Concert pour l'association: "Jusqu'au bout et ses copains"
Virginie Milano soprano
Christelle Chambourdon piano
Serge Gauteur accordéon
Joel Bast et ses "présences" poétiques
Jusqu’au Bout
Le Jusqu'au bout est un thonier des Sables d'Olonne de 1949.
Yannick a rencontré ce bateau en 1996 sur le canal de la Robine, en dessous de Narbonne.
A ce moment là, seule subsistait la coque dans un état des plus sommaire et qui semblait mourir de soif vu qu'elle faisait eau de toutes parts.
Avec une espèce d'enthousiasme tranquille qui n'appartient qu'à lui, Yannick s'est épris du Jusqu'au bout, qui pourtant semblait bien déjà y être (au bout). Par une de ces coïncidences qui font que les jours se suivent tous plus extraordinaires les uns que les autres, il se trouve qu'à ce moment là, le précédent propriétaire commençait à sérieusement se lasser de pomper. Il n'y eut aucun marchandage autour du franc symbolique... Quand on aime on ne compte pas, ni sa peine, semble-t-il, ni les curieux détours, ni les rencontres par lesquels la patiente affection d'un homme pour une éponge arrive à accoucher d'un ketch aurique. Quand le moindre grincement du bois sous tension de quelque grosse amarre chante les lointains tumultes du vent et des flots, c'est que ça vient bon... en attendant...
Un beau jour du mois de Septembre, notre héroïque barbu est parvenu à faire tousser l'énorme bloc de fonte qui venait de se rappeler qu'il était un moteur. Pour clairement exprimer son sentiment, l'enfer dont il revenait, cette admirable mécanique assortit son hurlement natal d'un nuage de fumée dont l'épaisseur trahissait une fière pudeur de fauve blessé. L'aventure démarrait: Heureux, Yannick flottait sur un nuage dont les pompes à plein régime semblaient à elles seules assurer l'alimentation du canal.
Les éclusiers, gens friands d'extraordinaire apprécièrent à sa juste valeur le passage de ce vertigineux miracle.
Pour savourer sa lune de miel et envisager l'avenir, Yannick amarra le Jusqu'au bout aux Onglous, extrémité sauvage du canal au seuil de l'étang de Thau. Là-bas, il put apprendre à dormir en cirés avec les bottes, dans sa couchette, les soirs de pluie. Croquignolet.
Il sut instaurer un rythme de vie autour du va et vient pour recharger les batteries sursollicitées par l'inlassable pompe. A cette occasion, Yannick fit connaissance de Jean-Louis, à son chantier de Tabarka, spécialisé dans le bois classique... Tiens tiens tiens...
Au premier carénage, on imagine bien le désarroi des molécules d'eau forcées à faire demi tour pour obéir à de bêtes lois physiques... Einstein, tout çaa... On se représente sans peine ce mastodonte pissant par tous les pores, arraché à l'élément liquide à qui, aqueux, il appartenait tant.
Le lendemain, Neptune se payait une de ces rognes qui ne le prennent que tous les dix ans. Le chantier était submergé, la route d'Agde à Sète détruite. Il serait certes présomptueux d'imputer tout cela à cette sortie alors que la vie conjugale du dieu de la mer offre des motifs biens plus patents, n’empêche...
Ensuite, la longue restauration allait s'amorcer. Le colosse dévoilerait par endroits sa cage thoracique de varangues. Il faudrait casser le béton de lest, entre autres saines distractions, changer des bordés, calfater, goudronner. Le bateau entièrement vidé, tout l’aménagement intérieur serait à faire... Le pavois... Tout serait à faire, à trouver, tout.
On s'extasie assez facilement sur une fourmi, acharnée à ramener dans l'entreprise familiale une mégabrindille malcommode et rétive. André et Yannick charriant par le canal un poteau d'une vingtaine de mètres en vue d'en faire un mat ne sont pas mal non plus. D'autant plus qu'ils ont une préférence marquée pour les périodes de chômage où les écluses sont fermées, pour pouvoir les contourner par la terre et développer ainsi leurs talents de roulage.
Et puis, un jour, après bien plus de péripétie, d'autres soirées à festoyer, les arêtes d'on ne sait combien de générations de mulets entassées sous la carène, un jour, les voiles sont là, ferlées. Y'a plus qu'à hisser, yé! On désamarre, on court pousser à la gaffe, on oublie le fil électrique, on crie, on ramène le cordon, on rigole, on est parti, on vole.
Virginie Milano soprano
Christelle Chambourdon piano
Serge Gauteur accordéon
Joel Bast et ses "présences" poétiques
Jusqu’au Bout
Le Jusqu'au bout est un thonier des Sables d'Olonne de 1949.
Yannick a rencontré ce bateau en 1996 sur le canal de la Robine, en dessous de Narbonne.
A ce moment là, seule subsistait la coque dans un état des plus sommaire et qui semblait mourir de soif vu qu'elle faisait eau de toutes parts.
Avec une espèce d'enthousiasme tranquille qui n'appartient qu'à lui, Yannick s'est épris du Jusqu'au bout, qui pourtant semblait bien déjà y être (au bout). Par une de ces coïncidences qui font que les jours se suivent tous plus extraordinaires les uns que les autres, il se trouve qu'à ce moment là, le précédent propriétaire commençait à sérieusement se lasser de pomper. Il n'y eut aucun marchandage autour du franc symbolique... Quand on aime on ne compte pas, ni sa peine, semble-t-il, ni les curieux détours, ni les rencontres par lesquels la patiente affection d'un homme pour une éponge arrive à accoucher d'un ketch aurique. Quand le moindre grincement du bois sous tension de quelque grosse amarre chante les lointains tumultes du vent et des flots, c'est que ça vient bon... en attendant...
Un beau jour du mois de Septembre, notre héroïque barbu est parvenu à faire tousser l'énorme bloc de fonte qui venait de se rappeler qu'il était un moteur. Pour clairement exprimer son sentiment, l'enfer dont il revenait, cette admirable mécanique assortit son hurlement natal d'un nuage de fumée dont l'épaisseur trahissait une fière pudeur de fauve blessé. L'aventure démarrait: Heureux, Yannick flottait sur un nuage dont les pompes à plein régime semblaient à elles seules assurer l'alimentation du canal.
Les éclusiers, gens friands d'extraordinaire apprécièrent à sa juste valeur le passage de ce vertigineux miracle.
Pour savourer sa lune de miel et envisager l'avenir, Yannick amarra le Jusqu'au bout aux Onglous, extrémité sauvage du canal au seuil de l'étang de Thau. Là-bas, il put apprendre à dormir en cirés avec les bottes, dans sa couchette, les soirs de pluie. Croquignolet.
Il sut instaurer un rythme de vie autour du va et vient pour recharger les batteries sursollicitées par l'inlassable pompe. A cette occasion, Yannick fit connaissance de Jean-Louis, à son chantier de Tabarka, spécialisé dans le bois classique... Tiens tiens tiens...
Au premier carénage, on imagine bien le désarroi des molécules d'eau forcées à faire demi tour pour obéir à de bêtes lois physiques... Einstein, tout çaa... On se représente sans peine ce mastodonte pissant par tous les pores, arraché à l'élément liquide à qui, aqueux, il appartenait tant.
Le lendemain, Neptune se payait une de ces rognes qui ne le prennent que tous les dix ans. Le chantier était submergé, la route d'Agde à Sète détruite. Il serait certes présomptueux d'imputer tout cela à cette sortie alors que la vie conjugale du dieu de la mer offre des motifs biens plus patents, n’empêche...
Ensuite, la longue restauration allait s'amorcer. Le colosse dévoilerait par endroits sa cage thoracique de varangues. Il faudrait casser le béton de lest, entre autres saines distractions, changer des bordés, calfater, goudronner. Le bateau entièrement vidé, tout l’aménagement intérieur serait à faire... Le pavois... Tout serait à faire, à trouver, tout.
On s'extasie assez facilement sur une fourmi, acharnée à ramener dans l'entreprise familiale une mégabrindille malcommode et rétive. André et Yannick charriant par le canal un poteau d'une vingtaine de mètres en vue d'en faire un mat ne sont pas mal non plus. D'autant plus qu'ils ont une préférence marquée pour les périodes de chômage où les écluses sont fermées, pour pouvoir les contourner par la terre et développer ainsi leurs talents de roulage.
Et puis, un jour, après bien plus de péripétie, d'autres soirées à festoyer, les arêtes d'on ne sait combien de générations de mulets entassées sous la carène, un jour, les voiles sont là, ferlées. Y'a plus qu'à hisser, yé! On désamarre, on court pousser à la gaffe, on oublie le fil électrique, on crie, on ramène le cordon, on rigole, on est parti, on vole.
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