Un sapeur-pompier qui a tenté de faire cesser un rodéo urbain à Évian-les-Bains ce samedi 10 mai a été délibérément percuté et plongé dans le coma, selon les premiers éléments de l'enquête. Est-ce que les pompiers sont devenus de nouvelles cibles d'agressions?
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00Avec nous, Élise Lelue, sapeur-pompier volontaire de première classe au centre de secours d'Arpajon en Essonne.
00:10Bonjour Élise et merci d'être avec nous ce matin.
00:13Le général Bertrand Cavalli, expert en sécurité, nous accompagne également.
00:16Bonjour.
00:17Bonjour.
00:17Éric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
00:22La garde à vue du suspect qui a foncé samedi matin sur ce pompier volontaire à Evian-les-Bains vient de s'achever.
00:28Il devrait être déféré devant la justice dans les minutes qui viennent.
00:31Le choc est évidemment immense, Éric, ce matin chez tous les pompiers de France.
00:36La victime à Evian était pompier volontaire comme 80% de nos pompiers aujourd'hui.
00:42D'abord, est-ce que vous avez des nouvelles de la victime d'Evian ?
00:46On disait tout à l'heure que son pronostic vital était encore engagé hier soir.
00:50C'est exactement le cas, c'est-à-dire qu'aujourd'hui on ne peut pas se prononcer vers une amélioration.
00:54Il y a beaucoup de médecins aujourd'hui qui vont être autour de lui, qui ont même été déplacés vers son lit d'hôpital
01:01pour pouvoir permettre à un moment donné de travailler notamment sur la partie du cerveau
01:05qui a été énormément impactée suite à sa chute.
01:07Donc voilà, on est tout cœur avec lui, on pense forcément à sa famille, à toute la corporation.
01:10On vous connaît très bien, Éric, et on sait que vous êtes un homme de sang-froid.
01:13Mais depuis deux jours, je sens chez vous une colère, mais que je n'ai jamais vue en fait.
01:18Oui, il y a une colère qui à un moment donné dépasse effectivement parfois, il faut que je me retienne aussi, par rapport aux portes de l'uniforme.
01:23Mais je pense qu'aujourd'hui on doit porter aussi cette sensation qu'aujourd'hui au sein des sapeurs-pompiers,
01:27il y a un sujet qui est commun, on va dire, à l'ensemble des corporations.
01:32C'est un ras-le-bol sur la considération que l'on fait du service public et encore plus des sapeurs-pompiers
01:36qui sont là pour protéger, secourir et sauver.
01:38Et donc le sujet aujourd'hui, c'est comment essayer d'arrêter ce fléau.
01:43Si une génération est malheureusement gâchée aujourd'hui et qui n'a toujours pas compris
01:46quel était le sens que l'on portait au quotidien au travers des territoires,
01:49il faut commencer à travailler sur la génération future, celle d'aujourd'hui.
01:53Je pense qu'aujourd'hui, certains d'autour de la table sont particulièrement bien placés
01:56pour comprendre que les jeunes générations aujourd'hui, entre 7 et 10 ans,
01:59vont faire ce qui va être décidé pour notre nation, la cohésion de notre nation
02:03et de respecter les valeurs de la République.
02:05Parce qu'on parle d'effets déviants, mais enfin, les agressions de pompiers,
02:09les cailloux que vous recevez en intervention, ça fait aussi partie de votre quotidien ?
02:13Alors, oui et non.
02:15C'est-à-dire qu'en gros, 1462 interventions qui ont été impactées par des agressions l'année dernière,
02:20c'est plus de 600 sapeurs-pompiers qui ont été touchés en 2024 par des effets d'agression.
02:24Donc forcément, ça fait partie aujourd'hui des préparations à nos interventions.
02:28Mais ça n'empêche pas des jeunes, des jeunes gens de s'engager comme vous, Élise ?
02:31On a la lumière à côté.
02:32Vous avez quel âge ?
02:33J'ai 21 ans.
02:33Et vous avez décidé donc de vous engager en parallèle à votre métier, évidemment.
02:37Vous êtes...
02:38Infirmière.
02:39Infirmière.
02:39Oui.
02:39Et malgré toutes les difficultés que l'on décrit, ces événements que l'on vit,
02:43vous avez choisi de vous engager.
02:45Exactement.
02:46Pourquoi ?
02:46Depuis 4 ans maintenant, je suis sapeur-pompier volontaire.
02:49Pour aider la population, il n'y a pas que du négatif, on voit beaucoup de positifs aussi.
02:57On peut faire des accouchements, il y a énormément d'interventions émouvantes aussi dans ce métier-là.
03:03On ne parle pas aussi, enfin, on parle peu de tout ce qui est de la caserne, l'ambiance avec les collègues.
03:12On peut aussi avoir...
03:14Malgré les risques, malgré les menaces, malgré ce que peuvent vivre certains de vos confrères.
03:18Voilà.
03:18Il y a une confiance aussi entre collègues, qu'on parle peu, ce qui est important aussi dans notre métier.
03:27C'est une famille, les pompiers.
03:28Exactement.
03:28C'est une immense famille, les pompiers.
03:30Et vous, vous le disiez, vous avez décidé de vous engager, vous étiez encore mineure.
03:34Aujourd'hui, cette agressivité sur le terrain, vous l'avez déjà perçue, vous, à votre jeune âge, en étant une femme ?
03:40Eh oui, oui, oui.
03:41De quelle façon ?
03:42Des cailloux sur les véhicules qu'on nous jette.
03:46À quel moment est-ce qu'il y a eu un point de bascule, Éric ?
03:48À quel moment est-ce que les pompiers sont devenus une cible pour les voyous ?
03:52Je pense qu'on commence à s'intéresser à ces types d'agressions qui ont malheureusement existé,
03:55pour la bonne et simple région, qu'elles ont changé à chaque fois de cap et de cran.
03:59Avant, on faisait des interventions, effectivement, on redoutait les nuits de vendredi à samedi ou de samedi à dimanche,
04:03où les gens n'avaient plus forcément pleine possession de leurs moyens à partir du moment où on allait à l'alcool,
04:07les sorties de boîtes et compagnie.
04:08Donc ça, ça faisait partie un petit peu du cadre, on va dire, d'intervention dans laquelle on s'attendait parfois de se retrouver au milieu des conflits.
04:14Mais néanmoins, aujourd'hui, on a passé un cap.
04:16Et aujourd'hui, c'est difficile, aujourd'hui, de parler d'agression au regard de ce qui s'est passé hier, malheureusement,
04:20parce qu'on est sur un sujet, aujourd'hui, beaucoup plus haut.
04:23C'est une agression avec, en plus, une volonté de vouloir tuer.
04:25Alors, justement, Général Bertrand Cavalier, qu'est-ce qui manque aujourd'hui ?
04:28Je ne sais pas, peut-être dans l'arsenal juridique français pour enrayer ce type de fléau,
04:33les agressions de pompiers qui peuvent aller jusqu'au rodéo urbain dramatique que l'on a vus ce week-end ?
04:39– Alors, c'est une question centrale, mais il n'y a pas que la réponse juridique.
04:43On est sur un problème profond, on est sur un problème qui relève du déficit d'éducation,
04:47on est sur le problème également de l'avènement d'une contre-culture,
04:50qui est structurée par, je dirais, une ethnographie très violente.
04:55Je parle notamment du rap.
04:56Comment on se fait-il que tant de jeunes…
04:58– Sans qu'on passe de généralité quand même ?
04:59– Non, mais si vous voulez, le rap c'est intéressant parce que vous avez un rap très violent,
05:03qui est dominant, vous avez un rap qui ne l'est pas, mais qui est marginalisé.
05:06Si vous voulez, qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, face à l'uniforme, face à des gendarmes,
05:10des policiers, des pompiers, mais également des médecins, des infirmiers, des professeurs,
05:14– Des maires.
05:15– Des élus, il y a aujourd'hui cette généralisation de la violence,
05:18cette banalisation d'une violence avec une montée aux extrêmes.
05:21Donc, bien entendu, il y a un gros problème sur le plan, je dirais, pénal,
05:25parce que le système ne fonctionne plus.
05:27Il ne fonctionne plus depuis des années.
05:29Dans les années 80, le fait de ne plus systématiser des courtes peines
05:33a fait qu'on a instauré, de facto, un principe d'impunité, une réalité d'impunité.
05:40À partir de là, il y a eu une forme d'escalade dans la violence.
05:46Tous ces phénomènes combinés font qu'aujourd'hui, on est devant une situation très complexe.
05:50– Mais par exemple, dans les mesures immédiates, Bruno Rotaillot propose que la prise en chasse
05:53des véhicules participants à des radios urbains soit autorisée partout.
05:57Alors, j'ai découvert que c'était le cas en région parisienne, mais pas ailleurs.
06:01Pourquoi ça n'était pas ailleurs ?
06:02– Mais si vous voulez, il y a également une certaine frilosité des hiérarchies intermédiaires.
06:07On ne donne pas forcément les bonnes consignes.
06:09Il est vrai que, par exemple, sur les refus d'obtempérer,
06:11quand on dit de ne plus poursuivre, ça encourage ces transgressions.
06:18Donc il est vrai qu'aujourd'hui, tout l'appareil d'État doit se mettre en ordre de bataille
06:23pour contrer toutes ces transgressions, toutes ces dérives.
06:26Mais il faut assumer après, si vous voulez, parce que…
06:28– Assumer quoi ?
06:29– Eh bien, il faut soutenir les gendarmes, les policiers.
06:33Il faut les soutenir également dans l'emploi de l'usage de la force,
06:36qui est très complexe.
06:37Il y a aujourd'hui une inhibition même d'une partie des forces de l'ordre dans le quotidien.
06:41Donc il faut complètement changer de paradigme aujourd'hui,
06:44se dire qu'il y a des individus aujourd'hui dangereux,
06:47alors violents pour de multiples raisons que l'on pourrait développer.
06:52– Mais si aujourd'hui, il n'y a pas un coup d'arrêt,
06:55je reviens sur ce que disait le commandant,
06:57il faut maintenant sauver la génération suivante.
07:01Celle-ci ne doit pas copier une partie de la génération actuelle.
07:06– Ça veut dire que la génération actuelle, c'est une génération perdue.
07:08– D'un mot, Guillaume Daré, quel est le tempo du côté du gouvernement ?
07:11– On voit qu'il y a une volonté de réformer cette justice des mineurs.
07:14Gabriel Attal avait porté effectivement une proposition sur ce thème-là.
07:17Mais on a l'impression, y compris dans le monde politique,
07:19que c'est quand même un peu un truc qui revient à chaque élection
07:23avec un problème qui n'est pas résolu de façon durable.
07:26– Sous-titrage Société Radio-Canada