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Le nouveau sondage "L'Opinion en direct" de l'institut Elabe pour BFMTV ce mercredi dresse un constat cinglant pour Emmanuel Macron et Élisabeth Borne. L'opposition au projet de réforme des retraites du gouvernement explose, et l'exécutif perd de surcroît le soutien des retraités.

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00:00 On en parle avec Amandine Attalaya, éditorialiste politique à BFMTV.
00:03 Fabien Giza, un patron qui fait grève, c'est le directeur des courtiers toulousains.
00:07 Il a fait grève pour la première fois il y a pile une semaine contre cette réforme des retraites.
00:11 Et on en parle avec Bernard Sananès.
00:13 Vous êtes le président de l'Institut Elabe et vous nous livrez donc ce matin ce nouveau sondage.
00:18 Très mauvais pour le gouvernement.
00:20 Pas sûr d'ailleurs qu'il y ait un seul motif de satisfaction dans cette étude d'aujourd'hui.
00:25 71% des interrogés pensent que la réforme sera votée.
00:28 On va en parler dans un instant, mais ce sondage c'est d'abord une vraie défiance à l'égard du gouvernement.
00:33 59% des Français s'étaient déclarés opposés à la réforme le jour de sa présentation.
00:38 On est à 72%.
00:39 Ça fait 13 points de plus en 15 jours, quasiment un point par jour.
00:43 Le gouvernement ne parvient pas à contenir la progression de l'opposition.
00:47 L'opposition à la réforme est maintenant majoritaire dans toutes les catégories de population.
00:51 80% chez les actifs, chez ceux qui travaillent, avec un point qui est très intéressant.
00:56 Il n'y a quasiment pas de différence entre l'opposition chez les cadres ou dans les milieux populaires.
01:00 Et enfin on voit une chose, le gouvernement a dit que c'est un problème de pédagogie.
01:04 C'est beaucoup plus compliqué que ça parce qu'on a posé la question aux Français.
01:06 Ils connaissent les grandes lignes de la réforme.
01:08 Quand ils disent qu'ils connaissent, est-ce qu'ils la connaissent vraiment ?
01:11 Oui, on a testé mesure par mesure, vous le verrez le quiz, il est disponible sur le site BFM TV.
01:16 Ils la connaissent pour près de 6,6/10, pas forcément dans tous ses détails parce qu'elle est compliquée.
01:21 Mais en tout cas, que l'on soit opposé ou favorable à la réforme, ce n'est pas le degré de connaissance qui est la variable.
01:28 Donc ce n'est pas un problème de pédagogie, c'est plutôt évidemment un problème de conviction.
01:32 Alors Amandine, c'est vrai, plus le gouvernement parle, plus on fait des débats, notamment sur BFM TV, plus on explique, moins les Français sont convaincus.
01:41 Oui, c'est le grand problème puisque c'était quand même la stratégie numéro 1 du gouvernement.
01:44 C'était de penser qu'en expliquant, la colère des Français est baissée, or elle monte.
01:49 Et le gouvernement, de toute façon, n'a jamais gagné cette bataille de l'opinion puisque depuis le début, les Français sont majoritairement opposés.
01:55 Ce qui les inquiète, c'est qu'ils ont des mauvaises repontées dans les circonscriptions.
01:59 Les députés se font de plus en plus engueuler, y compris d'ailleurs les députés de droite.
02:03 Et ça, c'est gênant parce qu'ils ont besoin du vote des députés de droite pour que ce projet de loi passe.
02:09 Dans le détail, Bernard, il y a aussi un élément qui est très important, c'est que l'opposition progresse fortement chez les retraités eux-mêmes, qui ne sont pas concernés, on est d'accord, par la réforme.
02:18 - Les retraités concernés, dès les 15 premiers jours, c'était la seule catégorie professionnelle qui était favorable à la réforme.
02:24 Alors comment on peut l'expliquer ? Dans un premier temps, effectivement, les retraités se sont dit "on n'est pas concernés directement".
02:28 Dans un second temps, ils suivent le mouvement de l'opinion.
02:31 Et j'allais dire finalement, ils se sentent un peu solidaires des générations de leurs enfants ou des petits-enfants.
02:36 Et puis, il peut y avoir en creux une critique du gouvernement.
02:39 Cette réforme va mettre le désordre et on sait que les retraités n'aiment pas ça.
02:42 Et Amandine a raison, ça peut avoir là aussi une conséquence politique importante.
02:46 - C'est important Amandine, parce que les retraités, c'est le cœur de l'électorat d'Emmanuel Macron.
02:49 - Complètement, parce que les plus de 60 ans ont voté très majoritairement Emmanuel Macron à l'élection présidentielle.
02:54 Et ce qui est étonnant, c'est que le président a tout fait pour les préserver de cette réforme.
02:59 Aucun effort ne leur est demandé. Il n'y a par exemple pas de baisse des pensions des retraités les plus riches.
03:03 Il n'y a pas de hausse de la CSG, ce qui avait mis le feu aux poudres et créé en partie la crise des Gilets jaunes en 2018.
03:10 Et pour autant, les retraités sont en train de se retourner.
03:13 Et ça aussi, c'est un vrai motif d'inquiétude, parce que si les retraités se mettent en colère,
03:17 si les jeunes aussi se mettent en colère, ce sont dans ces configurations-là, on le sait, que des mouvements d'opposition dérapent.
03:23 - Fabien Giza, c'est pour ça que vous, le patron, vous avez fait grève pour la première fois de votre vie, jeudi dernier.
03:30 Et sans doute referez-vous la grève le 31 janvier, dites-nous ?
03:34 - Oui, tout à fait. Alors moi, clairement, c'était la première fois que je faisais grève, en fait, jeudi dernier.
03:40 Moi, pourquoi j'ai fait grève ? J'ai fait grève par solidarité, un peu comme les retraités, je pense.
03:45 Tout simplement parce que je voulais être solidaire de toutes les catégories sociales professionnelles que j'ai pu remarquer dans le cortège.
03:54 Donc ça allait de l'ouvrier, du retraité au cadre sup', petit chef d'entreprise, indépendant, artisan, voilà, toutes ces choses-là.
04:02 - Sur quel point, Fabien, vous bloquez particulièrement ?
04:05 - Moi, c'est... Alors le point, c'est que c'est vraiment une réforme qui me paraît, en fait, injuste.
04:11 Donc parce que les femmes, par exemple, vont travailler plus longtemps que les hommes aussi.
04:17 Il faut faire attention à ça.
04:19 L'injuste par rapport à tous les métiers, en fait, qui ont des métiers, en fait,
04:23 toutes les personnes qui ont des métiers difficiles, autant physiquement que mentalement, ça va être compliqué pour moi,
04:29 comme je le dis souvent, comme je l'explique, qui va accepter, en fait, de se faire conduire par un conducteur de bus,
04:36 pour accepter, en fait, que ses enfants soient conduits par quelqu'un qui a plus de 70 ans.
04:41 Idem pour un chirurgien qui va avoir plus de 70 ans, même si au demeurant, il y a beaucoup de chirurgiens qui sont très bons après les 60 ans.
04:48 Donc voilà, donc ça va être... Pour moi, c'est tout ce côté-là.
04:51 Et en plus, j'ai envie de dire, c'est aussi une réforme qui me paraît totalement anormale.
04:56 Et les chiffres apportés, en fait, sont, pour moi, pas clairs.
05:02 Et surtout, on voit bien qu'il y a des solutions alternatives à cette réforme, qui, pour l'instant, pour moi, n'est pas forcément une réforme.
05:09 C'est fou parce que quand on entend Fabian, on se dit « mais il n'y a aucun argument de l'exécutif qui prend ».
05:14 Est-ce qu'on peut réécouter Elisabeth Borne, il y a quelques jours, qui martelait que sa réforme était juste ?
05:20 Mesdames et messieurs les députés, notre projet est juste et porteur de progrès social, mais nous devons veiller à l'avenir de notre système de retraite.
05:32 Et ça nous amène, Bernard, à cet argument aussi mis en avant par la majorité relative, c'est de dire que Macron a été élu pour cette réforme des retraites.
05:39 Et lorsque vous interrogez, en fait, le panel sur cette réforme démocratiquement présentée et validée,
05:45 71% des personnes interrogées disent « non, en fait, on n'a pas voté seulement pour ça ».
05:51 Effectivement, ils disent aussi « on a voté notamment contre Marine Le Pen pour ceux des électeurs d'Emmanuel Macron qui l'ont rejoint au second tour »
05:57 et qu'il faut le rappeler, ont été plus nombreux que ceux qui l'avaient choisi au premier tour.
06:01 Donc l'argument politique ne fonctionne pas et les trois autres arguments de lecture habituel d'une réforme,
06:06 sa nécessité, son efficacité et surtout sa justice, sont battus en brèche dans l'opinion.
06:11 Finalement, l'exécutif fait maintenant campagne avec une forme de pancarte dans le dos qui est « réforme injuste ».
06:17 Dans un pays qui est très attaché à la justice sociale, ça va être très difficile d'inverser la vapeur.
06:21 Amandine Nettadaya, le gouvernement ne peut pas ne pas tenir compte de tout ce qu'on se raconte ce matin.
06:26 Est-ce que ça bouge ?
06:28 Ça bouge un tout petit peu. Ébranlés, non, c'est pas le mot.
06:32 Ça les fait réfléchir, mais ils ne sont pas ébranlés.
06:34 Et vous voyez bien que l'argument qu'ils mettent en avant, c'est toujours leur grande détermination à faire passer cette réforme.
06:38 Les portes ouvertes sont très minces pour des modifications du projet de loi.
06:43 Peut-être un peu sur les carrières longues, peut-être un peu sur les femmes,
06:46 parce que ça, ils ont bien senti que c'est un argument de l'injustice sur les femmes qui avait choqué les Français.
06:51 Peut-être un peu sur la pénibilité, mais pas beaucoup plus.
06:53 Je voudrais qu'on termine sur un chiffre, Bernard, parce qu'il dit des choses, ce chiffre.
06:57 Quand même, 71% des personnes interrogées pensent que la réforme sera non seulement votée et donc appliquée.
07:03 Donc il y a une forme de résignation quand même de la part des Français.
07:07 Résignation, j'allais dire politique.
07:09 Les Français écoutent les médias, les analysent et ils savent que notamment LR, qui a une majorité relative,
07:13 et que LR pourrait voter.
07:15 D'ailleurs, tous les LR vont voter ?
07:17 Non.
07:18 Donc ils se disent que le gouvernement va pouvoir, en termes de majorité parlementaire, faire voter cette réforme.
07:23 Mais en même temps, ils nous disent, c'est une autre question du sondage,
07:25 finalement, le seul moyen, ce serait peut-être de bloquer le pays.
07:28 Alors, il faut être prudent sur ces questions, parce que tant qu'on n'est pas dans le blocage,
07:31 une partie d'opinion peut se dire que oui, ça peut être une solution.
07:34 Le jour où les désagréments du blocage ont lieu, vous vous en souvenez, par exemple,
07:37 quand il y a eu la grève des raffineries, l'opinion s'était assez vite retournée.
07:40 Donc pour les syndicats aussi, c'est compliqué, après la deuxième journée de mobilisation
07:43 qui aura lieu la semaine prochaine, de se dire quelle sera l'étape suivante.
07:47 Quand on fait les calculs des votes, d'un mot, on se dit que ça peut être juste ou pas ?
07:50 Oui, ça peut être juste.
07:51 En résumé, il y a 62 députés, les Républicains.
07:53 Le gouvernement a besoin de 40 voix de droite.
07:56 Il y en a 15 à 20 pour l'instant qui hésitent à voter ce projet de loi.
07:59 Donc il va falloir aller chercher voix par voix et peut-être faire des concessions à la droite pour que ça passe.

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