Emission TV Faites entrer l'accusé Episode 3 les crimes sexuels sur RMC Story
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AffaireSid Ahmed Rezala, le tueur des trains, Christian van Geloven, Pédophilie, Laurent Gasse
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AffaireSid Ahmed Rezala, le tueur des trains, Christian van Geloven, Pédophilie, Laurent Gasse
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00:00:00Musique
00:00:00Tous ceux qui sont allés s'asseoir un jour sur les bancs d'une cour d'assises connaissent la réalité.
00:00:26Dans un cas sur deux, il s'agit de juger des criminels sexuels.
00:00:30Violeurs, pédophiles, pères incestueux, deux détenus sur dix dans notre pays sont des délinquants sexuels.
00:00:35Alors qu'est-ce qui fait qu'on franchit un jour cette règle intangible qui fait qu'on ne touche pas au corps de l'autre ?
00:00:42Il s'appelait Sid Ahmed Rezzala.
00:00:44Les psychiatres disent qu'il était marginal et immature.
00:00:47On pense qu'il a violé et tué trois jeunes filles.
00:00:50On l'appelait le tueur des trains.
00:00:56Musique
00:00:57Une gare désaffectée près de Châteauroux.
00:01:12On a découvert le corps d'une femme en bordure de la voie ferrée.
00:01:16L'adjudant-chef Borne de la gendarmerie d'Argenton-sur-Creuse est le premier enquêteur à se rendre sur les lieux.
00:01:22Musique
00:01:23Alors c'est ici au pied du poteau qui soutient le caténaire.
00:01:30Donc c'était le 13 octobre 1999.
00:01:32Il était 18h20 à l'heure à laquelle je suis arrivé ici.
00:01:35Alors dès que nous sommes arrivés à hauteur à une dizaine de mètres, nous avons constaté le corps de la jeune fille allongée.
00:01:40On a vu tout de suite que c'était une jeune fille.
00:01:42Elle était ici allongée, les pieds contre la plaque en béton.
00:01:47Elle était pliée à l'équerre si vous voulez.
00:01:48Il n'y avait plus rien à faire pour elle.
00:01:52Le corps est dénudé, désarticulé, dévisagé par un choc manifestement très violent.
00:01:58Pas de traces visibles d'agression.
00:02:00Pas de papier d'identité.
00:02:02Aucun élément, aucun indice ne permettent d'éclairer les circonstances du drame.
00:02:07Au départ, on ne sait pas du tout ce que c'est.
00:02:10Si c'est un suicide, si c'est un accident ou si c'est une affaire criminelle.
00:02:14Trois jours plus tard, un avis de recherche en provenance d'Interpol leur apprend qu'il s'agit d'Isabelle Peake, une Anglaise âgée de 20 ans qui étudie à Limoges.
00:02:29Le témoignage des amis d'Isabelle va considérablement faire avancer l'enquête.
00:02:34Le 13 octobre, la jeune fille prend le train de 2h50 du matin à Limoges, direction Paris.
00:02:40Elle va rejoindre son fiancé en Angleterre.
00:02:43Peu à peu se dessine l'évidence.
00:02:46Isabelle a été assassinée.
00:02:48Ce qui a déterminé l'hypothèse criminelle, si vous voulez, c'est qu'au fur et à mesure, on a retrouvé des objets de la jeune femme le long de la voie, entre Chabonnet et Châteauroux.
00:03:03On en a trouvé donc à une dizaine de kilomètres, puis un peu plus loin.
00:03:06Donc on a trouvé ces affaires, ce qui manifestement montrait qu'il y avait une tierce personne qui était intervenue dans cette affaire.
00:03:12Qu'à un moment donné, il y a quelqu'un qui a jeté les objets par la fenêtre.
00:03:17Donc c'est ce qui a déterminé d'ailleurs le parquet à ouvrir pour une formation d'homicide volontaire.
00:03:24Commence alors un travail d'enquête très minutieux.
00:03:28Il faut identifier les 100 passagers qui ont voyagé dans le train cette nuit-là.
00:03:32En épluchant les fichiers de la SNCF, en recoupant les témoignages, les gendarmes finissent par retrouver des témoins directs du crime.
00:03:39Deux témoins d'un des wagons ont pu nous donner le signalement de cette jeune fille qui avait disparu.
00:03:47Signalement de la jeune fille et signalement d'un jeune homme qui se trouvait avec elle.
00:03:54Par les témoignages, on suit parfaitement Isabelle Pic avec l'individu.
00:03:59Depuis la salle des pas perdus de la gare de Limoges, Bénédictin, on les voit descendre, si vous voulez, dans les témoignages.
00:04:04On les voit descendre, on les voit monter dans le train, on les voit monter dans le wagon, la voiture 15.
00:04:09Et ensuite on les voit partir dans la voiture qui est devant.
00:04:15Et l'on retrouve la voiture, et dans la voiture des traces laissées par le suspect et par la victime.
00:04:21Mais on ne sait pas encore ce qui s'est véritablement passé ce soir-là, aux environs de 4h10 du matin.
00:04:27Le juge Beaugneux, chargé de l'enquête, va faire appel à un profileur, un spécialiste des tueurs en série, pour tenter d'éclairer les zones d'ombre de l'affaire.
00:04:39On pouvait se poser la question encore à ce moment-là, a-t-il l'intention de la tuer ou n'a-t-il l'intention que de la violer ?
00:04:46A l'évidence, il avait prévu de la violer.
00:04:48Il fait partie de ces violeurs dits compensateurs qui compensent une frustration de tous les jours par un acte organisé.
00:04:54Et là, il a tout fait pour l'approcher, pour la manipuler, pour l'amener le où il voulait, pour la violer.
00:04:59Mais quelque chose s'est passé dans cette couchette, dans ce train.
00:05:04Donc, elle a dit quelque chose qui l'a traumatisé, qui l'a ramené à ces traumatismes d'enfance.
00:05:12Et d'un seul coup, si vous voulez, une énergie puissante a refait surface.
00:05:17Et il s'est déchargé de manière très impulsive sur elle, la balançant dans la foulée, hors du train.
00:05:24Tandis que s'organise la reconstitution des faits, le portrait du tueur s'affine.
00:05:29De toute évidence, maintenant, les gendarmes recherchent un criminel sexuel.
00:05:34La reconstitution des faits démontre qu'Isabelle Pic a été défenestrée par un homme seul, avec une extrême violence.
00:05:42Lorsque vous arrivez sur la scène du crime, vous voyez une femme partiellement dénudée.
00:05:48Autrement dit, vous avez une connexion fondamentale entre sexualité et violence.
00:05:53Ce type-là l'a fait exprès et extériorise un fantasme.
00:05:57Ce fantasme, il va le répéter parce que c'est sa seule façon de faire l'amour, sa seule façon de jouir.
00:06:03On est un mois après le meurtre et le travail millimétrique des enquêteurs commence à payer.
00:06:08Toutes les personnes présentes ce soir-là dans le train et aux abords de la gare ont été identifiées.
00:06:13Une liste de suspects est dressée et un par un, ils font l'objet d'investigations discrètes.
00:06:18On a travaillé sur 35 personnes, 35 personnes qui pouvaient correspondre au signalement donné de la personne qui avait été vue avec Isabelle Pic.
00:06:31De ces 35 personnes, l'étude qu'il y a eu pour savoir leur emploi du temps au moment des faits, il en reste 7.
00:06:40Et dans ces 7-là, il y a Rezala.
00:06:43Sur la liste des suspects identifiés par les gendarmes, Rezala est déjà en 3e position.
00:06:52Mais il va de lui-même se propulser en tête de liste.
00:06:56Le 14 décembre, presque deux mois jour pour jour après le meurtre d'Isabelle Pic, une nouvelle victime est découverte.
00:07:04Dans un train.
00:07:07Corinne Caillot, une mère de famille de 36 ans, est retrouvée dans les toilettes du Calais Vintimille, assassinée de 14 coups de couteau.
00:07:14L'étau se resserre car très vite, les gendarmes accumulent les indices et les témoignages.
00:07:19On découvre la personne dans les toilettes de la voiture 46 et en cheminant, en remontant le train, on se rend compte qu'il y a des traces sur les portières, notamment des traces de sang.
00:07:31Et un peu plus loin, on découvre une casquette et en prouvant ça un peu plus loin, dans la voiture 40, il y a trois personnes qui nous confirment que la personne qui était assise avec eux,
00:07:40qui était décrite comme étant très très agitée, et la personne qui a précipitamment pris ses affaires et est partie du train, donc vers 2h35 à peu près, au moment de l'arrêt technique.
00:07:53L'homme en question, c'est Retzala, mais ils n'ont pas encore son nom.
00:07:57Aussitôt après le drame, le train est immobilisé à proximité de Dijon.
00:08:01Les 59 passagers sont maintenus à bord, il n'en manque qu'un, celui qui a été vu quittant le train précipitamment.
00:08:10Les enquêteurs découvrent rapidement son identité.
00:08:13Deux heures avant le meurtre, le jeune homme a été contrôlé sans billet et verbalisé.
00:08:17Sur le PV1, non, Sid Retzala.
00:08:21Insouciance, geste de défi, à chaque fois qu'il est contrôlé sans billet, Sid Ahmed Retzala présente sa véritable carte d'identité.
00:08:30La contravention de ce soir fait de lui l'homme le plus recherché de France.
00:08:33On fait un télégramme de recherche rapide.
00:08:39Celui de Sid Ahmed Retzala a été fait à 6h du matin afin de mettre en alerte tous les services de police et de gendarmerie de France.
00:08:48Nous, nous avions Sid Ahmed Retzala dans nos noms, dans les 4 ou 5 qui restaient.
00:08:53Parce qu'en fait, quand il y a eu le crime de Dijon, il y en avait déjà 2 qui étaient écartés.
00:08:57Mais si vous voulez que lorsqu'il y a le crime de Dijon, il figure dans nos listes.
00:09:02Donc fatalement, si vous voulez, là le rapport est clair.
00:09:06On se dit oui, c'est notre homme.
00:09:08C'est notre homme.
00:09:09C'est notre gars.
00:09:10Voilà, c'est ça, c'est l'expression.
00:09:13La traque est lancée.
00:09:15Pour la presse, Retzala est le tueur des trains.
00:09:19En perquisitionnant à son domicile, 2 jours après le meurtre de Corinne Caillot,
00:09:23les enquêteurs découvrent une 3e victime.
00:09:26Ahmed Sid Retzala, c'est le nom du suspect numéro 1,
00:09:30a séjourné à Amiens, dans cette rue bourgeoise.
00:09:33En perquisitionnant dans cette maison où il louait une chambre à l'étage chez un vieux monsieur,
00:09:37les policiers ont découvert dans la cave, sous un tas de charbon,
00:09:40le corps d'une jeune fille, morte apparemment depuis plusieurs semaines.
00:09:43Une autopsie aujourd'hui a révélé qu'elle avait été étranglée.
00:09:46Selon le procureur d'Amiens, il s'agit très probablement d'une jeune étudiante de 20 ans,
00:09:51Émilie Bazin, dont la disparition avait été signalée le 29 octobre.
00:09:54Et selon l'enquête, Ahmed Retzala est la dernière personne vue en sa compagnie,
00:09:59même si elle ne semblait pas une relation habituelle.
00:10:03Émilie Bazin, Isabelle Pic, Corinne Caillot,
00:10:06les expertises montrent que toutes ont probablement été violées avant d'être assassinées.
00:10:11Mais la problématique de Retzala est beaucoup plus compliquée que celle d'un simple violeur.
00:10:17Car les trois jeunes femmes se ressemblaient.
00:10:18Elles lui rappelaient toutes son ancienne compagne, Nadia, la mère de son enfant.
00:10:23Nadia qui l'a quittée, Nadia qui vit aujourd'hui avec un autre homme.
00:10:28Le tueur en série sélectionne plus ou moins sa victime.
00:10:32C'est-à-dire qu'elle ne la choisit pas par hasard, personnellement, j'entends bien.
00:10:36C'est-à-dire que derrière ses victimes, il y aura souvent une femme qu'il connaît,
00:10:40qui est à son image, mais dont il ne veut pas attaquer parce qu'il l'aime trop.
00:10:46En l'occurrence, derrière les victimes, derrière ces trois victimes, vous avez Nadia, sa petite amie.
00:10:52Cette femme représente tout son ultime recours, sa façon de compenser toutes les frustrations qu'il a connues avant.
00:10:56Alors, cette raison-là, il veut lui faire payer.
00:10:59Il ne peut pas s'en prendre Nadia directement, il l'aime encore trop, en relation passionnelle.
00:11:03Mais il va s'en prendre la victime à son image, qui ont le même profil, la même vulnérabilité,
00:11:07la même situation physique et psychologique.
00:11:13L'histoire de Red Zala est celle d'une dérive.
00:11:17Une dérive amorcée en 1994, quand il arrive à Marseille, avec sa famille, en provenance d'Algérie.
00:11:24Il a alors 14 ans.
00:11:27Très vite, il abandonne l'école et se fait connaître de la police pour de petits vols, autour de la gare Saint-Charles.
00:11:35L'année suivante, il est condamné à 18 mois de prison pour le viol d'un de ses copains, prostitué près de la gare.
00:11:41A l'époque, le rapport d'expertise psychologique le décrit comme immature, violent, victime de pulsions anarchiques.
00:11:47En sortant de prison, il s'installe à Amiens, où il navigue dans le milieu étudiant, servant à l'occasion de revendeur de drogue.
00:11:55En février 1999, à Marseille, il est de nouveau condamné à un an de prison pour l'agression d'un vigile, à coups de couteau.
00:12:04A sa sortie, au mois de juin, il multiplie les allers-retours en train, entre Amiens et Marseille, toujours sans payer.
00:12:13En quelques mois, il sera verbalisé 42 fois.
00:12:15Redzala tue dans les trains, essentiellement parce qu'il s'y sent bien.
00:12:20C'est là, finalement, qu'il se sent le mieux, c'est un peu son chez-soi.
00:12:24Et pourquoi ? Parce qu'il vient d'Algérie, il a été déraciné en venant à Marseille.
00:12:30Et la façon, disons, de se retrouver un petit peu chez soi, parce qu'en France, il n'est pas chez lui, c'est d'imaginer qu'il y ait toujours un mouvement.
00:12:40Pendant deux mois, Redzala est insaisissable.
00:12:43A Marseille, il parvient à s'échapper du domicile de ses parents, pourtant placé sous surveillance de police.
00:12:49En Espagne, il est arrêté pour un vol à la tire, mais la police espagnole n'a pas reçu le mandat d'arrêt international.
00:12:55Elle ne sait pas qu'il est recherché, alors il est relâché.
00:12:59La presse commence à parler de cafouillage, sur fond de guerre des polices.
00:13:03Il faut dire que l'enquête est menée de front par trois juges, les gendarmes et des policiers de la criminelle.
00:13:08Mais la polémique prend fin le 11 janvier 2000.
00:13:12Grâce à des écoutes téléphoniques, Sid Ahmed Redzala est repéré au Portugal.
00:13:17Opération éclair près de cette église, dans la grande banlieue de Lisbonne.
00:13:20Sid Ahmed Redzala a été arrêté hier midi par six policiers portugais, en civil,
00:13:25qui l'ont menotté en douceur après l'avoir reconnu,
00:13:28malgré son visage légèrement changé et ses cheveux coupés, sans doute pour échapper à la police.
00:13:33Ces coups de téléphone en France, repérés par la police de Dijon, l'ont perdu.
00:13:38La police portugaise a été rapide, les policiers français n'ont même pas eu le temps d'arriver pour l'arrestation.
00:13:42Il sera présenté demain à un juge.
00:13:46Le transfert de Redzala vers la justice française s'avère beaucoup plus compliqué que prévu.
00:13:52C'est le début d'un long feuilleton politico-judiciaire.
00:13:55Le problème est que Redzala pouvait éventuellement encourir la peine perpétuelle en France,
00:13:59or le code pénal portugais ne prévoit pas cette peine.
00:14:02De même que nous, on n'extrade pas vers un pays qui appliquerait encore la peine de mort,
00:14:07les Portugais auraient pu refuser, dans l'hypothèse où Redzala encourait la peine perpétuelle, de l'extrader.
00:14:13Les juges ne peuvent donc pas interroger Redzala.
00:14:16Mais un journaliste, Aziz Zemouri, parvient à rencontrer le meurtrier en prison.
00:14:21Et le 20 mai, en pleine négociation sur son extradition,
00:14:24le Figaro Magazine publie la confession de Sid Ahmed Redzala.
00:14:28Dans l'interview, il avoue les meurtres des trois jeunes femmes,
00:14:32mais sans jamais réellement les expliquer.
00:14:34Les enquêteurs qui le connaissent bien ne sont pas surpris par ses propos.
00:14:38C'était le jeune des banlieues.
00:14:42À la limite, il se faisait une gloriole d'être l'ennemi numéro un,
00:14:48la personne la plus recherchée dans le monde.
00:14:50C'est ce qu'il a dit au procureur à Lisbonne,
00:14:53que c'était quand même la personne la plus recherchée dans le monde actuellement.
00:14:57C'était complètement ses mots, sa façon de s'exprimer.
00:15:00Mais c'était aussi quelqu'un de recherchant quelque part la publicité.
00:15:12Cette confession n'a aucune valeur juridique.
00:15:16Ce sera pourtant la seule explication de Sid Ahmed Redzala.
00:15:20Le 28 juin, on est à quelques semaines de sa probable extradition.
00:15:24Il se suicide.
00:15:26À la télé, les gardiens regardent le match de football France-Portugal.
00:15:30Lui met le feu à son matelas.
00:15:32Quand ils reprennent leur ronde,
00:15:34ils le découvrent asphyxié par les fumées toxiques.
00:15:40Malgré l'accumulation des indices,
00:15:43mais en l'absence d'aveu et surtout de procès,
00:15:46Sid Ahmed Redzala restera pour toujours le tueur présumé d'Isabelle Pic,
00:15:51de Corinne Caillot et d'Émilie Bazin.
00:16:11Jusqu'en 1994,
00:16:13quand une personne était condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité,
00:16:16elle pouvait tout à fait sortir au bout de 15 années de prison.
00:16:19La décision était laissée à la seule appréciation du garde des Sceaux.
00:16:24En 1994, la société française réclame en quelque sorte des garanties
00:16:28et les députés décident d'instaurer des peines incompressibles
00:16:32qui peuvent aller jusqu'à 30 ans de prison
00:16:34et qui ne sont pas révisables.
00:16:37Et une affaire a beaucoup compté dans cette décision politique,
00:16:40c'est l'affaire Van Gelhoven,
00:16:42Christian Van Gelhoven,
00:16:43jugé quelques jours après la parution de ce nouveau texte au journal officiel
00:16:47pour le meurtre de deux petites filles.
00:16:55Un gouffre sur le plateau du Larzac.
00:16:58C'est là que les gendarmes retrouvent les corps de deux fillettes
00:17:01qu'ils recherchent depuis deux semaines.
00:17:03Le 3 novembre 1991,
00:17:05interrogé par les gendarmes,
00:17:06Christian Van Gelhoven a révélé l'endroit
00:17:08où il a caché les corps d'Ingrid et Muriel,
00:17:1110 ans toutes les deux,
00:17:13disparu dans la région d'Elnes, près de Perpignan.
00:17:15Ma fille, je ne l'ai vue...
00:17:17La dernière fois que je l'ai vue,
00:17:18c'était le samedi 19 octobre à 4h05,
00:17:22avec un joli petit sourire aux lèvres.
00:17:24Et je ne l'ai jamais, jamais, jamais revue.
00:17:28Ce samedi 19 octobre,
00:17:30les deux cousines fêtent leur anniversaire.
00:17:32Il est 16h lorsqu'Ingrid demande à sa mère
00:17:34l'autorisation de sortir pour jouer avec Muriel.
00:17:37Et pour la première fois,
00:17:38Chantal, qui n'aime pas laisser les enfants sans surveillance,
00:17:42va leur accorder la permission de sortir,
00:17:44seule, une petite demi-heure.
00:17:46Mais elles doivent rester dans le lotissement.
00:17:50Elle n'était pas là.
00:17:52Je me suis dit, c'est bizarre,
00:17:53Ingrid ne te désobille jamais.
00:17:56Je suis sortie, j'ai vu qu'elle n'était pas dans la rue.
00:18:00Et là, je me suis affolée de suite.
00:18:03Je me suis dit, c'est pas normal.
00:18:04Donc, j'ai pris les clés de la voiture.
00:18:09Et j'ai pris la voiture.
00:18:10Et j'ai commencé à tourner dans le lotissement.
00:18:13Pour moi, c'était grave au bout d'une demi-heure,
00:18:15même pas un quart d'heure.
00:18:16C'était déjà grave.
00:18:17Tourner dans le pâté de maison
00:18:18et ne pas les trouver au bout d'un quart d'heure,
00:18:20pour moi, c'était affolant.
00:18:22C'était la panique.
00:18:31Chantal cherche longuement les petites
00:18:33dans les rues d'Elme.
00:18:34En vain.
00:18:35Puis elle prévient les parents de Muriel.
00:18:37Ensemble, ils vont signaler la disparition
00:18:39à la gendarmerie.
00:18:40Le contexte particulier de cette disparition
00:18:46nous faisait craindre le pire.
00:18:48Et on a rapidement écarté le phénomène de fugue.
00:18:54Vu l'âge des petites et vu l'environnement familial
00:18:56que nous avions rapidement cerné.
00:18:59On cherchait sans désemparer jour et nuit.
00:19:02Il n'y avait plus d'arrêt possible.
00:19:06Il fallait à tout prix essayer de retrouver les petites.
00:19:11Tous les moyens sont mis en oeuvre pour retrouver Ingrid et Muriel.
00:19:16200 gendarmes, des maîtres chiens, deux hélicoptères.
00:19:20La région est systématiquement quadrillée.
00:19:24On organise des battus.
00:19:26Des voisins viennent prêter main forte aux gendarmes
00:19:28et aux parents des deux petites filles.
00:19:30Il y avait une solidarité qui était exemplaire pour moi.
00:19:35Jamais j'ai vu ça.
00:19:35Et c'est ça qui nous a tenus.
00:19:36Je parle de nos familles.
00:19:37Heureusement qu'il existait ces gens-là.
00:19:41C'est eux qui nous donnaient de la force à rechercher tout ce monde.
00:19:43Je crois que par nuit, je vois moi,
00:19:44toute ma famille a dormi 3-4 heures par jour.
00:19:46C'est tout, pas plus.
00:19:47Chaque jour, on finissait 2-3 heures du matin.
00:19:49À 7 heures, de nouveau, on repartait.
00:19:51Nous, on avait l'espoir.
00:19:52Au début, pendant 3 ou 4 jours,
00:19:55on a eu l'espoir qu'on les retrouverait
00:19:57parce qu'il y a eu beaucoup de fausses nouvelles
00:19:59qui sont apparues.
00:20:02Bon, des gens qui téléphonaient,
00:20:04les avoir vus en Espagne.
00:20:06D'autres qui les avaient vus du côté de la côte Vermelle.
00:20:12Alors bon, tout ça nous laissait espérer quand même
00:20:15que ces enfants, on les retrouverait.
00:20:18Mais les recherches ne donnent rien.
00:20:20Alors on s'accroche à la moindre piste.
00:20:21Et à Elne, les voyants se bousculent pour apporter leur lumière.
00:20:25Pour moi, à la fin, il ne nous restait que ça,
00:20:27qu'écouter les voyants.
00:20:28Parce qu'on était tellement de monde.
00:20:30Toute la région, voilà, la région.
00:20:32On l'avait déjà proportionné partout.
00:20:35On l'a cherché partout.
00:20:36Donc il nous restait une seule issue si c'était les voyantes.
00:20:40C'était la seule issue qui nous restait à la fin.
00:20:41Pendant qu'on recherche les fillettes,
00:20:50Johnny Gendre et ses hommes se demandent ce qui pourrait expliquer
00:20:53cette double disparition.
00:20:55Ils n'écartent aucun mobile.
00:20:57On est dans une situation qui n'est pas si évidente que ça.
00:21:03Premièrement, on a à faire face à l'angoisse de la famille.
00:21:08Et ça, c'est très important.
00:21:10Donc il faut qu'on gère cette angoisse-là.
00:21:12Et aussi, il faut qu'on puisse faire des investigations de police judiciaire
00:21:18à l'intérieur même de la famille
00:21:21pour savoir si ce n'est pas à partir de là
00:21:25que l'irréparable a pu éventuellement se commettre.
00:21:27À partir du moment où on commence à recueillir les premiers témoignages,
00:21:40on pense que les enfants ont été élevés dans un milieu familial sain, correct,
00:21:46et qu'il faut que nos recherches s'orientent plus à l'extérieur.
00:21:52Nous sommes partis sur différentes pistes.
00:21:55Les pistes d'enlèvement, de séquestration,
00:21:58soit pour éventuellement des gens qui vont commercer avec la prostitution infantile,
00:22:04soit des détraqués sexuels,
00:22:07soit des gens qui ont éventuellement voulu enlever, séquestrer les petites
00:22:13pour des demandes de rançon,
00:22:14mais on a écarté rapidement ces hypothèses,
00:22:17étant donné que c'était des familles modestes.
00:22:1910 jours d'enquête et de recherche.
00:22:26Aucune piste, pas le moindre indice.
00:22:30À Helm, on craint le pire.
00:22:32Mais le 29 octobre, coup de théâtre, un coup de fil fait basculer l'enquête.
00:22:39Un matin, nous recevons au PC un appel d'un gendarme belge
00:22:46qui a été contacté par une autre personne
00:22:52qui s'inquiétait de la situation des disparitions des petites
00:22:59et qui faisait éventuellement un rapprochement avec un membre de la famille
00:23:05qui était un pédophile et qui avait été condamné pour des problèmes
00:23:10avec des enfants de cet âge-là.
00:23:13Ce pédophile, c'est Christian Van Gelhoven.
00:23:15La personne qui a averti les gendarmes est un de ses cousins.
00:23:18Cadre commercial, Van Gelhoven serait dans la région d'Elne
00:23:21pour chercher du travail.
00:23:22Alors on découvre qu'il est potentiellement capable
00:23:28d'avoir éventuellement enlevé et séquestré les petites
00:23:32puisqu'il avait au préalable, quelques années auparavant,
00:23:37commis un enlèvement de mineurs et des actes de pédophilie.
00:23:42À partir de là, on essaye de fixer Van Gelhoven dans l'espace et dans le temps.
00:23:52En étudiant ses relevés de cartes bleues,
00:23:59Johnny Gendre reçut le pédophile à la trace.
00:24:02Elle aboutit à Lourdes.
00:24:04Dans la ville des apparitions, il découvre que l'homme a été entendu
00:24:07en confession par un prêtre
00:24:08et qu'il a ensuite tenté de mettre fin à ses jours dans sa chambre d'hôtel.
00:24:12Il a été transporté en urgence à l'hôpital de Lourdes
00:24:15puis transféré le lendemain à l'hôpital psychiatrique de Saint-Dizier,
00:24:19près de son domicile.
00:24:20Johnny Gendre, place Van Gelhoven, en garde à vue.
00:24:25Alors, au travers de l'analyse psychologique de l'intéressé,
00:24:29étant donné qu'il s'agissait d'une personne très cultivée
00:24:33puisqu'il parlait cinq langues au couramment,
00:24:37il était quand même cadre supérieur dans une multinationale,
00:24:41j'avais pris en compte le fait qu'il ne fasse surtout pas le bloquer
00:24:45et il fallait essayer de discuter.
00:24:49On a fait en sorte de lui faire penser qu'il menait pratiquement les débats.
00:24:54Ce n'est qu'à un moment donné où il y a eu un déclic
00:24:57et où il a commencé à nous parler non pas de son affaire de suicide,
00:25:01chose qu'il parlait jusque-là,
00:25:03mais d'une affaire qu'il avait lue dans les journaux,
00:25:05en l'occurrence l'affaire de la disparition des petites DEL.
00:25:08Et je pensais à ce moment-là qu'il y avait peut-être une relation de cause à effet
00:25:12entre sa tentative de suicide et l'enlèvement des petites.
00:25:17La garde à vue va durer 48 heures.
00:25:2048 heures pendant lesquelles Van Gelhoven et Johnny Gendre
00:25:23jouent au jeu du chat et de la souris.
00:25:28C'était le jeu de savoir qui savait quoi et comment et jusqu'où
00:25:31parce qu'en fait, les personnes-là essayaient de savoir ce qu'on savait
00:25:34ou ce qu'on ne savait pas.
00:25:35Donc il fallait jouer le jeu de la certitude malgré les incertitudes
00:25:39que nous avions dans ce dossier.
00:25:41À un moment donné, il commence à changer d'attitude,
00:25:44il commence à dire aidez-moi, il a besoin de se confier,
00:25:52il a besoin d'expliquer, il est en train d'extirper, de sortir,
00:25:57de dégueuler entre guillemets ce qu'il a commis.
00:26:00Donc à partir de là, il faut aussi rester très serein,
00:26:03il faut rester très humble, il ne faut surtout pas paniquer
00:26:07et bien écouter ce qu'il raconte et bien recouper tous les éléments
00:26:12et tous les détails de ses aveux.
00:26:19Van Gelhoven avoue, oui, c'est lui qui a tué Ingrid et Muriel.
00:26:25Et il raconte.
00:26:26Le samedi 19 octobre, les fillettes jouaient dans le lotissement.
00:26:30Ils s'arrêtent à leur hauteur et les invitent à monter dans sa voiture.
00:26:33Ensemble, ils roulent pendant 30 minutes en direction du lieu dit, le boulot.
00:26:39Là-bas, ils les violent et les étranglent, toutes les deux.
00:26:42Ensuite, Van Gelhoven doit éliminer toutes les traces de son crime,
00:26:59effacer avec soin toutes les preuves de son geste.
00:27:01Ils roulent pendant des heures jusqu'aux rives du lac du Salagou, près de Montpellier.
00:27:09Là, ils jettent les vêtements et plus loin, sur le plateau du Larzac,
00:27:13ils se débarrassent des corps des deux enfants.
00:27:17Quand nous obtenons les aveux, il faut penser que pour nous, c'est pas gagné pour autant.
00:27:21Il faut que ces aveux collent parfaitement aux constatations qu'on a pu faire,
00:27:26aux éléments qu'on a pu recueillir.
00:27:28Et dans ce cas très particulier, il faut savoir que nous n'avions pas les corps.
00:27:32Donc le plus important, c'était que ces aveux soient corroborés par le fait que Van Gelhoven nous amène
00:27:38où il avait caché les corps.
00:27:40Ils ont fait un transport dans la région du Larzac.
00:27:44Et là, il nous a amenés exactement dans la caverne où il avait jeté les corps.
00:27:53Et effectivement, seul l'assassin pouvait connaître exactement ces lieux.
00:28:01Pour Johnny Gendre, l'enquête est bouclée.
00:28:04L'assassin est en prison.
00:28:06Mais il reste le plus difficile.
00:28:08Annoncer la vérité.
00:28:10Ils sont venus et quand j'ai vu leur tête, j'ai eu l'espoir, mais j'ai compris que c'était grave.
00:28:19Pour moi, c'était grave, mais je refusais aussi de croire au pire.
00:28:25Je lui disais, mais c'est pas vrai, c'est pas possible.
00:28:28Ingrid, elle peut pas mourir.
00:28:29Elle est trop gentille, elle est trop douce, elle peut pas.
00:28:32Elle peut pas.
00:28:32Et puis on ne peut pas vouloir lui avoir fait du mal.
00:28:35Et quand j'ai compris avec son regard qu'il savait, lui, de quoi il parlait.
00:28:44Nous, on ne savait pas, mais lui, il avait passé deux jours avec lui, avec l'assassin.
00:28:49Là, j'ai quelque chose qui m'est resté.
00:28:53Je n'ai pas compris que je puisse, en inspirant, trouver encore de l'air.
00:28:58Je n'ai pas compris que je puisse encore respirer.
00:29:00Vous avez tellement de haine à l'intérieur du ventre, que vous avez envie, je sais pas moi, de l'étrangler, de le bouffer.
00:29:09C'est ça, il y a une haine à l'intérieur.
00:29:11Pourtant, de nature, je suis, si vous connaissez la région, je suis l'un des plus braves.
00:29:15Mais là, on a touché quelque chose de cher, et puis il y a quelque chose qui se passe à l'intérieur.
00:29:19Vous avez envie de le manger, ça vous fait trop mal.
00:29:22Trop mal, c'est ça.
00:29:23Il m'a fait mal, il m'a fait tellement mal que je voudrais lui faire le même mal.
00:29:26Le 21 mars 1994, Christian Vangeloven comparaît devant les assises de Perpignan.
00:29:33Le procès débute dans une ambiance survoltée.
00:29:36Certains demandent le rétablissement de la peine de mort.
00:29:39Vangeloven doit comparaître protégée par une vitre blindée.
00:29:4230 mois après le meurtre d'Ingrid et Muriel, les familles découvrent enfin le visage de l'assassin de leur fille.
00:29:49Enfin, je le vois.
00:29:52Enfin, je le vois, je l'ai en face.
00:29:54Alors là, vous ressentez quoi ?
00:29:56Il a fait peur à ma fille, et moi, je n'aurais pas peur de lui.
00:29:59Il ne peut rien me faire.
00:30:00Il ne pourra rien me faire à moi.
00:30:03Il a pu les faire souffrir, mais moi, je veux, avec mon mari, on aurait voulu, avec les yeux, pouvoir lui faire mal.
00:30:13Alors, l'intérêt de ce procès, c'était comment quelqu'un peut, un humain, c'est-à-dire quelqu'un qui est comme nous, peut en être arrivé à commettre un crime d'une inhumanité exceptionnelle.
00:30:29Et puis, pour une société qui a besoin de se prémunir, parce que nous avons des enfants et que c'est insupportable, l'idée que des gens puissent faire ça, comment peut-on prévenir ?
00:30:40Est-ce qu'il y a des signaux d'alarme ? Est-ce qu'une fois que l'on s'est aperçu que quelqu'un était capable de faire ce genre de choses, est-ce que l'on peut le soigner ?
00:30:48C'était ça, l'enjeu du procès.
00:30:52Pendant six jours, témoin et psychiatre se succèdent à la barre pour tenter d'expliquer le geste du meurtrier et mettre à jour sa personnalité.
00:31:01Van Gelhoven est né en Hollande, en 1945.
00:31:04Sur ces images inédites, il a 20 ans.
00:31:07À l'âge de 4 ans, ses parents l'ont confié à sa tante, qui habite en France et qui ne peut pas avoir d'enfant.
00:31:12Elle adopte aussi une petite fille, Isabelle, 2 ans.
00:31:18À 26 ans, il se marie. Il a deux enfants. Il est cadre commercial, une vie apparemment normale.
00:31:27Mais en 1984, Van Gelhoven commet trois attentats à la pudeur sur mineurs.
00:31:32Il séquestre une petite fille de 10 ans et obtient d'elle une fellation.
00:31:36Arrêté, il compare devant le tribunal correctionnel d'Orléans. Premier procès.
00:31:40En 1984, on avait beaucoup d'éléments, même je dirais tous les éléments, pour dire qu'il est récupérable.
00:31:47Il a dévié, il a commis des actes, bien sûr, qui sont très répréhensibles, mais à la lumière des éléments dont nous disposions à l'époque,
00:31:57c'est-à-dire des faits, de la personnalité telle qu'elle était à l'époque, il fallait absolument laisser une porte ouverte.
00:32:07Alors Van Gelhoven a été condamné à 4 ans d'emprisonnement, dont 18 mois fermes, soit 30 mois sous l'origine de M. Simmel à l'époque, pendant 5 ans.
00:32:15C'est-à-dire quoi ?
00:32:15Ce qui signifie qu'à l'époque, on avait voulu à la fois tenir compte de la gravité des faits et on avait voulu également ménager sa réinsertion
00:32:23et faire en sorte que la peine qui était prononcée soit une peine utile.
00:32:27Oui, on s'est trompé, parce qu'on connaît ce qui s'est passé 10 ans plus tard ou 7 ans plus tard.
00:32:34Bon, c'est facile.
00:32:34Oui, on s'est trompé. Bien sûr qu'on s'est trompé, puisque malheureusement, on arrive à ce paroxysme de violence perverse.
00:32:44Si les psychiatres se sont trompés, c'est peut-être parce qu'à l'époque, la justice n'a pas cru bon de porter à leur connaissance des faits qu'elle connaissait.
00:32:52Van Gelhoven, très jeune, a violé sa soeur adoptive.
00:32:55Christian m'a violé, je ne sais pas combien de fois, pendant des années, de 5 à 12 ans, jusqu'au jour où je lui dise d'arrêter.
00:33:03Parce que le viol, c'est quoi ? C'est une pénétration. Des pénétrations, il y en a eu, des fellations, il y en a eu.
00:33:07Mais c'est un viol physique et c'est un viol mental aussi.
00:33:10Parce qu'il y a en permanence cette éducation sexuelle.
00:33:14Il me racontait sa vie sexuelle à lui en permanence aussi.
00:33:18Il m'achetait des livres pornos. Il faisait mon éducation.
00:33:20Donc c'est complètement voulu, c'est souhaité de sa part, c'est faire l'éducation de sa petite soeur.
00:33:27Donc c'est de l'inceste. C'est du viol psychique et physique.
00:33:32Enfant, elle avait tout dit à sa mère. Mais elle n'a pas été prise au sérieux.
00:33:36Alors en 1984, lorsque son frère est arrêté, elle veut absolument alerter les juges et leur dire que Van Gelhoven est un pervers dangereux.
00:33:45Là, la démarche était difficile parce qu'en fait, moi j'avais 24 ans.
00:33:47Ça s'était arrêté, j'avais 12 ans, donc plus de 10 ans.
00:33:51Il y avait prescription. Il n'y avait pas question de porter plainte.
00:33:54Donc la seule démarche que je pouvais faire, c'était moi aller au commissariat de ma propre volonté
00:33:58pour faire une déclaration, pour prouver, enfin pour dire à quelqu'un que ce n'était pas la première fois et qu'il était récidiviste.
00:34:06Donc c'est ce que j'ai fait.
00:34:06J'ai été pendant deux heures dire à un policier de mon quartier ce qui m'était arrivé, le fait qu'il avait été arrêté maintenant
00:34:15et que je voulais que ça serve à prouver qu'il était récidiviste.
00:34:18Et donc, il ne fallait pas prendre la chose à la légère, qu'il fallait qu'on prenne des décisions fermes.
00:34:23Un mois plus tard, Isabelle est reçue par le juge d'instruction.
00:34:26L'entrevue se déroule en présence de Van Gelhoven et de son épouse.
00:34:29Le magistrat instructeur écoute. Il se contente de constater que les faits sont prescrits.
00:34:35Négligence ? Au procès, on ne parlera pas de la déposition d'Isabelle.
00:34:40Nous-mêmes, nous ne savions pas qu'il y avait eu ce problème de viol avec sa soeur, avec sa demi-soeur.
00:34:44Nous ne savions pas. Non, non. À l'époque, nous ne savions pas cela.
00:34:50C'est sûr que si nous avions su cela, cela nous aurait probablement entraîné vers des conclusions totalement différentes.
00:34:58Christian Van Gelhoven en 1983 était aussi dangereux que Christian Van Gelhoven en 1991.
00:35:03C'est le même individu.
00:35:05S'ils avaient eu connaissance de toute sa situation familiale, de son arrivée en France, de mon adoption, de ce qu'il m'avait fait,
00:35:12de l'éducation qu'on lui avait donnée, de ses problèmes scolaires,
00:35:16je dirais même s'ils avaient eu le réflexe de vouloir le plaindre, ce qu'il ne faut pas faire,
00:35:22mais même s'ils avaient fait ça, ça aurait été plus utile que de ne rien faire.
00:35:26Là, non seulement ils n'ont rien fait, ils ont poussé à la roue pour qu'ils puissent sortir le plus rapidement possible,
00:35:32sans avoir compris ce qui s'était passé et sans trouver de solution pour la suite.
00:35:3618 mois plus tard, Van Gelhoven est libre.
00:35:38Mieux, pour des raisons professionnelles, il obtient que sa condamnation ne soit pas inscrite sur son casier.
00:35:43Alors qu'en 6 ans plus tard, il commet un attentat à la pudeur, il n'est condamné qu'à 4000 francs d'amende.
00:35:4916 mois après, il tue Ingrid et Muriel.
00:35:52Alors la justice accepte de regarder enfin la réalité en face.
00:35:56Tous les experts psychiatres qui ont examiné Van Gelhoven dans le cadre du procès,
00:36:02experts qui avaient été désignés par le juge d'instruction, ont tous été formels.
00:36:06Van Gelhoven était un pervers, Van Gelhoven était dangereux, mais ça n'était pas un malade.
00:36:15Et aucun d'eux n'a suggéré de le mettre dans un hôpital psychiatrique ou de le soigner.
00:36:21Ils ont tous dit, c'est un pervers, mais qui n'est pas malade.
00:36:25Et qui n'étant pas malade, d'ailleurs, ne peut pas être soigné.
00:36:30Si Van Gelhoven n'est pas malade, la justice le rend donc responsable de ses actes.
00:36:35Après 6 jours de procès, le 26 mars 1994, le verdict tombe.
00:36:40Van Gelhoven est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 30 ans.
00:36:48Madame Vendeportal, j'aurais qu'on se replace à ce soir du procès,
00:36:55où le président de la cour d'assises annonce la peine pour Christian Van Gelhoven.
00:37:0030 ans de prison, incompressible.
00:37:04Comment est-ce que vous réagissez à ce moment-là ?
00:37:06Bon, d'abord, sur le moment, c'est un soulagement.
00:37:13Enfin, un soulagement dans le sens où...
00:37:15On a trouvé l'assassin.
00:37:21Il a été jugé.
00:37:23Et il a pris le maximum de ce qu'on peut donner en France.
00:37:28Donc, 30 ans... Pendant 30 ans, il est en prison.
00:37:31Vous avez dit d'abord.
00:37:35Ça veut dire qu'il y a un ensuite ?
00:37:37D'abord, oui.
00:37:39Oui.
00:37:40Parce qu'ensuite, on sait que...
00:37:42On attendait le moment du procès.
00:37:44Parce que pour nous, c'était...
00:37:48Tenir le procès, c'était...
00:37:51Quelque part...
00:37:52Défendre notre fille.
00:37:56Faire quelque chose pour elle.
00:38:01Combler quelque chose qu'on n'avait pas pu faire au moment où elle avait besoin de nous.
00:38:06Mais...
00:38:07On sait que...
00:38:09C'est pas fini.
00:38:12On va retourner à la maison et on n'a plus de but après.
00:38:16Alors, au cours de ce procès, Maître Nicolo, on va prendre un tournant.
00:38:24Et je crois que c'est vous-même qui le dites, dans la manière de considérer la victime, les familles des petites filles assassinées.
00:38:32Je voudrais que vous nous expliquiez ça.
00:38:33Oui, parce que le président de la cour d'assises a accepté, et c'était à mon avis, j'en suis sûr, même une première en France,
00:38:39que les parents des petites filles ne soient pas simplement assis dans la salle, spectateurs privilégiés,
00:38:46parce qu'au premier rang, on les a mis en face de Vangeloven, derrière leur avocat.
00:38:51Et donc, au même niveau, dans la même situation, j'allais dire, géographique que Vangeloven.
00:38:57Donc, on considérait qu'il y avait, face à Vangeloven, des parents de fillettes qui avaient été assassinés.
00:39:03Madame Van de Portal, cet homme-là, vous l'avez regardé comment ?
00:39:07Je l'ai fixé intensément tout au long du procès.
00:39:11Dès le début ?
00:39:12Mon mari a fait la même chose.
00:39:14Et lui, vous regardez aussi ?
00:39:15Ah non.
00:39:16C'était important d'être placé comme vous étiez placé ?
00:39:18Ah oui, c'est ce que nous voulions.
00:39:21C'était... Maître Niccolo le savait, il fallait que nous soyons en face de lui,
00:39:25parce qu'il fallait qu'il nous voie.
00:39:28Il ne pouvait pas voir ni Ingrid, ni Muriel.
00:39:32Donc, il fallait qu'il voie au moins les pères et les mères.
00:39:35Est-ce qu'il vous arrive de penser à la sortie de Vangeloven de prison ?
00:39:39Et vous savez ce que vous ferez ce jour-là ?
00:39:43Pas avec certitude.
00:39:47Il y a toujours un doute.
00:39:48Alors ça, je sais qu'il est à moi.
00:40:00Comme mon mari sait qu'il est à lui.
00:40:03Ou mon cousin et son épouse, les parents de Muriel, il est à eux.
00:40:07En fait, ce qu'on va faire, je ne sais pas.
00:40:12Mais il ne faut pas qu'il sorte, dans son intérêt.
00:40:18Et c'est dans 30 ans.
00:40:19Et c'est dans 30 ans.
00:40:21Mais on en a déjà passé 10.
00:40:24Est-ce que vous croyez que cet homme, avec tout ce qu'il a fait,
00:40:29en 30 ans, il peut changer ?
00:40:31Non.
00:40:31Ah non.
00:40:33Ah non, il a commencé trop jeune.
00:40:37Il ne peut pas soigner ?
00:40:39Non, je n'y crois pas.
00:40:41Je n'y crois pas.
00:40:42Il n'a même pas demandé pardon au procès.
00:40:44Non, la seule chose qu'il ait dit après le verdict,
00:40:50ça a été quelque chose dans le genre,
00:40:52il faut qu'on se serve de personnes comme moi
00:40:55pour essayer de nous soigner.
00:40:58Mais c'est trop facile de dire ça.
00:40:59Moi, ma fille, on ne peut pas la soigner.
00:41:01Et Muriel non plus.
00:41:03Parce que, par exemple, je crois que M. Vangeloven,
00:41:05à la foi,
00:41:08ait 30 ans de prière,
00:41:11ça peut peut-être transformer un homme.
00:41:12Alors là, j'ai envie de rire.
00:41:17Non.
00:41:18Quelqu'un qui a la foi,
00:41:19il n'assassine pas deux petites filles
00:41:21comme si c'était des chiens.
00:41:24Il les a jetées dans un trou.
00:41:27Non, ce n'est pas vrai.
00:41:30Et vous, M. Nicolo,
00:41:32est-ce que vous croyez que Vangeloven
00:41:34peut changer dans les 30 ans qui viennent ?
00:41:38Le problème est assez simple aujourd'hui
00:41:40parce que la science et la médecine
00:41:44considèrent que Vangeloven n'est pas malade.
00:41:47Mais ils savent aussi,
00:41:48et on sait que c'est un pervers.
00:41:51À partir de là,
00:41:52n'étant pas malade,
00:41:53il n'est pas curable.
00:41:55Donc, il n'y a pas aujourd'hui
00:41:57d'espoir qu'il change.
00:41:59Ce sont les experts psychiatres
00:42:01qui ont été donc une dizaine à l'examiner
00:42:03qui ont tous dit
00:42:03qu'il a une structure perverse.
00:42:06Et ça, ça ne se change pas.
00:42:09Ça fait qu'aujourd'hui,
00:42:11on ne peut pas imaginer sans terreur
00:42:13la sortie de Vangeloven.
00:42:15Et les psychiatres le disaient.
00:42:16Le jour...
00:42:17Je vous rappelle un rapport d'experté
00:42:18où ils disaient
00:42:18le jour où il sortira,
00:42:20il recommençera.
00:42:21Donc, 30 ans, ce n'est pas assez ?
00:42:23En ce qui concerne Vangeloven
00:42:24et aujourd'hui,
00:42:26je dis non.
00:42:28Madame Vente-Portal ?
00:42:29Moi, je suis du même avis.
00:42:31Pour des gens comme ça,
00:42:33les enfants sont déjoués.
00:42:37Donc, en prison,
00:42:41ils sont gentils,
00:42:43ils sont polis,
00:42:45ils sont normaux.
00:42:46Mais pourquoi ?
00:42:47Parce qu'ils n'ont pas d'enfants avec eux.
00:42:49Donc, c'est facile
00:42:50d'être un prisonnier modèle.
00:42:53Et après le procès,
00:42:55vous allez chercher
00:42:55à obtenir encore plus
00:42:58dans la reconnaissance
00:42:59du préjudice des familles de victimes ?
00:43:02Oui, parce qu'après le procès,
00:43:04sa justice nous disait
00:43:05les parents, à la limite,
00:43:07ce sont des victimes,
00:43:10mais de second niveau,
00:43:12de second degré.
00:43:13Et quand nous avons dû aller
00:43:14jusqu'en cours de cassation,
00:43:16nous y sommes allés.
00:43:17Et la cour de cassation,
00:43:18il y a un an et demi à peine,
00:43:18nous a dit
00:43:19que les parents des victimes
00:43:20étaient des victimes.
00:43:217 ans après,
00:43:24vous ne pouvez toujours pas travailler ?
00:43:26Ah non, je ne peux pas.
00:43:28On n'a plus des vies normales.
00:43:30On est cassé.
00:43:33On est toujours fatigué,
00:43:34on est déprimé.
00:43:37Alors, vu de l'extérieur,
00:43:38on donne une image
00:43:39parce qu'on n'aime pas trop
00:43:41se plaindre non plus.
00:43:43On ne peut pas se plaindre
00:43:44quand on voit les gens.
00:43:44s'ils ne comprennent pas,
00:43:46c'est qu'ils ne sont pas
00:43:47très intelligents, point.
00:43:49Donc, on n'a rien à dire,
00:43:51mais c'est la plaie béante.
00:43:54C'est l'hémorragie permanente.
00:43:58Je ne sais pas comment l'exprimer.
00:44:01Il n'y a pas de mots.
00:44:02Depuis juin 2000,
00:44:18la loi fait obligation
00:44:19d'accompagner par une thérapie
00:44:21et la détention
00:44:22et la sortie de prison
00:44:24des délinquants sexuels.
00:44:25Mais il faut bien reconnaître
00:44:26que par manque de moyens,
00:44:27on en est encore
00:44:28au stade des expériences
00:44:29dans notre pays.
00:44:30Et dans ce domaine-là,
00:44:31un lieu sert de modèle.
00:44:33Il est situé
00:44:34en banlieue parisienne.
00:44:37Il s'appelle Vincent.
00:44:38Il risque une peine
00:44:39de 5 ans de prison
00:44:40pour abus sexuels.
00:44:42L'effet remonte à 95.
00:44:43Ce jour-là,
00:44:44Vincent était seul
00:44:45avec son neveu,
00:44:46âgé de 10 ans.
00:44:47L'enfant en question,
00:44:48donc,
00:44:49est arrivé dans la cuisine.
00:44:50Il était nu.
00:44:51Moi, ça m'a
00:44:52un peu troublé.
00:44:54Ça m'a un peu...
00:44:55Ça éveillait en moi
00:44:56des sentiments.
00:44:58Il m'a demandé
00:44:59de venir jouer
00:45:00avec lui.
00:45:01Très vite,
00:45:01l'enfant,
00:45:01il s'est désintéressé
00:45:03du jeu.
00:45:05Et puis,
00:45:05c'est là que,
00:45:06bon,
00:45:06les jeux de caresse
00:45:07ont commencé.
00:45:11Pour la première fois,
00:45:13Vincent vient de passer
00:45:14à l'acte.
00:45:15Il s'est livré
00:45:15à des caresses
00:45:16et des attouchements
00:45:17très poussés.
00:45:19C'est la maman
00:45:19de l'enfant
00:45:20qui va les interrompre
00:45:21et le dénoncer
00:45:22à la police.
00:45:23même si on est conscient
00:45:26de ce que ça peut entraîner,
00:45:29la passion
00:45:30prend le dessus
00:45:31sur la raison.
00:45:33En fait,
00:45:33on n'est plus sous contrôle
00:45:35de la raison.
00:45:36Donc,
00:45:36en fait,
00:45:36c'est presque impulsif.
00:45:39Et on se dit,
00:45:40ben,
00:45:41tant pis.
00:45:42S'il avait manifesté
00:45:43un refus,
00:45:44j'aurais tout de suite compris.
00:45:46Alors que là,
00:45:47il y avait une espèce
00:45:48de connivence
00:45:49qui a fait que,
00:45:51bon,
00:45:52les choses se sont passées
00:45:53de telle sorte.
00:45:54Il y a là,
00:45:55par exemple,
00:45:55quelque chose de très typique
00:45:56du côté très individualiste,
00:45:59parfois égocentré,
00:46:01des agresseurs sexuels
00:46:02en général.
00:46:02Et c'est vrai
00:46:03pour les pédophiles,
00:46:04mais ce n'est pas vrai
00:46:04que pour eux.
00:46:05C'est vrai
00:46:06que pour beaucoup de sujets
00:46:07qui sont agresseurs sexuels,
00:46:08ils donnent cet argument
00:46:09que l'autre a épouvé du plaisir,
00:46:12mais ce n'est pas ça
00:46:13qui est l'essentiel.
00:46:14L'essentiel,
00:46:15c'est que l'autre
00:46:16a véritablement consenti
00:46:18psychologiquement,
00:46:20humainement,
00:46:21intimement.
00:46:22Moi,
00:46:22je n'ai jamais recherché
00:46:24à aimer les enfants,
00:46:25je n'ai jamais cultivé
00:46:27cette orientation.
00:46:30Ce n'est pas une option
00:46:31qui m'était offerte
00:46:32en me disant
00:46:32« Tiens,
00:46:33tu as le choix
00:46:33entre les filles,
00:46:35les garçons
00:46:36ou les petits-enfants ».
00:46:38Pour moi,
00:46:39c'est quelque chose
00:46:40qui m'était imposé,
00:46:41c'était en moi.
00:46:43Et il a fallu
00:46:44que je fasse avec.
00:46:47Il a fallu
00:46:48que je gère la chose
00:46:49parce que c'était en moi.
00:46:50Et j'avais beau me dire
00:46:51« Non,
00:46:51il faut que je pense
00:46:52à autre chose,
00:46:53il faut que,
00:46:54tiens,
00:46:54je vais essayer
00:46:54de penser à des filles,
00:46:55je vais penser… »
00:46:56Non,
00:46:57les rêves d'enfants,
00:46:58ça vous vient comme ça,
00:47:00vous faites avec,
00:47:01vous les prenez
00:47:02en pleine figure.
00:47:03des gens qui font
00:47:04une transgression
00:47:05ne sont pas forcément
00:47:06des malades
00:47:06au sens d'une maladie mentale.
00:47:08Ils ne sont certainement
00:47:09pas fous.
00:47:10Est-ce qu'ils ont
00:47:11des troubles de la personnalité ?
00:47:12Sûrement.
00:47:13Alors,
00:47:13est-ce que ça se traite
00:47:13des troubles de la personnalité ?
00:47:14Oui,
00:47:15mais ça se traite souvent
00:47:16pas forcément
00:47:16avec des médicaments.
00:47:18Donc,
00:47:18qu'est-ce qui fait avancer ?
00:47:19Ce qui fait avancer,
00:47:21c'est de comprendre
00:47:22ce qu'on a fait.
00:47:26Depuis le mois de juin 2000,
00:47:28toutes les personnes
00:47:29condamnées
00:47:30pour délinquance sexuelle
00:47:31sont soumises
00:47:32à une obligation de soin.
00:47:34Vincent ne sera obligé
00:47:35de se soigner
00:47:35qu'au lendemain
00:47:36de son jugement.
00:47:37Aujourd'hui,
00:47:38c'est donc volontairement
00:47:39qu'il s'est engagé
00:47:40dans ce traitement.
00:47:43Autant,
00:47:44effectivement,
00:47:45manger des goûts
00:47:45pour des enfants,
00:47:46je suis comme ça,
00:47:47effectivement,
00:47:48bien qu'à la limite,
00:47:49avec le temps,
00:47:50j'arriverai peut-être
00:47:51à les faire travailler,
00:47:52à faire évoluer
00:47:53ces goûts-là.
00:47:55C'est ce que j'essaie
00:47:56de faire actuellement,
00:47:57d'avoir un regard plus,
00:48:01une attirance plus
00:48:02pour les jeunes
00:48:04de 18, 25 ans.
00:48:06Et quitte à reprendre
00:48:08des ingrédients,
00:48:09ce qui m'attirait
00:48:10dans les petits-enfants,
00:48:11en fait,
00:48:11j'essaie de les retrouver,
00:48:14ces ingrédients-là,
00:48:15j'essaie de les retrouver
00:48:15sur les jeunes adultes.
00:48:19Donc c'est quand même
00:48:20un travail qui est important,
00:48:22qui ne s'est pas comme ça
00:48:22du jour au lendemain.
00:48:23C'est au fond
00:48:24apprendre à gérer
00:48:25sa sexualité.
00:48:26Apprendre à gérer
00:48:27sa sexualité,
00:48:28ça veut dire quoi ?
00:48:29Ça veut dire être plus lucide
00:48:30sur ses fantasmes,
00:48:31ça veut dire mieux faire
00:48:33la différence
00:48:33entre le monde
00:48:35des fantasmes
00:48:36et le monde
00:48:37du passage à l'acte.
00:48:38Ça veut dire aussi
00:48:39trouver des manières
00:48:41de gérer
00:48:42ce que les gens
00:48:43appellent leur pulsion
00:48:44autrement
00:48:44qu'en penser à l'acte.
00:48:45Donc c'est tout ça,
00:48:47une thérapie.
00:48:47Dans le centre
00:48:51de la Garenne-Colombe
00:48:52près de Paris,
00:48:53les pédophiles
00:48:54se retrouvent
00:48:54dans des groupes
00:48:55de parole.
00:48:56Ils partagent
00:48:56leurs problèmes
00:48:57et tentent
00:48:57de mieux comprendre
00:48:58leur propre parcours
00:48:59en le comparant
00:49:01à celui
00:49:01des autres participants.
00:49:04Stéphane par exemple,
00:49:05condamné à deux ans
00:49:05de prison
00:49:06pour attouchement sexuel
00:49:07sur l'un des enfants
00:49:08de son ex-femme.
00:49:09J'ai été long
00:49:12à venir au groupe.
00:49:13Au départ,
00:49:14c'était des entretiens
00:49:14individuels.
00:49:15On m'aurait proposé
00:49:16un groupe au départ,
00:49:18j'aurais dit non
00:49:18tout de suite.
00:49:20Ensuite,
00:49:21c'est moi qui étais
00:49:21le mandeur du groupe
00:49:22parce qu'arriver
00:49:23à un certain stade
00:49:24de connaissance
00:49:26de soi-même,
00:49:27j'avais envie
00:49:27à ce moment-là
00:49:27de confronter
00:49:28ce que j'avais vécu
00:49:29parce que j'avais l'impression
00:49:30que je tournais
00:49:30un peu trop autour
00:49:31de moi-même
00:49:31à ce moment-là.
00:49:33Et là,
00:49:33ça devenait une autre étape
00:49:34et ça permettait
00:49:35en côtoyant
00:49:37d'autres vécus,
00:49:38d'autres expériences,
00:49:38d'autres réactions,
00:49:40un peu aussi
00:49:40de trouver des réponses
00:49:41pour moi-même certainement.
00:49:42Moi, je ne viens pas
00:49:43pour le groupe en lui-même,
00:49:44je viens pour ce que moi,
00:49:46je peux tirer
00:49:47du groupe.
00:49:50Exemple,
00:49:50il y a des gens
00:49:51qui sont passés
00:49:54l'acte
00:49:55des dizaines
00:49:57et des dizaines
00:49:57de fois
00:49:57qui ont été
00:49:58pratiquement jusqu'au bout
00:49:59de cette logique
00:50:00et elles arrivent
00:50:03à la conclusion
00:50:03que finalement,
00:50:04c'est une impasse.
00:50:07Moi, c'est une expérience
00:50:08qui est très riche
00:50:08pour moi,
00:50:09d'entendre dire ça
00:50:10parce que ça m'évite,
00:50:11moi,
00:50:11de faire la même chose
00:50:13déjà
00:50:13et puis de me dire
00:50:14si j'étais comme elle,
00:50:16finalement,
00:50:16j'arriverais
00:50:16aux mêmes conclusions.
00:50:18Paradoxalement,
00:50:18plus on accepte
00:50:19ces fantasmes,
00:50:21mieux on les gère.
00:50:22Mais,
00:50:23il faut les accepter
00:50:25et se contrôler
00:50:26et ne pas passer à l'acte.
00:50:27Mais effectivement,
00:50:29beaucoup d'êtres humains
00:50:29qui sont ambigus,
00:50:30qui trichent
00:50:31avec leurs fantasmes,
00:50:32les maîtrisent moins.
00:50:33La sexualité se venge
00:50:35quand elle n'est pas lucide.
00:50:36Et ça,
00:50:37c'est vrai aussi bien
00:50:38pour nos sujets pédophiles
00:50:39que pour l'ensemble
00:50:41des êtres humains.
00:50:42C'est maintenant
00:50:42que je considère
00:50:43que de toute façon,
00:50:44je suis comme ça.
00:50:45On a des gens
00:50:46qui sont purement hétérosexuels,
00:50:47d'autres qui sont homosexuels.
00:50:49Moi, je suis hétéro
00:50:50et je suis aussi attiré
00:50:51par un jeune garçon.
00:50:52Et ça,
00:50:53au début,
00:50:53j'espérais changer.
00:50:54Maintenant,
00:50:55je considère
00:50:56que ça fait partie
00:50:56de ma nature
00:50:57et que ce serait même
00:50:58peut-être risqué
00:50:59de vouloir me forcer
00:51:00à évacuer cet aspect-là.
00:51:02Je le connais,
00:51:04je vis avec
00:51:04parce que je considère
00:51:06qu'on n'est pas responsable
00:51:08de ce qu'on est finalement
00:51:10aujourd'hui.
00:51:11Par contre,
00:51:12on est responsable
00:51:12de ce qu'on fait.
00:51:13Sous-titrage MFP.
00:51:43Il y a aussi des pédophiles
00:51:45qui pour assouvir
00:51:45leur pulsion sexuelle
00:51:46se rendent à l'étranger.
00:51:49Pendant des années,
00:51:50ils ont profité
00:51:51d'une totale impunité.
00:51:52Mais depuis quelque temps
00:51:53en France,
00:51:54c'est extrêmement risqué.
00:51:55Il y a eu une affaire exemplaire
00:51:56en Thaïlande,
00:51:56je crois, en 1994.
00:51:58Alors, ça démarre en 1994
00:51:59et c'est un Français
00:52:00de 48 ans
00:52:01qui se rend là-bas
00:52:02pour y faire du tourisme sexuel
00:52:04et qui va violer
00:52:05dans un hôtel de Pattaya
00:52:07qui était à l'époque
00:52:07l'un des hauts lieux
00:52:08du tourisme sexuel thaïlandais
00:52:10une petite fille de 11 ans.
00:52:11Il va être identifié
00:52:14après une longue enquête.
00:52:16Alors, l'histoire
00:52:16est assez étonnante
00:52:17parce qu'il abuse
00:52:18de cette petite fille
00:52:18après avoir donné 125 francs
00:52:21à la tante de l'enfant
00:52:22et toute la scène,
00:52:24tout le viol de l'enfant
00:52:25qui dure 13 minutes
00:52:26va être filmé
00:52:27par un Suisse
00:52:28qui est là
00:52:29dans la chambre d'hôtel,
00:52:30un pédophile lui aussi.
00:52:30Et c'est cette cassette
00:52:32qui va tout déclencher.
00:52:33La brigade des mineurs
00:52:34à Paris
00:52:35travaille sur un réseau
00:52:36de pédophiles,
00:52:37arrive jusqu'à ce Français
00:52:40de 48 ans,
00:52:41perquisitionne chez lui,
00:52:42trouve une centaine
00:52:43de cassettes
00:52:44à caractère pornographique
00:52:45qui vont tout être étudiées,
00:52:48décortiquées.
00:52:49On va essayer d'identifier
00:52:50les gens, les enfants
00:52:51qui sont sur ces cassettes
00:52:52et ils vont retrouver
00:52:53la fameuse cassette
00:52:54sur laquelle,
00:52:55pendant 13 minutes,
00:52:57Amnon Chemouille
00:52:58viole cet enfant
00:52:59à plusieurs reprises.
00:53:01On l'entend pleurer,
00:53:02la cassette va être diffusée
00:53:04pendant le procès
00:53:05qui aura lieu à Paris
00:53:06et donc cette cassette
00:53:07va tout déclencher.
00:53:08Et ils vont remonter
00:53:09jusqu'à la Thaïlande
00:53:10et jusqu'à la petite fille.
00:53:11Ils vont identifier
00:53:11la petite fille,
00:53:13la retrouver,
00:53:13c'est une enquête magnifique
00:53:14et elle va accepter
00:53:17par l'intermédiaire
00:53:18d'une association
00:53:19qui défend les enfants
00:53:20de venir témoigner
00:53:21à Paris.
00:53:29Amnon Chemouille
00:53:33a été jugé
00:53:33par la cour d'assises
00:53:34de Paris.
00:53:35Il était condamné
00:53:35à 7 ans
00:53:36de réclusion criminelle.
00:53:37C'est une des premières fois
00:53:38qu'un Français
00:53:39ayant commis
00:53:41des actes de pédophilie
00:53:41à l'étranger
00:53:42est jugé en France.
00:53:43Oui, c'est la première fois.
00:53:44C'est une première
00:53:45dans l'histoire
00:53:45de la justice française
00:53:46et c'est très intéressant
00:53:48parce que ça montre
00:53:49la volonté
00:53:50qu'ont les gouvernements
00:53:51des pays
00:53:52qui protègent
00:53:53les enfants
00:53:54de poursuivre
00:53:56les actes de pédophilie
00:53:57au-delà des frontières
00:53:59et ça, c'est très intéressant.
00:54:12En 1998,
00:54:14une petite fille
00:54:14qui s'appelait Ludivine
00:54:16est retrouvée étranglée
00:54:17dans les douches
00:54:18d'une colonie de vacances
00:54:19de Savoie.
00:54:21Et cette nuit-là,
00:54:21les filles
00:54:22qui étaient dans la chambre
00:54:22avec elles racontent
00:54:23qu'elles ont vu
00:54:24rentrer le cuisinier
00:54:25à plusieurs reprises,
00:54:26qu'il les a importunées
00:54:27et même agressées sexuellement.
00:54:30Il s'appelait Laurent Gasse,
00:54:31il savait qu'il était dangereux
00:54:32et qu'un jour, peut-être,
00:54:34il violerait un enfant.
00:54:40Une soixantaine d'enfants
00:54:41sont en classe de neige.
00:54:43Dans la nuit du 19 au 20 mars,
00:54:45pendant 4 heures,
00:54:46un homme déambule
00:54:47dans les dortoirs.
00:54:48De lit en lit,
00:54:507 petites filles
00:54:51entre 9 et 11 ans
00:54:52vont être victimes
00:54:53de ces attouchements.
00:54:54Au petit matin,
00:54:56dans les douches,
00:54:572 d'entre elles
00:54:58découvrent le corps sans vie
00:54:59de leur copine Ludivine.
00:55:01Elle avait 11 ans.
00:55:05Daniel Dambrine
00:55:06est chauffeur routier.
00:55:08Il est au volant
00:55:08de son camion
00:55:09quand il apprend
00:55:10la mort de sa fille.
00:55:11Aux environ de 15h30
00:55:15parlant dans ces eaux-là,
00:55:18j'ai entendu là,
00:55:19à la radio,
00:55:20qu'il y avait une petite fille
00:55:21qui avait été assassinée.
00:55:23Et là, ils ont juste dit
00:55:24son prénom.
00:55:27Excusez-moi,
00:55:27c'est...
00:55:28Son prénom.
00:55:31Et la ville
00:55:31d'où elle était.
00:55:33Alors, bien sûr,
00:55:34j'ai fait le rapprochement
00:55:35tout de suite.
00:55:36C'est vrai que
00:55:38l'apprendre
00:55:39de cette façon-là,
00:55:40c'est...
00:55:41On dirait que le ciel
00:55:42nous tombe
00:55:44sur la tête.
00:55:46Les gendarmes
00:55:47sont alertés.
00:55:48Et au moment
00:55:48où Daniel Delanois
00:55:49de la section de recherche
00:55:50de Chambéry
00:55:51arrive sur les lieux,
00:55:52à 6 km
00:55:53du centre de vacances,
00:55:55un homme est découvert
00:55:56divagant
00:55:56sur le bord
00:55:57de cette route.
00:55:58C'est Laurent Gasse,
00:55:59le cuisinier
00:56:00de la colonne.
00:56:02Les enquêteurs
00:56:02font rapidement
00:56:03le rapprochement
00:56:03avec le meurtre
00:56:04de Ludivine.
00:56:05Il est interpellé
00:56:06et mis en garde à vue
00:56:07à la gendarmerie
00:56:08de Saint-Jean-de-Maurienne.
00:56:09Laurent Gasse
00:56:10avoue son crime.
00:56:12Dans le centre
00:56:13de vacances,
00:56:14les enfants doivent
00:56:14répondre aux interrogatoires
00:56:16et raconter
00:56:17leur nuit d'horreur
00:56:17aux enquêteurs.
00:56:20Les fillettes
00:56:21évoquent
00:56:21avec leurs mots
00:56:22d'enfant
00:56:22l'errance nocturne
00:56:24du cuisinier
00:56:24jusqu'à la chambre
00:56:26de Ludivine.
00:56:27Ludivine
00:56:28est contrainte
00:56:31de le suivre.
00:56:33Elle s'est retrouvée
00:56:33dans cette pièce
00:56:35et elle a réagi
00:56:38comme une adulte.
00:56:40C'est-à-dire
00:56:40qu'elle dit
00:56:41« Tu n'as pas le droit
00:56:41de me toucher ».
00:56:43Et lui,
00:56:44il a été étonné.
00:56:45Les autres enfants
00:56:46n'avaient pas réagi
00:56:48de la même façon.
00:56:49Ils n'avaient pas l'habitude
00:56:49que les petites filles
00:56:50lui résistent.
00:56:52Cette petite a résisté.
00:56:53Il lui a dit
00:56:54« Tu n'as pas le droit
00:56:54de me toucher ».
00:56:55Et là,
00:56:55il a étranglé.
00:56:57Les enfants,
00:57:03instituteurs
00:57:04et animateurs
00:57:04sont bloqués au chalet
00:57:06sans aucun contact
00:57:07avec le monde extérieur.
00:57:08Tous doivent être
00:57:09auditionnés
00:57:10par les gendarmes.
00:57:14Au même moment,
00:57:15par hasard,
00:57:16un colloque
00:57:17réunit médecins
00:57:18et psychologues scolaires
00:57:18à Chambéry.
00:57:20Une dizaine d'entre eux
00:57:20sont envoyés au centre
00:57:21pour soutenir les enfants.
00:57:23Daniel Pierron
00:57:24intervient dans le centre
00:57:25de vacances
00:57:26juste après le drame.
00:57:28J'ai suivi
00:57:29quatre auditions
00:57:30d'enfants
00:57:31et je trouve
00:57:33qu'ils ont eu
00:57:33un comportement
00:57:34tout à fait exceptionnel
00:57:35parce que c'est très difficile
00:57:37à relater ce qui s'est passé,
00:57:38ce qu'on a vécu
00:57:39quand il s'agit de son propre corps
00:57:40et que les enfants
00:57:42ont parlé,
00:57:43certains même
00:57:44avec beaucoup de confiance
00:57:45en eux-mêmes,
00:57:46beaucoup d'assurance
00:57:47sur ce qui s'est passé.
00:57:49Nous étions
00:57:50avec un groupe
00:57:53de plus de 50 enfants
00:57:54chérés.
00:57:54Les parents
00:57:55ne sont pas présents.
00:57:57Les enseignants
00:57:58et les animateurs
00:57:59qui encadraient
00:58:00cette classe
00:58:02étaient eux-mêmes
00:58:03particulièrement traumatisés
00:58:05par ce qui s'était passé.
00:58:06Ils n'étaient pas
00:58:07parfaitement conscients
00:58:08par rapport aux enfants.
00:58:09Donc on ne pouvait pas
00:58:10entendre des enfants
00:58:11sans peut-être
00:58:12avoir les reproches
00:58:13de parents
00:58:14par la suite
00:58:15qui n'étaient pas
00:58:16dans le contexte.
00:58:17Donc il est nécessaire
00:58:18dans le cas présent
00:58:18qu'un psychologue
00:58:20nous assiste,
00:58:21assiste l'enfant
00:58:22et puisse également
00:58:24attester
00:58:24des conditions
00:58:25de cette audition,
00:58:27des conditions optimales
00:58:28de cette audition.
00:58:29Dans le cas
00:58:30d'une audition
00:58:30d'un gendarme,
00:58:32en fait,
00:58:32le rôle de l'accompagnateur
00:58:34que j'étais
00:58:34est très en retrait.
00:58:37c'est d'être à côté
00:58:38de l'enfant,
00:58:40de lui montrer
00:58:40qu'il y a une personne,
00:58:43en plus là,
00:58:43une dame,
00:58:44c'est un peu rassurant
00:58:44pour ses enfants
00:58:46puisque les parents
00:58:47n'étaient pas proches,
00:58:49qui est là à côté,
00:58:52très à côté,
00:58:53très proche
00:58:53pour dire éventuellement
00:58:55si tu as envie
00:58:56qu'on s'arrête,
00:58:57on s'arrête.
00:58:58Si tu n'as plus envie
00:58:59de parler,
00:58:59tu sais,
00:59:00tu n'es pas obligé
00:59:01de parler.
00:59:02Si tu pleures,
00:59:03tu as le droit de pleurer.
00:59:04C'est normal de pleurer.
00:59:05C'est trop dur
00:59:05à supporter.
00:59:06Même une grande personne,
00:59:08elle pleure.
00:59:09Donc toi aussi,
00:59:09tu peux pleurer.
00:59:14Mélanie a aujourd'hui
00:59:1514 ans.
00:59:16Elle était en classe de neige
00:59:17au moment du drame.
00:59:19Sa maman, Françoise,
00:59:20se souvient avoir reçu
00:59:21un coup de fil de la mairie.
00:59:22Les enfants vont être rapatriés.
00:59:24On ne donne pas de détails.
00:59:26Cette attente
00:59:27est un calvaire.
00:59:29Il n'y a pas d'autre mot.
00:59:30C'est une horreur
00:59:31parce qu'ils nous disent
00:59:33qu'il s'est passé quelque chose
00:59:35mais ils ne peuvent pas
00:59:35nous dire quoi exactement
00:59:36et le fait d'attendre
00:59:39le soir en plus
00:59:41pour savoir peut-être
00:59:44un peu plus de nouvelles
00:59:45et en plus,
00:59:47on n'a rien à voir.
00:59:48On n'en a pas su
00:59:49beaucoup plus,
00:59:50dirons-nous,
00:59:50sur ce qui s'est passé là-bas.
00:59:51Sauf qu'une petite fille
00:59:52avait été tuée
00:59:53et d'autres embêtées.
00:59:55Dans le Nord-Pas-de-Calais
01:00:01dont les enfants sont originaires,
01:00:03une cellule de crise
01:00:03a été mise en place
01:00:05dès l'annonce du drame.
01:00:07Malheureusement,
01:00:08nous avons mis
01:00:09quelques heures
01:00:10à avoir une idée
01:00:11très précise
01:00:12de ce que l'on appelle
01:00:13dans le jargon
01:00:13la liste de victimes,
01:00:15c'est-à-dire
01:00:15d'avoir les coordonnées
01:00:16et les noms patronymes
01:00:18des garçons et filles
01:00:20qui avaient été agrassés.
01:00:21Je crois que ça,
01:00:22c'est typique
01:00:23de ces situations de crise.
01:00:25C'est qu'entre
01:00:26le secret médical,
01:00:27le secret de l'instruction,
01:00:28d'autres secrets professionnels,
01:00:30les fantasmes de certains
01:00:31qui, n'étant pas sûrs,
01:00:33ne veulent pas alerter
01:00:34ou faire paniquer,
01:00:35effectivement,
01:00:36parfois mettent
01:00:36un petit peu de temps
01:00:37eux-mêmes à valider
01:00:38et donc à transmettre
01:00:39ces informations.
01:00:43Pour les parents,
01:00:44pendant plus de 24 heures,
01:00:46c'est l'angoisse,
01:00:47l'attente.
01:00:48Des lieux sont mis
01:00:48à leur disposition.
01:00:50Une équipe de psychologues
01:00:51est présente
01:00:52pour les soutenir.
01:00:54Les parents étaient
01:00:55comme peuvent être
01:00:56des parents
01:00:57devant une situation
01:00:58aussi douloureuse,
01:00:59aussi dramatique,
01:01:00aussi paniquante
01:01:00qui, de plus,
01:01:01se passe non seulement
01:01:02à l'école,
01:01:04dans un lieu assimilé
01:01:04comme tel,
01:01:05et très loin de chez eux.
01:01:07En Savoie,
01:01:08les auditions sont terminées.
01:01:10Les enfants repartent en quart.
01:01:11Ils vont enfin
01:01:12retrouver leurs parents.
01:01:13à la descente du bus,
01:01:23elle pleurait,
01:01:24puis bien sûr,
01:01:25elle s'est jetée
01:01:25dans mes bras.
01:01:27Mais bon,
01:01:27il y avait beaucoup
01:01:28d'enfants
01:01:28qui étaient
01:01:29apeurés,
01:01:31qui pleuraient,
01:01:33tristes,
01:01:33puis qui ont sauté
01:01:34dans les bras
01:01:34de leurs parents.
01:01:35C'est normal.
01:01:36Après,
01:01:37on avait une réunion
01:01:38à la salle des fêtes
01:01:39avec les parents
01:01:40et les enfants.
01:01:43Et donc,
01:01:43on s'était installés,
01:01:44on s'était assises,
01:01:45je lui demandais
01:01:46si ça allait,
01:01:47si ça s'était bien passé.
01:01:48Et c'est là
01:01:49qu'elle m'a dit
01:01:49qu'elle avait été embêtée.
01:01:52Qu'est-ce qu'elle vous a dit
01:01:53exactement ?
01:01:54Elle m'a dit,
01:01:55il m'a embêtée,
01:01:58mais j'ai dit non
01:01:59et je me suis enfuie.
01:02:01Point.
01:02:02Ce jour-là,
01:02:03Mélanie n'a pas tout dit.
01:02:04Elle l'avouera plus tard,
01:02:05elle aussi,
01:02:06a subi des attouchements.
01:02:07Est-ce que tu te rappelles
01:02:08pourquoi quand t'es rentrée
01:02:09de la classe de neige,
01:02:10au début,
01:02:10tu n'as rien dit
01:02:11de ce qui s'était passé ?
01:02:13Parce que j'avais peur
01:02:14de la réaction de ma mère.
01:02:16J'ai peur qu'elle ne m'ait plus.
01:02:19C'est pour ça que je n'ai rien dit.
01:02:21J'avais peur,
01:02:22je croyais que c'était de ma faute
01:02:23si elle était morte.
01:02:25En tout cas,
01:02:26je n'ai rien dit.
01:02:29Pourquoi tu avais l'impression
01:02:30que ça pouvait être
01:02:30de ta faute ?
01:02:32Parce que j'étais la deuxième
01:02:33à être touchée
01:02:34et que si je l'aurais dit,
01:02:35ça ne saurait pas passer.
01:02:37Du coup,
01:02:38je ne l'ai pas dit,
01:02:39en fait,
01:02:39je me suis dit
01:02:40parce que j'avais peur.
01:02:42Je ne sais pas
01:02:42ce qui pouvait m'arriver,
01:02:43ça aurait pu m'arriver à moi.
01:02:46Tiens.
01:02:47Merci.
01:02:48Si tu as un petit peu,
01:02:50profite-t-en.
01:02:57Alors,
01:02:57comment ça s'est passé
01:02:58à l'école aujourd'hui ?
01:03:00Elle s'est confiée
01:03:02un peu
01:03:03à une amie de ma fille.
01:03:07Et elle lui a dit
01:03:09qu'elle faisait
01:03:11d'horribles cauchemars
01:03:12et qu'elle n'arrivait pas
01:03:12à dormir
01:03:13par rapport
01:03:14à ce qui s'est passé
01:03:15en classe de neige.
01:03:16Elle ne voulait pas
01:03:17tout me dire à moi
01:03:18sur ce qui s'était passé.
01:03:20Donc,
01:03:20elle a demandé
01:03:21à parler
01:03:22à un médecin scolaire
01:03:23avec lequel
01:03:24elle avait déjà
01:03:26beaucoup parlé,
01:03:26justement.
01:03:27Et c'est là
01:03:28qu'elle a dit
01:03:28qu'il avait bien embêté
01:03:30dans le
01:03:31local à ski.
01:03:34Ça a commencé
01:03:34comme une partie
01:03:35de chatouille
01:03:35et il l'a obligé
01:03:37à...
01:03:39C'est un peu gênant.
01:03:42À le...
01:03:43Le caresser.
01:03:46Comment t'as vécu
01:03:46tous ces premiers mois
01:03:48en gardant tout ça
01:03:50pour toi ?
01:03:51Un enfer.
01:03:53J'arrivais plus
01:03:54à dormir,
01:03:55j'arrivais plus
01:03:55à rien faire.
01:03:57J'avais vachement peur.
01:03:58Je pouvais plus...
01:04:00Il fallait plus
01:04:01que je reste toute seule
01:04:02ou quoi que ce soit.
01:04:03Il y a toujours
01:04:04que ma mère,
01:04:04elle soit là.
01:04:05On essaye de leur dire
01:04:08qu'ils ne sont pas coupables.
01:04:09Ils ne sont en rien coupables.
01:04:11Le coupable,
01:04:11c'est l'agresseur.
01:04:13Et que...
01:04:14Il ne faut pas se tromper
01:04:16de coupable.
01:04:18Mais le sentiment
01:04:20qu'ils ont
01:04:20est très profond.
01:04:22Et c'est pas...
01:04:23C'est pas parce qu'on leur
01:04:24dit ça que d'un jour
01:04:25à l'autre,
01:04:25ça va disparaître.
01:04:28En tout,
01:04:29ce sont neuf enfants
01:04:30qui ont été victimes
01:04:31de l'orangasse.
01:04:33Tous les parents
01:04:33se sont constitués
01:04:34partie civile
01:04:35aidés et soutenus
01:04:36par les associations
01:04:37d'aide aux victimes
01:04:38du Nord-Pas-de-Calais.
01:04:39D'accord.
01:04:43D'accord.
01:04:46Fabrice Bayeul
01:04:47dirige l'une de ces associations
01:04:49dont le rôle est d'accompagner
01:04:50les victimes
01:04:51jusqu'au procès d'assises.
01:04:53Toutes les familles
01:04:54n'étaient pas
01:04:55partie prenante au procès.
01:04:58Il a fallu quand même
01:04:59les convaincre.
01:04:59Je dirais que notre rôle aussi,
01:05:01c'est de leur expliquer
01:05:01les tenants et les aboutissants
01:05:02du procès d'assises
01:05:03et de les inviter
01:05:06à participer
01:05:07en vue
01:05:08de favoriser
01:05:10une éventuelle réparation.
01:05:11Je dis quand je suis éventuel,
01:05:13c'est surtout la réparation.
01:05:14Et donc,
01:05:15les premières réactions
01:05:17étaient des compreintes
01:05:18matérielles et financières.
01:05:19C'est surtout ça.
01:05:20Et aussi,
01:05:21la peur de se retrouver
01:05:22dans une ville
01:05:23qui est Chambéry,
01:05:25isolée,
01:05:27seule,
01:05:27et dépourvue
01:05:28de tous moyens,
01:05:29de communication,
01:05:30et de devoir
01:05:31se débrouiller
01:05:32tout seul là-bas
01:05:33à la session d'assises.
01:05:36Début du procès
01:05:3619 juin 2000
01:05:38devant la cour d'assises
01:05:39de Chambéry.
01:05:40Pour s'y rendre,
01:05:41les familles
01:05:41n'ont rien eu à payer.
01:05:43Transport et hébergement
01:05:44ont été pris en charge
01:05:45par les associations.
01:05:47Le procès doit durer
01:05:48cinq jours.
01:05:49Cinq jours qui s'annoncent
01:05:50d'emblée comme une épreuve
01:05:51douloureuse
01:05:52pour toutes les parties civiles.
01:05:57C'est pas une autre question.
01:06:00C'est très difficile
01:06:09aujourd'hui
01:06:10pour les parents,
01:06:11pour les enfants,
01:06:12de devoir d'être en face
01:06:13de M. Gass.
01:06:15C'est vrai que ce matin,
01:06:16les parents,
01:06:17les enfants
01:06:18ont dû sortir,
01:06:19être accompagnés.
01:06:20C'était très dur.
01:06:21Chez la maman du divine,
01:06:22c'est quelque chose
01:06:22d'épouvantable.
01:06:24Vous savez,
01:06:24revoir le meurtrier
01:06:25de sa fille,
01:06:26c'est quelque chose
01:06:27d'insoutenable.
01:06:28C'est très dur
01:06:28de participer
01:06:29à un procès
01:06:30parce qu'on réentend
01:06:32tout ce que les enfants
01:06:33ont vécu là-bas
01:06:34dans les moindres détails.
01:06:35Et c'est horrible
01:06:36à entendre
01:06:38et...
01:06:39on s'imagine pas
01:06:42non plus.
01:06:43Je ne me suis jamais imaginé
01:06:44ce que
01:06:45toutes les petites filles
01:06:46ont subi,
01:06:48y compris
01:06:49la petite Ludivine.
01:06:49Au procès,
01:06:54on apprend
01:06:54que Laurent Gasse
01:06:55savait
01:06:56qu'il était dangereux.
01:06:57Il savait
01:06:57qu'il pouvait tuer.
01:06:59Quelques mois
01:06:59avant le crime,
01:07:00il avait rédigé
01:07:01une lettre,
01:07:02jamais envoyée.
01:07:03Personne ne l'a lue.
01:07:04Mais durant le procès,
01:07:05les avocats
01:07:06en citent
01:07:06des extraits.
01:07:07En fait,
01:07:08mon problème,
01:07:09si c'est vraiment
01:07:10un problème,
01:07:11je le crois,
01:07:12c'est que je suis
01:07:12très attiré
01:07:13aujourd'hui
01:07:13par les enfants.
01:07:14Pourquoi ?
01:07:15Je ne sais pas.
01:07:16Mais en tout cas,
01:07:17cela me fait
01:07:17énormément souffrir.
01:07:19Bref,
01:07:19je suis en train
01:07:20de péter les plombs,
01:07:21je vais péter les plombs.
01:07:23Laurent Gasse
01:07:24termine cette lettre
01:07:25en indiquant
01:07:25je deviens fou,
01:07:26je perds la tête,
01:07:27je vais faire
01:07:28une connerie.
01:07:29Au secours !
01:07:31Je crois que
01:07:32ce dossier,
01:07:33cette affaire
01:07:33n'aurait pas été
01:07:34cette affaire
01:07:34si quelqu'un
01:07:35avait pu entendre
01:07:36ou puissait exactement
01:07:37lire cette lettre.
01:07:40Cette lettre
01:07:41va faire son effet.
01:07:43Lors de son réquisitoire,
01:07:44René Ternoy,
01:07:45l'avocat général,
01:07:46dit
01:07:46je vais le dire tout bas,
01:07:48il y a pire.
01:07:50Il n'y a pas de viol,
01:07:51pas de torture,
01:07:52pas d'acte de barbarie.
01:07:54Et il ne demande pas
01:07:55la perpétuité.
01:07:58Le procès
01:07:59est un moment fort,
01:08:01effectivement,
01:08:02dans la solution
01:08:04qui peut être donnée
01:08:05à un dossier.
01:08:05non seulement
01:08:06parce que
01:08:07c'est un moment
01:08:08qui appartient
01:08:08à l'accusé
01:08:09et qu'il doit recevoir
01:08:11sa rétribution,
01:08:12c'est-à-dire
01:08:12la sanction pénale,
01:08:13mais aussi
01:08:14parce que
01:08:15les victimes
01:08:15étaient là,
01:08:16toutes réunies,
01:08:18pour voir
01:08:19le visage
01:08:19de cet assassin
01:08:20qu'il ne connaissait pas,
01:08:22pour voir également
01:08:23cet homme
01:08:25exprimer
01:08:26peut-être
01:08:26tout simplement
01:08:27des remords,
01:08:28des regrets sincères,
01:08:29ce que
01:08:30Laurent Gaste
01:08:30n'a pas manqué
01:08:31de faire
01:08:31et peut-être
01:08:32pour faire le deuil
01:08:33selon l'expression
01:08:34consacrée du drame
01:08:36qui, à un moment donné,
01:08:38les a heurtés.
01:08:41À l'issue du procès,
01:08:43verdict,
01:08:44Laurent Gaste
01:08:44est condamné
01:08:45à 30 ans
01:08:45de réclusion criminelle,
01:08:47sans peine de sûreté.
01:08:48C'était important
01:08:49pour toi
01:08:50d'aller au procès ?
01:08:51Ouais,
01:08:52quand même.
01:08:53Au début,
01:08:53je ne savais pas trop,
01:08:55puis après,
01:08:55j'ai dit oui,
01:08:56donc on y a été.
01:08:58Puis ça m'a soulagée,
01:08:59en fait.
01:08:59Pourquoi ?
01:09:01Bah,
01:09:01le fait
01:09:02de parler
01:09:03avec la mère,
01:09:05à Louis Divine,
01:09:07elle m'a dit
01:09:08comme quoi
01:09:08ce n'était pas
01:09:08de ma faute
01:09:09ni rien,
01:09:09même avec
01:09:09M. Dambrine.
01:09:11Puis du coup,
01:09:12ça a été mieux.
01:09:13Je me suis sentie
01:09:15encore mieux qu'avant.
01:09:16La plupart des criminels sexuels
01:09:33ont lancé des SOS
01:09:34avant de passer à l'acte.
01:09:36Ils ont donné
01:09:36des signes
01:09:37de leur faiblesse.
01:09:38Notre société
01:09:39n'a pas su les entendre.
01:09:41Une prise en charge
01:09:41thérapeutique
01:09:42aurait-elle permis
01:09:43de les arrêter à temps ?
01:09:45Les psychiatres disent
01:09:45que la sexualité
01:09:47se venge
01:09:47quand elle n'est pas lucide.
01:09:49Musique
01:09:50...