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"Son parcours reflète la réalité de ce que vivent beaucoup d'étrangers qui arrivent de façon régulière en France."
Dans son roman, Rania Berrada dépeint la vie de Najat, une Marocaine arrivée en France. Une façon, loin des clichés et des polémiques, d'expliquer la complexité du quotidien de ces personnes qui quittent leur pays pour la France. Elle raconte.

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Transcription
00:00 Je pense qu'il faut couper court au fantasme qui voudrait que,
00:04 quand on arrive en France, de façon régulière ou pas,
00:07 que ce soit facile en fait.
00:09 Parce que des fois on entend ces discours de la facilité.
00:12 C'est-à-dire que vous arrivez à 10h, on donne un titre de séjour à midi,
00:14 et puis on n'en parle plus.
00:15 Et je pense que le fait qu'il persiste un mystère autour de ces questions-là
00:22 ne peut que faire qu'alimenter ces fantasmes-là.
00:27 Et c'est pour ça que je documente, c'est pour expliquer concrètement
00:31 ce parcours-là et couper court au fantasme qui entoure la migration.
00:38 Je m'appelle Rania Brada, j'ai écrit "Najat ou la survie",
00:41 qui est un roman qui retrace le parcours d'une femme, Najat,
00:46 qui quitte son Maroc natal pour aller en France,
00:51 en espérant y trouver une vie meilleure.
00:54 Et qui, quand elle arrive en France, épouse un homme,
00:58 et elle en a le droit, et demande une carte de séjour vie privée et familiale,
01:04 qui est la carte de séjour temporaire la plus délivrée en France.
01:09 D'abord, la première difficulté à laquelle elle va se heurter,
01:12 c'est qu'elle doit attendre au moins 6 mois avant de pouvoir faire cette demande.
01:17 Pourquoi 6 mois ? Parce qu'elle doit justifier qu'elle a vécu au moins
01:21 pendant ces 6 mois-là avec son compagnon, son mari, sous le même toit.
01:25 Et donc ça, ça pose deux questions.
01:27 La première question, elle est d'ordre éthique,
01:29 c'est-à-dire que pour l'administration, le mariage est conditionné
01:32 au fait de devoir vivre sous le même toit avec son mari.
01:35 Et la deuxième question que ça pose, elle est d'ordre pratique,
01:38 puisqu'en France, il faut savoir que les préfectures, les sous-préfectures,
01:42 ne demandent pas toutes les mêmes justificatifs
01:44 pour justifier cette communauté de vie.
01:46 Et donc ça, selon l'endroit où on se trouve sur le territoire,
01:51 il peut être plus ou moins compliqué d'apporter la preuve
01:54 de cette communauté de vie et son parcours reflète la réalité
01:58 de ce que vivent beaucoup d'étrangers en France.
02:02 Et des étrangers, j'appuie sur ce mot qui arrive de façon régulière sur le territoire.
02:07 Quand on arrive enfin à rassembler ces preuves
02:09 et que la préfecture ou la sous-préfecture juge qu'elles sont recevables,
02:15 on rentre dans la deuxième phase de la procédure,
02:18 c'est-à-dire qu'on va vous donner ce qu'on appelle un récépissé,
02:21 qui est la bête noire de beaucoup d'étrangers en France,
02:23 qui est un document qui vous permet de séjourner
02:27 pendant la durée pendant laquelle il est valable en France.
02:31 Généralement, on va vous donner 4 à 6 mois.
02:33 Pourquoi 4 à 6 mois ?
02:34 Parce que dans la loi, l'administration a 4 mois pour vous répondre,
02:40 répondre à votre demande de carte de séjour.
02:43 Dans les faits, il y a beaucoup de préfectures en France
02:45 qui sont débordées, notamment en Ile-de-France,
02:47 et donc ce délai n'est jamais respecté.
02:49 Normalement, il est censé vous autoriser à travailler.
02:51 Mais le problème, c'est qu'un document de séjour qui est provisoire,
02:56 dont la durée de validité est de maximum 4 ou 6 mois,
03:01 c'est une garantie qui n'est pas suffisante pour un potentiel employeur.
03:05 Sauf sur des secteurs vraiment qui sont en très très forte tension,
03:09 mais globalement, un employeur à qui vous présentez un document
03:12 comme un récépissé va être très peu enclin,
03:15 voire très frileux à vous embaucher.
03:18 L'autre chose aussi, c'est que le récépissé de première demande,
03:22 il ne vous autorise pas à quitter le territoire français.
03:25 Et pendant plusieurs mois, vous êtes "bloqué" en France,
03:31 c'est-à-dire que vous ne pouvez pas quitter le territoire.
03:32 Et pendant ces mois-là, il peut se passer plein de choses.
03:35 Vous pouvez avoir un membre de votre famille qui tombe gravement malade.
03:38 Une fois que votre récépissé est périmé,
03:40 vous allez devoir retourner à la préfecture tous les mois,
03:42 pointer tous les mois avec ce que ça veut dire en termes de logistique,
03:47 parce que parfois, il faut poser une journée pour y aller,
03:50 attendre plusieurs heures, etc.
03:52 Et donc, pendant plusieurs mois, on va vous renouveler ce document provisoire.
03:56 Et avec le Covid, ça n'a fait qu'empérer,
03:59 parce que maintenant, il y a plein de préfectures,
04:01 vous ne pouvez même plus vous rendre sur place
04:03 pour demander où en est votre dossier.
04:05 C'est-à-dire que le seul lien que vous avez avec ces préfectures-là,
04:08 c'est une adresse mail.
04:10 Et il y a certaines préfectures qui ne vous répondront même pas.
04:12 C'est-à-dire que vous êtes dans une sorte d'espèce de flou,
04:16 où vous ne pouvez pas vous projeter,
04:18 ni dans une vie professionnelle, ni dans une vie personnelle,
04:21 parce que tout est laissé en suspens.
04:24 C'est-à-dire que vous ne savez même pas quand est-ce que vous allez avoir une réponse.
04:27 Et pourquoi je raconte tout ça ?
04:29 C'est parce que je pense qu'en France, en tout cas c'est mon ressenti,
04:33 le droit des étrangers, c'est une réalité qui est parallèle.
04:36 C'est-à-dire que les gens qui sont concernés,
04:38 évidemment connaissent ces procédures,
04:40 parce qu'elles sont aux prises avec ces procédures-là tous les jours.
04:44 Mais les autres méconnaissent,
04:48 ou ne connaissent tout simplement pas ces procédures-là,
04:51 et à quel point elles peuvent être lourdes,
04:53 à quel point elles peuvent modeler les vies,
04:59 et modeler les chemins de vie, et avoir un vrai retentissement.
05:01 Et je voulais, à travers ce livre, simplement combler, à ma petite échelle,
05:05 cette méconnaissance-là.
05:06 [Générique]
05:08 [SILENCE]

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