrole, c'est tout.
21:03 - C'est déjà pas mal en ce moment.
21:05 Ils sont en train d'en parler, peut-être, on espère.
21:08 - Voilà.
21:09 - À quelques kilomètres d'ici.
21:11 Henri Bourgeois-Costa, de la fondation Tara.
21:14 Donc, vous, vous êtes le monsieur plastique de Tara.
21:17 Ils sont venus ici, on avait eu André Abreu
21:20 en 2019 ou 2018, peut-être,
21:23 qui nous avait parlé de cette grande opération,
21:27 mission d'ailleurs plastique,
21:29 puisque Tara allait partir le long des fleuves
21:32 pour essayer de collecter aussi,
21:35 de faire des sondages,
21:37 et puis de déterminer, de mettre en place,
21:40 de rendre publique une base de données
21:42 sur les fleuves d'Europe.
21:43 Je crois que c'était ça.
21:44 Est-ce que vous pourriez, c'était en 2019,
21:46 ça a eu lieu, nous en parler.
21:48 Qu'est-ce qu'on a appris de cette étude ?
21:51 - Les publications ne sont pas encore tout à fait faites.
21:54 - On a publié dans le coin, pour rien vous cacher.
21:57 - C'est pour les mois à venir.
21:59 Ça arrive très prochainement.
22:00 Mais ce qu'on peut retenir comme grand enseignement,
22:03 c'est l'omniprésence de cette pollution plastique.
22:05 Ça, c'est la première chose.
22:07 Et une omniprésence de plastique fragmenté.
22:09 C'est-à-dire qu'en fait, on va trouver essentiellement
22:11 des tout petits morceaux de plastique.
22:13 Donc, l'idée d'un nettoyage de l'environnement
22:16 est absolument illusoire.
22:17 Il faut complètement mettre ça de côté.
22:19 Ça ne veut pas dire que les opérations de nettoyage
22:20 n'ont pas de vertu,
22:21 notamment de vertu de sensibilisation.
22:23 Mais ça veut dire que ce n'est pas comme ça
22:24 qu'on va résoudre le problème.
22:25 Donc, il faut le résoudre à terre.
22:27 - Pour schématiser un peu vos propos,
22:30 comme je disais à Kako, c'est mort.
22:33 C'est comme le pot de yaourt.
22:34 C'est-à-dire, nettoyer les fleuves, etc.
22:36 C'est mort.
22:37 - Oui, c'est complètement mort.
22:38 Pour cette raison, déjà,
22:40 c'est que c'est complètement fragmenté.
22:42 Enfin, c'est mort dans le sens où on ne s'attaque pas
22:43 à la globalité de la problématique.
22:44 Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas ramasser des déchets.
22:46 J'insiste là-dessus.
22:47 Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
22:48 - Oui, parce que les collectes avec les enfants,
22:49 il faut qu'on continue à leur dire
22:50 que c'est bien sur les plages.
22:51 - C'est très important de le faire
22:53 pour des vocations pédagogiques,
22:54 pour des vocations de prise de conscience collective,
22:56 pour des vocations de quantification de ces déchets,
22:59 de meilleure compréhension.
23:01 Ça, c'est vraiment capital.
23:02 Par contre, si c'est fait dans l'idée de nettoyer,
23:04 c'est complètement illusoire.
23:06 Il faut être très clair là-dessus.
23:07 C'est intéressant de remarquer que c'est des microplastiques
23:11 parce qu'en fait, ça nous apprend beaucoup de choses.
23:13 Ça nous apprend beaucoup de choses
23:14 sur la façon dont fonctionnent ces déchets.
23:16 Il y a beaucoup de laboratoires qui travaillent dessus.
23:18 En gros, ces déchets, ils ne sont pas juste jetés
23:21 au bord de la mer ou jetés au bord du fleuve.
23:23 En gros, ils représentent un gigantesque gisement
23:27 de pollution plastique qui est partout dans l'environnement.
23:30 - Y compris dans les animaux, partout.
23:32 - Vraiment partout.
23:33 Les scientifiques ont un mot absolument terrifiant,
23:36 je trouve, aujourd'hui, qui est à la question
23:39 où est-ce qu'on ne trouve pas de pollution plastique ?
23:42 Et leur réponse, c'est là où on ne cherche pas.
23:44 Dès qu'on cherche, il y a 100 % des relevés
23:48 qui ont été faits à bord de la Goélette Tara,
23:50 100 % ont révélé la présence de microplastiques.
23:53 Il n'y a aucune exclusion là-dessus.
23:55 On a exactement la même chose dans l'air,
23:57 dans l'eau et sur les soies d'aujourd'hui.
23:59 - Et ça, au niveau justement de l'innovation,
24:01 on en parlait tout à l'heure,
24:03 je vous disais, est-ce que le plastique va évoluer ?
24:05 Ces micro-billes, par exemple, qu'on a partout,
24:07 notamment dans l'industrie cosmétique,
24:09 ça, on va pouvoir s'en passer ?
24:11 Parce qu'il y a les micro-billes et puis le microplastique
24:15 issu de l'érosion permanente du plastique
24:18 qui devient tout petit mais qui est toujours là.
24:20 - Pour bien comprendre la problématique plastique,
24:23 si je vous le permettais, je pense qu'il faut faire
24:25 un petit pas en arrière et regarder la globalité
24:28 de cette problématique plastique.
24:30 On a, depuis le début, beaucoup parlé de déchets
24:32 et c'est la problématique qui nous touche la première
24:34 et celle à laquelle on est le plus sensible
24:36 parce que c'est celle qui est visuelle.
24:38 Aujourd'hui, les scientifiques du groupement de recherche
24:40 Océan et Polymère, Santé et Polymère,
24:43 les scientifiques qui sont embarqués
24:45 dans le traité international sur le plastique,
24:48 l'OCDE, le programme des Nations Unies pour l'environnement,
24:51 disent que la problématique des plastiques
24:53 n'est pas une problématique que de déchets,
24:55 c'est une problématique tout au long du cycle de vie des plastiques.
24:58 C'est une problématique en amont, ce sont des produits pétroliers,
25:00 on extrait de la ressource pétrolière.
25:02 Aujourd'hui, c'est grosso modo 3% des émissions de carbone global,
25:05 ça sera 17% en 2040, donc beaucoup plus que l'aérien,
25:08 beaucoup plus que le transport domestique aujourd'hui.
25:11 Donc il y a un enjeu de réchauffement climatique
25:13 qui est très important lié à la production du plastique,
25:15 à la masse qu'on utilise aujourd'hui.
25:17 Et puis c'est un enjeu de toxique,
25:19 et de toxique qui n'est pas qu'un enjeu de toxique en fin de vie,
25:21 qui est un enjeu de toxique tout au long du cycle de vie des plastiques,
25:24 à la production, à la consommation et en fin de vie.
25:28 Ce sont 13 000 grosso modo molécules chimiques différentes
25:31 utilisées dans la production des plastiques.
25:33 Le programme des Nations Unies pour l'environnement et l'OMS
25:36 s'accorde à dire qu'un quart sont problématiques
25:38 pour la santé humaine et pour l'environnement.
25:40 Donc on voit bien qu'il y a une problématique
25:42 qui est vraiment très, très globale.
25:44 Donc, oui, évidemment, il faut qu'on travaille
25:46 à réduire la présence de ces microplastiques
25:49 dans les formulations.
25:51 Vous avez tous entendu parler des fameux microplastiques
25:54 utilisés comme agent de gommage, par exemple, dans les cosmétiques.
25:58 Mais on les trouve dans plein d'autres choses.
26:00 Et ça, il y a des textes réglementaires
26:02 qui commencent à y travailler, mais ça ne suffira pas.
26:04 Ça ne suffira pas si on n'a pas une réduction
26:06 très significative de la production du plastique,
26:09 puisqu'une partie de ces microplastiques sont des plastiques vierges,
26:12 des microplastiques qui n'ont pas encore été utilisés.
26:14 Ce sont les petites billes de fabrication dont vous avez entendu
26:16 parler sous le nom de l'arme de sirène.
26:18 Ça fait de temps en temps la une des médias,
26:21 mais en fait, ça devrait faire en permanence la une des médias
26:23 parce qu'il y a une espèce de flot continu
26:25 autour des sites de production et lors des phases de transfert
26:29 de fuite dans l'environnement et également sur la consommation.
26:33 On a tous et toutes des vêtements synthétiques.
26:36 Les vêtements synthétiques, pas qu'au lavage,
26:39 contrairement à ce qu'on peut lire régulièrement,
26:41 à l'usage simplement, perdent des microfibres.
26:44 Et ces microfibres finissent dans l'air, finissent dans l'eau,
26:46 finissent dans l'environnement.
26:48 Et donc, on a tous ces enjeux-là qui se mêlent
26:50 et qui font de la problématique plastique
26:52 une problématique extrêmement compliquée.
26:54 Je rejoins tout à fait ce qui a été dit.
26:56 Aujourd'hui, ces usages sont très, très vastes.
26:59 Il y a des usages qui vont être extrêmement difficiles à réduire,
27:02 mais on a un impératif de réduction de ce volume
27:06 et de cette complexité, de cette toxicité,
27:08 un impératif au regard de notre propre survie en tant qu'espèce,
27:12 puisque ça affecte notre santé, ça affecte notre alimentation.
27:16 Et donc, en fait, opposer un modèle économique actuel
27:20 à un enjeu écologique, c'est ne pas avoir compris
27:22 la globalité du problème.
27:24 C'est-à-dire que la question, ce n'est pas
27:25 "est-ce qu'on va se passer du plastique ?"
27:27 On va se passer du plastique. C'est exactement la même...
27:29 C'est une question de vie ou de mort.
27:30 C'est une question de vie ou de mort.
27:32 C'est exactement la même que celle qu'on pose
27:33 sur le réchauffement climatique.
27:34 La question, ce n'est pas "est-ce qu'on va réduire nos émissions ?"
27:36 On les réduira. La question, c'est "est-ce qu'on les réduit,
27:38 plastique comme carbone, de façon intelligente et anticipée,
27:41 en se préparant à ce changement-là
27:43 et en inventant des demains qui sont confortables, on va dire,
27:46 ou est-ce qu'on attend que ça s'impose à nous ?
27:49 Un seul chiffre, à l'échelle des seuls États-Unis,
27:53 les coûts santé de la production et de la consommation du plastique
27:57 ont été estimés à plusieurs milliards de dollars,
28:00 sur la seule échelle du continent nord-américain.
28:02 - Concrètement, parce qu'on a esquissé le problème
28:05 des perturbateurs endocriniens,
28:07 mais concrètement, ces problèmes de santé avec le plastique,
28:10 pour l'homme, se matérialisent comment ?
28:13 C'est quel type de maladie ?
28:15 - C'est quelque chose qui est très nouveau en matière de recherche.
28:17 On est très loin d'avoir fait le tour de la question,
28:21 mais vraiment très, très, très loin.
28:23 On sait qu'aujourd'hui, ils affectent des phénomènes assez compliqués.
28:26 Il y a plusieurs études nouvelles, notamment,
28:28 qui ont fait le lien entre présence des microplastiques
28:31 et maladies d'Alzheimer.
28:33 On a des liens qui sont avérés entre la présence
28:36 de certains additifs plastiques et l'obésité mondiale.
28:40 On a des études qui ont démontré, effectivement,
28:43 des cancérogénéités particulières,
28:45 qui vont être la cancérogénéité des styréniques, par exemple,
28:48 la cancérogénéité de certains additifs,
28:50 comme les bisphénols, comme les plastifiants.
28:52 On pourrait passer toute l'heure à parler des problématiques,
28:55 et c'est en plus par mon domaine d'expertise.
28:57 Donc, je serais assez mal à l'aise.
28:59 C'est important de le dire parce que c'est vrai que ce n'est pas seulement.
29:02 Déjà, c'est énorme. Mais l'avenir de la planète et de la faune,
29:05 etc. C'est l'homme qui est touché directement dans son corps
29:09 même par le plastique.
29:11 Oui, aujourd'hui, il faut insister sur un concept qui est capital
29:14 pour bien comprendre ces enjeux.
29:16 L'être humain, l'être humain.
29:18 Un concept qui est très, très important pour comprendre
29:20 ces enjeux environnementaux auxquels notre société se confronte.
29:24 Je suis désolé pour l'anglicisme parce que je le ferai en français aussi,
29:28 mais je le trouve moins joli en français.
29:30 On parle de One Health en anglais.
29:32 Une seule santé ou une santé globale.
29:34 Je trouve qu'en français, ça sonne un peu moins bien.
29:36 Qu'est-ce qui se cache derrière ce vocable-là?
29:38 Le fait que tout ce que l'on fait à l'environnement revient à l'homme
29:42 puisque l'homme fait partie de l'environnement,
29:44 qu'on le veuille ou non.
29:46 On a encore du mal à l'accepter dans notre culture occidentale.
29:49 C'est quelque chose qui va nous demander encore du chemin.
29:51 Mais c'est une réalité.
29:53 On vous dit que chacun d'entre nous a en lui entre 1 et 5 kilos
29:57 de micro-organismes aliens entre guillemets,
30:00 qui ne sont pas nous-mêmes,
30:02 mais qui conditionnent notre bonne santé physique.
30:04 Et aujourd'hui, on sait notre bonne santé psychique
30:06 et que ces petites bestioles là sont infiniment sensibles
30:10 à notre environnement, y compris à ce que l'on perçoit visuellement.
30:13 Ça vous donne une espèce de mise en abyme assez impressionnante
30:17 de notre lien avec l'environnement.
30:20 En quoi Tara vient justement aider?
30:23 Par rapport, vous avez parlé des grands traités mondiaux de l'OMS.
30:28 Est ce qu'ils apportent quelque chose?
30:30 Ces grands rassemblements? Il y en a un par la COP en ce moment.
30:35 Et est ce que Tara, par exemple, est là pour pour accélérer
30:38 justement une prise de conscience? Comment vous définissez votre rôle
30:41 par rapport à ces grands messes planétaires
30:43 où tout le monde vient faire de beaux discours?
30:45 C'est déjà bien, mais qui sont malheureusement
30:49 rarement suivis des faits?
30:51 Oui, alors la Fondation Tara, elle agit à deux titres.
30:55 Alors déjà, pour préciser, la Fondation Tara Océan,
30:57 elle est observatrice spéciale à l'ONU.
30:59 Donc on a ce statut particulier qui est qu'on est impliqué
31:03 dans les négociations au titre de la société,
31:06 des représentants de la société civile.
31:07 On n'y est pas seul. Bien évidemment, on y est avec une coalition d'ONG
31:10 qui travaille avec nous et on travaille à deux titres.
31:15 Au titre scientifique, on met à disposition
31:18 la recherche qui a été faite par les scientifiques à bord.
31:20 Toute la connaissance qui a été acquise et qui est encore
31:23 en train d'être acquise sur justement la présence de ces plastiques,
31:27 leurs interactions avec l'environnement.
31:29 Aujourd'hui, on a une connaissance qui est infiniment meilleure
31:32 grâce à la Fondation Tara sur les interactions entre
31:35 les micro-organismes océaniques et la présence des plastiques.
31:38 Les scientifiques parlent d'un mot qui est absolument terrifiant.
31:41 Je suis pas de plastisphère, une espèce d'écosystème
31:43 autour des plastiques qui est en train de se constituer
31:45 de virus, de bactéries.
31:47 - Là, il faut s'arrêter un peu.
31:49 Donc plastisphère, écosystème autour des plastiques.
31:53 Je connaissais le 7e continent déjà. Il existe d'ailleurs ?
31:57 - Oui, tout à fait.
31:59 - C'est le nom de cette association.
32:01 Mais la plastisphère, qu'est-ce que c'est ?
32:03 - La plastisphère, c'est le mot qui désigne une communauté
32:06 d'espèces vivantes, des bactéries, des virus, des micro-organismes,
32:10 des larves, etc., qui vont utiliser les petits morceaux de plastique
32:14 comme des supports.
32:16 On pourrait dire "Bon, et alors ?"
32:18 Et bien alors, ça va avoir plein d'effets.
32:20 Le premier effet, c'est que ça va favoriser certaines espèces
32:24 qui sont naturellement présentes au détriment d'autres
32:26 qui étaient également présentes.
32:28 Donc ça va bouleverser un peu l'équilibre.
32:29 - Pourquoi ? Parce qu'elles prospèrent ?
32:31 - Certaines vont prospérer, d'autres vont être un peu en compétition,
32:33 vont être un peu moins présentes qu'elles n'en auraient été naturellement.
32:35 Donc ça va bouleverser un peu l'équilibre.
32:37 La deuxième chose, c'est que ces petites bestioles-là,
32:39 si on passe à l'expression, elles ont comme caractéristique
32:41 une capacité de mutation génétique assez importante,
32:43 puisque ce sont des organismes assez primitifs.
32:45 Et donc elles vont échanger des gènes.
32:47 - Qui se nourrissent donc du plastique d'abord ?
32:49 - Alors elles peuvent s'en servir de support.
32:51 Certaines peuvent consommer...
32:53 - De support, c'est-à-dire ?
32:54 - Juste le poser dessus.
32:55 - D'accord.
32:56 - C'est un petit radeau, si vous préférez.
32:57 D'autres vont utiliser le plastique et vont le dégrader.
33:00 Et en le dégradant, certaines vont acquérir
33:03 un certain nombre d'éléments toxiques,
33:05 soit qui étaient présents dans le plastique,
33:07 soit qui étaient véhiculés par le plastique.
33:09 Donc on va faire pénétrer dans la chaîne alimentaire
33:12 des éléments toxiques qui étaient sur le plastique
33:14 grâce à ces petites bestioles-là.
33:16 Et donc tout ça, ça fait une communauté vivante
33:18 qui va avoir des mutations génétiques beaucoup plus importantes,
33:20 qui va s'échanger des patrimoines génétiques,
33:22 qui va circuler autour de la planète,
33:24 alors qu'elle ne circulait pas autrefois autour de la planète.
33:26 Et donc tout ça, ça pose des questions.
33:28 Aujourd'hui, on n'a pas de réponse absolue là-dessus,
33:30 mais ça pose des questions sur ce futur équilibre
33:32 des océans, et donc le futur équilibre
33:34 de l'homme vis-à-vis de l'océan.
33:36 - Quels ont été justement les dernières avancées politiques
33:40 au niveau du plastique ?
33:43 Est-ce qu'il y a des choses concrètes,
33:45 des mesures qui sont arrivées ?
33:47 - Alors, c'est la deuxième partie de la réponse.
33:49 C'est qu'évidemment, on apporte cette connaissance-là,
33:51 mais on apporte également une expertise
33:53 en matière de solutions, en tout cas des propositions
33:55 en matière de solutions. C'est pour ça qu'on parle de plaidoyer.
33:58 Et on travaille sur des enjeux d'économie circulaire.
34:01 C'est des valeurs qu'on porte assez fortement.
34:04 Alors, je précise tout de suite, l'économie circulaire,
34:06 ce n'est pas la circularité des matériaux.
34:08 La circularité des matériaux est une composante de l'économie circulaire.
34:10 - Vous en parlez tout à l'heure, voilà, avec...
34:12 - C'est une petite composante de l'économie circulaire.
34:14 Et je citerai sous forme de boutade, mais le mot, on va dire,
34:17 du père de l'économie circulaire, Kenneth Boulding,
34:19 dans les années 30, qui disait
34:21 "Croire qu'une croissance permanente de consommation
34:24 de ressources et d'énergie est possible
34:26 dans un monde aux ressources limitées
34:28 ne peut être que l'oeuvre de fous ou d'économistes."
34:31 Il était lui-même économiste.
34:33 Donc, voilà, cette logique-là, en fait,
34:36 quand on parle d'économie circulaire,
34:38 c'est réinscrire l'activité de l'être humain,
34:41 l'activité économique de l'être humain
34:43 dans les grands schémas, dans la grande circularité
34:45 des grands cycles naturels.
34:47 C'est ça, l'économie circulaire.
34:49 On a complètement dévoyé le terme de ce qu'il voulait dire à l'origine.
34:52 Et ce que nous, à la Fondation Tara, portons,
34:54 c'est cette valeur-là.
34:56 C'est de dire, aujourd'hui, sur la question des plastiques,
34:59 il y a un principe de précaution
35:01 qui doit s'appliquer, au titre de Rio, d'ailleurs,
35:03 dans un des grands textes internationaux
35:05 qui a changé des choses.
35:06 Et on peut espérer, effectivement,
35:08 que le traité international plastique ne résolve pas tout.
35:10 Il n'y a aucun doute sur le fait
35:12 qu'il soit capable de tout résoudre.
35:14 Mais qu'il soit capable de poser un grand cadre international
35:16 des objectifs vers lesquels il faut tendre
35:18 pour réduire cette dégradation majeure
35:22 de l'environnement qu'on est en train de connaître.
35:24 - Là, vous parlez du traité mondial
35:26 contre la pollution plastique.
35:28 C'est ça qui a été adopté en mars 2022.
35:30 - Alors, qui est en discussion.
35:32 - L'idée du traité a été adoptée.
35:34 - Oui.
35:35 - Voilà, l'idée a été adoptée en mars.
35:37 - Et 193 Etats seraient impliqués.
35:39 - Exactement.
35:41 - En termes de contraintes,
35:43 est-ce que les Etats ou une réunion d'Etats
35:45 peut avoir une marge de manoeuvre
35:47 sur, par exemple, les grands pollueurs,
35:49 les multinationales,
35:51 qu'elles pourraient forcer à changer,
35:53 par exemple, en moyens d'emballage,
35:55 ou est-ce que c'est illusoire,
35:57 ou est-ce que, justement, les multinationales
35:59 font partie aussi de cette réflexion ?
36:01 Est-ce qu'il y aura aussi une prise de conscience,
36:03 une envie d'agir ?
36:05 - Non, aujourd'hui, on assiste,
36:07 évidemment, à un bras de fer, indéniablement,
36:09 entre des intérêts économiques
36:11 assez forts de la pétrochimie,
36:13 disons les choses,
36:15 qui sont représentés par les pays du Golfe,
36:17 la Russie, l'Iran,
36:19 pour caricaturer un peu,
36:21 c'est un petit peu plus compliqué à la marge,
36:23 mais globalement, c'est ça,
36:25 et puis toute une série d'Etats,
36:27 plus de 70 Etats,
36:29 sont aujourd'hui alignés pour porter
36:31 ces enjeux de toxicité, de réduction
36:33 de la consommation des plastiques
36:35 très fortement. Donc on peut en espérer
36:37 des choses, oui, évidemment,
36:39 sinon on ne le ferait pas, d'abord.
36:41 On peut en espérer des choses parce qu'il y a
36:43 aujourd'hui une vraie convergence de
36:45 diagnostics, ce qui est quelque chose qui est tout à fait
36:47 nouveau. Le point de départ
36:49 de cette réflexion, c'est
36:51 un rapport de l'OCDE et du
36:53 programme des Nations Unies pour l'environnement.
36:55 Ça, c'est quelque chose qui est quand même assez marquant.
36:57 L'autre point
36:59 de départ, c'est deux Etats,
37:01 le Rwanda, un pays pauvre du Sud,
37:03 la Norvège, un pays pétrolier du Nord,
37:05 qui portent l'idée de ce traité.
37:07 Donc on voit effectivement qu'il y a une prise de
37:09 conscience globale et aujourd'hui,
37:11 on entend des prises de parole
37:13 des négociateurs officiels à l'ONU
37:15 qui sont des prises de parole qui sont finalement
37:17 très, très peu éloignées des prises de parole
37:19 des scientifiques et des ONG d'il y a deux ans.
37:21 Donc ça, c'est quelque chose qui est porteur d'espoir.
37:23 Souvent, on est un peu
37:25 dans cette vision
37:27 déçue de ce que portent
37:29 les grands traités internationaux, mais il faut aussi regarder
37:31 ce qui est positif. Et ce qui est positif, c'est qu'effectivement,
37:33 aujourd'hui, il y a une vraie convergence
37:35 du diagnostic et une vraie convergence
37:37 de ce vers quoi il faut tendre.
37:39 Et le mot réduction
37:41 est très abondamment repris
37:43 par des acteurs aussi divers
37:45 que des Etats, comme je l'évoquais, mais
37:47 également des représentants de la société civile
37:49 et environnementale. Là, il n'y a pas de surprise,
37:51 mais également aux ONG représentant
37:53 des droits des femmes, des droits
37:55 des populations autochtones
37:57 et même, et c'était quelque chose
37:59 de très, très marquant et j'ai trouvé de très significatif,
38:01 des syndicats des salariés de la place
38:03 surgit à l'échelle mondiale, qui ont
38:05 réclamé une très
38:07 forte diminution et un accompagnement
38:09 des salariés de ces secteurs-là
38:11 vers d'autres activités moins toxiques pour leur propre santé.
38:13 - Bien sûr. Pour terminer,
38:15 d'abord, je voulais revenir
38:17 sur ce septième continent dont on parle
38:19 qui a toujours frappé les esprits.
38:21 Il existe, Cacone,
38:23 à Italie.
38:25 Quel est l'avenir
38:27 de ce continent de plastique ?
38:29 Il sera là ?
38:31 Il va grossir ?
38:33 - La problématique, c'est que
38:35 on s'imagine ce continent de plastique
38:37 comme un continent de macro-déchets.
38:39 En fait, on a plutôt, comme on disait tout à l'heure,
38:41 des micros... - Oui, c'est ça.
38:43 Donc, c'est partout, le continent de plastique.
38:45 - En fait, il y a des girs océaniques
38:47 un peu partout dans le monde
38:49 et là, vous avez une accumulation
38:51 de micro-plastiques,
38:53 de macro-déchets.
38:55 Et, encore une fois, comme on le disait tout à l'heure,
38:57 on ne peut pas le nettoyer
38:59 vraiment.
39:01 Il faut tout d'abord fermer les robinets,
39:03 c'est-à-dire qu'on arrête
39:05 de jeter,
39:07 de retrouver, si vous voulez, des déchets plastiques dans l'océan.
39:09 Et après, on verra ce qu'on pourra faire.
39:11 Mais aujourd'hui, c'est illusoire
39:13 de se dire qu'on va nettoyer.
39:15 Ce n'est pas possible.
39:17 - Les micro-plastiques, là,
39:19 se mobilisent à certains endroits
39:21 de l'océan bien délimités.
39:23 - Alors, il y en a partout.
39:25 Mais, effectivement, il y a des zones où ils se rassemblent.
39:27 - Il faut insister
39:29 sur le fait qu'il n'y a pas un 7e continent.
39:31 Ce sont des zones de concentration océanique.
39:33 On a gardé l'idée du 7e, puisque c'est le 1er
39:35 qui a été connu dans le Pacifique.
39:37 La mer la plus polluée au monde,
39:39 c'est la mer Méditerranée,
39:41 par les micro-plastiques.
39:43 Et elle n'est pas alimentée par des ressources
39:45 de pollution indienne ou chinoise.
39:47 Il faut aussi ramener à notre propre responsabilité
39:49 cette réalité de pollution plastique.
39:51 - Pour terminer,
39:53 et ouvrir vers des questions,
39:55 l'un et l'autre,
39:57 est-ce que vous pensez qu'en 2040,
39:59 si on estime que ça va être en 2040,

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