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Slimane Azem est né le 19 septembre 1918 à Agouni Gueghrane, un petit village situé sur les contreforts des monts du Djurdjura (Kabylie). Rien ne prédestinait ce fils d’un modeste cultivateur à un parcours musical. Écolier plutôt médiocre, il ne se passionne que pour les Fables de la Fontaine qui influenceront tous ses écrits et compositions.A l’âge de 11 ans, il devient employé agricole chez un colon de Staoueli, petite station balnéaire près d’Alger (sur sa plage avait eu lieu le débarquement français en 1830). En 1937, il débarque à Longwy et trouve un travail de manœuvre dans une aciérie avant d’être mobilisé, lors de la « drôle de guerre », à Issoudun. En 1940, il est réformé et s’en va à Paris où il est embauché comme aide électricien dans le Métro. En 1942,On retrouve trace de cette période dans sa première chanson :
Ma ad tedduḍ ad nṛuḥ, A Muḥ a Muḥ
Temẓi-inu tṛuḥ d akweṛfi
Deg Metro daxel uderbuz
Lpari tahkam fell-i
Waqila tesεa leḥruz
Deux ans et demi après, il subit la déportation par les troupes allemandes , il persévère dans le chant. Slimane enregistre enfin son premier disque avec le morceau A muh a muh. Traitant du mal du pays, ses disques s’arracheront chez Madame Sauviat, l'unique disquaire qui vend à cette époque des albums d'artistes maghrébins et orientaux. Cette femme, d’origine auvergnate, dont les héritiers gardent aujourd'hui la boutique située Boulevard de la Chapelle, le présente à la compagnie Pathé-Marconi.
Au cours des années 70, il fait des duos comiques avec le cheikh Norredine et chante en français Algérie, mon beau pays et Carte de résidence. Au fil des enregistrements, Slimane Azem conquiert un large public communautaire grâce à ses textes paraboles où il met en scène des animaux et se pose comme un chanteur engagé politiquement. Puis son inspiration décline.
Le répertoire de Slimane Azem est donc - à l'image de la société qu'il traduit - traversé en profondeur par ces bouleversements; sa thématique est, à cet égard, tout à fait significative. Sur les cent soixante-treize chansons recensées (cf. catalogue des œuvres éditées (SACEM)) ou non éditées existantes qui composent ce répertoire, plus de la moitié sont consacrées à ce renversement de valeurs avec des titres très évocateurs :
Ilah ghaleb, Kulci yeqleb : Ô Dieu, tout est inversé
Zzman tura yexxerwed : Les temps sont, à présent, troublés
Terwi tebberwi : tout est sens dessus-dessous
Dans ces chansons du chaos, zik (autrefois) est fondamentalement opposé à tura (aujourd'hui). Dans cet ouragan qui déferle, rien n'échappe au tourbillon : c'est le règne du « ventre » (aɛbûd) c'est-à-dire des intérêts bassement matériels, de l'argent (idrimen), de l'égoïsme, etc. au détriment de l'honneur (nnif), de la solidarité agnatique (tagmat). Cet éclatement charrie tout son cortège de maux, de misères dont : la paupérisation, l'alcool (A hafid a settâr, Berka yi tissit n ccrab), etc. face à l'alcool, Slimane Azem oscille toujours, au même titre que Si Muḥ U Mḥend, entre la transgression et le repentir. Enfin devant la force de l'avalanche cèdent aussi les rapports entre les sexes, rempart ultime de l'édifice social, et Slimane Azem de décrire, tantôt avec humour, tantôt avec une ironie caustique, ces hommes sur lesquels les femmes arrivent à avoir de l'ascendant (Lalla mergaza d win terna tmettût : dame omelette qui est dominé(e) par sa femme). Car ce sont bien les valeurs de la société traditionnelle que Slimane Azem défend, au besoin en évoquant Dieu à grand renfort; la dimension religieuse - sans être dominante - est incontestablement présente dans son répertoire.[interprétation
Cependant, cette description d'un monde quasi apocalyptique - bien que récurrente - n’a pas l'exclusivité dans l'œuvre de Slimane Azem; il était et il reste pour toute une génération de Kabyles - par dessus tout - le poète de l'exil : son évocation de la Kabylie, toute empreinte de pudeur, rappelle la douleur d'une plaie demeurée à vif,[interprétation personnelle] en témoignent des chansons comme :
D-aghrib d-aberrani : exilé et étranger
Ay afrux ifirelles : ô hirondelle, oiseau messager
A tamurt-iw aàzizen : ô mon pays bien-aimé (version originale de « Algérie mon beau pays »
Propulsé dans le tourbillon du monde moderne, Slimane Azem ne s'est pas contenté de se réfugier dans le giron incertain des valeurs traditionnelles, Comment pourrions-nous nous trouver bien ?). Par ailleurs « Terwi tebberwi » (tout est sens dessus dessous) est dans la même veine. Il faut préciser que Slimane Azem, puisant dans le vieux patrimoine berbère, a « fait parler » les animaux, arme subtile mais à peine voilée d'une critique politique acerbe :
Baba ghayu : le perroquet
Tlata yeqjan : les trois chiens

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