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L'océanographe François Sarano, co-auteur de "Justice pour l’étoile de mer. Vers la reconnaissance des droits de l’Océan" (Actes Sud), était l'invité du 9h20 de France Inter, mardi 13 mai.

Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20

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Transcription
00:00Et lui aussi, il va nous emmener dans les profondeurs des mers et des océans.
00:05Bonjour François Sarano !
00:07Bonjour Léa Salamé, merci !
00:09C'est moi qui est tellement heureuse de vous recevoir ce matin.
00:12Merci d'être avec nous.
00:13Je commence par mes questions rituelles.
00:15Si vous étiez un poisson, ça ne vous étonnera pas,
00:18une mer et une émotion, ce serait quoi ?
00:21La rémanta !
00:22La rémanta, avec ses grandes ailes qui dansent.
00:26Elle a la prestance de l'albatros, la précision de l'hirondelle.
00:29Et en ouvrant ses ailes, elle vient vous accueillir.
00:32Elle fait des arabesques autour de vous, dans le ciel de l'océan.
00:35Elle vous emmène vraiment, cette rémanta.
00:37Vous racontez, et c'est magnifique quand vous racontez qu'une rémanta,
00:40une fois vous a entouré de ses ailes, c'est presque amoureux quoi !
00:44Et oui, c'était au large de Sumatra, dans les années 90, sur la Calypso.
00:50J'étais tout seul.
00:51Et au petit matin, elle est arrivée.
00:53Je n'osais pas, elle s'approchait, elle s'approchait.
00:55Et puis je l'ai caressée.
00:56Et alors, tout d'un coup, elle s'est mise à pirouetter sur elle-même
01:00et à revenir, les ailes ouvertes, encore plus près de moi.
01:03Et pendant toute la plongée, nous avons dansé.
01:07Et à la fin, elle m'a enveloppé.
01:09Ça pose question !
01:09Même moi, j'aurais presque envie de danser avec la rémanta.
01:12Mais ça pose vraiment question, parce qu'on pensait que les animaux à sang-froid
01:16n'étaient que des machines qui répondaient de façon standardisée au stimuli du milieu.
01:20Non ! Ce sont des personnalités !
01:23Oui, là, on commence sur le bouquin.
01:24On y arrive.
01:25Mais si vous étiez une mère, avant ?
01:27La Méditerranée, bien sûr.
01:29C'est notre mère de cœur.
01:31Et j'ai vécu et démarré l'histoire de ma vie au bord de la Méditerranée.
01:36Une émotion ?
01:37L'empathie, parce que ça nous met en relation les uns avec les autres.
01:41Le commandant Cousteau, que vous avez bien connu, avec qui vous avez travaillé pendant 13 ans, disait
01:46« Beaucoup de gens attaquent la mère, moi je fais l'amour avec elle ».
01:50Elle vous parle, cette phrase ?
01:53Oui, je pense que l'amour va nous sauver.
01:58Et donc, la mère, qui est notre berceau natal, va nous réaccueillir.
02:06On a besoin d'elle.
02:07Il ne faut pas oublier que nous sommes de la mer.
02:10Nous sommes océans.
02:11E-A-U-C-A-N.
02:13La même biosphère.
02:14Nous ne sommes qu'un seul.
02:15Tout l'eau de la planète et tous les êtres vivants avec nous.
02:18Nous avons coévolué.
02:19François Sarano, vous êtes océanographe, plongeur professionnel, écrivain, explorateur.
02:24Vous êtes l'un des plus grands spécialistes français de l'océan.
02:27Vous avez été le chef d'expédition de la Calypso avec Cousteau pendant 13 ans.
02:31Vous êtes aussi activiste au sein de l'association Longitude 181,
02:34qui protège la vie marine et qui veille sur vos amis cachalots dont on va parler de l'île Maurice.
02:39On vous surnomme d'ailleurs l'homme qui murmure à l'oreille des cachalots.
02:43Et vous publiez donc « Justice pour l'étoile de mer » que vous co-signez avec l'avocate Marine Calmet.
02:49Un livre qui sort demain chaque dessus, d'un livre poignant pour défendre des droits juridiques pour les océans,
02:55alors qu'aura lieu dans un mois tout juste en juin, à Nice, la très très grande conférence des Nations Unies pour l'océan.
03:01Emmanuel Macron y sera, il y aura plein de chefs d'État.
03:03Pour une fois, on va s'intéresser à l'océan, ce grand méconnu.
03:08C'est vrai qu'il y a certains scientifiques qui disent « Mais comment c'est possible qu'on connaisse mieux l'espace,
03:13les planètes, plutôt que notre propre océan ? » L'océan est méconnu.
03:16Et c'est d'ailleurs une citation au tout début de votre livre « Justice pour l'étoile de mer »,
03:20tirée du film « Océan » de Jacques Perrin avec qui vous avez travaillé.
03:23« Un jour, un enfant qui découvrait la mer m'a demandé l'océan. C'est quoi l'océan ? »
03:28Et je n'ai pas su quoi lui répondre. Je vous la pose la question. C'est quoi l'océan, François Sarano ? »
03:34L'océan, on a tendance à le définir par des chiffres. 360 millions de kilomètres carrés, 240 000 espèces, ça trahit l'océan.
03:40L'océan, c'est une communauté vivante. Et le vivant, ça se vit ! Il faut aller plonger, il faut aller le vivre cet océan.
03:48Et découvrir les yeux dans les yeux, la raie mentale, le cachalot ou l'étoile de mer.
03:52Et on comprend soudain qu'on fait partie de la même communauté, qu'on est lié à eux, que nous sommes interdépendants.
04:00Oui, vous dites d'ailleurs, quand je parle à ma petite fille qui me demande c'est quoi la mer, je ne lui donne pas des chiffres.
04:05Ça ne sert à rien, vous dites, de donner des chiffres. Il faut donner de la poésie, il faut donner des images,
04:09il faut que ça frappe. Vous dites, je lui raconte, si je dois lui raconter la mer, je donnerai zéro chiffre.
04:15Je lui raconterai les embruns, je raconterai l'odeur, l'odeur de la mer.
04:18Je raconterai quand on passe sous la peau de l'océan, je raconterai la légèreté, je raconterai la respiration,
04:24je raconterai l'œil, l'œil du poisson qui vient, l'œil du poisson qui regarde.
04:29Il a quoi l'œil du poisson ?
04:31Un éclat, un éclat de vie. On a tendance à imaginer le poisson mort, on le voit mort sur le pont du bateau.
04:38Et évidemment, son œil est éteint, comme le nôtre si nous sommes morts.
04:42Mais lorsqu'il est dans l'eau, lorsque tout d'un coup il roule dans son orbite et qu'il vous suit,
04:47alors vous êtes happé.
04:49Tout d'un coup, il vous appelle, il vous appelle.
04:52On oublie, il faut changer de monde, changer d'univers et imaginer à quel point leur communication est différente de la nôtre.
05:01Il faut changer de référence. Et à ce moment-là, on rentre en relation avec eux.
05:04L'œil du poisson, le regard du poisson, des animaux sous la mer, votre ami, votre grand ami Jacques Perrin, il en parlait. On va l'écouter.
05:14On a eu l'impression avec Jacques Luzot il y a sept ans que finalement, le citoyen n'avait pas à l'esprit de quoi il s'agissait, la nature du vivant.
05:21On a voulu s'approcher du plus près de ces espèces. Et du plus près c'est quoi ?
05:25C'est de regarder, ça semble étrange, mais d'être à côté d'un poisson et de saisir son regard.
05:30Parce que ça regarde un poisson, parce que c'est vivant, parce que c'est une nature.
05:33Alors ça, ça change complètement tout et donne l'impression formidable du vivant.
05:37Donc pour nous, c'est la première fois que les gens, quand ils parlent et qu'ils ont défendu une cause,
05:41ils ont avec eux, ils savent ce que sont ces autres.
05:45Ces autres qui habitent dans des territoires autres, mais qui fait qu'il y a une émotion profonde.
05:49Et on défend quelqu'un. On ne défend pas une idée. On défend des êtres vivants.
05:54Et ça, c'est complètement différent.
05:56On défend quelqu'un parce que oui, l'étoile de mer, c'est quelqu'un.
06:00Et même l'éponge, c'est quelqu'un.
06:04C'est quelqu'un et c'est très important.
06:06Aujourd'hui, les autres vivants, l'étoile de mer, l'éponge,
06:10ne sont pas mieux considérés que rien, que le caillou, que la boue,
06:14tous ces vivants qui font la communauté de l'océan,
06:18ignorez complètement.
06:19Par conséquent, on les efface.
06:21Dans l'inconscience et l'ignorance générale.
06:24Il faut donc leur donner une personnalité.
06:26Vous distinguez, en fait, dans ce livre, parce que tout ce livre-là, pour être très clair,
06:30c'est que vous réclamez des droits fondamentaux,
06:31le droit d'exister, d'être en bonne santé, de prospérer, de se régénérer, d'évoluer.
06:35Pour tous ces animaux de la mer qui ne peuvent pas parler,
06:38vous êtes leur porte-voix et vous demandez à faire inscrire ces droits de l'océan
06:41dans la déclaration finale de ce sommet dans un mois où vous serez à Nice.
06:46Et c'est très important ce qui va se jouer là.
06:48Mais au fond, vous vous expliquez qu'on a deux conceptions sur le monde marin.
06:52Il y a deux espèces.
06:54D'un côté, les espèces commerciales, celles qu'on mange.
06:57Donc le poisson, un bon bar, un bon saumon, etc.
06:59Les huîtres, les crustacés.
07:01Et puis de l'autre, les espèces qui ne sont rien.
07:04dont l'étoile de mer, dont l'éponge.
07:08Vous dites que ce sont des créatures déchets, des res nullius, des choses sans maître.
07:13Ce sont des animaux qu'on prend dans les filets de pêche
07:16et qu'on le relargue ensuite dans la mer.
07:18Mort ou vif, on s'en fiche.
07:19Et c'est eux, en fait, c'est pour eux que vous voulez parler.
07:23Et en fait, vous racontez que quand vous étiez jeune étudiant en 1982,
07:27vous faisiez une thèse sur la pêche au mer Lue.
07:30Et vous vous êtes retrouvé en observation sur un bateau de pêche industriel.
07:33Et il y avait ces immenses filets qu'on envoyait dans la mer.
07:36Et vous racontez que ces immenses filets,
07:38il ramenait tout dans sa gueule béante sur le bateau.
07:42Poisson, sèche, crabe, étoile de mer, éponge, rocher, débris, vase.
07:46Tout rentre sans distinction et s'écrase au fond du filet.
07:49Et puis ensuite, les pêcheurs trient.
07:51Ce qui est consommable, on le garde.
07:53Le bon poisson, on le garde.
07:54Et ce qui est le reste, les rebuts morts, on les balance avec leurs yeux,
07:59vous dites, leurs yeux parfois morts, parfois vivants,
08:01mais en souffrance, en agonie, on s'en fiche.
08:03On les rejette dans la mer.
08:05Oui, ils ne sont rien.
08:07Et si nous voulons éviter ces dégâts collatéraux,
08:09parce qu'il ne s'agit pas de remettre en question ici la pêche,
08:12ni même les pêcheurs,
08:14mais les techniques de pêche qui font des dégâts collatéraux insupportables.
08:17Mais aujourd'hui, on ignore ces dégâts collatéraux.
08:19Ils n'existent pas, puisque ces vivants-là,
08:21l'étoile de mer, l'éponge, l'eau tuerie, ne sont pas nommés.
08:25Il faut leur donner un droit d'existence
08:27pour que nous puissions ajuster nos activités à leur droit de vivre.
08:31C'est pour être mieux, en harmonie, ensemble, avec ces espèces dont nous dépendons.
08:37Parce que depuis 3,8 milliards d'années, nous avons co-évolué.
08:41Nous avons tissé des liens avec elles.
08:43Vous pensez que vous allez y arriver avec Trump au pouvoir aujourd'hui ?
08:46C'est difficile.
08:47Mais c'est une étoile polaire.
08:50Ça peut nous guider.
08:51En deux mots, il ne s'agit pas aujourd'hui de changer brutalement les choses.
08:55Il s'agit de dire, attention,
08:56nous sommes en train d'effacer les vivants dont nous dépendons,
08:59la beauté du monde dont nous dépendons,
09:01que je vais offrir à ma petite fille.
09:03Alors, regardons ces êtres-là.
09:05Aujourd'hui, on ne les regarde pas, puisqu'ils ne sont même pas nommés.
09:07Ils n'ont pas d'existence.
09:09Il faut leur donner cette existence pour nous forcer à ajuster,
09:13à accorder nos activités avec leur présence.
09:16Pourquoi ils sont importants pour nous ?
09:18Pourquoi ils sont importants ?
09:18Je pourrais me dire, je m'en fous, moi, de la toile de mer.
09:20Qu'est-ce que vous me direz ?
09:22Alors, pour deux raisons.
09:24Des raisons d'ordre biologique.
09:26Tous ces vivants font la communauté dont nous dépendons.
09:29Interdépendance.
09:30Tous les vivants sont liés.
09:31Je ne suis pas ma forme.
09:32Je suis le moment avec vous en ce moment.
09:34Je suis les relations que je tisse avec le monde.
09:36Et on ne peut pas couper impunément ces relations qui font la toile du vivant.
09:40Quand on enlève des fils, la toile s'effiloche et le vivant s'effondre.
09:44C'est ce qui se passe aujourd'hui.
09:45C'est pour ça qu'il faut cesser.
09:46Et si l'on veut cesser, il faut bien reconnaître les dégâts collatéraux.
09:49Il faut bien reconnaître ces autres vivants.
09:51Sinon, on ne cessera jamais.
09:53On n'ajustera jamais nos dégâts.
09:54Donald Trump qui veut éliminer la branche de recherche de l'agence d'observation océanique et atmosphérique.
10:00C'est elle qui veille notamment sur les baleines.
10:02Là, il a coupé les fonds et on ne peut plus travailler.
10:04Donald Trump qui a signé aussi un décret il y a quelques jours
10:07autorisant l'exploitation minière des fonds sous-marins.
10:10Et vous dites que ça risque d'être un véritable désastre.
10:12Ça sera un désastre.
10:13Mais Donald Trump passera.
10:14Le vivant ne passera pas.
10:16Et le vivant que je veux offrir à ma petite fille, à Yaté, à vos petits-enfants,
10:20c'est un vivant joyeux, heureux, désirable.
10:22Pas simplement des vivants domestiques dans un monde où tout sera contrôlé.
10:28L'imprévisibilité de la vie sauvage des océans est quelque chose qui nourrit notre âme, notre liberté.
10:34Alors que le monde contrôlé qu'on nous propose, c'est un monde triste.
10:41Je veux un monde gai pour vos enfants.
10:43Et vous allez faire entendre et donner de la voix, comme on vous entend ce matin,
10:47pendant un mois pour mettre la pression jusqu'au sommet du mois de juin, du 10 juin à Nice.
10:53Un mois et après ?
10:54Et après, oui, bien sûr, il ne faut pas lâcher.
10:55Mais enfin là, déjà, ça va être un rendez-vous très, très important du monde entier à Nice.
11:00La mer vous a prise très jeune, François Sarano.
11:03La mer, on va écouter la chanson pas de Charles Trenet.
11:06J'ai pris la reprise, je ne sais pas si vous la connaissez en anglais, de Robbie Williams.
11:09C'est pour le film Nemo.
11:10C'est pour le film Nemo.
11:39La mer, pour vous, c'est enfant, dans les années 50, quand votre père vous offre un masque.
11:46A l'époque, les masques, ce n'était pas en plastique, c'était en verre et ça se cassait.
11:49On est dans les années 50, vous plongez avec ce masque.
11:52Et là, c'est une révélation, c'est un choc.
11:54Votre premier coup de foudre, marin, gamin, c'est un poulpe.
11:58Un poulpe, c'est un animal extraordinaire qui se fond dans le fond marin, il disparaît.
12:04Et tout d'un coup, son œil doré, fendu d'une pupille moire, vous fixe et vous appelle.
12:09Et puis hop, il s'évanouit.
12:10La texture de sa peau ressemble aux algues environnantes.
12:13Et hop, il est là.
12:15C'est un appel à l'exploration.
12:18Oui, cet appel à l'exploration, vous allez le poursuivre en faisant des études de biologie.
12:24Et puis à un moment, vous allez rentrer pour bosser dans un musée océanographique, c'est ça qu'on dit.
12:30Et là, vous croisez la route du commandant Cousteau et il vous dit, non, viens avec moi.
12:34Viens avec moi.
12:35Vous lui dites, mais je ne peux pas, je vais signer dans un musée.
12:37Il vous dit, non, viens avec moi, on va voyager.
12:40Allez, viens de moi et tu verras.
12:41Vous partez de moi, vous allez rester 13 ans jusqu'à la mort de Cousteau sur l'Acalipso.
12:48Oui, c'est une aventure.
12:50C'était encore une époque où on était libre d'essayer tout.
12:55Cousteau nous donnait les moyens de satisfaire notre gourmandise.
12:59Quand on plongeait et qu'on ressortait souvent avec le sourire jusque-là,
13:02il ne nous demandait pas, qu'est-ce que vous avez trouvé ?
13:05Non, il nous demandait, est-ce que vous vous êtes régalé ?
13:08Est-ce que vous avez bien exploré ?
13:09Il n'y avait pas de rentabilité là-dedans.
13:11On était là pour aller à la rencontre des autres vivants,
13:15inconnus, souvent dans des milieux qui n'avaient pas été exploités.
13:18Et vous dites, jeune, j'étais arrogant, mais combien de fois la mère m'a prise à contre-pied ?
13:26Ça veut dire quoi quand la mère vous prend à contre-pied ?
13:30Ça veut dire très physiquement, quand tout d'un coup les courants sont très forts
13:34et qu'on se dit, je ne les ai pas très bien mesurés.
13:37Et puis aussi, quand on croit savoir des choses et que tout d'un coup on découvre que l'on ne connaît pas.
13:43On a accumulé des informations, mais on n'a pas vécu les choses.
13:47Et puis, vous nous avez parlé du poulpe, de la raie menta,
13:51mais il y a quand même votre chouchou, c'est lui.
14:00Oui, alors ça c'est le clic du cachalot.
14:04C'est bien ça, on ne le trompe pas.
14:05Ce sont les clics.
14:07Alors parlez-moi d'Eliott et de tous les cachalots que vous aimez.
14:10Eliott c'est votre pote, ça fait quoi ? Combien d'années ?
14:13Alors, Eliott, on est en 2025, il a 14 ans
14:16et au 40 jours.
14:19Comment il va Eliott ?
14:21Eliott, je pense qu'il est parti maintenant.
14:24On ne l'a pas vu cette année-ci,
14:26parce que les jeunes mâles quittent le clan familial
14:28pour ne jamais y revenir.
14:29Et il va dans les eaux du sud,
14:31il va vers Kerguelen, crozer,
14:33les cinquantièmes hurlants,
14:34les tempêtes, les éléphants de mer,
14:36les albatros.
14:37Il va vivre une nouvelle vie,
14:38peut-être qu'un jour, quelqu'un le recroisera.
14:40C'est quoi cette passion que vous avez pour les cachalots ?
14:43Donc vous dites, j'ai de l'émerveillement pour les cachalots,
14:45ce sont des mastodontes,
14:46impossibles à décrire,
14:47presque monstrueux,
14:48mais ils sont légers et gracieux comme des papillons.
14:51Ils passent beaucoup de temps à se caresser,
14:53on ne soupçonne pas cette délicatesse.
14:55Et alors vous nous racontez,
14:56parce qu'ils ont chacun leur nom,
14:58elles ont leur petit caractère les cachalotes,
14:59je ne sais pas si on dit les femmes,
15:01et il y en a qui ne sont pas copines avec d'autres.
15:03Je ne sais plus comment...
15:04Vanessa, Delphine et Caroline ne sont pas copines
15:07avec Amy et Adélie.
15:08Et oui, mais surtout,
15:11on découvre que chacun a sa propre personnalité.
15:14Nous les avons vus grandir depuis leur naissance,
15:16une vingtaine de petits.
15:18Et petit à petit,
15:19on s'aperçoit que chacun construit son monde propre,
15:21et chacun développe sa personnalité.
15:23Et tout d'un coup,
15:24ils sont très différents les uns des autres.
15:26Elliot est un explorateur.
15:27Elliot est quelqu'un qui ne se satisfait pas de son monde là.
15:31Il vient à la rencontre.
15:33Et tout d'un coup,
15:34il nous interroge,
15:35et il a envie de nous apprivoiser.
15:41Ça, cette expression sonore,
15:42ça veut dire
15:43« Je voudrais des contacts physiques.
15:44Je veux tisser des liens ! »
15:46Et là, vous êtes bouleversé.
15:47Comment ne pas être bouleversé ?
15:48Et qu'est-ce que vous lui répondez, vous,
15:49quand il vous fait ça ?
15:50Alors, ben voilà,
15:51pris à contre-pied,
15:53je suis désarçonné,
15:54je ne sais plus comment réagir.
15:57J'essaye de rentrer maladroitement
15:58dans son offre.
16:00Alors, je bascule sur moi-même,
16:01je fais une cabriole,
16:02et je vois,
16:03il fait la même cabriole.
16:05Je plonge,
16:06il plonge.
16:07Nous rentrons en relation,
16:08bien que nous ne puissions pas
16:09communiquer directement,
16:11pas nous comprendre.
16:13Et un moment de partage
16:14qui dure plus de dix minutes,
16:16un animal sauvage
16:17qui vient vous tendre la main
16:19pendant dix minutes,
16:20qui est là.
16:20Moi, j'aurais peur.
16:22D'abord, vous serez émerveillé.
16:23Pardon, venez avec moi.
16:25Vous serez émerveillé.
16:25Là, je ne vous cache pas,
16:27là, j'ai envie de partir avec vous
16:28tout de suite.
16:30Quand on vous écoute,
16:31franchement...
16:31L'émerveillement va nous sauver.
16:34Mais il faut prêter attention
16:35aux autres,
16:36même le matin,
16:37aux oiseaux,
16:38aux feuilles,
16:39aux fleurs.
16:40Il faut qu'on les écoute,
16:41c'est ce que vous dites.
16:41Oui.
16:42Écoutez les oiseaux.
16:43Prêtez attention.
16:44Prêtez attention aux oiseaux.
16:45Et puis aussi,
16:46il y a des petits gestes.
16:47Vous parlez des shampoings,
16:48des crèmes solaires
16:49qui bousillent l'océan.
16:50Vous parlez de la consommation
16:51de poissons
16:51qui a littéralement explosé.
16:53Aujourd'hui,
16:53on en mange 30 kilos par an
16:55et par personne.
16:56Il y a 30 ans,
16:56c'était 9 kilos seulement.
16:58Ça aussi, il faut l'entendre.
16:59Ça aussi, il faut l'entendre.
17:00Parce que je viens d'une rencontre
17:01avec notre ministre
17:03de la mer et de la pêche
17:04qui dit vouloir soutenir
17:06une politique de croissance
17:07de la consommation
17:08de poissons en France.
17:08C'est insupportable !
17:10Pourquoi ?
17:11Parce qu'on sait depuis
17:12la fin des années 80,
17:13le début des années 90,
17:14que nous avons atteint
17:15le maximum des prélèvements
17:16que nous pouvons faire
17:17dans un océan
17:18sans le détruire encore plus.
17:20Donc on ne peut pas
17:20chez nous croître.
17:21Parce qu'on va priver
17:23et des populations
17:24qu'en ont besoin
17:24et des écosystèmes.
17:25Vous mangez du poisson, vous ?
17:27Oui, je mange du poisson.
17:28Mais pas trop ?
17:29Jamais trop.
17:30Et chaque fois que j'en mange
17:31offert par mes amis
17:32marins pêcheurs,
17:33je considère que c'est un diamant
17:34et une offre exceptionnelle.
17:36Et je sais exactement
17:37la valeur que ça a.
17:38Et voilà,
17:39ce n'est pas du saumon.
17:40Il faut ajuster
17:42nos égards
17:42envers les autres.
17:44Les impromptus,
17:44on termine.
17:45Les dents de la mer
17:45ou le grand bleu,
17:46François Sarrano ?
17:48Le grand bleu.
17:50La meilleure température
17:51pour se baigner ?
17:53Celle où on est nu dans l'eau
17:56et où l'eau coule
17:57contre son corps.
17:58Vous avez 71 ans cette année,
18:00vous plongez toujours ?
18:01Plus que je n'ai.
18:02Oui, bien sûr.
18:04Vous avez déjà eu peur
18:05dans l'océan ?
18:06Oui, j'ai eu peur
18:07une fois quand j'ai été coincé
18:08dans une épave.
18:10C'est une sensation
18:12assez désagréable
18:13d'être seul coincé
18:15et de dire
18:16qu'on ne sait pas
18:17où est la sortie.
18:18Vous avez déjà pleuré
18:19sous l'eau ?
18:20J'ai ri.
18:21Je n'ai pas pleuré.
18:22J'ai ri, j'ai ri, j'ai ri
18:23au point que mon masque
18:24a été plein d'eau
18:26et c'était formidable.
18:27Les gens heureux.
18:29Et Dieu dans tout ça ?
18:30Dieu,
18:32c'est la force du vivant.
18:34C'est la force du vivant
18:35et nous faisons partie
18:35de cette biosphère
18:36et de cette force-là.
18:37Il ne faut pas la gâcher,
18:38il ne faut pas se blesser,
18:40il faut vouloir la transmettre.
18:42Le livre s'appelle
18:42Justice pour l'étoile de mer
18:44co-écrit avec l'avocate
18:45Marine Calmé
18:46vers la reconnaissance
18:47des droits de l'océan
18:48par le meilleur ambassadeur
18:49des océans.
18:50C'est chez Actes Sud.
18:52Merci infiniment,
18:53François Sarano,
18:53d'avoir été avec nous.
18:55Merci.

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