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NewsTranscription
00:00 Universitaire, enseignante-chercheure, sociologue du développement,
00:04 conseillère des ordres de la Grande Chancellerie de Côte d'Ivoire,
00:07 Mme Ténin Diabaté-Touré est une observatrice fine de la société ivoirienne.
00:14 Avec elle, nous marquons une pause dans le tourbillon de l'actualité
00:18 pour se poser la question des valeurs et des modèles
00:22 qui sont en cours dans la société ivoirienne contemporaine.
00:27 Vous êtes d'un droit dans les yeux.
00:29 [Générique]
00:45 Bonjour Madame.
00:46 Bonjour.
00:47 Merci beaucoup d'avoir accepté l'invitation de cette info
00:49 pour nous permettre de réfléchir ensemble aux valeurs qui fondent la société ivoirienne.
00:55 C'est votre regard de sociologue qui nous intéresse ici
00:58 et que nous allons solliciter.
01:00 Un député de La Nation, M. Assaleh Tiemoko, pour ne pas le citer,
01:05 dénonçait il y a quelques mois une dégradation des valeurs
01:08 et des modèles dans la société ivoirienne.
01:11 Êtes-vous d'accord Madame avec ce constat ?
01:15 Oui, mais il faut faire un équilibre avec les valeurs.
01:26 Voyez-vous, quand nous regardons toutes ces sociétés,
01:30 d'ailleurs heureusement que nous avons des chercheurs
01:33 qui ont étudié la plupart des sociétés,
01:38 et qui nous disent, vous savez, que nous avons une échelle de 10 valeurs
01:44 que nous avons étudiées dans toutes les sociétés et qui se valent.
01:49 Dans toutes les sociétés.
01:51 On va en citer quelques-unes si vous voulez.
01:54 Il y a d'abord l'autonomie, la bienveillance, voyez-vous,
01:59 l'hédonisme, la sécurité, c'est une valeur, la réussite,
02:04 la solidarité, le civisme, la citoyenneté, bref.
02:09 Donc toutes ces valeurs effectivement,
02:12 lorsque nous regardons la société d'aujourd'hui, il y a problème.
02:17 Il y a problème, pourquoi ?
02:19 Parce que tout simplement, les valeurs ne sont plus ces valeurs consensuelles.
02:25 Ces valeurs qui se transmettent de génération en génération.
02:30 Et il dénonçait le fait que c'est plutôt le culte du buzz, du bruit,
02:36 de la polémique, du sexe et de l'argent facile.
02:39 On a l'impression que la nouvelle grande valeur, c'est l'argent.
02:42 D'ailleurs la génération, on l'appelle la génération "pressée",
02:46 la facilité. Mais la facilité n'a jamais été une valeur.
02:51 Le travail est une valeur.
02:53 Vous savez, dans nos sociétés, dans toutes nos sociétés,
02:55 le travail est une valeur.
02:57 Vos communautés sont perçues comme des communautés méritantes.
03:04 Donc ça pose effectivement un problème de société.
03:07 Donc vous diriez que l'esprit de facilité a gagné désormais dans la société ivoirienne ?
03:12 Tout à fait.
03:13 D'ailleurs il y a des termes, comme nous sommes en Côte d'Ivoire,
03:17 vous avez les termes "travaillement", "en même temps et mieux",
03:20 "allons-y rapidement", "en même temps".
03:24 Vous voyez, ça dénote cette facilité.
03:27 Ce n'est plus une volonté d'ailleurs, c'est un diktat.
03:32 Vous voyez une génération qui est pressée, qui veut avoir rapidement quelque chose.
03:38 Et ça doit nous interpeller, non les aînés ?
03:43 Ça doit nous interpeller parce que nous n'avons pas encore un siècle d'âge.
03:48 Voyez-vous ?
03:49 Dans le langage, vous parliez d'expressions qui disent bien un petit peu cet esprit de facilité,
03:56 ce n'est pas grave.
03:57 Oui, vous voyez, ça illustre ce que vous venez de dire.
04:02 Ces noms qui amènent pas la parole, ça jette un doute sur la qualité de l'engagement.
04:06 Tout à fait.
04:07 De l'engagement, de la parole donnée.
04:09 Tout à fait.
04:09 Donc on dit "oui" pour se débarrasser.
04:11 Pour se débarrasser.
04:12 On ne sent pas l'engagement, on ne sent pas le sens de l'organisation.
04:17 On ne sent même pas le leadership qu'on recherche, le mérite qu'on recherche.
04:24 C'est ce qui pose problème à notre société aujourd'hui.
04:27 Le pire dans la dénonciation de ce député, c'est qu'il disait que les responsables politiques
04:33 contribuent à cette dégradation en succombant eux-mêmes aux sirènes de l'immédiateté,
04:39 des réseaux sociaux, du buzz.
04:42 Vous savez, l'environnement social reste ce qu'il est.
04:47 Et on le dit très souvent que généralement les populations ont le mérite d'avoir…
04:55 Les dirigeants qui le méritent.
04:56 Les dirigeants qui le méritent.
04:58 Bon, nous n'allons pas aller sur ce terrain, mais nous disons effectivement qu'il y a un problème.
05:04 Il y a véritablement une déconstruction du modèle.
05:10 Et c'est ce qu'il faut éviter dans une société.
05:12 Vous savez, la société…
05:15 D'ailleurs, je vais me ramener à la charte de Kourouk en Fougan,
05:20 que vous connaissez certainement, la charte du Mandé,
05:24 où dans son article 9, il est dit que l'éducation de l'enfant
05:28 incombe à l'ensemble de la société.
05:31 À l'ensemble de la société.
05:34 Ça veut dire quoi ?
05:34 Ça veut dire tout simplement que nous sommes tous engagés
05:38 pour pouvoir construire une société solide, une société valoureuse.
05:43 Les modèles, quels doivent-ils être ?
05:45 Les parents, les responsables politiques, ceux qui encadrent ?
05:50 Tout à fait.
05:51 Les responsables politiques, qui sont-ils ?
05:53 Lorsqu'ils sont chez eux, ce sont les parents.
05:56 Ce sont les parents, l'éducation incombe.
05:58 D'abord, parents, d'accord, mais l'enfant est socialisé à travers la société,
06:03 socialisé à travers l'école.
06:05 C'est ça le vrai débat.
06:09 Comment expliquer, madame, vous qui êtes sociologue,
06:13 qui avez du recul, comment expliquer ce phénomène ?
06:16 En particulier l'incivisme, par exemple, qui s'est généralisé
06:19 au profit de comportements égoïstes, indélicats, superficiels.
06:23 D'où ça vient ?
06:25 Vous savez, nous avons connu un recul dès les années 90.
06:32 Nous avons vu la violence à l'école.
06:34 Nous avons vu la violence verbale.
06:37 Mais est-ce que ce n'est pas la violence politique, finalement, qui a induit tout ça ?
06:41 Eh oui.
06:42 Qui infuse dans tout le reste de la société.
06:44 Jusqu'à l'école.
06:45 L'école est un lieu de socialisation de l'enfant.
06:48 Et les parents, qui sont-ils, ces parents ?
06:51 Ce sont ces mêmes parents qui font de la politique, par ailleurs.
06:55 Et ce qu'on dit souvent au salon, c'est ce que l'enfant à côté écoute.
07:00 C'est de cela qu'il s'agit.
07:03 Il faut que la société se remette en cause.
07:06 Parce que quand il y a une déviation, la société ne peut pas ne pas se remettre en cause.
07:11 C'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans la société.
07:14 Vous datez cette dégradation des valeurs des années 90,
07:18 c'est-à-dire de la dégradation de la notion de vivre ensemble.
07:21 Oui, la notion de vivre ensemble.
07:23 C'est vrai, il y a eu le multipartisme, il y a eu l'expression plurielle.
07:28 Mais qui a débordé ?
07:30 Vous savez, l'histoire de la Côte d'Ivoire politique est très récente.
07:34 Nous avons vu tout ceci.
07:36 Nous avons vu des écarts de langage entre des aînés, entre des vieux et des plus jeunes.
07:42 Et nous avons sonné à l'époque, nous avons mis l'accent sur la sonnerie d'alarme.
07:47 Pour dire "attention, attention, une société qui dévie d'une certaine valeur,
07:53 c'est une société qui va à volo".
07:56 Il faut remettre la morale à l'école.
07:59 Il faut mettre l'accent sur la citoyenneté, sur le civisme.
08:04 Parce que c'est de cela qu'il s'agit.
08:06 Justement, quelles conséquences vous dites "c'est une société qui va à volo" ?
08:10 Quelles conséquences on peut imaginer pour notre société si on ne prend pas cette conscience-là ?
08:18 Vous l'aviez dit. Je crois qu'il faut revenir là-dessus.
08:22 Et cette société, malheureusement, en 2002, tout s'est déglingué.
08:27 Avec les prises d'armes, avec tout ce que nous connaissons comme déchirures sociales.
08:35 Entre le Nord, le Sud, entre les crises socio-politiques, militaires ou politiques,
08:43 et les crises sociales même, je dirais.
08:46 Il y a eu une déchirure profonde de cette société ivoirienne.
08:49 Et c'est pour cela qu'il faut que nous nous ressaisissons.
08:52 Il faut que nous nous ressaisissons à travers l'éducation des enfants.
08:56 Parce que les parents sont de plus en plus jeunes.
08:59 C'est de cela qu'il s'agit.
09:00 Les parents sont de plus en plus jeunes, donc ces mêmes parents doivent être aussi encadrés.
09:05 Doivent être aussi encadrés du point de vue de l'éducation, du point de vue de la citoyenneté.
09:10 Voyez, de plus en plus, nous parlons de quoi ?
09:12 Nous parlons de l'hygiène du milieu, au lieu de réfléchir à la vision d'une société.
09:18 Voyez-vous, c'est en cela que très souvent, je ne dis pas que je regrette le passé,
09:25 mais je me réfère à l'environnement, du développement, il y a seulement quelques années.
09:34 Voyez-vous, quand on prend les points quinquennaux de l'accord d'Ivoire,
09:37 on parlait du bonheur de l'homme ivoirien.
09:40 Et en parlant du bonheur de l'homme ivoirien, on parlait de la croissance,
09:45 de la croissance forte qui devait permettre ce bonheur de l'homme ivoirien.
09:51 Mais le bonheur, le tir d'où ?
09:53 Des valeurs, des valeurs.
09:56 Vous êtes justement conseillère des ordres de la grande chancellerie de Côte d'Ivoire.
10:02 Disons que c'est l'institution gardienne du Temple des valeurs de la République.
10:06 Tout à fait.
10:07 Et que vous promouvez à travers le système des décorations.
10:11 Est-ce que vous pouvez rappeler ce que sont justement ces valeurs de la République ?
10:16 Celles déjà qui sont dans la devise ?
10:17 Oui.
10:18 C'est le premier niveau ?
10:20 Oui, le premier niveau, l'excellence.
10:23 L'excellence de ce que vous êtes en train de construire pour l'État de Côte d'Ivoire.
10:28 Et l'État de Côte d'Ivoire se souvient toujours de ses enfants valeureux,
10:32 de ses enfants qui font l'excellence,
10:35 qui ont le mérite d'entraîner les autres vers l'excellence.
10:39 Le souci des autres.
10:40 Le souci des autres.
10:41 L'idée du service.
10:42 L'idée du service rendue à la nation, ça c'est important.
10:46 L'idée d'être performant dans son domaine d'activité.
10:52 Parce qu'il ne prenait pas seulement les intellectuels, nous allons jusque dans le milieu rural.
10:56 Nous prenons les meilleurs, le mérite, celui qui construit la nation ivoirienne.
11:01 Je crois que c'est important.
11:02 Et c'est une grande valeur pour nous.
11:04 Et le civisme, c'est-à-dire le vivre ensemble.
11:07 Ah oui, le vivre ensemble.
11:09 Le vivre ensemble, comme disait Confucius,
11:11 la volonté de gagner, l'envie de réussir, l'envie d'atteindre le meilleur potentiel,
11:19 ce sont ces clés qui vous ouvrent la réussite personnelle.
11:23 Et c'est cette réussite personnelle qui construit un État.
11:26 L'idée de l'ivoirien nouveau qui avait été émise par le chef de l'État,
11:31 M. Alassane Ouattara, au moment de sa campagne pour sa réélection en 2015,
11:37 est-ce que vous l'avez vu comme une réponse du plus haut sommet de l'État
11:41 à ce même constat de la dégradation des valeurs ?
11:44 Comment vous avez interprété ça ?
11:46 C'est le même constat, il faut le dire.
11:49 Parce qu'à un moment donné, il fallait mettre le haut là.
11:53 Donc il y a eu une prise de conscience.
11:55 Il y a eu une prise de conscience.
11:56 Et c'est pour cela que…
11:58 Et comment vous le définissez, l'ivoirien nouveau ?
12:00 Est-ce que ce n'est pas l'ivoirien ancien, justement ?
12:03 Le retour de l'ivoirien.
12:05 Le présent se nourrit du passé.
12:07 Voyez-vous ? Le présent se nourrit du passé.
12:10 Moi, je vais vous donner une image comme ça.
12:12 À l'époque, quand vous arriviez en retard à l'école,
12:15 le portail était fermé.
12:18 Les autres entrent en classe.
12:21 Et sinon, après que vous venez, vous rentrez dans la cour de l'école.
12:26 Voyez-vous ?
12:27 Donc il y avait la discipline.
12:30 La discipline.
12:32 Et la discipline se trouve dans notre devise.
12:35 Discipline, travail.
12:37 Le travail, d'abord.
12:38 Qu'avez-vous fait pour arriver en retard ?
12:40 Le travail, avant tout.
12:41 Et comment vous le définiriez, vous, l'ivoirien nouveau ?
12:44 L'ivoirien nouveau, je le définis à travers les valeurs.
12:47 C'est le citoyen.
12:48 C'est celui qui se met au service des autres.
12:51 Voyez-vous ? Tout à l'heure, je parlais de l'autonomie.
12:54 Mais l'autonomie, ce sont les parents qui aident les enfants à être autonomes.
12:58 Et l'enfant se prend lui-même en charge quand il est majeur.
13:01 C'est déjà cela.
13:02 La bienveillance.
13:04 Être bienveillant veut dire être poli, être discipliné.
13:08 Pas égoïste.
13:09 Pas égoïste.
13:10 D'où la solidarité que vous avez relevé tout à l'heure.
13:14 D'où d'ailleurs, pourquoi pas, il faut le dire, la tradition aussi.
13:18 Il n'y a pas que des antivaleurs.
13:20 Dans la tradition, il y a des valeurs.
13:23 Et ces valeurs, c'est de respecter souvent le droit d'honnêteté.
13:27 C'est d'être au service des autres.
13:30 C'est de pouvoir utiliser du civisme, c'est-à-dire être bénévole dans certains services de l'État,
13:37 qu'on rend à l'État.
13:39 Parce que nous, nous avons connu cela.
13:41 Nous avons connu l'époque où des étudiants ou des élèves allaient en milieu rural
13:46 et apportaient un plus de leur savoir à leurs parents en milieu rural.
13:51 Mais on peut faire un constat quand même, c'est que l'on n'entend plus beaucoup parler
13:56 de la part des autorités de cette idée d'ivoirien nouveau.
13:59 Est-ce que c'est un renoncement ? Est-ce que c'est un constat d'échec ?
14:02 Est-ce qu'on se dit non mais, on n'y arrivera pas ?
14:05 Non, il ne faut pas renoncer justement.
14:07 Le développement c'est une œuvre de longue haleine.
14:10 Et le changement fait partie du développement.
14:14 La gestion du changement, c'est le développement d'ailleurs, c'est la gestion du changement.
14:18 Il ne faut pas renoncer.
14:20 Il faut faire une analyse des forces et des faiblesses.
14:23 Mais pourquoi on n'en parle plus ? Pourquoi on ne continue pas à m'articuler ?
14:26 Nous en parlons là.
14:27 Oui, mais nous en parlons parce que c'est notre initiative.
14:30 Mais c'était une impulsion très forte qui venait du plus haut sommet de l'État.
14:34 Et on a l'impression que ça s'est un peu perdu.
14:37 Ah non, il ne faut pas se la perdre.
14:39 D'ailleurs moi, à mon niveau, dans mes petites recherches,
14:42 j'ai défini le mot émergence par l'éveil des consciences.
14:48 L'éveil des consciences.
14:49 Mais l'éveil des consciences, qu'est-ce que c'est ?
14:51 C'est cela.
14:53 C'est la citoyenneté.
14:55 C'est l'éducation.
14:57 L'éducation des enfants.
14:59 Et l'éducation des enfants, ça se socialise par l'école.
15:03 Ça se socialise par l'État.
15:05 C'est l'école républicaine.
15:07 Il ne faut pas renoncer.
15:09 Il ne faut pas renoncer.
15:10 Parce que cela traduit, illustre bien la vision de l'accord d'ivoire du futur.
15:18 Donc on encourage le chef de l'État et les autoritaires à continuer sur l'ivoirien nouveau.
15:23 Bien sûr.
15:25 Il faut le faire.
15:26 Il faut ramener la morale à l'école.
15:28 Il faut ramener la citoyenneté à l'école.
15:31 Il faut faire en sorte qu'il y ait, comment je peux vous dire ça,
15:34 des vacances studieuses certes,
15:36 mais des vacances communes au service de la société, de la nation.
15:41 Parce que c'est ça aussi, le vivre ensemble.
15:43 Nous avons connu des étudiants en son temps, des comités d'étudiants,
15:46 qui allaient sur le terrain lorsqu'il y avait un incendie dans un village,
15:49 qui apportaient leur concours aux populations.
15:53 Parce que ça, c'est aussi l'ivoirien nouveau.
15:55 C'est d'apporter son service à la nation.
16:00 Parce qu'une nation, ça ne se crée pas en un jour.
16:02 Bien sûr.
16:03 Voilà.
16:04 C'est une œuvre de longue haleine.
16:05 Il ne faut pas baisser les bras.
16:06 Et nous, il nous le faut.
16:07 Mais n'oublions pas que nous sommes dans l'ère de la digitalisation, du numérique.
16:13 Donc cet enfant sera l'adulte de demain.
16:17 Si nous, nous ne prévoyons pas la vision que nous voulons donner à cette Côte d'Ivoire d'aujourd'hui, demain,
16:24 alors nous avons failli à nos devoirs.
16:29 Et puis, il y a un sujet pour lequel on a vraiment le sentiment qu'il y a une prise de conscience,
16:34 qui est une vraiment gangrène pour la société, c'est la corruption, assez généralisée.
16:38 Quels sont à votre avis les racines de ce phénomène de la corruption ?
16:42 C'est cette facilité.
16:45 C'est de prendre, je dirais, le raccourci tout de suite, pour arriver tout de suite.
16:52 Enfin, nous autres, à notre âge, on n'a pas la centaine, mais à vous de non, c'est pas grave, il n'y a pas de caméra.
16:59 Mais on ne sent pas que c'est la dignité humaine que nous sommes en train de froisser.
17:05 C'est ça la corruption.
17:06 Le corrompu est le corrupteur.
17:09 C'est la dignité humaine, parce que nous enfouissons le travail,
17:15 et nous faisons de ce travail une facilité.
17:20 Non, ce n'est pas cela le mérite ni l'excellence d'un État.
17:24 On connaît les dégâts de la corruption pour l'économie, par exemple.
17:27 Oui, tout à fait.
17:28 Quelles sont les conséquences pour le développement du pays, pour la société même, pour l'état d'esprit dans la société ?
17:33 Une société qui ne travaille pas.
17:36 Une société qui ne travaille pas, tout simplement.
17:38 On dit quoi ? Qu'est-ce qu'on dit ?
17:40 On dit "Oh, mais c'est pas bien grave, un peu de danse, on remet les jambes et puis bon, ça va comme les enfants."
17:44 Mais non, on ne construit pas un État comme ça.
17:47 On ne construit pas une nation de la sorte.
17:49 C'est de cela qu'il s'agit.
17:51 Je disais il y a quelques jours à un ami journaliste,
17:56 j'ai dit "Il va falloir revenir à certaines chansons qui se construisaient
18:02 et qui donnaient des leçons de morale à la société.
18:07 On n'en entend plus."
18:10 Vous voyez, il y a tout ça.
18:12 Parce que c'est tout ce qui fait un État, c'est tout ce qui fait une nation.
18:16 L'État a créé pas mal d'institutions dédiées à la lutte contre la corruption.
18:19 Est-ce que vous pensez que ça, c'est trop ancré ou est-ce qu'on peut s'en sortir ?
18:24 S'en sortir, il faut que tout le monde s'y mette.
18:28 Vous voyez, je prends même le système, le système scolaire.
18:34 Il faut que, dès le départ, nous balisons le chemin de la bonne gouvernance.
18:42 Vous voyez, j'aime souvent citer le nom de ce pays à mes étudiants, le Bhoutan.
18:47 C'est vrai, c'est un petit pays de 47 000 km2, mais qui n'a que 800 000 habitants.
18:53 Mais comme pilier de développement, il y a d'abord la bonne gouvernance.
18:58 Après la bonne gouvernance, il y a le développement économique et social durable.
19:04 Il y a la préservation de la nature.
19:07 Voyez-vous ? Préservation de la nature.
19:10 Il y a les valeurs socio-culturelles comme pilier de développement de cet État.
19:17 Et puis, ensuite, il y a l'éducation.
19:20 Vous voyez, c'est important, la bonne gouvernance.
19:22 La bonne gouvernance, c'est une valeur.
19:24 C'est une valeur sociétale.
19:27 Ça l'est dans tous nos contrées, la tradition, la chefferie.
19:32 Mais il ne devient pas chef qui le veut.
19:35 Et le chef, très souvent, vous connaissez l'Abyssa, le chef est évalué.
19:40 - Écouté. - Écouté, il est écouté.
19:42 - C'est le jour où on peut lui dire toutes les vérités. - C'est le jour où on peut lui dire toutes les vérités.
19:48 Donc, c'est vraiment, je dirais, c'est une morale ancrée dans nos sociétés.
19:54 Il faut combattre la corruption.
19:58 Il faut que la justice soit faite. C'est cela, la justice.
20:03 Madame, vous en avez beaucoup parlé, vous l'avez évoqué à plusieurs reprises dans la première partie de l'émission.
20:11 On a l'impression que pour vous, la solution, c'est l'éducation et c'est l'école.
20:16 Oui.
20:18 Expliquez-nous ça.
20:20 Voyez-vous, la petite enfance, c'est partout. La petite enfance.
20:29 Pourquoi ? En notre époque déjà, c'était juste après l'indépendance, un an, deux ans après l'indépendance de la Côte d'Ivoire.
20:41 Nous avons tout appris à partir de la petite enfance.
20:45 Il y avait l'école maternelle déjà, c'est vrai, la petite enfance.
20:50 Mais après, l'école maternelle qui était mixte, il y avait l'école primaire des filles et l'école primaire des petits garçons.
21:00 Mais lorsque vous allez chez les filles, mais quels étaient les modèles ?
21:04 C'était les institutrices.
21:07 Depuis leurs atouts, c'est-à-dire depuis leurs vêtements, leurs habits, jusqu'à leur démarche.
21:14 C'étaient des femmes fortes.
21:15 Ah oui.
21:17 Des femmes qui en imposaient.
21:18 C'étaient des femmes fortes.
21:20 Et elles ont marqué les petites filles que vous étiez.
21:24 Tout à fait.
21:26 Et vous aviez envie de leur ressembler.
21:28 On avait envie d'être comme ces femmes-là.
21:32 Donc la figure de l'instituteur à l'école, elle est forte, elle est importante.
21:38 Je vais vous dire, c'est vrai, nous autres, nous sommes des petites filles privilégiées,
21:44 parce qu'on avait des parents qui avaient été à l'école, qui étaient des fonctionnaires, etc.
21:50 On va y revenir, si vous permettez.
21:51 D'accord.
21:52 Alors, cette petite fille qui voit ses institutrices arriver soigneusement habillées, qui est à l'heure,
22:01 qui a tout de rôle à assurer le service de l'école.
22:06 La cour devait être propre parce que c'est madame, excusez-moi, madame Dina Serra qui était de service.
22:12 Tout était propre.
22:14 Et ensuite, à tout rôle, elles assuraient cela.
22:18 Voyez-vous, je vais vous dire, j'étais dans une de mes petites classes
22:23 quand on m'a fait jouer le rôle de la mère de famille.
22:27 C'était une fierté ?
22:29 Ah oui.
22:30 Alors on m'a dit de jouer la mère de famille.
22:33 Et dites-moi quels étaient les mots forts dans ce récit.
22:39 Je suis la mère de famille à la tête d'une maison.
22:43 Vous voyez, déjà, on fait apprendre à la petite fille qu'elle peut être aussi chef de famille à 10 ans, à 8 ans.
22:54 Je suis à la tête d'une famille, je suis à la tête d'une maison.
22:57 Et les enfants me répondent, mais nous sommes nombreux, maman, comment tu vas pouvoir t'occuper de nous ?
23:02 Elle dit, je prendrai mes mains pour arriver à vous éduquer, à vous donner une éducation.
23:10 Vous voyez ces forces ? Ce sont des images très fortes.
23:13 J'en parle comme si j'avais 10 ans.
23:15 Oui, oui, mais avec émotion, on le sent.
23:17 Et alors je voudrais justement partager avec nos téléspectateurs un peu de votre histoire personnelle justement
23:23 parce qu'elle me paraît forte de sens.
23:26 Une histoire qui vous amène de petite fille qui s'avère brillante à l'école,
23:30 à l'école élémentaire jusqu'à professeur d'université quand même.
23:34 Et cela commence déjà par une originalité dans votre famille, c'est que vos deux parents ont fréquenté l'école à Mans.
23:42 Est-ce que vous pouvez expliquer comment votre maman a été amenée à être scolarisée ?
23:48 Oui.
23:49 Ce qui n'était pas courant du tout.
23:51 Ce n'était pas courant du tout, c'est vrai.
23:53 Comment c'est arrivé ça ?
23:56 Voilà la petite fille qui était auprès de sa maman devant la cuisine.
24:04 Et puis l'interprète qui vient dans la cour.
24:07 Et les frères ?
24:08 Les frères étaient déjà au champ puisque c'était certainement l'entrée scolaire
24:14 et le père avait vu venir la chose, il a expédié tout ce petit garçon au champ.
24:20 Il n'y avait que la petite fille ?
24:22 Il n'y avait que la petite fille qui ne devait pas aller à l'école parce qu'une fille ne va pas à l'école,
24:28 elle se marie, elle fait des enfants et puis bon, c'est ça.
24:31 Et puis l'interprète lui dit mais…
24:33 La cour est portable.
24:34 L'interprète c'était qui ?
24:36 L'interprète c'était à l'époque, c'était celui qui était auprès du gouverneur,
24:40 qui jouait, qui représentait les autorités locales, etc.
24:44 Et qui faisait l'interprète.
24:47 Et l'interprète qui dit, écoutez, si les garçons ne sont pas là,
24:52 et la petite fille, nous on va la prendre, elle va aller à l'école.
24:56 Et mon grand-père qui dit, sacrilège, fille à l'école,
25:01 elle doit se marier, faire des enfants et puis c'est fini.
25:05 Elle va dans son foyer.
25:06 Elle dit, ah non, tu la laisses partir, on va l'inscrire à l'école,
25:10 sinon toi tu vas payer l'impôt de capitation.
25:13 À l'époque c'était ça.
25:15 Et voilà comment ma mère a pu être inscrite à l'école régionale de Mans.
25:21 Elle a fait ses études et c'est pas fini.
25:23 Quand elle a fini de faire ses études,
25:25 elle va avoir un petit chemin pour rentrer chez le gouverneur.
25:30 À l'époque, le gouverneur, l'autorité coloniale à Mans,
25:36 la femme du gouverneur va sympathiser avec elle.
25:40 C'était une brillante petite fille.
25:42 Petite fille en son temps.
25:44 Et puis elle va vouloir se présenter au concours d'infirmière.
25:48 Le père ne va pas accepter cela.
25:51 Non, mais elle a l'âge de se marier et elle n'a pas pu.
25:54 Et voilà le poids quand même de la tradition.
25:58 Mais quand même, elle a pu continuer ses études et puis voilà.
26:03 Et donc votre papa était inspecteur des impôts,
26:05 donc vous avez vécu dans un milieu, je dirais, de classe moyenne.
26:08 Oui, de classe moyenne quand même.
26:11 Mais avec une éducation stricte.
26:13 Mais là-bas, la scolarisation des enfants, ça, ce n'était pas une option.
26:18 Tout le monde devait être scolarisé.
26:20 Ah si, tout le monde était scolarisé.
26:22 Du coup, avec les deux parents eux-mêmes scolarisés, ils ont veillé.
26:26 Oui, et j'étais la petite princesse quand même.
26:30 Mais vos parents, ils avaient conscience que l'ascension sociale,
26:34 même avec de leurs dix enfants, ça passait par l'école.
26:38 Par l'école, oui.
26:39 Ils en avaient conscience.
26:41 Ils en avaient conscience de telle sorte que moi, à l'école primaire,
26:44 et comme la directrice de l'école était promotionnaire à papa,
26:49 le jour qu'il n'y avait pas d'école, c'est-à-dire le jour de repos,
26:53 ils me déposaient chez la directrice de l'école.
26:56 Pour répéter ?
26:58 Non, pas seulement pour répéter, pour voir ce modèle.
27:02 Voyez comment nos parents éduquaient leurs enfants.
27:04 C'était la société qui éduquait l'enfant.
27:07 Et Péa Sonam, c'était une des filles de Satégi Sangaré,
27:12 Madame Jeanne Fadiga, je l'ai encore dans mon regard.
27:16 Donc, ils vous la mettaient en face de vous comme un modèle.
27:19 Comme un modèle.
27:20 Et elle s'occupait de moi comme de ses enfants.
27:24 Et quand elle était là, elles venaient me chercher.
27:26 Et cette expression que vous venez d'employer,
27:28 c'est la société qui éduquait les enfants.
27:30 Oui, tout à fait.
27:31 C'est fort et c'est vraiment quelque chose qui m'occupe.
27:34 Et comme j'étais la préférée, il fallait que je travaille dur
27:39 pour avoir la confiance de ma directrice d'école.
27:42 Mais alors c'est un paradoxe, tous les enfants devaient être scolarisés,
27:45 mais vous, ils vous ont un peu oublié au démarrage.
27:47 Ah oui ?
27:48 Ils vous avaient démarré un peu plus tard.
27:50 Alors, moi, à chaque anniversaire, des poupées, des dîners,
27:54 et mon père arrive un jour, avec son vélo,
27:58 il garde son vélo, il demande à maman,
28:01 "Mais attends, maman, elle doit aller à l'école, non ?
28:04 Elle n'a pas l'âge ?
28:06 Ah mais écoute, certainement.
28:08 Ah ben dis, on l'a oublié !"
28:11 Et c'est comme ça que vous avez commencé ?
28:13 Et puis on ramasse le vélo et puis on m'amène à l'école.
28:16 Et puis on va m'inscrire à l'âge de 7 ans.
28:19 On va m'inscrire à l'école.
28:21 Il y avait déjà eu trois mois d'écoulée,
28:23 et comme la directrice de l'école, c'était Mme Jeanne Sangaré,
28:27 qui était aussi promotionnaire à mon père,
28:30 m'a dit "Mais écoute, amène-moi ma fille,
28:32 tu l'as oubliée, tu vas payer une amende, laisse-la moi."
28:35 Et c'est ainsi que j'ai commencé mon école.
28:38 Et toute joyeuse d'ailleurs,
28:40 parce que moi aussi j'attendais d'aller à l'école.
28:43 Donc ça s'est bien passé à l'école,
28:45 puisque vous entrez à l'université dans les années 70,
28:49 étudiante, en histoire-géographie.
28:51 73, 74.
28:53 Dans les années 70.
28:55 Voilà.
28:57 En histoire-géo, puis en sociologie.
29:00 Et puis, votre père fait montre d'une grande ouverture d'esprit,
29:04 même s'il était strict sur l'éducation.
29:06 Ah oui, oui, oui.
29:07 Parce que c'est peut-être aussi une leçon de vie.
29:09 Il vous dit "Tu choisis ta voie, c'est ta vie."
29:12 Tout à fait.
29:13 Et ça, je vais quand même faire une note pour parler
29:17 de cette ouverture d'esprit des enfants.
29:20 Il faut donner à l'enfant la possibilité d'être ouvert vers l'extérieur.
29:24 Et cela est important.
29:26 Voyez-vous, jusqu'à l'âge de 18 ans quand même,
29:30 j'étais avec les parents,
29:32 et j'ai été orientée au lycée technique d'Abichan.
29:36 À l'époque, c'était la seconde AB.
29:39 On faisait de l'économie.
29:41 Vous comprenez pourquoi ?
29:42 J'ai un dada pour l'économie.
29:44 Et puis, bon, les meilleurs élèves de Boakye,
29:49 on les oriente au lycée technique.
29:51 Je fais partie, je les remercie.
29:54 Mais au premier tournoi, ça ne se passait pas très bien.
29:57 On était dépaysés.
29:59 Et puis, il y a trois de mes collègues,
30:02 Brian aussi, qui était à Boakye,
30:05 ils viennent me voir,
30:06 ils me disent "Ah, Athene, nous, ça ne va pas.
30:09 Les élèves d'Abichan, là, ils sont indisciplinés.
30:14 Et puis, ils aiment jouer, mais ils aiment apprendre.
30:19 Et nous, on n'arrive pas à sortir la tête de l'eau.
30:22 Et nous, on risque de mordre la poussière ici.
30:25 Nous, on retourne à la base.
30:27 Et moi, j'ai l'air de cesser.
30:29 Et vous savez, dans la vie, c'est Dieu qui a décidé.
30:32 On nous a orientés ici.
30:34 Moi, je reste.
30:35 Moi, je ne bouge pas.
30:36 Vous voyez déjà la petite fille ?
30:38 Je dis "Moi, je ne bouge pas.
30:39 Moi, il faut que je me mette à travailler.
30:41 Si, je retourne.
30:42 Mais papa va me dire "Pourquoi ?
30:44 C'est parce que tu n'as pas travaillé."
30:46 Alors, moi, je reste.
30:47 Moi, je ne bouge pas.
30:49 C'est un peu une caractéristique de votre caractère.
30:53 Parce qu'il y a aussi une originalité.
30:55 C'est que vous avez refusé une bourse aux États-Unis
30:58 pour partir étudier aux États-Unis
31:00 parce que vous vouliez rester en Côte d'Ivoire en vous disant
31:02 "On a tout ce qu'il faut ici."
31:04 Ça, je l'ai fait.
31:05 C'est assez fort.
31:06 Peu de gens auraient résisté à cette sienne-là.
31:09 J'étais moi, au Ohio University.
31:12 Moi, je ne vais pas là-bas.
31:14 Je ne vais pas là-bas pour faire la sociologie de développement.
31:17 Mais non, tu pourras professer, tu pourras enseigner le français.
31:21 Non, non, non.
31:22 Moi, ici, j'ai une société d'État.
31:25 Dès que je réussis au mois de juin,
31:28 j'ai mon stage qui est assuré à trois mois.
31:31 C'était le BNET ?
31:32 Le BNET, le Bureau National d'Études Techniques et de Développement
31:35 qui juxtait la présidente de la République.
31:38 Je dis "Moi, je ne bouge pas."
31:39 Comment ?
31:40 Ensuite, quand vous devez aller à l'école,
31:43 l'autobus vient vous chercher à la cité.
31:46 Et puis moi, je dois aller me mettre dans le front là-bas, dans le grand.
31:50 Moi, je ne bouge pas.
31:51 Mais vous aviez conscience de ce que vous appelez le génie socio-économique du président,
31:59 ou fouet de boîte.
32:00 Oui, tout à fait.
32:01 Tout à fait.
32:02 Je l'ai dit tout à l'heure.
32:03 Ça, c'est quelque chose que vous vouliez, d'une certaine manière, en bénéficier
32:07 et profiter de ce qui était possible de faire ici.
32:10 Ce qui était possible en son temps.
32:11 Ça, sincèrement, on avait cette éducation rigoureuse.
32:16 C'est-à-dire, tous ceux qui étaient brillants,
32:20 savaient vraiment qu'ils avaient des études sérieuses à faire.
32:24 Et des perspectives.
32:25 Et des perspectives devant eux.
32:27 Vous trouvez qu'aujourd'hui, les jeunes manquent de perspectives ?
32:30 Oui, tout à fait.
32:32 Vous voyez, vous avez dit tout à l'heure que j'ai refusé une bourse.
32:35 C'est vrai que j'ai refusé.
32:37 C'est le décanat qui m'avait sélectionnée et qui m'avait fait appel pour dire
32:42 "Maman, on va débattre, nous voyons votre profil, vous allez faire ça."
32:46 J'ai dit carrément aux doyens, ça ne m'intéresse pas.
32:49 Je reste en Côte d'Ivoire.
32:51 Voyez-vous, c'est parce que j'avais une perspective.
32:54 Et déjà, étudiante, je dois vous dire, quand je dis le génie économique du présent au fouet,
33:00 déjà, étudiante, on avait la possibilité d'avoir un logement à nous.
33:07 Le logement équipement minimum, c'était aussi bien pour les retraités,
33:12 les étudiants et les personnes vulnérables.
33:16 Nous, nous en avons bénéficié.
33:19 Voyez-vous, c'était fou.
33:22 Déjà, première année, deuxième année, on avait cette possibilité d'avoir un logement
33:27 à nous qu'on devait construire.
33:30 Si bien que moi, dès qu'il y avait des mouvements, des petites grèves,
33:35 je me dis qu'on nous a tout donné.
33:37 Moi, je m'en vais chez moi, pour éviter tout ça.
33:40 Donc, vous êtes docteur, vous avez fini vos études en passant votre thèse,
33:45 vous êtes docteur en sociologie du développement.
33:47 Il n'y avait pas tellement autant de femmes que ça à cette époque-là ?
33:50 Oui, quand même, oui.
33:52 Il n'y avait pas autant que ça.
33:55 Mais quand même, quand même, quand même.
33:57 Ça a commencé, les années 70.
33:59 Oui, les années 70, 86 quand même.
34:02 On commençait déjà à avoir certaines perspectives.
34:07 Il y en avait, il y avait déjà des femmes.
34:10 L'école ivoirienne, qui a été un modèle dans toute la sous-région,
34:13 a subi, après Félix Puffoy de Boigny, une forte dégradation.
34:18 Comme pour les valeurs, on est tenté de se demander pourquoi.
34:22 Pourquoi il y a eu cette désintégration, cette déliquescence de l'école ?
34:26 Qu'est-ce qu'il y a eu ? C'est toujours la même chose, les mêmes causes ?
34:29 Bon, pas forcément les mêmes causes, mais il y a eu la massification des effectifs.
34:34 Il faut le dire, aujourd'hui encore, nous avons près de 77% de jeunes,
34:39 mais n'empêche, il faut avoir de la vision pour son pays.
34:43 Voyez-vous, il y a des pays dans ce monde qui ont le grand nombre,
34:47 qui ont choisi des voies de développement.
34:50 Aujourd'hui, on parle de l'Inde qui sera plus peuplée que la Chine, etc.
34:55 Mais ils se donnent une vision de développement.
34:58 Et je crois que c'est ce qu'il faut faire.
35:00 Voyez-vous, je m'en suis souvent mis à traduire l'émergence en termes d'acrostiche.
35:07 J'ai dit, dans l'émergence, quand l'État n'est pas fort,
35:10 quand l'État ne fait pas de réformes nouvelles,
35:15 n'est pas peur de faire changer sa société, l'État ne peut pas réussir dans cette voie-là.
35:21 Alors quel regard, justement, vous portez sur l'école de la Côte d'Ivoire contemporaine ?
35:27 Est-ce qu'elle joue pleinement son rôle de formation des jeunes Ivoiriens
35:31 et celui d'édification des citoyens ?
35:33 L'école doit être aussi le lieu de l'apprentissage.
35:35 Voyez-vous, il faut déceler.
35:37 Il faut déceler dès la quatrième année primaire.
35:41 Il faut déceler les qualités chez les enfants.
35:47 Est-ce qu'elle le joue ?
35:48 Oui, mais j'ai dit, il faut. Il faut le faire.
35:53 Parce qu'aujourd'hui, nos enfants, quand même,
35:55 pour ce qu'ils apprennent dans la digitalisation que nous ne pouvons pas apprendre,
36:00 mais il faut utiliser la perfection chez les enfants pour les amener à apprendre un métier.
36:07 Donc malgré la massification que vous venez d'évoquer,
36:12 malgré les problèmes, les crises qui ont un peu posé les problèmes qu'on connaît,
36:17 la priorité à l'école doit être absolument marquée pour vous.
36:21 C'est là que ça se joue.
36:23 Oui, c'est là que ça se joue. La petite enfance surtout.
36:26 Vous savez, je mets beaucoup plus l'accent sur la petite enfance
36:29 parce qu'à ce stage, on donne des habitudes.
36:32 Une fois que nous nous disons que tout ce qui est développement,
36:36 c'est vraiment la gestion du changement.
36:39 Et le développement n'est pas aussi facile que ça,
36:41 parce que c'est sur le mind, sur la mentalité que ça joue.
36:44 C'est pour cela qu'on vous dit que c'est une œuvre de langue à l'aile,
36:48 qu'aucun pays ne s'est encore développé.
36:50 D'ailleurs, vous faites la vie.
36:51 Qu'aucun pays ne s'est encore développé.
36:53 Donc il faut faire en sorte de construire cette société que nous voulons,
36:59 que nous voulons avoir.
37:00 En 97, par exemple, les prospectives du futur africain,
37:06 on a parlé des lions faméliques.
37:09 Déjà en 97.
37:11 Les lions faméliques sortent de leur tanière et les lions marquent leur territoire.
37:18 C'était déjà l'Afrique, ça.
37:20 Donc tout ce qui est en train de se passer dans les mers,
37:23 ça a été dit dans les prospectives.
37:25 Et c'est où je salue le génie du président Fouad Bouanier.
37:29 Dans les années 70 déjà, il avait fait venir Herman Kahn,
37:33 qu'on appelait futurologue, mais en fait c'était un sociologue du futur,
37:37 qui avait déjà un Américain,
37:40 qui avait déjà réfléchi sur la Côte d'Ivoire de l'an 2000.
37:45 Voyez-vous, c'est d'avoir de la vision pour ce pays.
37:50 Merci, Madame.
37:52 On arrive doucement à la fin de cette émission.
37:55 J'aimerais vous poser deux dernières questions.
37:59 D'abord, quelle leçon, pour aujourd'hui,
38:02 est-ce qu'on peut tirer d'un parcours comme le vôtre,
38:05 tant pour les jeunes filles que pour notre société ?
38:08 On l'a évoqué parce qu'à chaque fois on se rend compte
38:11 que ça renvoie à des problématiques actuelles.
38:14 Oui, le leadership.
38:17 Ça se développe tous les jours.
38:20 On doit se faire confiance.
38:22 Une femme doit se faire confiance.
38:26 Il faut se faire confiance.
38:28 Voyez-vous, je vous le disais tout à l'heure,
38:31 qu'à 10 ans on m'a fait jouer une scène,
38:34 la mère de famille qui doit être à la tête d'une maison.
38:38 Ça vous amène à vous faire confiance.
38:41 Si vous ne vous faites pas confiance,
38:44 les enfants ne vous feront pas confiance.
38:46 Aujourd'hui les enfants ils tablent, ils savent ça.
38:49 Qu'est-ce que Maman a fait ?
38:51 C'est qu'une femme s'est éduquée à une nation.
38:53 Mais ce n'est pas faux, ce n'est pas un slogan, c'est une valeur.
38:57 Évidemment, la question des valeurs que nous avons évoquées
39:01 n'enlève rien aux talents qui existent dans cette société
39:06 et particulièrement dans la jeunesse ivoirienne.
39:09 Ça n'empêche pas l'énergie, la vitalité,
39:12 la volonté d'aller de l'avant qu'on sent tous les jours
39:15 et qui est très présente.
39:17 Sur quoi, et ce sera la dernière question,
39:20 à votre avis peut compter la Côte d'Ivoire,
39:23 s'appuyer la Côte d'Ivoire pour bâtir son avenir ?
39:26 Sur les unités industrielles, on l'a dit.
39:32 Vous voyez, dans son temps ça nous faisait un peu mal
39:35 lorsque les samiramis nous disaient qu'on faisait de la croissance sans développement
39:39 parce qu'on ne comptait pas sur nos propres forces.
39:41 Il faut que nous comptons sur nos propres forces.
39:44 Et c'est là où encore je salue le génie de présent, Fouette,
39:47 qui dès 1946 a préparé la relève de l'administration coloniale
39:55 en envoyant 150 jeunes en France, dont 13 femmes.
40:01 Il pouvait envoyer que des petits garçons, mais il y en avait 13, les filles.
40:06 Je crois que ça, il faut mettre l'accent sur le développement du capital humain.
40:11 Ça c'est vraiment… on ne peut pas faire du développement sans ces ressources-là,
40:18 sans l'homme. L'homme au début de tout commencement du développement et il a la fin.
40:23 Et c'est en cela qu'il faut interpeller l'État,
40:28 pour dire à l'État que cette voie, il faut que nous réussissons cette voie
40:32 parce que nous avons, c'est vrai les matières premières,
40:36 mais nous devons les transformer.
40:38 Ça fait partie de l'accord du voile 2040 d'ailleurs, la transformation,
40:42 les unités industrielles que nous devions faire en sorte que nos régions…
40:47 Il faut qu'il y ait des usines rurales.
40:50 Les autres ont commencé par les usines rurales, avant de développer l'industrie.
40:55 Il faut que nous soyons au rendez-vous de l'industrialisation de l'Afrique.
41:01 Merci, merci Madame. Merci d'avoir accepté notre invitation
41:05 et d'avoir réfléchi avec nous sur l'évolution de la société ivoirienne.
41:10 Je vous en prie, merci beaucoup.
41:12 Merci de votre attention, à la prochaine fois.
41:14 [Musique]
41:26 [SILENCE]