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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcription
00:00 - Europain Culture Media - 9h - 11h
00:05 - Philippe Vandel
00:07 - Bonjour Laurent Sexyc - Bonjour Philippe Vandel
00:09 - Vous êtes écrivain, dramaturge, auteur notamment des derniers jours de Stéphane Zweig, d'une trilogie qui s'est vendue à 400 000 exemplaires et ça c'est rien qu'en France.
00:16 Vos livres sont traduits dans le monde entier, vous êtes aussi reconnu par les Américains comme l'inventeur de l'exo-fiction, on va en parler.
00:22 Votre actualité c'est ce roman "Franz Kafka ne veut pas mourir", c'est publié chez Gallimard, c'est justement une exo-fiction.
00:28 Vous racontez les derniers heures, les derniers mois du génial écrivain mort en 1924 et c'est donné à très peu.
00:35 Kafka, cet auteur, a donné son nom à un adjectif "kafkaïen".
00:39 Alors on en parlait, il n'y a pas que Chachapiti dans la vie, il y a aussi l'intelligence naturelle plutôt que l'intelligence artificielle et vous en avez en quelques mots.
00:46 Pourquoi Kafka est-il un écrivain majeur dans l'histoire de la littérature ?
00:50 - Parce que c'est un écrivain qui parle à la fois du monde d'hier et du monde d'aujourd'hui.
00:55 Stéphane Zweig, on en parlait, était un écrivain du 19ème siècle qui était transposé au 20ème, un peu perdu, extraordinaire, mais un peu perdu dans ce siècle-là.
01:04 Kafka, qui est mort en 1924, a dit le monde de 1939, de 1950, a dit le nazisme, a prophétisé le stalinisme
01:12 et a même dit l'enfermement concentrationnaire dans lequel un jeune peut se sentir aujourd'hui dans cette société.
01:17 Donc il dit l'enfermement, il dit la culpabilité et il donne peut-être les armes pour se sortir de ce sentiment d'oppression qui nous anime à tous.
01:27 - Et je vais dire un cliché, une phrase qu'on a trop entendu mais qui s'applique parfaitement à Franz Kafka, ça aurait pu être écrit avant-hier,
01:34 quand un ado lit La Métamorphose, il se reconnaît et il ne se dit pas "tiens, ça a été écrit en 1922".
01:39 Dans ce roman, Franz Kafka ne veut pas mourir, Kafka était atteint de tuberculose, maladie inguérissable en 1924,
01:47 et tout est parti pour vous, en tant qu'écrivain, de ces dernières paroles. Kafka dit à son médecin "tuez-moi, sinon vous êtes un assassin".
01:55 - Oui, ce sont des paroles qui m'habitent et qui peut-être me hantent depuis très longtemps, et depuis...
02:02 alors je suis médecin de formation, et en réalité j'ai réalisé ça, j'ai compris ça tout récemment, et pour être totalement sincère, en venant dans le taxi tout à l'heure...
02:11 - C'est pas vrai ! - Vous alliez me dire "pourquoi vous avez écrit ce bouquin ?"
02:14 J'ai passé 5 ans à l'écrire, j'ai passé 5 ans sur Stéphane Zweig, sur le cas Edouard Einstein également,
02:19 moi j'écris pour répondre à une question "pourquoi Zweig s'est suicidé ? Pourquoi Albert Einstein a-t-il abandonné son fils ?"
02:24 Ces dernières paroles en fait, elles me ramènent à ma propre expérience, et je l'ai compris vraiment tout à l'heure, ça paraît un peu absurde de le dire,
02:31 c'est qu'à l'âge de 22 ans, étudiant en médecine, j'avais accompli ce geste qu'accomplit mon héros Robert Klopstock avec Kafka.
02:39 - Il faut dire qu'il lui a fait la piqûre ultime. - Voilà. Il lui a injecté la morphine qui va tuer Kafka, Robert Klopstock est l'ami de Kafka...
02:50 - Pardon, il sait qu'il va le tuer, ou il fait ça pour le soulager et la dose est trop forte ?
02:53 - Non, non, il sait qu'il va le tuer, il veut abréger ces douleurs qui sont terrifiantes, la tuberculose atteint le larynx et empêche Kafka de manger, de parler, et de boire de l'eau.
03:05 Et si vous voulez, ça m'a ramené à un traumatisme de mes études médicales, que tous les étudiants en médecine et les médecins comprendront,
03:13 c'est qu'en effet, à l'âge de 22 ans, j'étais en 4ème ou 5ème année de médecine, en service de cardiologie, en unité de soins intensifs,
03:21 et j'avais une patiente qui s'appelait d'ailleurs Mme Boyer, qui avait 70 ans, qui était au dernier stade de son insuffisance cardiaque,
03:26 et je revois encore l'interne à côté de moi, me demandant de pousser sur une seringue, ce qu'accomplit en fait Robert Klopstock avec Kafka.
03:35 Et moi, en réalité, alors j'étais un peu nié peut-être, je ne savais pas que c'était les dernières heures de cette dame.
03:41 Et je commence à injecter la morphine, et je vois cette patiente qui pousse des râles comme si c'était ses derniers.
03:51 Et je vois l'interne qui me regarde, et je vois le scope qui indique que l'électrocardiogramme devient presque létal.
04:01 Et je dis cette phrase à cette interne-là, je dis "mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Elle est en train de mourir, je suis en train de la tuer."
04:10 Et ça a été déterminant dans le choix même de ma spécialité, j'ai voulu après m'orienter vers la psychiatrine, et puis ensuite ça a été autre chose.
04:18 Mais ce traumatisme de voir mon interne recouvrir, à l'âge de 20 ans et quelques, recouvrir le drap de Mme Boyer,
04:25 dont quelques jours auparavant je disais à la fille qu'elle avait encore toute sa vie devant elle, complètement stupidement,
04:31 a été un tel traumatisme que je pense que c'est pour répondre à cette question, qu'est-ce que cela fait de tuer quelqu'un,
04:39 lorsque l'on est étudiant en médecine, que j'ai écrit ce livre indépendamment du fait que j'ai toujours admiré Kafka,
04:44 que je lui avais dédié ma thèse de médecin à l'âge de 25 ans, qui parlait des cancers bronchiques en IRM.
04:51 - Quel témoignage, quel témoignage Laurent Sexik, pardon de poser cette question, et pourquoi l'interne n'appuie pas lui-même sur le bouton ?
05:00 Sur la sorengle.
05:01 - Alors je ne sais pas, je ne sais pas, en réalité, vraiment, je me dis pourquoi j'ai passé 5 ans avec Kafka, je ne sais toujours pas,
05:10 je ne sais pas, parce que c'était lui, je ne sais pas, je ne sais pas.
05:14 Ceux dont je me souviens, ce sont sa main posée sur les paupières de Mme Boyer, ce drap qui se recouvre sur cette dame,
05:22 comme Robert Clubstock et Dora Diamant vont recouvrir le visage de Kafka.
05:27 - On se connaît depuis quelques années, je ne vous ai jamais vu aussi ému, vous êtes en train de transpirer,
05:32 on marque une courte pause, Laurent Sexik avec nous, à tout de suite sur Europe 1.
05:35 - 9h, 11h.
05:36 - Europe 1 Culture Media, Philippe Vandel.
05:39 - Avec Laurent Sexik, son nouveau roman "Franz Kafka ne veut pas mourir" s'est publié chez Gallimard,
05:44 vous racontez la fin de vie de Kafka, non pas ces dernières semaines, mais ces dernières années, autour de trois personnages essentiels, qui sont-ils ?
05:51 - Il y a Robert Clubstock dont nous avons parlé, qui est le jeune médecin qui a rencontré Kafka parce qu'il était atteint de tuberculose dans un sanatorium,
05:59 qui a arrêté ses études lorsqu'il rencontre Kafka pour tenter de le sauver.
06:03 - Et aussi, avec le rêve secret de devenir écrivain, je me dis que c'est le double de Sexik lui.
06:08 - Ce qui est très curieux, c'est que j'ai rencontré lors de l'écriture de ce livre mon alter ego.
06:14 - Ah vous ne le saviez pas ?
06:18 - Non, parce que j'ai commencé...
06:20 - Alors moi, en lisant le livre, je me suis dit "Sexik, Laurent Sexik écrit ce livre parce qu'il va raconter l'histoire de son alter ego, de son double."
06:27 - C'est encore plus magique que cela, parce que l'écriture est pas... on est tout seul pendant des années,
06:33 et en réalité, je voulais écrire la rencontre d'un jeune médecin et de Kafka, en me disant "je vais m'identifier à cette personne que je l'ai inventée",
06:40 en creusant dans les biographies, dans les documents, cette personne existait.
06:47 Et son destin a été tellement fabuleux que ça a été une aventure de le raconter,
06:52 et c'est vrai qu'il y avait véritablement d'immenses points communs, puisque j'ai dédié ma thèse à Kafka, et qu'il l'a fait aussi.
07:00 - Incroyable. Attendez, alors juste pour sourire, on voit que Laurent Sexik est médecin, parce que ça arrive dès la page 16, normalement on met ça à la toute fin.
07:06 On peut lire ceci "Poumon gauche, râle au troisième cru intercostal, sibilant au lober inférieur",
07:11 je ne sais pas ce que veut dire "sibilant" ni "lober", et je note juste après la phrase suivante "un épanchement plural droit compressif".
07:17 Donc c'est un médecin. Il y a aussi Hotla, la sœur préférée de Franz Kafka.
07:21 - Oui, celle qui le défend contre la tyrannie du père.
07:26 Une des principales œuvres, et à la fois la plus proche de chacun d'entre nous, et la plus belle, c'est "La lettre au père".
07:36 Kafka écrit une lettre à son père, une lettre complètement privée, qu'on retrouve dans le roman sous forme de mise en scène, puisque c'est un roman.
07:42 On retrouve la manière dont il veut que sa mère le donne à son père, qui le tyrannise, qui ne veut pas qu'il y écrive.
07:49 Et cette Hotla est l'allié de son frère dans ce combat commun qu'il mène contre le père.
07:58 - Et puis il y a aussi Dora, son dernière amour.
08:00 Dora, c'est la seule femme avec qui Kafka aura vécu. Elle aura un destin façonné par l'empreinte de Kafka.
08:07 Elle sera sauvée du nazisme grâce à Kafka.
08:10 Toute sa vie, elle va porter l'héritage de Kafka, qu'elle va savoir subtiliser par la Gestapo.
08:16 Elle va avoir une brosse, la brosse avec laquelle elle coiffe Kafka sur son lit d'agonie.
08:20 Elle va la transporter durant 30 ans à Moscou, à Berlin, jusqu'à la déposer en Israël, dans un kibbutz, là où elle avait promis à Kafka de la déposer.
08:30 - Alors je l'ai dit, vos livres sont traduits dans le monde entier.
08:32 Vous êtes souvent présenté comme l'inventeur de l'exofiction.
08:35 Les Américains disent ça. Qu'est-ce que l'exofiction ? C'est quoi la différence avec la fiction tout court ?
08:40 - C'est le fait d'être dans... C'est ce que faisait finalement Stephen Swain, avec Magellan, avec Marie Antoinette.
08:45 - Non mais l'exofiction, exo... On a un squelette et on a un exosquelette.
08:48 - Oui, c'est ça. - Donc fiction, exofiction, qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
08:50 - L'exofiction, c'est se mettre dans la peau d'un personnage qui a existé.
08:54 C'est ce que font les acteurs, finalement.
08:56 Et de raconter sa vie, non pas comme le biographe de derrière lui, mais en étant à ses côtés, ou dans ses pensées, et dans ses pas.
09:04 - Comment vous avez travaillé pour ce livre ? Il y a une immense bibliographie après.
09:08 Vous avez dit 5 ans de travail, c'est bien ça ? - Oui.
09:10 - Tout ce que vous racontez est vrai, c'est imaginé. Quelle est la part de réel, de non réel ?
09:14 - Alors, tous les faits sont exacts, et moi je ne fais que mettre en scène en réalité.
09:19 Comme le réalisateur d'un film. - Parce qu'il y a des détails, je me dis, est-ce que Cexique le sait, est-ce qu'il le sait pas,
09:23 est-ce que ça a été écrit dans une lettre, est-ce que vous avez eu beaucoup plus que ce qui est publié.
09:27 Par exemple, après la mort de Kafka, Robert est en voiture avec Dora, et là je vous lis,
09:31 "Dora, en robe beige unie, laisse ses épaules nues, elle porte autour du cou un foulard de couleur rouge."
09:36 Vous l'avez inventé, ou c'est vrai ? - Non, non, non, non, c'était... Kafka lui avait offert ce foulard, oui.
09:41 - Oui, mais comment savez-vous qu'elle était avec ce foulard le jour dans la voiture ?
09:44 - Je vous le reproche pas, je veux savoir si ce que je lis... - Non, non, mais après si vous voulez, je me mets dans la...
09:48 Alors, un écrivain, ça se met dans la peau de ses personnages, et je me dis qu'après avoir fermé les paupières de Franz Kafka,
09:55 elle qui, lors de l'enterrement de Franz Kafka, va s'effondrer sur son cercueil, et même dans le trou de sa tombe,
10:02 j'imagine qu'elle porte le foulard de Kafka, comme elle sera accompagnée de tous les objets de Kafka jusqu'à sa mort.
10:09 - Je veux dire un mot de l'humour, Robert c'est un jeune étudiant en médecine, il a 25 ans, Kafka il a 40 ou pas loin,
10:16 Kafka autorise Robert à lire certaines de ses nouvelles qui n'ont pas trouvé d'éditeur, et il dit, Robert,
10:21 "L'homme n'avait rien de sombre, on riait, on chantait." Je vous parle de ceci, parce que moi je suis fan d'Alexandre Vialat,
10:26 immense auteur français qui a écrit des chroniques merveilleuses, et Kafka a été le découvreur pour les Français de...
10:32 pardon, Vialat a été le découvreur pour les Français de Kafka et son traducteur, et Vialat trouvait Kafka drôle.
10:39 Or moi je trouve ça intéressant au profond, mais pas drôle. Où est l'humour dans Kafka ? Est-ce que vous l'avez ressenti ?
10:44 - Alors il y a beaucoup d'humour... - Vous lisez l'allemand ? - Oui, je lis l'allemand.
10:47 - Ah bon, l'allemand c'est pas l'allemand ? - Il y a évidemment de l'humour, alors c'est vrai que Vialat n'avait pas forcément traduit tout l'humour de Kafka,
10:54 mais quand vous lisez notamment la dernière traduction faite par Jean-Philippe Lefebvre dans La Pléiade,
10:59 qui traduit intégralement justement cette légèreté, cette subtilité et cet humour très noir,
11:06 mais quand on lit les nouvelles de Kafka, en effet on sourit et parfois quand vous lisez le terrier, on peut se...
11:12 - Alors, j'ai pas lu le terrier. J'ai lu une nouvelle très célèbre, mais j'ai pas lu le terrier par exemple.
11:17 Mais il y a même une demi-page dans laquelle vous expliquez à quel point Kafka est pas facile à traduire de l'allemand au français,
11:22 avec des phrases en allemand. Je me suis dit c'est un degré d'érudition assez phénoménal chez vous.
11:27 - Moi j'aborde chaque roman comme j'abordais les spécialités de médecine, c'est-à-dire que je veux tout connaître,
11:33 c'est un univers en soi, quand vous plongez dans Kafka, c'est un infini que vous avez devant vous.
11:37 Il y a les lettres d'amour qu'il a écrites à ses fiancées à Milena, notamment il y a la lettre au père,
11:43 et puis il y a ses chefs-d'œuvre, le château, le procès et le disparu.
11:48 - On va parler avec Laurent Seixique de gastronomie, mais oui, il y a Laurent Mariotte qui va arriver,
11:54 On va parler cinéma avec Olivier Benkemoun.
11:56 A tout de suite dans Culture Media.